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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3958/2015

ATAS/246/2016 du 24.03.2016 ( PC ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3958/2015 ATAS/246/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 mars 2016

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au LIGNON, représenté par Monsieur CARITAS GENEVE M. B______

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1976, domicilié dans le canton de Genève, est depuis plusieurs années au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité et de prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) et cantonales (ci-après : PCC). Il exerce une activité à plein temps dans un atelier protégé, à la Fondation G______, entreprise Sociale Privée d’Intégration et de Réinsertion Professionnelle, du lundi au jeudi de 7h00 à 16h30 et le vendredi de 7h00 à 14h45 (avec une pause de 40 minutes à midi).

2.        Le 24 avril 2015, l’assuré s’est marié avec Madame A______ née C______ le ______1981, Suissesse, lui ayant donné deux enfants – à savoir D______, né le ______ 2011, et E______, née le ______ 2012 – et mère d’un premier enfant issu d’un précédent mariage, soit F______, née le _______ 2000.

3.        L’épouse de l’assuré, titulaire d’un certificat fédéral de capacité de vendeuse, a été active sur le marché du travail jusqu’à la naissance du premier enfant du couple, D______, au début de l’année 2011. Depuis lors, elle s’occupe de ses enfants, dont la première, F______, est scolarisée au cycle d’orientation (en dernière année en l’année scolaire 2015-2016), et le deuxième, D______, a débuté sa scolarité en septembre 2015.

4.        Par décision du 4 août 2015, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé), ayant procédé à un nouveau calcul du droit de l’assuré aux prestations complémentaires, a établi que ce dernier n’avait droit, dès le 1er mai 2015, plus qu’à des PCC, de CHF 1'343.00 par mois, compte tenu d’un gain potentiel annuel de sa conjointe fixé à CHF 25'485.90, ainsi que de subsides d’assurance-maladie mensuels de CHF 500.00 pour lui-même et son épouse et de CHF 111.00 pour chacun de leurs deux enfants D______ et E______.

5.        Par décision du 29 septembre 2015 – consécutive à un nouveau calcul du droit de l’assuré aux prestations complémentaires, après que le SPC eut obtenu de ce dernier des justificatifs relatifs aux biens immobiliers et aux avoirs bancaires des membres du groupe familial ainsi qu’à la scolarité de F______–, le SPC a établi que, dès le 1er mai 2015, l’assuré n’avait pas non plus droit à des PCC, compte tenu d’un gain potentiel annuel de sa conjointe fixé à CHF 50'467.80. Il avait droit à des subsides d’assurance-maladie mensuels de CHF 500.00 pour lui-même et son épouse et de CHF 111.00 pour chacun de leurs deux enfants D______ et E______. Du 1er mai au 30 septembre 2015, l’assuré avait perçu CHF 6'715.00 de PCC (5 x CHF 1'343.00), qu’il devait restituer au SPC.

6.        Le 16 octobre 2015, l’assuré a formé opposition contre cette décision du 29 septembre 2015. Selon les principes régissant le droit de la famille, fondant la prise en compte d’un éventuel gain potentiel du conjoint, un époux (ou une épouse) ne pouvait être tenu(e) de prendre ou reprendre une activité lucrative à un taux de 50 % avant que le plus jeune des enfants dont il (ou elle) avait la garde n’ait atteint l’âge de dix ans révolus, et de 100 % avant qu’il (ou elle) n’ait atteint l’âge de seize ans révolus. Le gain hypothétique de CHF 50'467.80 que le SPC avait retenu pour l’épouse de l’assuré correspondait à une activité lucrative à plein temps ; or, ses enfants, à l’entretien desquels elle se consacrait (en plus du ménage), avaient respectivement 15, 4 et 3 ans ; son mari (l’assuré) ne pouvait s’en charger, étant occupé à plein temps au sein d’un atelier protégé. En matière de prestations complémentaires, s’il était admissible sur le plan du principe, un gain potentiel du conjoint devait être déterminé, quant à son existence et son étendue, en fonction de la situation particulière de chaque cas, en se référant aux principes applicables en droit de la famille. Il ne pouvait être exigé de l’épouse de l’assuré qu’elle exerce une activité lucrative, même à temps partiel.

7.        Par décision du 28 octobre 2015, le SPC a rejeté cette opposition et confirmé la prise en compte d’un gain potentiel de l’épouse de l’assuré pour une activité lucrative à plein temps. L’épouse de l’assuré, qui était jeune et disposait d’une pleine capacité de travail et de gain, et avait accès au marché du travail, était tenue, en tant qu’épouse d’un invalide, d’exercer une activité lucrative à plein temps ; c’était là un effort de volonté raisonnablement exigible de sa part. La renonciation à mettre en œuvre sa capacité de gain résultait d’un choix du couple, dont les conséquences n’avaient pas à être portées par la collectivité publique, à savoir les contribuables. L’épouse de l’assuré s’était ainsi dessaisie d’une source de revenu. Le montant de CHF 50'467.80 avait été évalué sur la base de l’Enquête suisse des salaires pour une activité simple et répétitive exercée à temps complet, pour l’année 2015.

8.        Par acte du 12 novembre 2015, l’assuré a recouru contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause au SPC pour prise d’une nouvelle décision ne tenant compte d’aucun gain potentiel pour son épouse. Il a repris les mêmes motifs que ceux qu’il avait avancés à l’appui de son opposition précitée, en relevant que le SPC n’avait pas analysé les circonstances propres à sa situation, pourtant invoquées dans ladite opposition, et qu’une jurisprudence de la chambre des assurances sociales citée par le SPC concernait une situation notablement différente de la sienne.

9.        Le 10 décembre 2015, le SPC a conclu au rejet du recours. La situation prévalant dès mai 2015 consécutivement au mariage de l’assuré faisait que ce dernier n’avait droit, pour lui et sa famille, plus qu’aux subsides d’assurance-maladie et que des PCC lui avaient été versées à tort de mai à septembre 2015, pour un montant de CHF 6'715.00, qu’il devait restituer. Il pouvait être attendu de l’épouse de l’assuré qu’elle exerce une activité lucrative à plein temps, en tant que femme jeune, disposant d’une pleine capacité de gain, titulaire d’un CFC de vendeuse, ayant accès au marché du travail, n’ayant pas vainement cherché du travail, ne souffrant pas de problèmes de santé et épouse d’un invalide.

10.    Dans des observations du 12 janvier 2016, l’assuré a indiqué n’avoir pas de remarques particulières à formuler au sujet de la détermination du SPC dans la mesure où ce dernier n’avait nullement répondu aux arguments soulevés dans le recours et s’était contenté de répéter le contenu de la décision attaquée.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives respectivement à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25), comme le rappelle l’art. 134 al. 3 let. a LOJ. La chambre de céans est donc compétente pour connaître du présent recours, la décision attaquée étant une décision rendue sur opposition en application de la LPC, qui régit les prestations complémentaires fédérales, ainsi que la LPCC, qui traite des prestations complémentaires cantonales.

Le présent recours a été déposé en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 9 LPFC ; art. 43 LPCC). Il satisfait aux exigences de forme et de contenu prévues par les art. 61 let. b LPGA et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) L’assuré a qualité pour recourir (art. 59 LPGA ; art. 60 al. 1 let. a et b et art. 89A LPA).

Le présent recours sera donc déclaré recevable.

2.        a. Les personnes qui - comme le recourant - ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu'elles remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 LPC, en particulier ont droit à certaines prestations d'assurances sociales, dont une rente de l'assurance-invalidité (art. 4 al. 1 let. c LPC). Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC).

Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Pour des couples, les dépenses reconnues et les revenus déterminants des conjoints sont additionnés (art. 9 al. 2 LPC, visant encore d'autres hypothèses, ici non pertinentes).

b. Selon l'art. 10 al. 1 let. a ch. 1 LPC (dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2015 [RO 2014 3341]), les dépenses reconnues de personnes vivant à domicile englobent les montants destinés à la couverture des besoins vitaux, soit, par année, CHF 19'290.- pour les personnes seules et CHF 28'935.- pour les couples.

Quant à eux, les revenus déterminants comprennent notamment deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l'exercice d'une activité lucrative, pour autant qu'elles excèdent annuellement CHF 1’000.- pour les personnes seules et CHF 1'500.- notamment pour les couples, ainsi que les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. a et g LPC).

Les dépenses et revenus des conjoints étant additionnés (cf. ci-dessus consid. 2a in fine), il y a un tel dessaisissement lorsque le conjoint d'une personne assurée s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en vertu de l'art. 163 du code civil (CC ; RS 210) sur le devoir des époux de contribuer, chacun selon ses facultés, à l’entretien convenable de la famille, de même que de l’art. 159 al. 3 CC sur le devoir d’assistance que se doivent les époux (ATF 134 V 53 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_258/2008 du 12 décembre 2008 consid. 4). En vertu du devoir de solidarité qu'énoncent ces dispositions, les conjoints sont responsables l'un envers l'autre non seulement des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage peut avoir sur la capacité de gain de l'un des époux, mais également des autres motifs qui empêcheraient l'un ou l'autre de pourvoir lui-même à son entretien (arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2010 du 3 septembre 2010 consid. 4.1 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 132 ss ad art. 11).

Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge d'examiner si l'on peut exiger d'un conjoint d'un assuré qu'il exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté, compte tenu des circonstances du cas d'espèce, en appliquant à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce (ATF 117 V 287 consid. 3c). Les critères décisifs ont trait notamment à l’âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle a été éloignée de la vie professionnelle (ATF 1117 V 287 consid. 3a, et les références citées). D’autres circonstances peuvent aussi entrer en considération, comme une nécessité importante et dûment prouvée de prodiguer des soins à des membres de la famille (arrêt P 40/03 du 9 février 2005 consid. 4.2), ainsi que la présence de jeunes enfants (cf. ci-dessous consid. 5).

Suivant les circonstances, un temps d’adaptation approprié et réaliste doit être accordé au conjoint de l’assuré, pour lui permettre de s’adapter à la nouvelle situation et reprendre ou étendre une activité lucrative, et ce aussi bien lorsque des prestations complémentaires sont en cours que lors d’une demande initiale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2013 du 29 septembre 2014 consid. 5.1 et 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 49/04 du 6 février 2006 consid. 4.1).

c. Le Conseil fédéral a reçu la compétence d’édicter des dispositions sur le calcul et le montant de la prestation complémentaire annuelle, en particulier sur l’addition des dépenses reconnues et des revenus déterminants de membres d’une même famille et sur l'évaluation des revenus déterminants, des dépenses reconnues et de la fortune (art. 9 al. 5 let. a et b LPC). Il en a fait usage en intégrant plusieurs dispositions à ce propos dans son ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI – RS 831.301).

3.        a. Sur le plan cantonal, le versement de PCC garantit que notamment les personnes âgées et les invalides disposent d'un revenu minimum cantonal d’aide sociale (art. 1 LPCC). Les bénéficiaires (notamment) de rentes de vieillesse ou d'invalidité ayant leur domicile et leur résidence habituelle dans le canton de Genève ont droit aux PCC si leur revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

Le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti s'élève, dès le 1er janvier 2015, à CHF 25'661.- s’il s’agit d’une personne célibataire, veuve, divorcée, dont le partenariat enregistré a été dissous, ou qui vit séparée de son conjoint ou de son partenaire enregistré, et de CHF 38'492.- s’il s’agit d’un couple, dont l’un des conjoints ou des partenaires enregistrés a atteint l’âge de la retraite (cf. art. 3 al. 1 let. a et b RPCC-AVS/AI, indexant les montants prévus par l'art. 3 al. 1 et 2 let. a LPCC).

b. Selon l’art. 5 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la LPC et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations. À teneur de l'art. 6 LPCC, les dépenses reconnues sont celles énumérées par la LPC et ses dispositions d'exécution, à l'exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'art. 3 LPCC. En cas de silence de la LPCC, les PCC sont régies par la LPC et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d'exécution (art. 1A al. 1 LPCC).

4.        En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant est marié depuis le 24 avril 2015 avec une femme née le 30 mai 1981 (donc de 34 ans en 2015), disposant d’une pleine capacité de gain, titulaire d’un CFC de vendeuse, ayant accès au marché du travail, n’ayant pas vainement cherché du travail et ne souffrant pas de problèmes de santé. En tant que telle, l’épouse du recourant se trouve ainsi en principe en situation et en devoir, au regard de l’art. 11 al. 1 let. g LPC, d’exercer une activité lucrative à plein temps, sauf à devoir faire assumer par son mari, comme d’ailleurs par elle-même et leurs enfants, les conséquences d’une renonciation à une source de revenu, par le biais de la prise en compte, pour le calcul du droit à des prestations complémentaires, d’un gain hypothétique correspondant à un revenu que, raisonnablement, elle pourrait réaliser.

Le recourant n’allègue par ailleurs pas devoir impérativement pouvoir compter sur son épouse pour recevoir, eu égard à son invalidité, des soins de la part de cette dernière, au point que celle-ci ne pourrait exercer parallèlement une activité lucrative.

Le montant du gain potentiel retenu par l’intimé n’est pas non plus litigieux.

La contestation porte uniquement sur l’obstacle légitime à l’exercice d’une activité lucrative, même à temps partiel, que représenterait le fait que l’épouse du recourant s’occupe de ses trois enfants, en particulier des deux plus jeunes, ayant eu respectivement, en 2015, quatre et trois ans, étant précisé d’une part que l’aînée, F______, âgée de quinze ans, est scolarisée en dernière année du cycle d’orientation et le second enfant, D______, de quatre ans, est scolarisé depuis septembre 2015, et d’autre part que le recourant n’est pas en mesure de s’occuper de ces enfants, en particulier des deux jeunes, du fait de l’activité qu’il exerce à plein temps en atelier protégé.

5.        a. Il est en règle générale admis, en droit de la famille, qu’un époux (ou une épouse) ne peut être tenu(e) de prendre ou reprendre une activité lucrative à un taux de 50 % avant que le plus jeune des enfants dont il (ou elle) a la garde n’a atteint l’âge de dix ans révolus, et de 100 % avant qu’il (ou elle) n’a atteint l’âge de seize ans révolus ((ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2 ; 115 II 6 consid. 3c). Les lignes directrices qu’avalise cette jurisprudence doivent cependant, à teneur même de la jurisprudence, être appliquées de façon nuancée, en tenant compte des circonstances du cas d’espèce. Le juge dispose en la matière d’un large pouvoir d’appréciation (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2 in fine ; 134 III 577 consid. 4).

b. Le Tribunal fédéral s’est cependant lui-même montré plus restrictif pour la prise en compte d’un gain potentiel pour le calcul du droit aux prestations complémentaires. Ainsi que l’indique Michel VALTERIO (op. cit., n. 139 ad art. 11, p. 190), le Tribunal fédéral a jugé que l’on pouvait exiger d’une épouse atteinte de fibromyalgie et âgée de 39 ans qu’elle consacre une activité lucrative au moins à mi-temps et ceci, même si elle avait trois enfants à charge et n’avait pratiquement jamais travaillé depuis son arrivée en Suisse, dans la mesure où elle devait pouvoir compter sur l’aide de l’assuré dans l’accomplissement des tâches éducatives et ménagères (arrêt 8C_470/2008 du 29 janvier 2009 consid. 5). Le Tribunal fédéral a retenu qu’une activité lucrative à 50 % pouvait être attendue d’une mère d’enfants de 12, 14 et 16 ans, d’autant plus qu’il pouvait être exigé de son mari au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité qu’il s’occupe des enfants durant ce laps de temps (arrêt 9C_916/2011 du 3 février 2012). Il a également estimé qu’une activité à temps complet pouvait être attendue d’une femme de 41 ans qui avait cessé de travailler à temps partiel pour s’occuper de sa fille, âgée de 5 ans au moment déterminant (arrêt 8C_618/2007 du 20 juin 2008 consid. 4, où le Tribunal fédéral dit aussi qu’il y a lieu de déduire du revenu hypothétique les frais de garde des enfants selon les normes de l’impôt cantonal direct, selon le ch. 3421.04 des Directives de lOffice fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI - DPC), de même d’une mère d’un enfant de 10 ans en bonne santé et scolarisé à proximité du domicile de sorte qu’il n’était pas indispensable qu’elle ne travaille qu’à mi-temps (arrêt 9C_724/2013 du 23 janvier 2014 consid. 4).

c. Dans un arrêt du 11 novembre 2014 (ATAS/1157/2014 consid. 5b), la chambre de céans a jugé qu’il pouvait être attendu de l’épouse d’un assuré, alors âgée de près de 35 ans, disposant d’une pleine capacité de travail, en bonne santé, ayant accès au marché du travail, épouse d’un invalide à 100 % et mère d’un enfant alors âgé de 3 ans, qu’elle mette pleinement en œuvre sa capacité de travail, en cherchant un emploi à plein temps plutôt qu’en se contentant de son emploi à mi-temps. Le cas d’espèce présentait toutefois la double particularité que ladite épouse consacrait son demi temps disponible à suivre une formation et que son époux, quoique invalide à 100 %, était pleinement disponible et en mesure de s’occuper de l’enfant en question (et même d’un premier enfant issu de son premier mariage).

Dans un arrêt du 21 octobre 2014 (ATAS/1100/2014 consid. 10), la chambre de céans a estimé qu’aucun gain potentiel de l’épouse ne pouvait être pris en compte pour le calcul du droit de son mari aux prestations complémentaires, dès lors que ladite épouse devait s’occuper de trois enfants non encore scolarisés (en plus de deux enfants scolarisés depuis un à deux ans), ne pouvait compter sur la participation de son mari aux tâches ménagères et éducatives du fait de son état de santé, et qu’elle-même ne bénéficiait d’aucune instruction de base, parlait mal le français et n’était que titulaire d’un permis F. Elle a néanmoins précisé ne pas voir pourquoi ladite assurée, encore jeune et en bonne santé, serait empêchée de prendre un emploi à mi-temps dès que le plus jeune de ses enfants à charge serait scolarisé.

Dans un arrêt du 16 juin 2004 (ATAS/468/2004 consid. 5), le Tribunal cantonal des assurances sociales a retenu que l’épouse d’un assuré, encore jeune (37 ans), disposant d’une bonne instruction de base, parlant relativement bien le français, dont l’époux au bénéfice d’une rente entière d’invalidité était occupé à la Fondation PRO au maximum de ses possibilités (soit à 50 %) et ne pouvait, du fait de sa fatigue au retour de ce travail, l’aider dans les tâches ménagères et éducatives, pouvait prendre un emploi à mi-temps seulement – respectivement devait se voir opposer la prise en compte d’un gain potentiel correspondant – dès lors que les trois premiers enfants du couple (âgés de 12 à 14 ans) étaient scolarisés tant que le quatrième enfant, alors âgé de un et demi, ne le serait pas.

6.        En l’espèce, si les conditions de vie personnelles de l’épouse du recourant (âge, santé, formation, accès au travail) font que, normalement, elle devrait travailler, même en principe à plein temps, afin que son époux, elle-même et leurs enfants ne soient pas tributaires de prestations complémentaires, il appert qu’en 2015, lorsque l’intimé a statué, elle s’occupait seule de ses trois enfants, dont deux étaient et sont encore très jeunes (ils avaient alors respectivement 4 et 3 ans), n’étaient pas encore scolarisés, y compris le premier d’entre eux deux pour la période rétroactive visée par la décision attaquée (soit de mai à août 2015 inclusivement). Le second de ces deux enfants n’est toujours pas scolarisé et ne le sera a priori pas avant septembre 2016. De plus, le recourant n’a pas la disponibilité ni a priori un état de santé lui permettant de prendre le relais de son épouse pour les tâches éducatives et ménagères assumées par cette dernière, et il n’apparaît pas – le contraire n’est d’ailleurs pas même allégué, ni a fortiori rendu vraisemblable – qu’il se justifierait d’attendre de lui qu’il n’aille plus travailler en atelier protégé.

Dans ces conditions – sauf circonstances particulières non invoquées ni ne ressortant du dossier –, il n’y avait pas lieu d’exiger de l’épouse du recourant qu’elle exerce une activité lucrative, même à temps partiel, plutôt qu’elle ne se consacre prioritairement à ses tâches éducatives et ménagères. Cette conclusion valait pour l’année 2015, non seulement jusqu’à la fin août (autrement dit jusqu’à la scolarisation de l’aîné des deux enfants communs du couple), mais aussi ultérieurement, eu égard au fait que le cadet n’était (et n’est toujours) pas scolarisé.

Il n’appartient pas à la chambre de céans de se prononcer pour l’avenir dans le cadre de la présente cause – en particulier de dire si et le cas échéant à partir de quand, à défaut d’activité lucrative exercée à temps partiel par l’épouse du recourant, un gain potentiel correspondant au revenu que lui procurerait un emploi à mi-temps devrait être pris en compte pour le calcul du droit du recourant aux prestations complémentaires –, dans la mesure où, premièrement, la décision attaquée ne porte pas ratione temporis sur cet objet et où, deuxièmement, la réponse à cette question doit être donnée au regard de toutes les circonstances du cas d’espèce et nécessiterait donc une actualisation des données pertinentes.

7.        Il importe en revanche d’ajouter que la décision attaquée se heurte aussi à l’absence de fixation à l’épouse du recourant d’un temps d’adaptation approprié et réaliste pour trouver un emploi. Sauf circonstances non invoquées ni ne ressortant du dossier (comme le fait, pour le recourant, d’avoir tu son changement d’état civil, propre à modifier les bases de calcul des prestations complémentaires), il n’était pas admissible, le 28 octobre 2015 (ni même d’ailleurs aux 29 septembre et 4 août 2015), de prendre en compte un gain potentiel de l’épouse du recourant sans avoir imparti un tel délai, donc a fortiori avec effet rétroactif au 1er mai 2015. Eu égard à l’issue donnée au recours, il n’est pas nécessaire de dire la durée qu’aurait dû avoir un temps d’adaptation.

8.        a. La décision attaquée est donc mal fondée. Aussi le recours sera-t-il admis et la décision attaquée annulée (ce qui ne fait pas revivre la décision du 29 octobre 2015, à laquelle la décision attaquée s’était substituée, pas davantage que celle du 4 août 2015).

b. La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA ; art. 89 al. 1 LPA).

c. Obtenant gain de cause, le recourant a droit à une indemnité de procédure (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), qui sera arrêtée en l’espèce à CHF 1’000.00 et mise à la charge de l’intimé.

* * * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 29 septembre 2015 du service des prestations complémentaires.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.00, à la charge du service des prestations complémentaires.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 – LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (articles 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires cantonales. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie SCHNEWLIN

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le