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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3546/2017

ATAS/415/2018 du 15.05.2018 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3546/2017 ATAS/415/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 mai 2018

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CAROUGE, représenté par le Service des affaires sociales de la Ville de Carouge

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), né le ______ 1982, de nationalité colombienne, s’est installé en novembre 2002 en Suisse, dans le canton de Genève, sans y requérir d’autorisation de séjour et en y exerçant des activités professionnelles sans permis de travail, notamment comme nettoyeur et assistant de sinistres, mais en cotisant aux assurances sociales suisses.

2.        Le 18 décembre 2006, l’intéressé a été victime d’un accident sur son lieu de travail, à la suite duquel il finira par bénéficier de prestations de la SUVA (en particulier, à teneur d’une décision du 19 août 2016, d’une rente d’invalidité fondée sur une diminution de la capacité de gain de 55 %, avec effet au 1er septembre 2015) ainsi que d’une demi-rente de l’assurance-invalidité (selon une décision du 8 juillet 2016, avec effet au 1er juillet 2012).

3.        Dans l’intervalle, le 28 mai 2008, l’intéressé a déposé une demande d’autorisation de séjour, dont l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) a attesté à plusieurs reprises qu’elle était à l’examen, notamment les 28 mai 2008, 16 mars 2012, 18 octobre 2012, 9 février 2015 et 30 mai 2017. L’intéressé est par ailleurs devenu père d’une fille, née à Genève le ______ 2010, B______ C______, et il s’est marié, à Carouge (GE), le ______ 2014, avec Madame D______ C______, également Colombienne, née le ______ 1976, installée en Suisse sans autorisation depuis 2003, travaillant dans l’économie domestique.

4.        L’intéressé travaille depuis le 1er mars 2017 en atelier protégé auprès de l’entreprise sociale PRO.

5.        Le 30 mai 2017, avec l’assistance du service des affaires juridiques de la Ville de Carouge, sa commune de domicile, l’intéressé a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC).

6.        Par décision du 9 juin 2017, le SPC a refusé sa demande de prestations complémentaires pour le motif qu’il ne remplissait pas la condition légale d’être domicilié en Suisse et d’y résider effectivement.

7.        L’intéressé, représenté par le service précité de la Ville de Carouge, a formé opposition à l’encontre de cette décision en date du 16 juin 2017. Il avait été reconnu invalide à 50 % et travaillait en atelier protégé ; il vivait depuis plus de dix ans à Genève (recte : dans le canton de Genève), où il avait sa résidence effective. Dans un ancien arrêt (ATAS/1147/2010 du 10 novembre 2010), le Tribunal cantonal des assurances sociales avait jugé, dans une situation analogue, que l’absence de titre de séjour valable ne faisait pas obstacle à la constitution d’un domicile en Suisse dans le domaine des assurances sociales, y compris celui des prestations complémentaires. Son cas devait être traité de façon analogue.

8.        Par décision sur opposition du 11 juillet 2017, le SPC a rejeté l’opposition de l’intéressé et confirmé sa décision initiale. Selon le Tribunal fédéral (arrêt 9C_423/2013 du 26 août 2014), seule la présence effective et conforme au droit valait résidence habituelle en Suisse ; les périodes au cours desquelles une personne avait séjourné illégalement en Suisse n’étaient pas prises en compte dans la détermination de la durée de séjour. L’intéressé n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour valable ; il ne remplissait pas les conditions légales prévues pour les prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) et cantonales (ci-après : PCC).

9.        Par acte du 25 août 2017, posté le 28 août 2017, l’intéressé a recouru contre cette décision sur opposition par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS). La condition de domicile et de résidence effective que posait la législation sur les prestations complémentaires devait être comprise dans le sens – qu’utilisait selon lui le Tribunal fédéral pour le droit aux prestations des assurances sociales – qu’une personne la remplissait lorsqu’elle faisait d’un lieu donné, objectivement et subjectivement, le lieu de son séjour effectif durant une certaine durée, avec la volonté, reconnaissable aux yeux de tiers, d’y rester de façon durable (ATF 133 V 309 consid. 3.1 p. 312). La délivrance d’une autorisation de séjour ou d’établissement par les autorités de police des étrangers n’était pas un critère décisif pour déterminer si une personne s’était valablement constituée un domicile au sens du droit civil (ATF 125 III 100 consid. 3 p. 101 s.), ce que confirmait un arrêt du Tribunal fédéral 9C_914/2008 du 31 août 2010 consid. 5 et 6. Le fait que l’OCP ne s’était pas encore déterminé de manière définitive sur la demande de permis pour cas de rigueur formée par l’intéressé ne permettait pas de considérer que celui-ci et sa famille ne remplissaient pas la condition de domicile et de résidence effective précitée. L’intéressé remplissait depuis au moins janvier 2017 la condition du délai de carence de dix ans imposée aux ressortissants étrangers extracommunautaires pour l’obtention des PCF et des PCC.

10.    Le 21 septembre 2017, le SPC a conclu au rejet du recours. L’intéressé n’invoquait pas d’argument susceptible de lui faire apprécier le cas différemment. L’arrêt 9C_914/2008 du 31 août 2010 que citait l’intéressé était antérieur à l’arrêt 9C_423/2013 du 26 août 2014 mentionné dans la décision attaquée, de même que dans un ATAS/770/2016 du 27 septembre 2016.

11.    Dans une écriture du 16 octobre 2017, l’intéressé a répété que l’absence de titre de séjour valable ne faisait pas obstacle à la constitution d’un domicile en Suisse. L’intéressé était arrivé en Suisse en 2002 et avait travaillé jusqu’à son accident sur son lieu de travail en décembre 2016 ; il dépassait donc largement les dix ans du délai de carence. Depuis son accident, il avait subi plusieurs interventions chirurgicales et avait été longuement hospitalisé aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), à la Clinique romande de réadaptation (CRR) et à la Clinique Cécile. Depuis son accident le 16 décembre 2006, sa présence à Genève était motivée par des soins, des traitements médicaux ; c’était cette date qu’il fallait prendre en compte comme début du délai de carence de dix ans, son séjour depuis cette date devant être considéré comme licite, la tolérance de son séjour en Suisse devant être interprétée comme l’octroi d’une autorisation provisoire d’y séjourner en vertu du principe de la bonne foi. L’intéressé n’était pas responsable de la longueur de la procédure menée auprès de l’OCP, ni qu’aucun permis pour cas de rigueur en lui ait encore été délivré. Il n’avait à aucun moment reçu l’ordre de quitter la Suisse.

12.    Le 14 novembre 2017, le SPC s’est référé à un arrêt de principe (ATAS/748/2017 du 31 août 2017) par lequel la CJCAS a, conformément à une jurisprudence fédérale constante en matière de prestations complémentaires, jugé que, sauf si le principe de la bonne foi commandait le contraire, il ne fallait prendre en compte que les périodes de séjour dûment autorisé pour vérifier si les ressortissants étrangers requérant des prestations complémentaires remplissaient la condition d’une résidence habituelle en Suisse durant le nombre d’années exigé lors du dépôt de la demande desdites prestations. L’intéressé, arrivé en Suisse en 2002 sans autorisation de séjour, s’y trouvait depuis pas moins de quinze ans sans jamais avoir été mis au bénéfice d’une telle autorisation ; il ne se trouvait pas dans la situation d’un ressortissant étranger dont l’autorisation de séjour aurait été révoquée mais dont il poursuivrait le renouvellement par le biais d’un recours. Le SPC persistait à conclure au rejet du recours.

13.    Le 21 novembre 2017, l’intéressé a déclaré maintenir sa position et être dans l’attente de l’arrêt de la CJCAS.

14.    La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales, du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, la décision attaquée étant une décision rendue sur opposition en application de la LPC et de la LPCC.

Le recours a été formé en temps utiles, compte tenu de la suspension du délai de recours du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b et 60 LPGA).

Il satisfait aux exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

L’intéressé a qualité pour recourir, étant touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (art. 59 LPGA).

Le recours est donc recevable.

2.        Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations complémentaires (fédérales et cantonales), et plus particulièrement sur le point de savoir si la condition de la durée de résidence en Suisse ininterrompue de dix ans précédant la date du dépôt de sa demande de prestations est réalisée, en dépit du fait qu’il n’est pas et n’a jamais été au bénéfice d’une autorisation de séjour valable.

Cette question doit être tranchée au regard du droit interne, exposé ci-après, dès lors que le recourant est ressortissant colombien, soit d’un pays non membre de l’Union européenne (ci-après : UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE). L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) n’est donc pas applicable, ni d’ailleurs une autre convention internationale (ATF 139 V 335 ; ATAS/399/2017 du 23 mai 2017 consid. 6b). Le recourant n’est en outre ni réfugié ni apatride.

3.        a. Selon l’art. 2 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux (al. 1). Les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la présente loi et fixer les conditions d’octroi de ces prestations (al. 2).

b. D’après l’art. 4 al. 1 LPC, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors que, notamment, elles ont droit à certaines prestations d'assurances sociales, dont une rente de l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) ou de l’assurance-invalidité (ci-après : AI ; art. 4 al. 1 let. a et c LPC).

Sur le plan cantonal, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève ont droit aux PCC à la condition, notamment, d’être au bénéfice de certaines prestations d'assurances sociales, dont une rente de l'assurance-vieillesse et survivants ou d’invalidité (art. 2 al. 1 let. a et b LPCC).

Ainsi, le droit aux PCF et aux PCC suppose notamment que le bénéficiaire ait, cumulativement, son domicile et sa résidence habituelle respectivement en Suisse et dans le canton de Genève. Lesdites prestations ne sont pas exportables (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI [ci-après : Commentaire LPC], 2015, n. 15 ad art. 4).

c. Selon l’art. 13 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), et une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée. Cette disposition s’applique en matière de PCF, du fait du renvoi qu’opère la LPC à la LPGA de façon générale comme sur cette question spécifique (art. 1 et 4 al. 1 LPC), mais aussi en matière de PCC, en raison du silence de la LPCC sur le sujet, appelant l’application de la LPGA (art. 1A al. 1 LPCC), ainsi que de motifs de sécurité juridique et d’harmonisation des pratiques administratives (ATAS/208/2017 du 14 mars 2017 consid. 9 ; ATAS/1235/2013 du 12 décembre 2013 consid. 5).

4.        a. La LPC et la LPCC prévoient cependant des délais de carence (ou d’attente).

S’agissant des PCF, l’art. 5 al. 1 et 2 LPC, intitulé « Conditions supplémentaires pour les étrangers », prévoit que ces derniers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation, délai de carence ramené à cinq ans pour les réfugiés et apatrides. Sont exceptés les ressortissants étrangers des États de l’UE ou de l’AELE, pour autant qu’ils aient leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse (Michel VALTERIO, Commentaire LPC, n. 1 ss ad art. 5). L’art. 1 let. a de la loi (genevoise) sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité, du 14 octobre 1965 (LPFC - J 4 20), précise, s’agissant des PCF, qu’y ont droit les personnes qui ont leur domicile sur le territoire de la République et canton de Genève, dans la perspective de préciser le canton en charge d’allouer et verser les PCF.

Concernant les PCC, pour les requérants suisses ou ressortissants de l’un des États membres de l’UE ou de l’AELE, l’art. 2 al. 2 LPCC prévoit un délai de carence de cinq ans de domicile et de résidence en Suisse ou sur le territoire d’un État membre de l’UE ou de l’AELE sur les sept années précédant le dépôt de la demande de PCC, et l’art. 2 al. 3 LPCC exige, pour les autres étrangers, les réfugiés et les apatrides, un domicile et une résidence effective dans le canton de Genève, sans interruption, durant les dix années précédant le dépôt de la demande de PCC.

b. Pour la computation du délai de carence prévu par la LPC, la jurisprudence fédérale retient que ne peut compter comme temps de résidence en Suisse, en vertu de l’art. 5 al. 1 et 2 LPC, que le temps durant lequel les étrangers requérant des prestations complémentaires étaient au bénéfice d’un permis de séjour valable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances P 45/99 du 8 février 2000 consid. 4b in medio ; P 42/90 du 8 janvier 1992, cité in ATF 118 V 79 consid. 4b ; ATAS/770/2016 du 27 septembre 2016 consid. 2c ; ATAS/185/2007 du 20 février 2007 consid. 9 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 2 ad art. 5). Les directives de l’office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC) retiennent aussi que seule la présence effective « et conforme au droit » vaut résidence habituelle en Suisse au sens de l’art. 5 al. 1 et 2 LPC (ch. 2320.01 1/15). Dans une version non encore en vigueur issue de la modification du 16 décembre 2016 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr -RS 142.20 ; FF, 2016, p. 8651 ss, 8656), l’actuel art. 5 al. 1 LPC va être complété d’une phr. 1 selon laquelle « les étrangers n’ont droit à des prestations complémentaires que s’ils séjournent de manière légale en Suisse ».

Comme la chambre de céans l’a développé dans un arrêt rendu en plénum (ATAS/748/2017 du 31 août 2017), il s’agit d’une jurisprudence constante, contrairement à ce que certains arrêts de la chambre de céans ont retenu, confondant la question pertinente du droit aux prestations complémentaires avec celles de l’assujettissement à l’AVS/AI et du droit à des prestations de l’AI, qui étaient indépendantes du fait qu’une personne travaillait « au noir » (ATAS/1147/2010 du 10 novembre 2010 ; ATAS/969/2010 du 28 septembre 2010). Cette jurisprudence vaut aussi pour les PCC, compte tenu des motifs qui l’étayent ainsi de la volonté du législateur genevois d’aligner le régime genevois des PCC sur le régime fédéral des PCF (ATAS/748/2017 précité consid. 8).

Ainsi, dans cet arrêt de principe, rendu après un examen approfondi de la jurisprudence et de la doctrine ainsi que des dispositions considérées, mises en perspective, s’agissant des PCC, avec les prestations d’aide sociale prévues par la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), la chambre de céans a jugé que tant pour les PCF que pour les PCC, il ne faut prendre en compte, sauf si le principe de la bonne foi commande le contraire, que les périodes de séjour dûment autorisé pour vérifier si les étrangers requérant de telles prestations remplissent la condition d’une résidence habituelle en Suisse durant le nombre d’années exigé lors du dépôt de la demande desdites prestations.

c. La chambre de céans s’en tient à cette jurisprudence (ATAS/1135/2017 du 12 décembre 2017 consid. 7), qu’aucune raison ne justifie de remettre en question. Il faut en revanche examiner si le principe de la bonne foi commande en l’espèce de tenir pour licite le séjour du recourant depuis l’accident de travail qu’il a eu le 18 décembre 2006 (selon ce que plaide le recourant), ou depuis le dépôt de sa demande d’autorisation de séjour le 28 mai 2008, ou encore depuis une date ultérieure.

5.        Aux termes de l’art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), les organes de l’État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu’ils s’abstiennent d’adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.3 et les arrêts cités). De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l’État, consacré à l’art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 et les arrêts cités). Le principe de la bonne foi protège le citoyen, à certaines conditions, dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, notamment lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration et qu’il a pris sur cette base des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir de préjudice (ATF 139 V 21 consid. 3.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1). L’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part. Le citoyen peut ainsi exiger de l’autorité qu’elle se conforme aux promesses ou assurances qu’elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu’il a légitimement placée dans celles-ci. De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d’un comportement de l’administration susceptible d’éveiller chez l’administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les références citées). Pour cela, les conditions cumulatives suivantes doivent être réunies : 1. il faut que l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées ; 2. qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de sa compétence ; 3. que l’administré n’ait pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu ; 4. qu’il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir un préjudice ; 5. que la loi n’ait pas changé depuis le moment où le renseignement a été donné (ATF 121 V 66 consid. 2a et les références ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, 2018, vol. II, n. 3510 ss).

6.        a. En l’espèce, il n’est en réalité pas litigieux que le recourant était domicilié et résidait effectivement en Suisse, au sens du droit civil, dès avant son accident, survenu le 18 décembre 2006. Il est en revanche patent qu’il ne saurait être considéré comme y résidant au bénéfice d’une autorisation de séjour valable, fût-ce tacitement, du seul fait qu’il a eu cet accident et a dû recevoir des soins et traitements consécutivement à cet accident. Le recourant ne peut d’ailleurs se prévaloir d’aucune promesse ou assurance de recevoir l’autorisation de séjourner en Suisse pour un traitement médical au sens de l’art. 29 LEtr parce qu’il a été accidenté en Suisse ; même la tolérance de son séjour en Suisse, découlant notamment de ses admissions dans des hôpitaux suisses, ne saurait receler un droit d’y résider qui, au surplus, serait pris en compte pour le calcul du délai de carence de dix ans prévu par l’art. 5 al. 1 et 2 LPC en vue de l’obtention de prestations complémentaires à une rente d’invalidité qui lui serait le cas échéant allouée du chef dudit accident (ce qui a été le cas).

C’est en tout état à tort que le recourant retient la date de son accident comme marquant le dies a quo dudit délai de carence de dix ans.

b. Il appert tout autant que le seul dépôt d’une demande d’autorisation de séjour, intervenue en l’espèce le 28 mai 2008, ne saurait constituer le point de départ de ce délai de carence. Si le recourant pouvait depuis lors se prévaloir de l’attestation de l’OCP que sa demande était à l’examen, il ne pouvait aucunement en déduire qu’il séjournait désormais légalement en Suisse, quand bien même aucune décision n’était rendue l’enjoignant de quitter la Suisse et que sa présence y était de facto tolérée. À une telle tolérance ne s’ajoutait aucune promesse ou assurance d’être admis à résider durablement en Suisse, de surcroît avec l’effet qu’il pourrait être le cas échéant bénéficiaire des prestations complémentaires au bout de dix ans et n’aurait donc alors plus le statut de personne étrangère sans autorisation de séjour ayant droit à une aide financière exceptionnelle au sens de la LIASI.

Il s’ensuit qu’à la date à laquelle la décision attaquée a été rendue (à savoir au 11 juillet 2017), le délai de carence de dix ans prévu par l’art. 5 al. 1 et 2 LPC et 2 al. 3 LPCC n’était en tout état pas échu, et que c’est donc à bon droit que l’intimé a rejeté sa demande de prestations complémentaires.

c. L’instruction de la demande de permis de séjour déposée par le recourant auprès de l’OCP dure actuellement depuis quelque dix ans, sans qu’aucune autorisation de séjour n’ait été délivrée au recourant, fût-ce pour cas de rigueur sur accord de la Confédération en application des art. 30 LEtr et 31 de l’Ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Il paraît dès lors douteux que le recourant puisse se prévaloir d’avoir reçu, au fil des ans, une assurance, même tacite, de résider en Suisse, qui rejaillisse au surplus sur son droit le cas échéant à des prestations complémentaires. La question de savoir à partir de quand une tolérance de résider en Suisse pourrait le cas échéant avoir une telle portée en matière de prestations complémentaires peut rester ouverte, car, en tout état, la condition des dix ans du délai de carence ne serait réalisée ni au jour où la décision attaquée a été rendue, ni à ce jour, ni prochainement.

7.        Le recours doit être rejeté.

8.        La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

Vu l’issue donnée au recours, il n’y a pas matière à allouer une indemnité de procédure (art. 61 let. g LPGA).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le