Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/421/2016

ATAS/208/2017 du 14.03.2017 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/421/2016 ATAS/208/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 mars 2017

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A________, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Catarina MONTEIRO SANTOS

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        L’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (OAI) a reconnu à Madame A________ (ci-après l’assurée), née le _______ 1958, d’origine tunisienne, en Suisse depuis le 15 décembre 1995, le droit à un trois-quarts de rente d’invalidité à compter du 19 mai 2007.

2.        Par décision du 30 septembre 2009, le service des prestations complémentaires (ci-après le SPC) l’a mise au bénéfice de prestations complémentaires à compter du 1er décembre 2007.

Il les lui a toutefois supprimées, dès le 1er août 2015, ce par décision du 31 juillet 2015, au motif qu’elle n’avait pas donné suite, ce nonobstant plusieurs rappels, à ses demandes de renseignements.

3.        L’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations complémentaires le 24 septembre 2015. Elle a produit un certificat établi par le docteur B________, psychiatre, à Tunis, le 1er septembre 2015, aux termes duquel :

« Je, soussigné, certifie avoir examiné l’assurée, elle est suivie depuis une longue période pour un trouble dépressif récurrent. Elle présente actuellement une rechute dépressive, son état de santé nécessite un repos-maladie d’un mois à partir du 28 août 2015. Son état ne lui permet pas de se déplacer, de prendre l’avion jusqu’à la fin de sa convalescence. Ce document est délivré à l’intéressée, à sa demande, pour servir et valoir ce que de droit ».

L’assurée a également requis des prestations d’aide sociale.

4.        Par décision du 5 novembre 2015, le SPC a informé l’assurée qu’il refusait d’entrer en matière sur sa demande, au motif que seules les personnes au bénéfice de rentes AVS ou AI peuvent prétendre à l’octroi de prestations complémentaires.

5.        Par décision du 20 novembre 2015, le SPC a en revanche admis le droit de l’assurée à des prestations d’aide sociale à compter du 1er septembre 2015.

6.        Par décision du même jour, le SPC, ayant constaté, sur la base des relevés détaillés du compte postal de l’assurée, qu’elle avait séjourné au moins 200 jours en 2014 et 240 jours en 2015 en Tunisie, lui a réclamé le remboursement de la somme de CHF 36'202.-, représentant les prestations complémentaires versées à tort du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2015, et par décision du 26 novembre 2015, le remboursement des subsides d’assurance-maladie octroyés durant la même période.

7.        L’assurée, par l’intermédiaire de sa mandataire, a formé opposition le 9 décembre 2015 à la décision de refus d’entrer en matière.

8.        Le 11 décembre 2015, le SPC a reconnu à l’assurée le droit à des prestations complémentaires dès le 1er janvier 2016.

9.        Le 5 janvier 2016, le SPC a rejeté l’opposition du 9 décembre 2015. Il a admis que sa motivation était erronée, mais a maintenu son refus, rappelant que l’assurée avait séjourné en Tunisie 240 jours en 2015.

10.    L’assurée, représentée par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, a interjeté recours le 5 février 2016 contre la décision sur opposition.

Elle allègue qu’« aucun élément du dossier en possession du SPC ne permet d’établir formellement qu’elle était effectivement à l’étranger pendant une si longue période ».

Elle produit trois « constats médicaux » du docteur C________, généraliste, datés des 28 septembre 2015, 6 novembre 2015 et 26 janvier 2016, selon lesquels elle souffre d’un état anxio-dépressif depuis 2007, et est suivie par le docteur D________, psychiatre.

11.    Dans sa réponse du 11 mars 2016, le SPC a conclu au rejet du recours. Il rappelle à cet égard que selon les relevés du compte postal de l’assurée, celle-ci a séjourné en Tunisie au moins 200 jours en 2014 et 240 jours du 1er janvier au 30 septembre 2015. Le SPC ajoute que, selon un certificat établi par le Dr B________ le 1er septembre 2015, l’assurée est suivie de longue date à Tunis. Il relève au surplus qu’elle n’a procédé à aucune demande de remboursement de frais médicaux.

12.    Dans sa réplique du 29 avril 2016, l’assurée a déclaré maintenir ses conclusions. Elle soutient qu’en réalité, elle a séjourné en Tunisie 195 jours, du 1er janvier au 31 décembre 2014, et 166 jours, du 1er janvier au 31 juillet 2015, « sur conseil de son médecin, soit moins que les 183 jours admis par la loi et la jurisprudence y relative ».

Elle souligne que dans son certificat du 1er septembre 2015, le Dr B________ indique certes qu’elle est « suivie depuis longue date pour un trouble dépressif récurrent », mais ne dit pas que c’est par lui-même.

S’agissant des frais médicaux, elle allègue n’avoir jamais envoyé de demande de remboursement, même durant les années précédentes.

13.    Dans sa duplique du 26 mai 2016, le SPC a précisé que la période déterminante court du 1er janvier au 24 septembre 2015, date à laquelle l’assurée a déposé sa demande de prestations complémentaires, et non jusqu’au 31 juillet 2015 seulement, et relève que durant cette période, elle était en Tunisie du 1er au 14 janvier 2015 (14 jours), du 11 février au 8 mai 2015 (87 jours) et du 20 mai au 19 septembre 2015 (123 jours), soit au total 224 jours.

Il constate que l’assurée ne précise pas quel autre psychiatre elle aurait consulté et durant quelle période, de sorte qu’il se justifie de présumer que c’est le Dr B________ qui la suit.

Il signale enfin avoir bel et bien reçu pour l’assurée des décomptes d’assurance-maladie, factures et devis relatifs à des frais médicaux, datés notamment des 5 septembre 2012, 3 avril, 11 avril et 11 novembre 2013.

Le SPC a persisté dans sa position.

14.    La chambre de céans a ordonné la comparution personnelle des parties le 4 octobre 2016.

À cette occasion, l’assurée a déclaré que

« Je n’ai pas répondu aux demandes d’informations du SPC, parce que j’oublie beaucoup de choses, parce que je prends des antidépresseurs depuis 2007.

Mon époux est décédé le 17 décembre 2014. Je suis alors partie dans ma famille en Tunisie pour les funérailles. Je suis alors restée en Tunisie trois mois et suis revenue à Genève. Mon fils a été blessé par balles et cinq membres de ma famille sont décédés. Je ne me souviens plus à quelle date. Je suis alors repartie en Tunisie. Je pense que la décision de suppression du 31 juillet 2015 m’a été notifiée au cours de cette période. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas recouru.

Je vis à Genève depuis vingt-deux ans (1995). Je n’ai jamais pu inviter mes enfants ni aucun membre de ma famille à Genève, parce que je suis au bénéfice d’une rente d’invalidité et de l’aide de l’État. Donc, c’est moi qui me déplace en Tunisie. Lorsque j’ai déposé ma demande de PC, le 24 septembre 2015, j’étais à Genève. Je ne me souviens pas depuis quand j’étais revenue.

J’étais séparée de mon époux depuis environ huit ans. J’aurais bien aimé partir m’installer en Tunisie, mais je n’ai rien là-bas. Je ne peux pas vivre chez mes enfants. Je ne connais rien aux lois suisses. C’est pour cette raison que je ne suis pas partie vivre en Tunisie. J’ai à présent un avocat qui peut me conseiller.

Lorsque je vais en Tunisie, je vis chez ma mère et parfois chez ma fille.

J’ai un studio à Genève. Je paie un loyer mensuel de CHF 950.-. Je n’ai personne à Genève. Personne n’occupe mon appartement pendant mes absences. Le cousin de mon mari venait de temps à autre pour s’occuper de mon courrier, par exemple, mais il y a longtemps qu’il n’est pas venu.

Je n’ai vu le Dr E________ à Tunis qu’une seule fois. À Genève, je suis suivie par le Dr C________ et le Dr D________ depuis 2007. Le Dr D________ est parti à Yverdon. Je continue à le consulter néanmoins. J’ai l’habitude de ces deux médecins et je n’en ai pas d’autres. Je précise que je souffre d’une hernie discale.

J’ai allégué que je n’avais jamais envoyé de demande de remboursement de frais médicaux au SPC. J’ai toujours cru que les « participations » étaient à ma charge.

Si je n’ai que ma rente d’invalidité, je peux fort bien vivre en Tunisie. Si je reste à Genève en revanche, j’ai besoin des prestations complémentaires. Je pensais jusqu’à présent que si je m’installais en Tunisie, la rente d’invalidité ne me serait plus versée ».

15.    Interrogé par la chambre de céans, le Dr C________ a indiqué, le 18 octobre 2016, que sa patiente était venue le consulter en 2015, les 30 janvier, 11 mai, 25 septembre, 6 octobre, 29 octobre et 6 novembre. Le Dr D________ a quant à lui informé la chambre de céans, le 19 octobre 2016, qu’il n’avait pas vu sa patiente durant l’année 2015.

16.    Par écritures du 16 novembre 2016, le SPC a déclaré qu’il persistait à conclure au rejet du recours, constatant plus particulièrement que, durant la période déterminante, soit celle allant du 1er janvier au 24 septembre 2015, l’assurée s’était rendue chez son médecin les 30 janvier et 11 mai 2015, dates auxquelles il ne conteste pas qu’elle était à Genève.

17.    Le 17 novembre 2016, l’assurée a confirmé les informations données par ses médecins, et persiste dans ses conclusions.

18.    Ces courriers ont été transmis aux parties et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s'appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n'y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC).

Il en va de même en matière de prestations complémentaires cantonales (cf. art. 1A let. b LPCC).

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable
(art. 56 et 60 LPGA ; art. 43 LPCC).

4.        Le litige porte sur le droit du SPC de refuser à l’assurée l’octroi de prestations complémentaires suite à sa demande du 24 septembre 2015.

5.        S’agissant des prestations complémentaires fédérales, selon l’art. 1 al. 1 LPC, la LPGA s'applique aux prestations versées en vertu du chap. 2, à moins que la présente loi ne déroge expressément à la LPGA.

6.        Selon l’art. 2 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux (al. 1). Les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la présente loi et fixer les conditions d’octroi de ces prestations (al. 2). D’après l’art. 4 al. 1 LPC, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors que, notamment, elles ont droit à certaines prestations d'assurances sociales, dont une rente de vieillesse de l’assurance-vieillesse et survivants ou de l’assurance-invalidité (art. 4 al. 1 let. a et c LPC).

Les bénéficiaires de prestations complémentaires ont droit, sous réserve d’exceptions ici non pertinentes (art. 27 LaLAMal), à un subside d’assurance-maladie (art. 20 al. 1 let. b, 22 al. 6 et 23A LaLAMal).

Le droit aux prestations complémentaires fédérales et cantonales et au subside d’assurance-maladie suppose donc notamment que le bénéficiaire ait son domicile et sa résidence habituelle respectivement en Suisse et dans le canton de Genève. Lesdites prestations ne sont donc pas exportables. Les conditions de domicile et de résidence sont cumulatives (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 15 ad art. 4).

7.        Selon l’art. 13 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), et une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée.

Cette disposition s’applique en matière de prestations complémentaires fédérales, du fait du renvoi qu’opère la LPC à la LPGA de façon générale comme sur cette question spécifique (art. 1 et 4 al. 1 LPC), mais aussi en matière de prestations complémentaires cantonales, en raison du silence de la LPCC sur le sujet, appelant l’application de la LPGA (art. 1A al. 1 LPCC), ainsi que de motifs de sécurité juridique et d’harmonisation des pratiques administratives (ATAS/1235/2013 du 12 décembre 2013 consid. 5), et partant également en matière de subside d’assurance-maladie (même si la LPGA ne s’applique pas en matière de subside d’assurance-maladie [art. 1 al. 2 let. c LAMal]). Les notions de domicile et de résidence habituelle doivent donc être interprétées de la même manière pour les trois prestations considérées.

Le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC). La notion de domicile comporte deux éléments : l'un objectif, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits ; l'autre, l'intention d'y résider, soit de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence, qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances (ATF 136 II 405 consid. 4.3 p. 409 ss et les arrêts cités). Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, constituent des indices, qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 125 III 100 consid. 3 p. 101 ss. ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 16 ad art. 4 ; Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 3ème éd., 2015, n° 15 s. ad art. 13 LPGA).

Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalise un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits ou pays (ATF 125 III 100 consid. 3 p. 101). En ce qui concerne les prestations complémentaires, la règle de l'art. 24 al. 1 CC, selon laquelle toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, s'applique (ATF 127 V 237 consid. 1 p. 239). Le domicile est maintenu lorsque la personne concernée quitte momentanément (p. ex. en raison d'une maladie) le lieu dont elle a fait le centre de ses intérêts ; le domicile reste en ce lieu jusqu'à ce qu'un nouveau domicile est, le cas échéant, créé à un autre endroit (ATF 99 V 106 consid. 2 p. 108 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 22 ad art. 4).

8.        Selon l'art. 13 al. 2 LPGA, une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée du séjour est d'emblée limitée. Selon la jurisprudence, la notion de résidence doit être comprise dans un sens objectif, de sorte que la condition de la résidence effective en Suisse n'est en principe plus remplie à la suite d'un départ à l'étranger. Il n'y a cependant pas interruption de la résidence en Suisse lorsque le séjour à l'étranger, correspondant à ce qui est généralement habituel, est dû à des motifs tels qu'une visite, des vacances, une absence pour affaires, une cure ou une formation. De tels séjours ne peuvent en principe dépasser la durée d'une année. Des motifs contraignants et imprévisibles, tels que la maladie ou un accident, peuvent justifier de prolonger au-delà d'une année la durée du séjour. Il en va de même lorsque des motifs contraignants existant dès le début exigent une résidence à l'étranger de durée supérieure à une année, par exemple pour des motifs d'assistance, de formation ou de traitement d'une maladie (ATF 111 V 180 consid. 4 p. 182 ; arrêt 9C_696/2009 du 15 mars 2010 consid. 3.3; voir également arrêt H 71/89 du 14 mai 1990 consid. 2a, in RCC 1992 p. 36). Cela étant, dans la mesure où la durée admissible d'un séjour à l'étranger dépend en premier lieu de la nature et du but de celui-ci, la durée d'une année fixée par la jurisprudence ne doit pas être comprise comme un critère schématique et rigide (arrêt 9C_696/2009 cité). Dans le même sens, le Tribunal fédéral a jugé trop schématique la durée de trois mois que prévoyait le ch. 2009 des directives de l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci-après : DPC) dans leur version du 1er janvier 2002 (arrêt du Tribunal fédéral 9C 345/2010 du 16 février 2011 consid. 5.1 in fine).

Lorsqu’une personne – également lors d’une période à cheval entre deux années civiles – séjourne à l’étranger plus de trois mois (92 jours) d’une traite sans raison majeure ou impérative, le versement de la prestation complémentaire est suspendue dès le mois suivant. Il reprend dès le mois au cours duquel l’intéressé revient en Suisse (DPC n° 2330.01).

Lorsqu’au cours d’une même année civile, une personne séjourne plus de six mois (183 jours) à l’étranger, le droit à la prestation complémentaire tombe pour toute l’année civile en question. Le versement de la prestation complémentaire doit dès lors être supprimé pour le restant de l’année civile ; les prestations complémentaires déjà versées doivent être restituées. Lors de plusieurs séjours à l’étranger au cours de la même année civile, lesdits séjours sont additionnés au jour près. En cas de séjour à cheval entre deux années civiles, seuls les jours de l’année civile correspondante sont pris en compte. Les jours d’arrivée et de départ ne sont pas considérés comme jours de résidence à l’étranger (DPC n° 2330.02).

Lors d’un séjour à l’étranger dicté par une raison majeure, la prestation complémentaire peut continuer à être versée pour une année au maximum. Si le séjour à l’étranger se prolonge au-delà de douze mois, le versement de la prestation complémentaire prend fin dès le mois civil suivant. La prestation complémentaire est à nouveau versée dès le mois civil à partir duquel la personne est de retour en Suisse (DPC n° 2340.01). Seuls des motifs d’ordre professionnel, ou la poursuite d’une formation professionnelle, peuvent être considérés comme relevant d’une raison majeure, mais pas un séjour pour cause de vacances ou de visites (DPC n° 2340.02). En cas de séjour à l’étranger dicté par des raisons impératives, la prestation complémentaire continue d’être versée tant et aussi longtemps que l’intéressé garde le centre de tous ses intérêts personnels en Suisse (DPC n° 2340.03). Les raisons impératives ne peuvent être que des raisons inhérentes à la santé des personnes comprises dans le calcul PC (p. ex. impossibilité de transport suite à maladie ou accident) ou d’autres circonstances extraordinaires qui rendent impossible tout retour en Suisse (DPC n° 2340.04).

Comme le Tribunal fédéral l’a rappelé dans l’arrêt 9C 345/2010 précité (consid. 5.1 in fine, mentionnant l’ATF 126 V 64 consid. 3b p. 68), de telles directives ne lient pas le juge des assurances sociales, ces délais de trois ou douze mois ne doivent pas être appliqués de façon schématique et rigide. Les exceptions n’en sont pas moins conçues d’une manière restrictive ne permettant guère sinon pas la prise en compte de raisons d’ordre social, familial, personnel (ATF 126 V 463 consid. 2c ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 32 ad art. 4). Dans un arrêt P 67/01 du 30 janvier 2002, le Tribunal fédéral des assurances avait jugé qu’une absence de huit mois à des fins d’assistance d’une mère malade ne constituait pas un cas d’atteinte à la santé de l’assuré ou de force majeure qui aurait empêché ce dernier de revenir en Suisse.

9.        S’agissant des prestations complémentaires cantonales, selon l’art. 1A al. 1 let. a et b LPCC, en cas de silence de la présente loi, les prestations complémentaires AVS/AI sont régies par la LPC et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales et la LPGA et ses dispositions d'exécution.

Selon l’art. 2 al. 1 let. a LPCC, ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève.

Selon l’art. 18 al. 3 LPCC, le droit à une prestation s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie.

La notion de domicile et de résidence habituelle de l’art. 2 al. 1 LPCC doit être interprétée de la même manière que celle de l’art. 13 LPGA et donc de celle de l’art. 4 LPC en matière de prestations complémentaires fédérales, le législateur cantonal ayant eu, à cet égard, clairement l’intention d’harmoniser les notions du droit cantonal avec celles du droit fédéral (ATAS 1235/2013).

Selon l’art. 1 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03), le bénéficiaire qui séjourne hors du canton plus de 3 mois au total par année perd son droit aux prestations, à moins qu’il ne s’agisse d’une hospitalisation ou d’un placement dans un home ou dans un établissement médico-social pour personnes âgées ou invalides.

L’art. 1 al. 1 RPCC concrétise l’art. 2 al. 1 let. a LPCC, lequel prévoit que le droit aux prestations nécessite le domicile et la résidence habituelle de l’assuré sur le territoire genevois, en considérant que la résidence d’un assuré sur territoire genevois n’est plus donnée après une absence du canton d’une durée supérieure à trois mois.

La chambre de céans a cependant jugé (ATAS/1235/2013 consid. 5c) que cette disposition réglementaire outrepassait le cadre fixé par l’art. 2 al. 1 let. a LPCC en définissant la notion de résidence de façon plus restrictive que celle qui doit se déduire de l’interprétation de cette disposition légale, et donc qu’elle n’était pas valable et ne devait pas être appliquée.

10.    a) S’il incombe certes à l’autorité d’apporter la démonstration, en termes de vraisemblance prépondérante, des faits dont se déduit le cas échéant un changement de domicile et/ou de résidence effective du recourant, ce dernier assume un devoir de collaborer à l’établissement des faits pertinents, autrement que par de simples affirmations, donc par la production de preuves ou à tout le moins d’indices probants, dans une mesure d’autant plus marquée que les faits établis parlent plutôt en faveur d’un tel changement de domicile et/ou de résidence effective, d’une part, et que les preuves ou indices probants contraires sont le cas échéant connus de l’intéressé et susceptibles d’être démontrés par lui, d’autre part.

b) Pour l’établissement des faits pertinents, il y a lieu d’appliquer les principes ordinaires régissant la procédure en matière d’assurances sociales, à savoir, en particulier, la maxime inquisitoire, ainsi que les règles sur l’appréciation des preuves et le degré de la preuve.

c) La maxime inquisitoire régit la procédure (non contentieuse et contentieuse) en matière d’assurances sociales. L’assureur social (ou, en cas de litige, le juge) établit d’office les faits déterminants, sans préjudice de la collaboration des parties (art. 43 et 61 let. c LPGA ; Ghislaine FRÉSARD-FELLAY, Procédure et contentieux, in Ghislaine FRÉSARD-FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 2015, n. 27 ss). Les parties ont l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués ; à défaut, elles s’exposent à devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve (art. 28 LPGA ; ATF 125 V 193 consid. 2 ; 122 V 157 consid. 1a ; 117 V 261 consid. 3b et les références).

d) Comme l’administration, le juge des assurances sociales apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles (art. 61 let. c in fine LPGA , cf. aussi consid. 8b). Il doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux (Ghislaine FRÉSARD-FELLAY, op. cit., n. 78).

e) Quant au degré de preuve requis, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a ; Ghislaine FRÉSARD-FELLAY, op. cit., n. 81 ss).

11.    En l’espèce, l’assurée vit en Suisse depuis 1995 et est au bénéfice d’une rente d’invalidité depuis le 19 mai 2007. Elle peut dès lors prétendre à l’octroi de prestations complémentaires (art. 5 et 4 al. 1 let. c LPC). Encore faut-il qu’elle ait son domicile et sa résidence habituelle en Suisse (art. 4 al. 1 LPC ; art. 2 al. 1 let. a LPCC).

12.    Malgré ses périodes d'absence, l’assurée a conservé son appartement à Genève et est restée inscrite au contrôle des habitants. Elle est ainsi toujours domiciliée en Suisse. Elle ne s’est par ailleurs pas constituée un nouveau domicile en Tunisie.

13.    a) Reste à examiner si elle réalisait la seconde condition posée par l'art. 4 al. 1 LPC relative à la résidence habituelle en 2015, étant rappelé que les conditions de domicile et de résidence effective sont cumulatives, et qu’il suffit que l’une d’elles ne soit pas remplie pour que le droit aux prestations sociales considérées cesse.

Il s’agit plus particulièrement de déterminer si elle a résidé ou non en Suisse, s’agissant des PCF, et à Genève, s’agissant des PCC.

Tel n’est pas le cas selon le SPC, puisque l’assurée a séjourné en Tunisie au moins 200 jours en 2014 et 240 jours du 1er janvier au 30 septembre 2015. Il s’est fondé sur les relevés détaillés du compte postal de celle-ci.

L’assurée soutient toutefois qu’en réalité, du 1er janvier au 31 décembre 2014, elle n’était en Tunisie que 195 jours, et du 1er janvier au 31 juillet 2015, que 166 jours, soit, « sur conseil de son médecin, moins que les 183 jours admis par la loi et la jurisprudence y relatives ».

b) Il y a préalablement lieu de fixer la période déterminante en l’espèce.

Les prestations complémentaires lui ont certes été supprimées depuis le 1er août 2015 par une décision du 31 juillet 2015 entrée en force. L’assurée a toutefois déposé une nouvelle demande le 24 septembre 2015. C’est dès lors bien cette date qui doit être prise en considération pour déterminer la période à examiner.

c) La chambre de céans constate, sur la base des relevés du compte postal de l’assurée, qu’en prenant comme jour séjourné en Tunisie les jours où un mouvement est enregistré en Tunisie sur ce compte, ainsi que les jours placés dans un intervalle de temps ne permettant pas, au degré de vraisemblance requis par la jurisprudence, de faire un aller-retour Tunisie-Suisse, que l’assurée a effectivement résidé en Tunisie au moins du 1er au 14 janvier 2015 (14 jours), du 11 février au 8 mai (87 jours) et du 20 mai au 21 septembre 2015 (125 jours). À noter par ailleurs que les indications des Drs D________, C________ sont cohérentes avec les dates retenues.

Si l’on se réfère à la période qu’entend prendre en considération l’assurée, soit du 1er janvier au 31 juillet 2015, on obtient ainsi un total de 159 jours, ce qui représente un nombre inférieur à celui admis par l’assurée de 166 jours. Il se justifie dès lors de tenir compte de ce dernier chiffre pour la période allant du 1er janvier au 31 juillet 2015. Il s’avère enfin que, du 1er août au 30 septembre 2015, selon le calcul auquel a procédé la chambre de céans, l’assurée aurait séjourné en Tunisie 43 jours. Faute d’élément plaidant pour un chiffre plus grand, ce nombre est retenu.

Aussi l’assurée est-elle réputée, au degré de vraisemblance requis par la jurisprudence, avoir résidé 202 jours en Tunisie du 1er janvier au 30 septembre 2015, - et non pas 240 comme le soutient le SPC -, ce qui représente quoi qu’il en soit un nombre supérieur à 183.

d) Dans son certificat du 1er septembre 2015, le Dr B________ a indiqué que l’assurée était « suivie depuis longue date pour un trouble dépressif récurrent ». On ne saurait en conclure, comme le soutient le SPC, qu’elle serait traitée par ce médecin depuis longtemps, ce d’autant moins que le Dr D________ la suit depuis le 19 août 2006. Il n’en reste pas moins que les trois séjours en Tunisie ne peuvent être niés. Peu importe cependant au vu de ce qui précède.

e) S’agissant des frais médicaux, elle allègue n’avoir jamais envoyé de demande de remboursement, même durant les années précédentes. Or, le SPC a, en réalité, reçu pour l’assurée des décomptes d’assurance-maladie, factures et devis relatifs à des frais médicaux, datés notamment des 5 septembre 2012, 3 avril, 11 avril et 11 novembre 2013. Aussi devrait-on en conclure qu’en 2014 et 2015, elle n’a pas eu de frais médicaux à Genève, contrairement aux années précédentes. Or, le Dr C________ a indiqué avoir vu sa patiente à six reprises durant l’année 2015. L’assurée n’a pas communiqué les notes d’honoraires de ce médecin au SPC, pensant que les « participations » étaient à sa charge.

Quoi qu’il en soit, une fois encore, qu’il y ait eu demande de remboursement ou non, il s’avère que l’assurée a bel et bien séjourné en Tunisie plus de 183 jours.

f) Il est vrai que dans certains cas, une absence prolongée de Suisse peut ne pas interrompre la résidence habituelle dans notre pays. La chambre de céans l’a admis dans un arrêt du 12 décembre 2013 (ATAS/1235/2013), dans le cas d’une recourante restée au Cameroun durant presqu’une année. Il s’agissait toutefois pour celle-ci de s’occuper de ses affaires suite au décès de sa sœur (cf. également ATAS/238/2016 a contrario ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_345/2010 du 16 février 2011).

Les exceptions sont quoi qu’il en soit conçues d’une manière restrictive ne permettant guère, sinon pas, la prise en compte de raisons d’ordre social, familial, personnel (ATF 126 V 463 consid. 2c ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 32 ad art. 4). Dans un arrêt P 67/01 du 30 janvier 2002, le Tribunal fédéral des assurances a jugé qu’une absence de huit mois à des fins d’assistance d’une mère malade ne constituait pas un cas d’atteinte à la santé de l’assuré ou de force majeure qui aurait empêché ce dernier de revenir en Suisse.

En l’espèce, quand bien même l’assurée a expliqué lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 4 octobre 2016 qu’elle s’était rendue en décembre 2014 aux funérailles de son mari – dont elle était séparée depuis huit ans -, et était alors restée en Tunisie trois mois. Elle y était retournée dans le courant de l’année 2015, son fils ayant été blessé par balles et cinq membres de la famille étant décédés. Elle n’allègue toutefois pas avoir dû rester en Tunisie pour s’occuper, par exemple, de démarches administratives, de sorte que l’on ne saurait appliquer les conclusions de l’ATAS/1235/2013 au cas d’espèce.

14.    Il résulte de ce qui précède que l’assurée a séjourné hors de Suisse trop longtemps, au vu des dispositions légales et réglementaires et de la jurisprudence, pour avoir droit aux prestations complémentaires.

15.    Aussi le recours est-il rejeté.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 – LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (articles 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires cantonales. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le