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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3091/2016

ATAS/399/2017 du 23.05.2017 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3091/2016 ATAS/399/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 mai 2017

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à VERNIER

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après l'assurée), née en 1962, originaire du Kosovo, est en Suisse depuis le 23 juin 2008 et bénéficie d’un livret F (admission provisoire).

2.        Le 1er juillet 2014, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité (ci-après OAI). Elle a notamment indiqué avoir toujours été femme au foyer et avoir deux enfants, nés en 1984 et 1993.

3.        Par rapport du 10 juillet 2014, le professeur B______, spécialiste FMH en allergologie et immunologie clinique, a diagnostiqué une panuvéite et une maladie inflammatoire indifférenciée. Il suivait l’assurée depuis 2008. Il constatait une asthénie, une aphtose et une malvoyance.

4.        Par rapport du 29 juillet 2014, la doctoresse C______, FMH médecin praticien, a diagnostiqué, avec répercussion sur la capacité de travail de l’assurée, de multiples épisodes d'uvéite récidivante de l'œil droit et de l'œil gauche depuis 1999, une quasi cécité de l'œil droit (2008) et une probable maladie de Behçet. En septembre 2008, elle avait été hospitalisée aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après les HUG) et depuis mars 2012, elle ne présentait pas de nouvelles poussées d'uvéite, ni de lésions cutanées. Son incapacité de travail en tant que "responsable d'une bijouterie" était totale depuis mars 2012, en raison de la quasi-cécité de l'œil droit et de la baisse de l'acuité visuelle à gauche, des nombreuses hospitalisations de jour pour cure de traitement intraveineux, des répercussions psychologiques importantes de la maladie et de son traitement. Le médecin a ajouté que la capacité de travail représentait peut-être un 50%, en fonction de l'activité. Les limitations fonctionnelles de l'assurée étaient essentiellement liées au handicap visuel, à la faiblesse musculaire et à l'asthénie générale. Sa capacité de concentration, de compréhension, d'adaptation et de résistance étaient limitées. Cela était valable depuis au moins 2008.

Elle a joint notamment un rapport du 26 novembre 2008 du docteur D______, spécialiste FMH en ophtalmologie, concernant l'hospitalisation de l'assurée aux HUG du 17 au 24 octobre 2008.

5.        Par rapport du 1er décembre 2014, la doctoresse E______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a indiqué que l'état de santé de l’assurée était resté stationnaire depuis environ une année. Elle présentait de multiples épisodes d'uvéite bilatérale depuis 1999, une quasi cécité de l'œil droit depuis 2008 et une probable maladie de Behçet. Les limitations fonctionnelles étaient la quasi-cécité de l'œil droit, une asthénie et des troubles anxieux liés à son état de santé. Depuis mars 2012, l'assurée présentait une incapacité de travail, sans modification depuis cette date. Pour le moment, la capacité de travail dans une activité adaptée était nulle. Si la stabilisation de la maladie se poursuivait, peut-être que la patiente pourrait reprendre à 50%.

6.        Par rapport du 4 février 2015, le Prof. B______ a indiqué que l'état de santé de l’assurée était stationnaire depuis 2012. La malvoyance sévère de l'œil droit avait des répercussions sur la capacité de travail de l'assurée. Une incapacité de travail était justifiée depuis 1999.

7.        Par rapport du 2 juin 2015, le Dr D______ a confirmé que l'atteinte oculaire à droite avait des répercussions sur la capacité de travail de l'assurée. Les limitations fonctionnelles étaient liées à la cécité de l'œil droit et à la baisse de vision de l'œil gauche.

8.        Par rapport du 18 juin 2015, le docteur F______, médecin interne du service d’immunologie et d’allergologie des HUG, a relevé que la baisse de l'acuité de l'œil gauche/droit suite à des panuvéites à répétition et l’atrophie optique de l'œil droit avec une malvoyance sévère entraînaient une incapacité de travail depuis 2008.

9.        Les 20 et 22 janvier 2016, les Drs B______ et D______ ont indiqué que l’état de santé de l’assurée était stationnaire. Elle n’avait pas de vision à l’œil droit et une vision de 50% à l’œil gauche.

10.    Le 3 février 2016, l'OAI a réceptionné un courrier de l'assurée expliquant qu'elle n'était pas en mesure de rester seule à la maison ou de sortir seule sans son mari ou un membre de sa famille. Elle était tombée et s'était brûlée de nombreuses fois.

11.    Par rapport du 8 juin 2016, la doctoresse G______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a noté qu’au vu des troubles visuels sévères, un retour au travail n'était pas envisageable. Depuis novembre 2015, l'assurée présentait en outre une insuffisance veineuse des membres inférieurs contre-indiquant la station debout/assise prolongée.

12.    Par rapport du 5 juillet 2016, le docteur H______, médecin auprès du service médical régional AI (ci-après SMR), a considéré que, compte tenu des limitations fonctionnelles (cécité de l'œil droit, mauvaise vision de l'œil gauche, pas de station debout ou de piétinement, fatigabilité et pas de stress), la capacité de travail de l’assurée était nulle dans toute activité. Selon le Prof. B______, elle présentait une maladie inflammatoire depuis 1999 entraînant une perte de vision totale de l’œil droit depuis 2008 et de multiples uvéites avec une baisse de l’acuité visuelle de l’œil gauche.

13.    Selon les extraits de compte individuel de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après CCGC), l’assurée n’a versé aucune cotisation et son époux uniquement en 2013 et en 2014.

14.    Par projet de décision du 6 juillet 2016, l'OAI a informé l'assurée qu'il entendait lui nier le droit à une rente d'invalidité et aux mesures de réadaptation. Par convenance personnelle, l'assurée n'avait exercé aucune activité lucrative avant et après son entrée sur le territoire suisse. Dès lors, son statut était celui de ménagère à 100%. Par ailleurs, sa capacité de travail était nulle dans toute activité depuis le mois d'octobre 2008. La mise en œuvre d’une enquête ménagère n’était toutefois pas opportune, car l'assurée ne remplissait pas (et ne remplirait jamais) les conditions d'assurance requises lors de la survenance du cas d'assurance et la durée des cotisations, de sorte que le droit aux prestations devait être refusé.

15.    Le 19 juillet 2016, l'assurée a admis n'avoir pas pu cotiser pendant la période requise. Mais elle pouvait néanmoins se prévaloir de trois ans de bonifications pour tâches éducatives en Suisse. Elle avait en effet séjourné en Suisse comme requérante d'asile avec ses cinq enfants mineurs entre le 5 mai 1997 et le 27 août 1999 (date du rejet de sa demande d'asile). Le 23 juin 2008, elle avait déposé une deuxième demande d'asile en Suisse, où elle séjournait depuis lors au bénéfice d'une admission provisoire en raison de son état de santé. Le 21 avril 2009, son fils I______, qui avait alors moins de 16 ans, l'avait rejointe. Elle a ajouté que par arrêt du 10 mars 2010, le Tribunal administratif fédéral (ci-après TAF) avait confirmé le rejet de sa seconde demande d'asile (arrêt E-7721/2009). Il résultait de ces éléments, aisément vérifiables dans le registre central des étrangers, qu'elle avait eu la charge d'un enfant mineur en Suisse durant au moins trois ans. Dans la mesure où sa capacité de travail était nulle dans toute activité depuis octobre 2008 au moins, elle avait donc droit à une rente entière d'invalidité.

16.    Il résulte de l’arrêt précité disponible sur le site internet du TAF, que l’assurée, son époux, et leurs cinq enfants, ont déposé une demande d’asile en Suisse le 5 mai 1997. Suite au rejet de cette demande, la famille est retournée dans son pays en décembre 1999 (consid. A). Le 23 juin 2008, l’assurée, accompagnée de deux de ses fils, a déposé une deuxième demande d’asile en Suisse (consid. C). Le 21 avril 2009, un troisième enfant l’a rejointe (consid. D). Le 2 septembre 2009, le mari de l’assurée est arrivé en Suisse (consid. E). Par cet arrêt, le TAF a notamment confirmé que l'assurée n'avait pas la qualité de réfugiée.

17.    Par décision du 5 septembre 2016, l'OAI a refusé le droit aux mesures de réadaptation et à la rente. Les éléments fournis par l'assurée ne permettaient pas de revenir sur sa décision car lors de la survenance de l'invalidité, soit en octobre 2009, elle ne remplissait pas les conditions d'assurance.

18.    Par acte du 15 septembre 2016, l'assurée a interjeté recours contre cette décision concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité. La recourante a invoqué qu'elle avait eu à charge un enfant mineur en Suisse durant au moins trois ans, de sorte qu'elle pouvait se prévaloir de trois années de cotisations au titre de bonifications pour tâches éducatives. L'intimé ne s'était d'ailleurs pas déterminé sur son argumentation.

19.    Par réponse du 13 octobre 2016, l'intimé a conclu au rejet du recours pour les motifs indiqués dans sa décision. Pour le surplus, il était constant que l'invalidité propre à ouvrir le droit à une rente d'invalidité était survenue le 1er octobre 2009. Par ailleurs, en vertu de la Convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Yougoslavie, un ressortissant kosovar devait satisfaire aux mêmes conditions qu'un citoyen suisse pour avoir droit aux prestations de l'assurance-invalidité. Il devait donc compter, lors de la survenance de l'invalidité, une durée de cotisations d'au moins trois ans. Même si la recourante pouvait prétendre à des bonifications pour tâches éducatives, elle ne comptabilisait pas trois années de cotisations avant la survenance du cas (soit octobre 2009), puisqu'elle était domiciliée en Suisse uniquement depuis juin 2008, selon le fichier informatisé de l'office cantonal de la population.

20.    À la demande de la chambre de céans, la recourante a produit une copie des pièces d'identité de ses enfants, dont il résulte que ceux-ci sont nés les 1er octobre 1984, 11 octobre 1985, 7 novembre 1988, 29 août 1990 et 11 novembre 1993.

21.    Le 3 mai 2017, l'intimé a indiqué que ces pièces ne permettaient pas de modifier son appréciation des faits.

22.    Sur ce, la chambre de céans a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Les modifications de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 21 mars 2003 (4ème révision), du 6 octobre 2006 (5ème révision) et du 18 mars 2011 (révision 6a), entrées en vigueur le 1er janvier 2004, respectivement, le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2012, entraînent la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'assurance-invalidité. Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b; ATF 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

En l'espèce, la décision litigieuse du 5 septembre 2016 est postérieure à l'entrée en vigueur des modifications de la LAI suscitées. Par conséquent, du point de vue matériel, le droit éventuel à des prestations d'invalidité doit être examiné au regard des modifications de la LAI consécutives aux 4ème, 5ème et 6ème révisions de cette loi, dans la mesure de leur pertinence (ATF 130 V 445 et les références; voir également ATF 130 V 329). Cela étant, ces novelles n'ont pas amené de modifications substantielles en matière d'évaluation de l'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.249/05 du 11 juillet 2006 consid. 2.1 et Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 22 juin 2005, FF 2005 p. 4322).

4.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, devant l'autorité compétente, le recours est en conséquence recevable (art. 56 ss LPGA).

5.        Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations d’invalidité, étant précisé que l’intimé a rejeté sa demande au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions d’assurance.

6.        a. Les étrangers ont droit aux prestations de l'assurance-invalidité s'ils sont assurés lors de la survenance de l'invalidité (art. 6 al. 1er LAI) et cela aussi longtemps qu'ils conservent leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et, sous réserve de l'art. 9 al. 3 LAI (ressortissants âgés de moins de 20 ans), pour autant qu'ils comptent, lors de la survenance de l'invalidité, au moins une année entière de cotisations ou dix années de résidence ininterrompue en Suisse (art. 6 al. 2 LAI).

Les conditions d'assurance mentionnées à l'art. 6 al. 2 LAI peuvent être assouplies en faveur de certains ressortissants étrangers, notamment par le biais de conventions bilatérales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_675/2014 du 11 août 2015 consid. 3.2).

b. Par note diplomatique du 18 décembre 2009, le Conseil fédéral a signifié que la convention relative aux assurances sociales conclue entre la Suisse et la Yougoslavie le 8 juin 1962 (RS 0.831.109.818.1; ci-après la Convention), l'avenant de 1982 (RO 1983 p. 1606) et l'arrangement administratif de 1963 (RS 0.831.109.818.12) ne seraient plus valables dans les relations avec le Kosovo à compter du 1er avril 2010 (RO 2010 p. 1203; arrêt du Tribunal fédéral 9C_53/2013 du 6 août 2013 consid. 3.2).

Eu égard au principe selon lequel les règles applicables du point de vue temporel sont, en règle générale, celles qui étaient en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits, c'est le moment de la naissance du droit à la rente de l'AI et non celui du prononcé de la décision qui est déterminant pour trancher le point de savoir si la Convention est encore applicable à des ressortissants de l'actuelle République du Kosovo (ATF 139 V 335 consid. 6).

c. Dans le cas d'espèce, la recourante a présenté sa demande de prestations le 1er juillet 2014. En vertu de l'art. 29 al. 1 LAI (dans sa teneur en vigueur - et applicable au cas d'espèce - depuis le 1er janvier 2008), le droit éventuel à la rente n’a pu naître au plus tôt qu'en janvier 2015, soit à l'échéance de la période de six mois (cf. art. 29 al. 1 LPGA; ATF 140 V 470 consid. 3.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_675/2014 du 11 août 2015 consid. 7.3). Or, à cette date, le droit conventionnel ne s'appliquait plus.

Par conséquent, seul le droit interne est applicable au présent litige.

7.        Sont obligatoirement assurées à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, notamment les personnes physiques domiciliées en Suisse [art. 1a al. 1 let. a de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS – RS 831.10) en vigueur depuis le 1er janvier 1997, en corrélation avec l'art. 1b LAI].

Les requérants d’asile (livret N), les personnes à protéger (livret S) et les étrangers admis provisoirement (livret F) se créent un domicile en Suisse même si elles ont l’intention de retourner dans leur pays dès que les circonstances le permettront. On admet dès lors qu’elles se créent un domicile civil en Suisse dès la date d’immigration (OFAS, Directive sur les rentes (DR), valables dès le 1er janvier 2003, état au 1er janvier 2007, ch. 4110).

8.        a. D'après l'art. 36 al. 1 LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007, le droit aux rentes ordinaires appartient aux assurés qui, lors de la survenance de l'invalidité, comptent une année entière au moins de cotisations. Dès le 1er janvier 2008, cette durée a été portée à trois ans. À partir de l'entrée en vigueur de la 5ème révision de l'AI en effet, seuls les assurés qui comptent trois années au moins de cotisations lors de la survenance de l'invalidité ont droit à une rente ordinaire de l'assurance-invalidité. Par conséquent, la durée minimale de cotisations de trois années vaut pour toutes les nouvelles rentes d'invalidité pour lesquelles la réalisation du cas d'assurance (survenance de l'invalidité) est intervenue à compter de l'entrée en vigueur de la 5ème révision de l'AI. Ce n'est, à cet égard, pas la date de la décision qui est déterminante (ATAS/311/2013).

Selon l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Ce moment doit être déterminé objectivement, d'après l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d'assurance (ATF 126 V 5 consid. 2b; ATF 126 V 157 consid. 3a; ATF 118 V 79 consid. 3a et les références).

S’agissant du droit à une rente, le cas d’assurance se pose au moment où l’assuré présente une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne depuis une année sans interruption notable, et qu’une fois le délai d’attente écoulé, l’incapacité de gain perdure à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI, dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2008).

b. En l'occurrence, l'intimé a retenu que la recourante a présenté une incapacité de travail totale à compter d'octobre 2008, ce que la recourante ne conteste pas. Il résulte en effet des pièces versées au dossier qu'en octobre 2008 la recourante a été hospitalisée en raison d'une panuvéite aiguë de l'œil gauche et qu'elle souffre, depuis 2008, d'une perte de vision totale de l'œil droit, laquelle entraîne une incapacité de travail totale dans toute activité (rapports du Dr F______ du 18 juin 2015, de la Dresse G______ du 8 juin 2016 et avis du Dr H______ du 5 juillet 2016).

Partant, c'est à juste titre que l'intimé a retenu que l'invalidité est survenue en octobre 2009, soit après l'entrée en vigueur de la 5ème révision de l'AI. Il convient par conséquent d'examiner si la recourante remplissait alors la condition de la durée minimale de cotisations de trois années pour avoir droit à une rente d'invalidité.

9.        a. Selon l'art. 36 al. 2 LAI, les dispositions de la LAVS sont applicables par analogie au calcul des rentes ordinaires (voir à ce propos ATF 124 V 159); le Conseil fédéral peut édicter des prescriptions complémentaires.

Aux termes de l’art. 50 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) – en vigueur depuis le 1er janvier 1997 et applicable à la fixation de la durée minimale de cotisation selon les art. 36 al. 2 LAI et 32 al. 1 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201; ATF 125 V 255), une année de cotisation est entière lorsqu'une personne a été assurée au sens des art. 1a ou 2 LAVS pendant plus de onze mois au total et que, pendant ce temps-là, soit elle a versé la cotisation minimale, soit son conjoint au sens de l'art. 3 al. 3 LAVS a versé au moins le double de la cotisation minimale ou, enfin, elle peut se prévaloir de bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d'assistance (art. 29ter al. 2 let. c LAVS).

À la différence de la situation qui existait avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1997, de la dixième révision de l'AVS (cf. ATF 111 V 106 consid. 1b ; ATF 110 V 280 consid. 1a), un assuré peut donc, selon le nouveau droit, satisfaire à l'exigence de la période minimale de cotisations ouvrant droit à une rente ordinaire de l'AVS/AI, sans avoir payé personnellement des cotisations (ATF 125 V 253). Ces dispositions légales plus favorables introduites par la 10ème révision de l'AVS ne s'appliquent toutefois pas aux cas d'assurance survenus sous l'empire de l'ancien droit et pour lesquels le droit à une rente a été nié, parce que la condition de la durée minimale de cotisations (ancien art. 29 al. 1 LAVS; VSI 2000 p. 174) n'était pas réalisée (ATF 126 V 7 consid. 1).

Pour l'accomplissement de la durée minimale des cotisations, les diverses périodes de cotisations sont additionnées; la continuité de la durée minimale n'est pas une nécessité (DR, valables dès le 1er janvier 2003, étant au 1er janvier 2016, ch. 4204; ATF 107 V 7 consid. 3a). La condition de la durée minimale de cotisations doit être remplie au moment de la survenance de l'invalidité. Les périodes accomplies après ce terme n'entrent pas en ligne de compte (DR ch. 4205).

b. Selon l'art. 29sexies al. 1 LAVS, les assurés peuvent prétendre à une bonification pour tâches éducatives pour les années durant lesquelles ils exercent l'autorité parentale sur un ou plusieurs enfants âgés de moins de 16 ans. Les père et mère détenant conjointement l'autorité parentale ne peuvent toutefois pas prétendre deux bonifications cumulées. Le Conseil fédéral règle les modalités, en particulier l'attribution de la bonification pour tâches éducatives lorsque des parents ont la garde d'enfants, sans exercer l'autorité parentale (a.), un seul des parents est assuré auprès de l'assurance-vieillesse et survivants suisse (b.), les conditions pour l'attribution d'une bonification pour tâches éducatives ne sont pas remplies pendant toute l'année civile (c.), des parents divorcés ou non mariés exercent l'autorité parentale en commun (d.).

Les bonifications pour tâches éducatives sont également attribuées pour les années pendant lesquelles les parents avaient la garde d'enfants, quand bien même ils ne détenaient pas l'autorité parentale sur ceux-ci (art. 52e RAVS). Concernant les années où le conjoint n'était pas assuré auprès de l'assurance-vieillesse et survivants suisse, il est prévu d'attribuer la bonification pour tâches éducatives entière au parent assuré (art. 52f al. 4 RAVS).

L’autorité parentale au sens des art. 133 al. 3 et 296 à 298a du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) constitue le point de rattachement pour la prise en compte des bonifications pour tâches éducatives. Il n’est pas indispensable que le ou les parent(s) exerce(nt) effectivement le droit de garde sur l’enfant (DR ch. 5411).

c. L’office AI examine – au besoin avec l’aide de la caisse de compensation – si l’assuré satisfait aux conditions d’assurance (art. 57 al. 1 let. c et art. 60 al. 1 let. a LAI; art. 69 al. 1 RAI).

10.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a).

11.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

12.    En l'occurrence, l'intimé a estimé qu'au moment de la survenance de l'invalidité, en octobre 2009, la recourante ne comptait pas trois ans de cotisations. La recourante, qui admet ne pas avoir cotisé, fait valoir que des bonifications pour tâches éducatives doivent être prises en compte, ce que l'intimé conteste au motif qu'elle n’est domiciliée en Suisse que depuis juin 2008.

À cet égard, la Chambre de céans constate que contrairement à ce qu’allègue l’intimé, il résulte de l'arrêt rendu par le TAF concernant la recourante, que celle-ci a été requérante d'asile, et partant domiciliée en Suisse de mai 1997 à décembre 1999, puis à compter de juin 2008 (arrêt E-7721/2009 du 10 mars 2010). Il s'ensuit que la recourante a été assurée à l'AVS/AI pendant plus de quatre ans avant la survenance de son invalidité en octobre 2009.

Par ailleurs, s’il est certes établi que ni la recourante, ni son époux n’ont cotisé personnellement avant la survenance de l'invalidité, il résulte toutefois de l’instruction menée par la Chambre de céans que la recourante est mère de cinq enfants, nés en 1984, 1985, 1988, 1990 et 1993. Étant donné qu'elle avait des enfants âgés de moins de 16 ans pendant son premier séjour en Suisse ainsi que dès juin 2008, la recourante peut donc se prévaloir de bonifications pour tâches éducatives, ce d'autant plus que du 23 juin 2008 au 1er septembre 2009, son époux n'était alors pas assuré auprès de l'AVS/AI suisse. Ainsi, il apparaît que la recourante, bien que n’ayant jamais cotisé personnellement à l’assurance-invalidité, pourrait éventuellement être en mesure de satisfaire à l'exigence de la période minimale de cotisations d'une année ouvrant droit à des mesures de réadaptation et de trois ans pour l'octroi d'une rente ordinaire de l’assurance-invalidité.

Ainsi, saisi d’une contestation, l’intimé aurait dû instruire le cas (cf. art. 43 LPGA) afin d’examiner si, en tenant compte des bonifications pour tâches éducatives, la recourante remplissait, au moment de la survenance de l’invalidité, à savoir en octobre 2009, les conditions d’assurance ouvrant droit aux mesures de réadaptation et celles ouvrant droit à une rente d’invalidité.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de renvoyer la cause à l’intimé pour instruction complémentaire. Le cas échéant, il lui reviendra également d’instruire la question du statut de la recourante puisqu'aucune pièce au dossier ne permet de déterminer ce que la recourante aurait fait si l'atteinte à sa santé n'était pas survenue (ATF 117 V 194).

13.    Vu ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision querellée annulée et le dossier renvoyé à l'autorité administrative pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

14.    La procédure de recours en matière de contestations portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'assurance-invalidité étant soumise à des frais de justice (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du 5 septembre 2016.

4.        Renvoie la cause à l'Office de l'assurance-invalidité pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'Office de l'assurance-invalidité.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le