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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2979/2010

ATAS/1147/2010 du 10.11.2010 ( PC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2979/2010 ATAS/1147/2010

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 5

du 10 novembre 2010

 

En la cause

Madame D___________, domiciliée à Carouge

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, sis route de Chêne 54, 1208 Genève

intimé

 


EN FAIT

Madame D___________ (ci-après l’intéressée), née en 1970, originaire de Serbie et Monténégro, est arrivée en Suisse dans le courant de l’année 1997 et s’est mariée à Vernier, en date du 5 février 1999, à feu Monsieur D___________, lequel résidait, d’après les renseignements de l’OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION (ci-après OCP), sur le canton de Genève depuis le 1er septembre 1993. De cette union sont nés trois enfants, DA___________ en 1997, DB___________ en 1999 et DC___________ en 2005. Ils sont tous nés à Genève.

En juin 1995, feu Monsieur D___________ a requis des prestations de l'assurance-invalidité et, le 1er mars 1996, il a déposé une demande de prestations auprès de l’OFFICE CANTONAL DES PERSONNES ÂGÉES, actuellement SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES (ci-après SPC), dans l'attente de la rente d'invalidité.

Dès le 1er mars 1996, le SPC lui a versé des prestations provisoires pour ses frais d’entretien courants jusqu’à ce que son droit aux prestations de l’assurance-invalidité soit déterminé.

Dans une décision du 20 mars 1999, la Commission cantonale de recours de police des étrangers a rejeté le recours interjeté par l’intéressée, feu son époux et leur fille DA___________ contre une décision de l’OCP de refus d’autorisation de séjour pour traitement médical et de renvoi. Ladite commission avait retenu que l’intéressée était arrivée à Genève, durant l’année 1997, pour rejoindre feu Monsieur D___________, et que leur fille était née à Genève le 21 octobre 1997.

Par décisions du 24 mars et du 24 avril 2003, l’OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENEVE (ci-après OAI) a alloué à ce dernier une rente entière d’invalidité et des rentes complémentaires pour ses enfants sur la base d’un degré d’invalidité de 72% avec effet rétroactif au 1er juillet 1995.

Le 20 janvier 2005, la Caisse paritaire de prévoyance de l’industrie et de la construction (ci-après la CPPIC) a informé le SPC que feu Monsieur D___________ avait droit à une rente de sa caisse.

Le 4 juin 2007, feu Monsieur D___________ a déposé au SPC une demande de prestations complémentaires fédérales et cantonales. Il y a notamment joint son autorisation de séjour et celles de l’intéressée et de ses trois enfants (permis B), valables dès le 10 mai 2007. De plus, un extrait du livret de famille attestait que ses trois enfants étaient nés à Genève.

Par décision du 15 juin 2007, le SPC a refusé la demande de prestations complémentaires de feu Monsieur D___________, dans la mesure où il résidait uniquement depuis le 10 mai 2007 en Suisse et à Genève, soit depuis moins de 10 ans.

Par courrier du 29 juin 2007, ce dernier a indiqué au SPC qu’il résidait à Genève depuis le 1er septembre 1993, selon les données de l’OCP.

Le 21 septembre 2007, il a sollicité du SPC des prestations d’assistance.

Par décision du 22 octobre 2007, le SPC lui a octroyé, dès le 1er novembre 2007, des prestations d’assistance et des subsides d’assurance-maladie pour tous les membres de la famille.

Le 27 mai 2010, il est décédé dans un accident de la circulation.

Par décision du 2 juin 2010, le SPC a informé l’intéressée qu’il avait appris le décès de son conjoint et qu’elle n’avait pas droit aux prestations complémentaires fédérales et cantonales, au motif qu’elle n’était pas au bénéfice de prestations de l’AVS ou de l’AI.

Par courrier du 4 juin 2010, le Service des affaires sociales de la Ville de Carouge a informé le SPC qu'il s’occupait des formalités pour que l’intéressée et ses enfants obtiennent une rente de veuve et d’orphelin. Il requérait du SPC qu’il continue à verser les prestations durant la mutation du dossier, et ce afin que la famille ne se retrouve pas sans ressources. En outre, il effectuait également des démarches auprès du 2ème pilier de Monsieur E___________ et du Service des allocations familiales.

Par courrier du 17 juin 2010, l’intéressée, représentée par le Service des affaires sociales de la Ville de Carouge, a fait opposition à la décision du SPC du 2 juin 2010, sollicitant l’octroi de prestations complémentaires fédérales et cantonales et subsidiairement, des prestations d’assistance. En effet, elle présentait toutes les conditions pour percevoir une rente de veuve et des rentes d’orphelin pour ses trois enfants, de sorte que les conditions d’octroi des prestations complémentaires fédérales et cantonales étaient réalisées. De plus, elle n’avait jamais exercé d’activité lucrative, ni en Suisse ni dans son pays d’origine, n’avait aucune formation professionnelle, parlait mal le français et s’occupait de ses trois enfants âgés entre 4 et 12 ans.

Par communication du 24 juin 2010, la CPPIC a informé l’intéressée que suite au décès de son époux, elle avait droit à une rente de veuve et à des rentes d’orphelin dès le 1er juin 2010.

Par décision du 13 juillet 2010, la Caisse cantonale genevoise de compensation a octroyé à l’intéressée, dès le 1er juin 2010, une rente de veuve et des rentes d’orphelin pour ses trois enfants.

Par décision sur opposition du 9 août 2010, le SPC a confirmé sa décision du 2 juin 2010, en tant qu’elle portait sur le refus de prestations complémentaires fédérales et cantonales. En effet, se fondant notamment sur un arrêt du Tribunal fédéral et du Tribunal de céans, le SPC a considéré que, dans la mesure où l’intéressée n’était titulaire d’une autorisation de séjour que depuis le 10 mai 2007, elle ne remplissait pas la condition du domicile et de la résidence en Suisse dans le canton de Genève pendant les 10 années précédant la demande de prestations, pour prétendre à des prestations complémentaires fédérales et cantonales. En revanche, l’intéressée avait droit, dès le 1er juin 2010, à des prestations d’assistance et au subside de l’assurance-maladie pour elle-même et ses enfants.

Le 3 septembre 2010, l’intéressée a interjeté recours contre la décision sur opposition du SPC du 9 août 2010 auprès du Tribunal de céans, sollicitant l’octroi de prestations complémentaires fédérales et cantonales. Elle a contesté que l’absence d’autorisation de séjour valable avant l’année 2007 ait pour conséquence que les conditions du domicile ne seraient pas remplies, en se référant à une jurisprudence du Tribunal fédéral. En effet, sa famille avait clairement la volonté de faire de Genève le centre de son existence et de ses intérêts. Feu son époux avait résidé en Suisse dès 1993, ce qui était confirmé par une attestation de l’Office cantonal de la population. De plus, elle-même résidait en Suisse depuis 1997 et ses trois enfants y étaient également nés et régulièrement scolarisés. Enfin, feu son époux bénéficiait, depuis 1995, d’une rente de l’assurance-invalidité, complétée d’une rente du 2ème pilier de la CPPIC, et elle-même percevait, depuis le mois de juin 2010, une rente de veuve et des rentes d’orphelin pour ses trois enfants. Dès lors, elle s'était constitué un domicile à Genève dès 1997, de sorte que les conditions de domicile et du délai de carence imposé aux ressortissants étrangers extracommunautaires étaient réalisées.

Par réponse du 1er octobre 2010, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, les arguments soulevés par l’intéressée n’étant pas susceptibles de le conduire à une appréciation différente du cas.

Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

 

EN DROIT

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (LOJ ; RS E 2 05) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales statuant conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 3 LOJ en instance unique, sur les contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA ; RS 830.1) qui sont relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC; RS 831.30).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; cf. également art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité - LPFC) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

S’agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 43 LPCC ouvre la même voie de droit.

En l’espèce, le présent recours a été interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, de sorte qu’il est recevable.

Est litigieuse la question du domicile et de la résidence à Genève de la recourante. Singulièrement, il y aura lieu de déterminer si c’est à juste titre que l'intimé a refusé à la recourante le droit à des prestations complémentaires fédérales et cantonales, au motif qu’elle n’avait pas d’autorisation de séjour valable avant le 10 mai 2007.

a) Au niveau fédéral, l’art. 4 al. 1 let. a LPC prévoit que les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires, dès lors qu’elles perçoivent une rente de vieillesse de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) ou ont droit à une rente de veuve, de veuf ou d’orphelin de l’AVS. En outre, à teneur de l’art. 5 al. 1 LPC, les étrangers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence).

Selon l’art. 1 al. 1 LPFC, ont droit aux prestations complémentaires fédérales les personnes qui ont leur domicile effectif sur le territoire de la République et canton de Genève et qui répondent aux conditions de la législation fédérale et de la législation cantonale relatives aux prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité.

b) Au niveau cantonal, l’art. 2 al. 1 LPCC dispose qu’ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève (let. a) et qui sont au bénéfice d'une rente de l'assurance vieillesse et survivants, d'une rente de l'assurance invalidité, d'une allocation pour impotent de l'assurance invalidité ou reçoivent sans interruption pendant au moins 6 mois une indemnité journalière de l'assurance invalidité (let. b), ou qui ont droit à des prestations complémentaires fédérales sans être au bénéfice d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants ou de l'assurance-invalidité (let. c), et qui répondent aux autres conditions de la présente loi (let. d).

S’agissant des requérants étrangers, l’art. 2 al. 3 LPCC prescrit qu’ils doivent avoir été domiciliés dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, durant les 10 années précédant la demande. A teneur de l’art. 2 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du 25 juin 1999 (RPCC ; RS J 7 15.01), la durée de domicile de l’intéressé est comptée à partir du premier jour du mois où il a déposé des papiers à l’office cantonal de la population, à moins qu’il ne puisse faire la preuve qu’il avait constitué son domicile dans le canton à une date antérieure.

Selon l'art. 13 LPGA, applicable par renvoi des art. 1 al. 1 LPC et 1A LPCC, en vigueur depuis le 1er janvier 2008, le domicile d'une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du code civil du 10 décembre 1907 (CC; RS 210).

a) Il sied préalablement de rappeler que lorsqu'une disposition en matière d'assurances sociales renvoie à une notion de droit civil, celle-ci devient partie intégrante du droit des assurances sociales (MAURER, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, vol. I p. 234). Le cas échéant, une telle notion peut cependant avoir un sens différent du droit civil (Franz HEIDELBERGER, Die Stellung des Unmündigen im Zivilrecht und Sozialversicherungsrecht- Probleme der Koordination, thèse Berne, 1990, p. 72). C'est pourquoi il appartient à l'administration et, en cas de recours, au juge d'interpréter la notion de droit civil reprise dans le droit des assurances sociales. Ce faisant, ils doivent se fonder sur la portée et le but de la norme contenant un renvoi à la notion de droit civil, afin de trancher le point de savoir si la notion reprise a la même signification ou non qu'en droit civil (Eugen BUCHER, op. cit., n. 21 ad Vorbemerkungen vor Art. 22-26 ZGB, n. 4 et 44 ad art. 23 CC; Daniel STAEHELIN, op. cit., ZGB I , n. 3 ad art. 23 CC; MAURER, op. cit., note de bas de page 519 p. 235).

b) Le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC). La notion de domicile comporte deux éléments : l'un objectif, la résidence dans un lieu donné ; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer. La jurisprudence actuelle (ATF 127 V 238 consid. 1, 125 V 77 consid. 2a, 120 III 7 consid. 2a) ne se fonde toutefois pas sur la volonté intime de l'intéressé, mais sur l'intention manifestée objectivement et reconnaissable pour les tiers. La continuité de la résidence n’est pas un élément nécessaire de la notion de domicile ; le domicile en un lieu peut durer alors même que la résidence en ce lieu est interrompue pour un certain temps, pourvu que la volonté de conserver le lieu de résidence comme centre d’existence résulte de certains rapports avec celui-ci (ATF 41 III 51). Pour savoir quel est le domicile d’une personne, il faut tenir compte de l’ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence étant à l’endroit où se trouvent ses intérêts personnels, c'est-à-dire où vit sa famille (ATF 88 III 135). Il n’est pas nécessaire qu’une personne ait l’intention de rester au même endroit pendant une longue période. Une résidence, même de courte durée, suffit pour constituer un domicile (RCC 1982 p. 171). Le terme « durable » doit être compris au sens de « non passager ». L’intention de faire d’un lieu déterminé le centre de son existence, de ses rapports personnels, de ses intérêts économiques, familiaux et professionnels suffit (RCC 1978 p. 58). Un séjour effectué à des fins particulières, même de longue durée, ne suffit pas pour créer un domicile. En effet, n’ont notamment pas un domicile en Suisse les personnes qui s’y rendent uniquement pour faire une visite, faire une cure, passer des vacances, faire des études ou acquérir une formation professionnelle sans y exercer une activité lucrative. De même, le fait d’être placé dans un établissement d’éducation, un hospice, un hôpital ou une maison de détention ne constitue pas le domicile (art. 26 CC, RCC 1952 p. 207).

Toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau (art. 24 al. 1 CC). Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents et qu'elle a des relations avec ces deux endroits, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalise un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existants avec d'autres endroits ou pays (ATF 125 III 100). En vertu des principes susmentionnés, le dépôt des papiers, l'obtention d'un permis de séjour, l'exercice des droits politiques, le statut de la personne du point de vue des autorités fiscales ou des assurances sociales ou encore les indications figurant dans des jugements et des publications officielles ne sont pas décisifs ; ces éléments constituent néanmoins des indices sérieux en ce qui concerne l'intention de s'établir (ATF 125 III 101 consid. 3; voir aussi HONSELL/VOGT/GEISER, Basler Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Zivilgesetzbuch I, 2ème éd., n. 23 ad. art. 23).

La question de la constitution du domicile en cas d’absence d’autorisation de la police des étrangers a fait l’objet de plusieurs arrêts en matière d’assurances sociales.

a) Dans un arrêt datant de 1992, le Tribunal fédéral des assurances a considéré, s'agissant du calcul de la période de résidence ininterrompue en Suisse (quinze années), dont l'accomplissement est nécessaire à l'obtention d'une prestation complémentaire par un ressortissant étranger domicilié en Suisse, qu’on ne saurait assimiler à un temps de séjour en Suisse la période durant laquelle le requérant était effectivement resté en Suisse, sans toutefois être mis au bénéfice d'un permis de séjour. Il a en effet jugé qu'il n'était pas admissible, sous peine d'avantager celui qui passait outre l'obligation de quitter la Suisse au détriment de celui qui se soumettait à cette exigence de retenir le séjour effectif lorsque ce séjour n'était pas conforme aux autorisations délivrées par l'autorité compétente. Il a ajouté que cela valait également même si un tel séjour démontrait la volonté de se constituer un domicile dans notre pays au sens du Code civil (arrêt non publié S. du 8 janvier 1992 cité dans l’ATF 118 V 79).

b) En 2004, il a été jugé, dans le cas d'un ressortissant du Kosovo qui avait résidé et travaillé durant plusieurs années au bénéfice d'une autorisation de séjour à l'année (permis « B »), que malgré la perte du permis de séjour, il avait maintenu un domicile en Suisse, dès lors qu'il s'était opposé au non-renouvellement de son permis de séjour et avait conservé sa résidence - illégale - en Suisse. Il n'y avait ainsi pas de perte de domicile en Suisse, ce résultat n'intervenant que lorsque l'étranger abandonne, de manière reconnaissable pour les tiers, l'intention de s'y établir. En conséquence, vu le domicile en Suisse, il était obligatoirement assuré au sens des art. 1 LAI et 1 al. 1 let. a aLAVS (arrêt I 486/00 du 30 septembre 2004).

c) Dans un arrêt du 20 février 2007 (ATAS/185/2007), rendu en matière de prestations complémentaires, au demeurant cité par l’intimé, le Tribunal de céans a rappelé l’ATF 118 V 79 et a considéré qu’on ne saurait assimiler à un temps de séjour en Suisse la période durant laquelle le requérant était effectivement resté en Suisse, sans toutefois être mis au bénéfice d'un permis de séjour. La cause alors portée devant le Tribunal de céans concernait une ressortissante kosovare qui n’était titulaire d’aucune autorisation de police des étrangers et qui ne s’était pas annoncée à l’OCP. Dans un arrêt ultérieur, daté du 5 mars 2007 (ATAS/217/2007), le Tribunal de céans s’est également référé à cet ATF 118 V 79 pour confirmer le refus de prestations complémentaires en raison du défaut de domicile en Suisse compte tenu de l’absence de titre de séjour valable.

d) Plus récemment, le Tribunal de céans a considéré, dans un arrêt du 25 septembre 2008 (ATAS/1073/2008) rendu en plénum en matière d’affiliation à l’AVS/AI d’une personnes sans activité lucrative se trouvant en Suisse sans être au bénéfice d’une autorisation de séjour, qu’elle s’était constituée un domicile en Suisse alors même qu’elle ne disposait d’aucune autorisation délivrée par la police des étrangers. Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral dans un arrêt du 9C_914/2009 du 31 août 2009, dans lequel il a considéré que l’obtention d’une autorisation de séjour ou d’établissement de la part de la police des étrangers n’était pas un critère décisif pour déterminer si une personne s’était valablement constitué un domicile au sens du droit civil. Il a rappelé que les décisions de la police des étrangers étaient clairement exclues de la liste des empêchements de droit public faisant obstacle à la constitution d’un domicile.

a) Le Tribunal de céans constate que dans le domaine des assurances sociales, la jurisprudence en matière constitution de domicile au sens des art. 23 CC et ss., en cas d’absence d’un titre de séjour valable, a passablement évolué depuis 1992. Or, la jurisprudence fédérale récente en cette matière (9C_914/2009) l’emporte sur la jurisprudence antérieure, et en particulier sur les arrêts sur lesquelles se fonde l’intimé (arrêt S. du Tribunal fédéral du 8 janvier 1992 et ATAS/185/2007). Partant, eu égard à l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_914/2009 confirmant l’arrêt du Tribunal de céans no ATAS/1073/2008, l’absence de titre de séjour valable ne saurait faire obstacle à la constitution d’un domicile en Suisse.

b) En l’occurrence, il apparaît à lecture des pièces du dossier que l’intéressée est arrivée en Suisse durant l’année 1997. En effet, son livret de famille atteste du fait qu’elle a donné naissance à son premier enfant durant le mois d’octobre 1997 à Genève, qu’elle s’est mariée à Vernier le 5 février 1999 et que leurs deux autres enfants sont également nés à Genève, durant les années 1999 et 2005. De plus, les trois enfants sont scolarisés dans le canton de Genève. Enfin, la décision du mois de mars 1999 de la Commission cantonale de recours de police des étrangers met en exergue que dès 1996, respectivement dès 1998, la recourante et feu son mari ont commencé à effectuer des démarches pour régulariser leur situation. Bien que la commission précitée ait rejeté à l’époque le recours des époux contre une décision de l’OCP de refus d’autorisation de séjour pour traitement médical et de renvoi, toute la famille a obtenu un permis B le 10 mai 2007.

Au vu de ce qui précède, les actes et les démarches de la recourante démontrent de manière reconnaissable pour les tiers son intention de demeurer et de se constituer un domicile à Genève dès l’année 1997, même si elle y a séjourné entre 1997 et mai 2007 sans autorisation de séjour valable et qu’elle n’y a jamais travaillé. Eu égard à la solution retenue dans l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_914/2009, il y a lieu de considérer que l’absence d’autorisation de séjour avant le mois de mai 2007 n’a pas pu faire obstacle à la constitution d’un domicile en Suisse dès son arrivée à Genève en 1997.

La condition des 10 ans de résidence et de domicile sur le canton de Genève était ainsi réalisée, lorsque la recourante a présenté à l’intimé sa demande de prestations complémentaires fédérales et cantonales durant le mois de juin 2010 (art. 4 al. 1 let. a et 5 al. 1 LPC, 1 al. 1 let. a LPFC, 2 al. 1 let. a et al. 3 LPCC).

c) Enfin, il est également établi que la recourante perçoit des prestations de l’AVS, soit une rente de veuve et des rentes d’orphelin pour ses trois enfants depuis le mois de juin 2010, et ce en raison du décès de son conjoint en date du 27 mai 2010.

Par conséquent, elle remplissait, dès le mois de juin 2010, toutes les conditions générales pour prétendre à des prestations complémentaires fédérales et cantonales à l’AVS et à l’AI.

Bien fondé, le recours est ainsi admis et les décisions litigieuses annulées. Le dossier devra être renvoyé à l'intimé pour calcul des prestations complémentaires fédérales et cantonales et nouvelle décision.

La procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L’admet.

Annule la décision du 2 juin 2010 et la décision sur opposition du 9 août 2010.

Octroie à la recourante les prestations complémentaires à compter du mois de juin 2010.

Renvoie la cause à l'intimé pour calcul des prestations complémentaires fédérales et cantonales et nouvelle décision.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Maryse BRIAND

 

La présidente

 

 

 

Maya CRAMER

 

La secrétaire-juriste :

 

Diane E. KAISER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le