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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3248/2017

ATA/937/2019 du 21.05.2019 sur JTAPI/402/2018 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT ; IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL ; IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT ; PRESCRIPTION ; CALCUL DE L'IMPÔT ; IMPÔT SUR LE REVENU ; MOMENT DE LA RÉALISATION ; DETTE ; CRÉANCE ; REMISE CONVENTIONNELLE DE DETTE ; IMPOSITION SELON LA CAPACITÉ ÉCONOMIQUE ; DONATION
Normes : Cst.29.al2; LIPP.72.al1; LIFD.120.al1; LIFD.120.al2; LIFD.120.al3; LIFD.121; LHID.47.al1; LHID.47.al2; LPFisc.22; LPFisc.23; LIFD.16.al1; aLIPP-IV.1; LIFD.16.al3; aLIPP-IV.10.leti; LIFD.18.al1; aLIPP-IV.3.al1; LIFD.24.leta; LPA.19; LPA.22; CO.164.al1; CO.169.al1; CO.115; LIFD.16.al3; Cst.9; Cst.127.al2; LIFD.167
Résumé : L'opération consistant au paiement par le recourant de la somme de CHF 35'000.-, pour solde de tout compte, à son créancier, lequel détient un acte de défaut de biens à son encontre portant sur une créance de CHF 2'805'261,60 constitue bien un revenu imposable, et ne saurait être considéré comme un gain en capital exonéré.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3248/2017-ICCIFD ATA/937/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2019

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Antoine Berthoud, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
30 avril 2018 (JTAPI/402/2018)


EN FAIT

1) Le litige concerne l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) pour l'année 2006 de Madame et
Monsieur A______, domiciliés à Genève.

2) a. Le 29 janvier 1999, M. A______ et B______ ont signé une convention à teneur de laquelle la banque a abandonné, le 31 janvier 2004, après un remboursement partiel de CHF 30'000.-, le solde de quatre créances qu'elle avait envers ce dernier, totalisant CHF 3'277'919,98 au moment de la signature. 

b. Dans le cadre de la taxation 2004 des époux A______, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a inclus, dans leurs revenus imposables, le total de l'abandon de créances précité, déduction faite du montant de CHF 30'000.-.

c. Cette taxation a fait l'objet d'une procédure judiciaire ayant donné lieu à deux arrêts du Tribunal fédéral le 13 février 2017, au terme desquels ce dernier a confirmé que l'abandon de créances devait être considéré, fiscalement, comme un revenu imposable, que la dette remise fût privée ou commerciale (2C_189/2016 et 2C_190/2016 du 13 février 2017).

3) Le 3 juillet 2000, C______ (ci-après : C______) s'est vu délivrer, à la suite d'une poursuite infructueuse dirigée contre M. A______, un acte de défaut de biens pour une créance de CHF 2'805'261,60 qu'elle avait envers ce dernier. L'acte indiquait, notamment, que le créancier pouvait, dans les six mois, continuer la poursuite sans nouveau commandement de payer.

4) Par contrat écrit du 8 mai 2003, C______ a cédé la créance précitée à la société D______ (ci-après : D______), dénommée à compter du
18 décembre 2009 E______, puis radiée du registre du commerce le 27 juin 2016.

Le contrat précisait notamment que lui étaient cédés « tous les droits accessoires dont le débiteur lui [était] redevable ».

5) Par courrier du 12 octobre 2006, D______ a fait savoir à M. A______ que la créance de CHF 2'805'261,60 qu'elle avait envers lui avait été soldée « par un versement pour solde de tout compte de CHF 35'000.- ». Elle n'avait dès lors plus de prétention à son égard à raison de la créance reprise et lui retournait l'acte de défaut de biens, dûment acquitté.

6) Dans leur déclaration fiscale pour l'année 2006, les époux A______ ont fait part d'un revenu brut de CHF 98'521.-, entièrement issu d'une activité dépendante de M. A______ et de rentes de l'assurance vieillesse et survivants.

7) Par courrier du 10 juillet 2009, l'AFC-GE a sollicité auprès des époux A______ la remise des justificatifs de tous les versements qu'ils avaient effectués en 2006 en vue de s'acquitter du montant de CHF 35'000.- dû à D______ et de lui indiquer le solde dû au 31 décembre de l'année en question.

8) Le 31 juillet 2009, les intéressés ont expliqué qu'ils n'avaient pas conservé les justificatifs des versements effectués en 2005 et 2006 relatifs au remboursement du montant de CHF 35'000.- à D______, conformément à l'arrangement du 27 août 2003 avec ladite société. Le solde de cette dette s'élevait à CHF 4'500.- en 2005 et à CHF 0.- en 2006, celle-ci ayant été clôturée au
30 septembre 2006, conformément au courrier de D______ du 12 octobre 2006 qu'ils remettaient en annexe.

9) Par bordereaux du 28 septembre 2009 relatifs à l'ICC et l'IFD 2006,
l'AFC-GE a taxé les époux A______ en intégrant dans leurs revenus imposables « l'abandon de créance C______ » pour un montant de CHF 2'770'261.-.

10) Le 15 octobre 2009, les époux A______ ont formé réclamation contre ces bordereaux, se prévalant du fait que cet abandon de créances ne constituait pas un revenu imposable.

11) Faisant suite à un courrier de l'AFC-GE du 31 mai 2017, les intéressés ont indiqué, par lettre du 6 juin 2017, que l'objet de leur réclamation du 15 octobre 2009 était « totalement différent » de celui traité par le Tribunal fédéral dans ses arrêts 2C_189/2016 et 2C_190/2016 du 13 février 2017. En 2004, il s'agissait en effet d'un abandon de créance consenti par B______, dans le cadre d'une négociation directe avec cette banque. En 2006, en revanche, M. A______ avait racheté à une société d'encaissement un acte de défaut de biens qui lui avait été cédé par C______. Il n'était dès lors pas question d'abandon de créance, mais d'un rachat d'acte de défaut de biens, lequel n'avait jamais été qualifié de revenu par la jurisprudence fédérale. Dans cette mesure, ils maintenaient leur réclamation.

12) Par décisions du 3 juillet 2017, l'AFC-GE a rejeté la réclamation des époux A______.

En application de la théorie de l'accroissement du patrimoine, un revenu était également acquis lorsque le contribuable était libéré d'une dette. C'était donc à juste titre que l'abandon de créance de CHF 2'770'261.- avait été imposé.

13) Par acte du 2 août 2017, les époux A______ ont interjeté recours contre ces décisions par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à leur annulation.

En 2006, M. A______ n'avait pas bénéficié d'un abandon de créance, mais procédé au rachat d'un acte de défaut de biens. Aucun arrêt du Tribunal fédéral ni auteur de doctrine ne soutenait que le rachat d'un acte de défaut de biens pouvait constituer un revenu imposable. Qui plus est, l'accord trouvé en 2006 n'avait pas été conclu avec la banque, qui était initialement le créancier hypothécaire, mais avec le cessionnaire de l'acte de défaut de biens. Enfin, dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral avait exclu de qualifier un abandon de créance de gain en capital, en raison de l'absence d'une aliénation. Or, en l'occurrence, la créance originale, matérialisée dans l'acte de défaut de bien, avait fait l'objet d'une double aliénation : une première fois en faveur de D______, puis en faveur de M. A______.

14) Dans sa réponse du 3 octobre 2017, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

15) Le 16 octobre 2017, les époux A______ ont persisté dans leurs conclusions.

16) Par jugement du 30 avril 2018, le TAPI a rejeté le recours.

En 2003, C______ avait cédé à D______ la créance de CHF 2'805'261,60 qu'elle avait envers M. A______. Cette opération, emportant la substitution du créancier, n'avait eu aucun impact sur les obligations de l'intéressé. Celui-ci était toujours resté débiteur de cette somme, qu'il pouvait faire valoir en déduction de sa fortune imposable.

Par le rachat de l'acte de défaut de biens en 2006, moyennant une contreprestation de seulement CHF 35'000.-, l'intéressé avait obtenu de son nouveau créancier, D______, la remise de sa dette de CHF 2'805'261,60. Les conséquences de cette opération sur son patrimoine étaient en tous points identiques à celles résultant de l'abandon d'une dette usuelle. Le seul fait qu'il s'agisse formellement du rachat d'un acte de défaut de biens était sans portée, dès lors que ce rachat avait permis à l'intéressé de diminuer effectivement son passif de CHF 2'770'261,60 et, donc, de s'enrichir à concurrence du même montant. Cette amélioration de sa situation financière pour l'année 2006 devait être appréhendée comme un revenu imposable.

17) Par acte du 29 mai 2018, les époux A______ ont interjeté recours contre le jugement précité par-devant la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative), en concluant à son annulation, à ce qu'il soit dit que le montant de CHF 2'770'261.- ne constituait pas un revenu imposable, subsidiairement à ce que ce montant soit considéré comme un gain en capital exonéré. Les frais de procédure devaient être laissés à la charge de l'État et il devait leur être alloué une équitable indemnité à titre de dépens.

Le TAPI avait consacré une interprétation extrêmement extensive de la notion de revenu imposable, en intégrant dans celui-ci le rachat d'un acte de défaut de biens.

La question se posait en l'occurrence de savoir si l'accroissement tirait son origine d'un gain en capital exonéré ou d'une source de revenu imposable.

Dans un arrêt consacré à la qualification d'un abandon de créance consenti par une banque, le Tribunal fédéral s'était référé à la théorie de la provenance subjective du revenu. Le revenu devait être qualifié comme tel en raison du lien direct existant entre le débiteur ayant abandonné une partie de ses prétentions et le créancier ayant profité de cet avantage. En l'occurrence, ce lien direct manquait puisque le créancier bancaire initial (C______) avait cédé l'acte de défaut de biens qu'il avait obtenu contre M. A______ à D______. La question du lien direct entre les parties à l'abandon de créance impliquait que la perte subie par le créancier soit équivalente à l'avantage dont avait bénéficié le débiteur. Tel ne pouvait être le cas lorsqu'un tiers cessionnaire intervenait. Il ne pouvait être tenu pour certain que D______ n'avait pas acquis l'acte de défaut de biens à hauteur de la valeur nominale de la créance constatée. Il l'avait très certainement acquis à un vil prix. D______ avait donc certainement réalisé un bénéfice et non une perte dans l'opération. L'application de la théorie de la provenance subjective devait aboutir à la conclusion que le contribuable n'avait pas réalisé de revenu imposable en rachetant l'acte de défaut de biens.

Le Tribunal fédéral avait exclu l'existence d'un gain en capital à défaut de l'existence d'une aliénation. Or, il y avait eu en l'espèce une double aliénation de l'acte de défaut de biens et de la créance litigieuse. Dans la mesure où le Tribunal fédéral avait considéré qu'une diminution de passifs était à l'origine d'un accroissement de fortune nette, il n'y avait aucune raison de refuser de qualifier le rachat d'un acte de défaut de biens comme générant un gain en capital. Le fait qu'une cession de créance emporte une simple substitution du créancier ne devait pas faire obstacle à cette qualification de gain en capital. À titre subsidiaire, le chambre de céans devait donc considérer que le rachat litigieux était à l'origine d'un gain en capital exonéré.

Enfin, les bordereaux querellés, qui ne portaient pratiquement que sur le revenu contesté, totalisaient plus de CHF 1'200'000.-. Si les recourants n'avaient pu réunir que CHF 35'000.- pour racheter l'acte de défaut de biens de
CHF 2'805'261.60, il n'était pas correct que l'État perçoive, à titre d'impôt, près de trente-cinq fois le montant accepté par le créancier. Ce résultat apparaissait arbitraire, ou à tout le moins contraire au principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique ou contributive.

18) Le 1er juin 2018, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

19) Dans sa réponse du 19 juillet 2018, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Puisque les recourants entendaient tirer pour conséquence de leurs allégués que leur impôt devrait être inférieur à celui fixé par l'AFC-GE et validé par le TAPI, il leur appartenait de rapporter la preuve du prix auquel D______ avait acquis du C______ l'acte de défaut de bien à leur encontre. Par ailleurs, elle voyait mal la raison pour laquelle l'absence de perte alléguée par D______ permettrait qu'il soit renoncé à l'imposition de l'abandon de créance global dont les recourants avaient bénéficié. Dans l'arrêt auquel se référaient les recourants, le Tribunal fédéral évoquait la théorie de la provenance subjective, et en tirait comme conclusion qu'il n'y avait pas, dans la cessation d'une relation contractuelle entre créancier et débiteur, de gain en capital, dès lors que s'il était certes possible qu'une dette soit abandonnée à tire de donation, une telle hypothèse ne saurait être présumée de la part d'une banque. En l'occurrence, une telle hypothèse ne pouvait pas non plus être présumée de la part d'une société commerciale telle que D______.

Le Tribunal fédéral avait par ailleurs expressément analysé la possibilité qu'un abandon de créance de la banque puisse être qualifié de gain en capital et l'avait nié.

20) Le 27 août 2018, les recourants ont intégralement persisté dans les termes et conclusions de leur recours.

Si la chambre administrative considérait que le prix d'acquisition par D______ de l'acte de défaut de biens initialement délivré à C______ avait de l'importance pour statuer sur le fond du litige, elle devait inviter D______ à produire les justificatifs nécessaires ou entendre en qualité de témoin le responsable de leur dossier au sein de cette société.

21) Par courrier du 20 septembre 2018 adressé à l'AFC-GE, la juge déléguée a sollicité la remise des déclarations fiscales des recourants pour les années 2002 à 2005.

22) Le 12 octobre 2018, l'AFC-GE a indiqué que les déclarations fiscales sollicitées avaient été détruites. Elle produisait en revanche les éléments numérisés de ces déclarations ainsi que les bordereaux et avis de taxation ICC et IFD afférents à ces années fiscales.

Il ressortait des éléments produits que le recourant n'avait pas mentionné dans ses déclarations fiscales la dette qu'il avait à l'égard de C______ et/ou D______. Le fait de renoncer à se prévaloir de cette dette ne permettait pas de prétendre à l'inapplicabilité de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral aboutissant à l'imposition d'un abandon de créance auprès du débiteur. Même si le recourant avait renoncé à se prévaloir, fiscalement, de ses dettes envers le C______, il n'avait été redevable d'aucun impôt sur la fortune à teneur de ses bordereaux ICC 2002 à 2006.

Quel que soit le montant pour lequel D______ avait acquis la créance initiale du C______ envers le recourant, c'était bien à hauteur du montant de la créance initiale du C______ à son égard, soit CHF 2'805'261.80, que l'abandon de ladite créance avait augmenté sa capacité économique et devait donc être imposé au titre de revenu. Autre était la question de savoir si le recourant pouvait faire face à la charge fiscale en découlant.

23) Le 9 novembre 2018, les recourants ont remis à la chambre administrative une copie de la page de leurs déclarations fiscales 2002 à 2005 relative aux intérêts et dettes.

Au vu des pièces sollicitées auprès de l'AFC-GE, il apparaissait que la chambre administrative s'interrogeait sur une question qui n'avait pas été examinée par le TAPI qui était de savoir quelle période était concernée par le rachat de l'acte de défaut de bien, qualifié par l'administration d'abandon de créance. En réponse à une demande de renseignements de l'AFC-GE concernant la période fiscale 2006, ils lui avaient fait parvenir un courrier de D______ daté du 27 août 2003, à teneur duquel un accord ferme et définitif sur le rachat de l'acte de défaut de biens pour un montant de CHF 35'000.- avait été conclu en 2003, et c'était, en toute hypothèse, pendant cette période qu'un éventuel revenu aurait dû être taxé par l'intimée. Les documents transmis permettaient par ailleurs de constater que le recourant n'avait plus demandé la déduction de la dette qui avait fait l'objet de l'acte de défaut de biens, le montant de CHF 35'000.- figurant dans la déclaration 2004 correspondant manifestement à l'accord précité trouvé par D______.

L'AFC-GE estimait qu'il convenait de se placer dans la perspective du débiteur pour évaluer l'amélioration de sa situation économique. Dans ce contexte, la jurisprudence constante de la chambre administrative considérait qu'une créance constatée par un acte de défaut de biens avait une valeur nulle. Il était par ailleurs notoire que sur le marché, une dette constatée par un acte de défaut de biens avait une valeur vénale correspondant à un faible pourcentage du montant de la dette constatée par celui-ci. Dans la perspective du recourant, le rachat de l'acte de défaut de biens cédé à D______ n'avait généré aucun revenu.

24) Le 28 novembre 2018, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

Les recourants n'avaient pas mentionné leur dette envers C______ en 2002, alors que ce dernier disposait à leur encontre durant l'année précitée, et ce depuis le 3 juillet 2000, d'un acte de défaut de biens pour une créance de
CHF 2'805'261.60. En 2003, aucune dette n'avait été annoncée par les recourants, que ce soit envers C______ ou envers D______. En revanche, ils avaient déclaré, en 2004, une dette de CHF 35'000.- envers C______, alors même qu'ils indiquaient dans leur écriture qu'un accord avait été conclu en 2003. Or, si l'abandon de créance était, de leur point de vue, définitif en 2003 (et donc imposable), on ne voyait pas la raison pour laquelle la dette y relative avait été déclarée postérieurement à 2003. Ces éléments étaient dès lors impropres à tirer des conclusions décisives sur la manière dont les recourants percevaient l'existence de leurs dettes. Leur perception ne pouvait avoir une influence sur l'année d'imposition de l'abandon de créance dont ils avaient bénéficié.

Les recourants présentaient, dans leur dernière écriture, une argumentation totalement nouvelle par rapport à celle présentée dans leur recours et devant l'instance inférieure. Après avoir d'abord indiqué que le rachat de l'acte de défaut de biens ne pouvait générer un revenu mais était à l'origine d'un gain en capital exonéré, ils admettaient dorénavant qu'un revenu puisse découler du rachat de l'acte de défaut de biens, mais considéraient qu'il aurait dû être taxé en 2003. Ce faisant, ils se méprenaient sur la notion de réalisation du revenu. Ce n'était que le 12 octobre 2006 que D______ avait restitué aux recourants l'acte de défaut de biens qu'elle détenait à leur encontre. Ce n'était donc qu'en 2006 qu'une amélioration de leur situation financière s'était produite de manière définitive et qu'ils s'étaient enrichis à hauteur de CHF 2'770'261.-. C'était ainsi bien durant l'année fiscale 2006 que ce revenu avait été réalisé et qu'il devait être imposé.

25) Le 20 décembre 2018, les recourants ont relevé que si les parties ne pouvaient pas modifier leurs conclusions en cours de procédure, leur motivation juridique pouvait quant à elle évoluer.

Le recourant ne pouvait être considéré comme étant défaillant, dès lors qu'il avait effectivement versé aux échéances prévues le montant qu'il s'était engagé à payer à D______. Le fait que cette dernière ait conservé, à titre de garantie, l'acte de défaut de biens jusqu'au paiement complet des montants convenus ne permettait pas de conclure que l'accord passé en 2003 était assorti d'une condition suspensive.

26) Le 7 janvier 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc -
D 3 17 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le traitement fiscal de l'opération consistant au paiement par le recourant de la somme de CHF 35'000.-, pour solde de tout compte, à son créancier, lequel détient un acte de défaut de biens à son encontre portant sur une créance de CHF 2'805'261,60.

3) À titre préalable, les recourants sollicitent l'audition du responsable de leur dossier auprès de D______ et la production, par ladite société, des justificatifs du prix d'acquisition de l'acte de défaut de biens initialement délivré au C______.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. En l'espèce, les recourants sollicitent les actes d'instruction susmentionnés afin d'établir le prix d'acquisition par D______ de l'acte de défaut de biens initialement délivré au C______. Or, comme il sera exposé ci-après, ce point n'est pas pertinent pour la résolution du présent litige. Pour le surplus, D______ a été radiée du registre du commerce en 2016, de sorte que les actes d'instructions sollicités ne pourraient de toute manière pas être mis en oeuvre. Pour le surplus, les recourants se sont déjà déterminés par écrit à de nombreuses reprises sur les faits de la cause, tant devant l'AFC-GE, que le TAPI et la chambre de céans. Ils ont en particulier exercé leur droit d'être entendu dans le cadre de la présente procédure au moyen de plusieurs écritures et ont pu produire les pièces qu'ils estimaient utiles.

Il ne sera dès lors pas donné suite à leur requête.

4) De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2C_663/2014 du 25 avril 2015 consid. 4 ; 2C_476/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4.1 ; ATA/192/2018 du 27 février 2018 consid. 2a ; ATA/1487/2017 du 14 novembre 2017 consid. 2a).

La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 et 2C_60/2013 du 14 août 2013 consid. 1 ; ATA/204/2014 du 1er avril 2014 consid. 3). Le
1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du
22 septembre 2000).

L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s'appliquent même après l'entrée en vigueur de la loi.

En l'espèce, le recours concerne la période fiscale 2006. Dès lors, c'est l'ancien droit (aLIPP-I à aLIPP-V) qui s'applique ainsi que la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), dans la teneur en vigueur lors de la période fiscale litigieuse.

5) a. En droit public, la prescription doit être constatée d'office lorsqu'un particulier est débiteur de l'État (ATF 133 II 366 = JdT 2007 II 54 ; 106 Ib 357 consid. 3a ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3a et les arrêts cités). Elle est soumise au droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses.

b. Selon l'art. 120 LIFD, le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale (al. 1). La prescription ne court pas ou est suspendue pendant les procédures de réclamation, de recours ou de révision (al. 2 let. a). Un nouveau délai de prescription commence à courir lorsque l'autorité prend une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d'impôt et en informe le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui du paiement de l'impôt (al. 3 let. a). En tous les cas, la prescription du droit de procéder à la taxation est acquise quinze ans après la fin de la période fiscale
(al. 4).

À teneur de l'art. 121 LIFD, les créances d'impôt se prescrivent par cinq ans à compter de l'entrée en force de la taxation (al. 1). Pour la suspension et l'interruption de la prescription, l'art. 120 al. 2 et 3 LIFD, est applicable par analogie (al. 2). La prescription est acquise dans tous les cas dix ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle la taxation est entrée en force (al. 3).

c. En droit cantonal, l'art. 47 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), de même que les art. 22 et 23 LPFisc, dans leur teneur en vigueur pour la période fiscale litigieuse, ont exactement le même contenu que les articles de la LIFD mentionnés ci-dessus.

d. En l'espèce, il y a lieu de constater qu'aucun des délais prévus par les dispositions précitées n'a été atteint, compte tenu des actes effectués régulièrement à la suite de la taxation. Quant aux créances fiscales relatives à ces taxations, elles ne sont pas non plus prescrites. Contestées dans le cadre de la présente procédure, elles ne sont pas encore entrées en force, de sorte que les délais de prescription des art. 121 LIFD et 47 al. 2 LHID n'ont pas encore commencé à courir.

En revanche, l'écoulement du délai de prescription absolu de quinze ans après la fin de la période fiscale 2006 échoira le 31 décembre 2021.

6) Les recourants contestent le fait que l'opération consistant à solder leur créance à l'égard de D______ puisse être assimilé à la situation d'un abandon de créance, donnant lieu à un revenu imposable. Ils relèvent par ailleurs que quand bien même cela pourrait être le cas, il ne saurait être question d'un revenu réalisé en 2006, mais en 2003.

7) a. À teneur des art. 16 al. 1 LIFD et 1 aLIPP-IV, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Sont en revanche exonérés d'impôt, selon les art. 16 al. 3 LIFD et 10 let. i aLIPP-IV, les gains en capital réalisés lors de l'aliénation d'éléments de la fortune privée.

Selon les art. 18 al. 1 LIFD et 3 al. 1 aLIPP-IV, sont notamment imposables tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante.

b. Si la notion de revenu n'est pas définie précisément par la loi, la jurisprudence et la doctrine retiennent en principe comme déterminante la théorie de l'accroissement net du patrimoine (ATF 125 II 113 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_766/2010 du 29 juillet 2011 consid. 2.1), c'est-à-dire une conception extensive de la notion de revenu (ATA/1033/2018 du 2 octobre 2018 consid. 7b ; ATA/167/2012 du 27 mars 2012 consid. 7). Selon celle-ci, le revenu acquis par un contribuable se compose de tout accroissement de son patrimoine constaté au cours de la période fiscale considérée, ce qui peut provenir tant d'une augmentation des actifs que d'une diminution des passifs (ATA/1033/2018 précité consid. 7b ; ATA/342/2015 précité consid. 6c).

c. Selon la jurisprudence, l'abandon d'une créance bancaire en faveur d'un client débiteur est fiscalement considéré comme un revenu pour ce dernier et non comme un don, exonéré en vertu de l'art. 24 let. a LIFD (ATF 142 II 197
consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_224/2008 du 1er avril 2009 consid. 2.2). Dans la mesure où la dette est commerciale, la remise sera traitée en tant que revenu provenant d'une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 18 LIFD (arrêts du Tribunal fédéral 2C_120/2008 et 2C_121/2008 du 13 août 2008
consid. 2.2, publié in RDAF 2009 II p. 34, 36-37). Si la dette remise est privée, il s'agit, selon la théorie de l'accroissement de la fortune nette, d'un revenu imposable en vertu de la clause générale de l'art. 16 al. 1 LIFD (ATF 142 II 197 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_276/2010 du 19 octobre 2010
consid. 3.2 ; 2C_120/2008 et 2C_121/2008 précités consid. 2.2, publié in RDAF 2009 II p. 34, 37).

d. S'il est exact que, de façon générale, la valeur d'une créance se définit du point de vue du créancier et non de celui du débiteur, déterminer si l'abandon de créance accroît ou non la capacité économique du débiteur ne dépend en revanche pas de la question de savoir si le créancier pourra un jour recouvrer sa créance en engageant des poursuites ou si celle-ci revêt (encore), à ce titre, une certaine valeur effective pour lui. En d'autres termes, la prise en considération par le créancier de la solvabilité ou non de son débiteur pour qualifier tout ou partie de sa créance de non-valeur n'est pas pertinente par rapport à la question de l'imposition de l'abandon de créance consenti en faveur dudit débiteur. Il est au contraire décisif d'établir, dans la perspective du débiteur, si l'abandon de créance en sa faveur élargit la marge de manoeuvre financière dont il dispose ; ce, peu importe quel avait été l'état antérieur de sa fortune, respectivement à combien s'élèvent ses éventuelles dettes. Or, en toute hypothèse, l'abandon de créance par le créancier a pour effet d'améliorer la situation économique de son débiteur. Il s'ensuit que la clause générale figurant à l'art. 16 al. 1 LIFD s'avère, de par sa systématique, conforme au principe de l'imposition du revenu global net dans le domaine de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (ATF 142 II 197 consid. 5.5.3).

8) a. Selon le principe de la périodicité de l'impôt sur le revenu, l'impôt dû pour une période fiscale donnée se calcule sur la base du revenu réalisé et des frais tombant durant cette période. Ce principe implique que l'on attribue un revenu à la période fiscale au cours de laquelle il a été réalisé. L'attribution d'un revenu à une période fiscale s'effectue ainsi selon le principe de la réalisation, qui y est lié (ATF 137 II 353 consid. 6.4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_784/2017 du 8 mars 2018 consid. 7.5).

b. Le revenu n'est imposable que s'il est réalisé. Cette condition essentielle constitue le fait générateur de l'imposition du revenu (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème édition, 2012, p. 99 n. 12). La réalisation détermine le point d'entrée de l'avantage économique dans la sphère fiscale du contribuable et, tant que l'avantage économique n'est pas réalisé, il demeure une expectative, non encore imposable (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Impôt fédéral direct, commentaire romand, 2ème éd., 2017, p. 201 s n. 29 ss ad art. 16 LIFD). Selon la jurisprudence, un revenu est réalisé lorsqu'une prestation est faite au contribuable ou que ce dernier acquiert une prétention ferme sur laquelle il a effectivement un pouvoir de disposition. En règle générale, l'acquisition d'une prétention est déjà considérée comme un revenu dans la mesure où son exécution ne paraît pas incertaine. Ce n'est que si cette exécution paraît d'emblée peu probable que le moment de la perception réelle de la prestation est pris en considération (ATF 113 Ib 23 consid. 2e ; 105 Ib 238 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.3 ; 2C_683/2013 du
13 février 2014 consid. 6.4 ; 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.4).

Le caractère certain de l'exécution de la prestation ne saurait en revanche dépendre de la seule volonté du contribuable ; si tel était le cas, celui-ci pourrait déterminer lui-même, en fonction de ses convenances personnelles, à quel moment ce revenu est imposable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_454/2015 du
1er avril 2016 consid. 4.1 ; 2C_116/2010 du 21 juin 2010 consid. 2.3).

9) a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1197/2018 du 6 novembre 2018 consid. 3a).

En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/1197/2018 précité consid. 3a).

b. En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Xavier OBERSON, op. cit., p. 513 n. 11). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 514 n. 12).

10) En présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATA/1001/2018 du
25 septembre 2018 consid. 13 ; ATA/600/2018 du 12 juin 2018 consid. 7c ; ATA/169/2018 du 20 février 2018 consid. 5c).

11) a. À teneur de l'art. 164 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), le créancier peut céder son droit à un tiers sans le consentement du débiteur, à moins que la cession n'en soit interdite par la loi, la convention ou la nature de l'affaire.

b. Si elle est cessible, la créance mentionnée dans l'acte de défaut de biens peut faire l'objet d'une cession au sens des art. 164 ss CO. Le débiteur peut opposer au cessionnaire, comme il aurait pu les opposer au cédant, les exceptions qui lui appartenaient au moment où il a eu connaissance de la cession (art. 169 al. 1 CO ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_480/2017 du 2 mai 2018 consid. 4.3).

La loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889
(LP - RS 281.1) ne confère pas au débiteur/failli un droit de rachat de ses actes de défaut de biens à un prix inférieur au montant indiqué dans l'acte. À l'égard du titulaire de la créance, comme à l'égard de son cessionnaire, le débiteur/failli demeure redevable de l'intégralité du montant. La seule protection assurée au débiteur/failli contre lequel l'acte de défaut de biens a été délivré est l'exception du non-retour à meilleure fortune (arrêt du Tribunal fédéral 4A_480/2017 précité consid. 4.4).

12) Selon l'art. 115 CO, il n'est besoin d'aucune forme spéciale pour annuler ou réduire conventionnellement une créance, lors même que, d'après la loi ou la volonté des parties, l'obligation n'a pu prendre naissance que sous certaines conditions de forme.

13) a. Les recourants allèguent que la jurisprudence retient l'existence d'un revenu devant être qualifié comme tel, lors d'un abandon de créance, en raison de l'existence d'un lien direct entre le créancier et le débiteur. En l'occurrence, il n'y aurait pas de lien direct entre le recourant et le créancier bancaire initial (C______), dès lors que ce dernier a cédé l'acte de défaut de bien obtenu à D______. Ils considèrent que ce défaut de lien direct impliquerait que la perte subie par D______ ne serait pas équivalente à l'avantage dont aurait bénéficié le recourant et que ce dernier n'aurait pas réalisé un revenu imposable en rachetant son acte de défaut de bien.

Ce raisonnement ne saurait être suivi.

En l'occurrence, à teneur du courrier de D______ du 12 octobre 2006, cette dernière a considéré que la créance de CHF 2'805'261,60 qu'elle avait envers le recourant avait été soldée par le versement de la somme de CHF 35'000.- et lui a retourné l'acte de défaut de biens qu'elle considérait dorénavant dûment acquitté. Ce faisant, D______ a incontestablement opéré un abandon de créance envers le recourant d'un montant de CHF 2'770'261.60 (CHF 2'805'261,60 -
CHF 35'000.-). Le fait que le créancier initial ne soit pas le créancier ayant finalement consenti l'abandon de créance au recourant est en particulier sans incidence. D'une part, comme relevé à juste titre par le TAPI, la substitution de créancier n'a eu aucun impact sur les obligations du recourant, celui-ci étant resté débiteur de la somme de CHF 2'805'261,60. D'autre part, il n'est pas contesté par les parties que D______ s'est valablement fait céder par C______ une créance contre le recourant, la cession d'un acte de défaut de biens étant en particulier admise par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_480/2017 précité consid. 4.3). Il sera encore relevé que dans l'ATF 142 II 197 auquel se réfèrent les parties et dans lequel le Tribunal fédéral a confirmé l'existence d'un revenu imposable, la créance initiale de la banque avait également été cédée à un tiers, soit en l'occurrence une autre banque, laquelle avait procédé à un abandon de créance envers le débiteur, conditionné à différents versements.

Contrairement à ce que relèvent les recourants, le montant payé par D______ à C______ pour se faire céder sa créance contre le recourant est sans incidence sur le présent litige, quand bien même, par hypothèse, ledit montant serait inférieur à la valeur nominale de ladite créance. Comme susmentionné, selon le Tribunal fédéral, le seul point décisif est de savoir si, dans la perspective du débiteur, l'abandon de créance en sa faveur a élargi la marge de manoeuvre financière dont il dispose. En l'occurrence, en lieu et place de la somme de
CHF 2'805'261,60, le recourant s'est uniquement acquitté d'un montant de
CHF 35'000.-. Il s'est dès lors retrouvé enrichi à hauteur de la différence entre ces deux montants. Cet enrichissement constitue donc, selon la théorie de l'accroissement de la fortune nette, un revenu imposable en vertu de la clause générale des art. 18 al. 1 LIFD et 3 al. 1 aLIPP-IV.

b. Les recourants considèrent par ailleurs qu'un éventuel revenu n'aurait en tout état pu être taxé qu'en 2003, période durant laquelle un accord ferme et définitif sur le rachat de l'acte de défaut de biens serait intervenu.

Or, les intéressés ont expressément indiqué, dans leur courrier du 6 juin 2017 à l'AFC-GE, qu'en 2006, le recourant avait racheté à une société d'encaissement l'acte de défaut de bien qui lui avait été cédé par C______. Dès lors, ils ne sauraient se prévaloir de leur bonne foi, dans le cadre de la présente procédure, du fait que le rachat de l'acte de défaut de biens aurait eu lieu en 2003, ce d'autant plus que, comme susmentionné, en présence de déclarations contradictoires, la préférence est donnée à celles faites en premier lieu.

En outre, à teneur du dossier, aucun élément ne permet de prouver que le revenu litigieux aurait dû être pris en compte en 2003, alors que le fardeau de la preuve leur incombe sur ce point. Les recourants n'ont en particulier pas produit le courrier de D______ du 27 août 2003 auquel ils se réfèrent et prouvant, selon eux, qu'un accord définitif serait intervenu en 2003 déjà. Contrairement à ce qu'ils allèguent, il ressort du dossier que le seul document produit auprès de l'AFC-GE est le courrier de D______ du 12 octobre 2006 attestant de la clôture de la dette à cette date. Par ailleurs, les pages des déclarations fiscales 2002 à 2005 des recourants relatives aux intérêts et dettes ne sauraient constituer un élément de preuve suffisant, celles-ci étant à la fois incomplètes et inexactes. Il en ressort, en effet, que les recourants n'y ont jamais déclaré leur dette initiale de
CHF 2'805'261,60 envers le C______, reprise en 2003 par D______, mais ont fait état d'une dette de CHF 35'000.- envers C______, pour l'année 2004 seulement.

C'est dès lors à juste titre que l'AFC-GE a considéré que le revenu litigieux devait être pris en compte dans la taxation ICC et IFD 2006 des recourants.

14) Les recourants se prévalent, subsidiairement, du fait qu'ils auraient procédé à un rachat d'acte de défaut de biens, générant un gain en capital privé exonéré d'impôt.

a. À teneur des art. 16 al. 3 LIFD et 10 let. i aLIPP-IV, les gains en capital réalisés lors de l'aliénation d'éléments de la fortune privée ne sont pas imposables.

b. Dans l'ATF 142 II 197, le Tribunal fédéral a réaffirmé sa jurisprudence selon laquelle il convenait de nier l'existence d'un gain en capital au sens de
l'art. 16 al. 3 LIFD en cas d'abandon de créance de la part d'une banque en faveur d'un client privé. L'aliénation impliquait en principe une diminution de la substance. La condition sine qua non du gain en capital exonéré était par conséquent l'aliénation intégrale ou partielle de droits réels ou personnels. Ceux-ci quittaient la propriété de l'aliénateur, ce qui réduisait temporairement sa substance jusqu'à la réception de la contre-prestation. Or, dans le cas d'un abandon de créance, force était de constater que l'existence d'une aliénation faisait défaut. On ne décelait du reste aucun acte de la part de l'aliénateur, l'abandon étant le seul fait du créancier (consid. 5.6 et les références citées).

Dans un arrêt plus ancien sur cette même question, le Tribunal fédéral a relevé que l'instance précédente s'était fondée sur le critère de réalisation comme caractéristique du gain en capital et avait nié l'existence d'un tel gain. Cette conclusion n'était pas critiquable, dès lors qu'en l'espèce, il s'agissait de la cessation de la relation contractuelle créancier-débiteur. Conformément à la théorie de la provenance subjective, il n'y avait alors en réalité pas de gain en capital. Il était certes possible qu'une dette soit abandonnée à titre de donation ; une telle hypothèse ne pouvait toutefois être présumée de la part d'une banque et n'avait pas non plus été démontrée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_120/2008 et 2C_121/2008 du 13 août 2008, publié in RDAF 2009 II p. 34, 37).

c. La théorie de la provenance subjective (« subjektives Herkunftsprinzip ») s'attarde sur l'identité de celui qui fournit la prestation. Selon ce principe, toutes les prestations versées par le débiteur à son créancier sont des rendements de fortune (Xavier OBERSON, op. cit., p. 130 n. 112).

15) Les recourants allèguent notamment que dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a exclu l'existence d'un gain en capital en cas de d'abandon de créance, à défaut de l'existence d'une aliénation. Or, il y avait eu dans leur situation une double aliénation de l'acte de défaut de biens et de la créance litigieuse.

En l'occurrence, comme retenu précédemment, D______ a opéré un abandon de créance envers le recourant d'un montant de CHF 2'770'261.60, moyennant le versement de la somme de CHF 35'000.-. Comme susmentionné, l'existence d'un gain en capital est conditionnée à l'aliénation intégrale ou partielle d'éléments de la fortune privée. Or, de jurisprudence constante, dans le cas d'un abandon de créance, l'existence d'une aliénation fait défaut. Le fait qu'une fois la somme de CHF 35'000.- réglée, l'acte de défaut de biens ait été restitué au recourant ne remet pas en cause l'absence d'aliénation. On ne décèle d'ailleurs aucun acte d'aliénation de la part du recourant, l'abandon étant le seul fait du créancier.

Par ailleurs, sous l'angle de la théorie de la provenance subjective à laquelle se réfèrent les recourants, force est de constater que la situation litigieuse vise bien un cas de cessation de la relation contractuelle créancier-débiteur, lequel exclut, selon la jurisprudence précitée, la qualification de gain en capital. Le fait que D______ ne soit pas le créancier initial, mais se soit fait céder la créance objet de l'acte de défaut de biens est en particulier sans incidence sur ce qui précède.

Enfin, comme relevé à juste titre par l'AFC-GE, l'hypothèse d'une donation de la part de D______, soit une société commerciale qui plus est active, avant sa radiation, dans le rachat de créance , ne saurait être présumée, à l'instar de ce que retient la jurisprudence concernant une banque (RDAF 2009 II p. 34, 37).

Compte tenu de ce qui précède, le montant de CHF 2'770'261.60 ne saurait être considéré comme un gain en capital exonéré au sens des art. 16 al. 3 LIFD et 10 let. i aLIPP-IV.

Ce grief sera dès lors également écarté.

16) Les recourants se plaignent enfin du fait que leur taxation serait arbitraire et violerait le principe de l'imposition selon leur capacité contributive.

a. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; 138 I 305 consid. 4.4).

b. En vertu de l'art. 127 al. 2 Cst., dans la mesure où la nature de l'impôt le permet, les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés. En application des principes de l'égalité d'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu'ils sont dans des situations de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée. Ainsi, d'après le principe de la proportionnalité de la charge fiscale à la capacité contributive, tel qu'il est aussi nommé par la jurisprudence, chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens (ATF 140 II 157 consid. 7.1 et la jurisprudence citée).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le principe de l'imposition d'après la capacité contributive, chaque personne doit participer aux charges financières de l'État selon ses moyens. Les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; en revanche, s'ils sont dans des situations de fait différentes, qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et être adaptée en conséquence (ATF 133 I 206 consid. 7.1 et 7.2 ; 118 Ia 1 consid. 3a et les arrêts cités).

c. Le Tribunal fédéral considère que si l'abandon de créance augmente la capacité économique du débiteur et entre donc en considération au regard de la théorie de l'accroissement net du patrimoine, il n'accroît en revanche pas simultanément les liquidités dont dispose ce dernier. En effet, à mesure des moyens financiers issus de ses revenus, de sa fortune ou d'autres sources à sa disposition, le contribuable est susceptible de ne pas pouvoir faire face à la charge fiscale découlant de l'abandon de créance obtenu. Afin d'éviter les conséquences trop rigoureuses pour des contribuables tombés dans le dénuement, la loi prévoit la possibilité de demander une remise totale ou partielle des impôts normalement dus (art. 167 LIFD). Une telle situation peut se présenter notamment lorsque le paiement de l'entier du montant dû représenterait pour le contribuable un sacrifice disproportionné par rapport à sa capacité financière. Le système fiscal aménagé par le législateur fédéral est ainsi parfaitement compatible avec les principes découlant de l'art. 127 al. 2 Cst., puisqu'il concrétise le principe de l'imposition selon la capacité économique tout en permettant, à des conditions particulières, de tenir compte de la situation personnelle du contribuable (ATF 142 II 197
consid. 6.3 ; 140 II 157 consid. 7.3).

d. En l'espèce, comme démontré ci-dessus, les taxations litigieuses ICC et IFD 2006 des recourants sont conformes aux dispositions légales applicables. Elles sont donc identiques à celles de tout autre contribuable placé dans une situation similaire et ne sauraient dans ces circonstances violer le principe de la capacité contributive (ATA/718/2014 du 9 septembre 2014 consid. 6b) ou de l'interdiction de l'arbitraire.

Il appartiendra, le cas échéant, aux recourants de former une demande de remise de dette auprès de l'AFC-GE s'ils l'estiment nécessaire.

Ce grief sera donc également écarté.

17) Au vu de ce qui précède, l'AFC-GE, confirmée en cela par le TAPI, était fondée à considérer que l'abandon de créance consenti au recourant devait être imposé, à titre de revenu, dans le cadre de la taxation 2006 des recourants. Le recours sera en conséquence rejeté.

18) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants qui succombent (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 mai 2018 par Madame et
Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 avril 2018 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame et Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine Berthoud, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :