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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2883/2021

ATA/915/2022 du 13.09.2022 sur JTAPI/390/2022 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : LOI FÉDÉRALE SUR LES ÉTRANGERS ET L'INTÉGRATION;CAS DE RIGUEUR;AUTORISATION DE SÉJOUR;RESPECT DE LA VIE FAMILIALE;RESPECT DE LA VIE PRIVÉE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : Cst.29.al2; LPA.18; LPA.61; LaLEtr.10.al2; LEI.126.al1; LEI.1; LEI.2; LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1; LEI.58.al1; CEDH.8; LEI.96.al1; LEI.64.al1.letc; LEI.83.al2; LEI.83.al4; LPA.87
Résumé : Confirmation du jugement du TAPI concluant que la recourante ne remplit pas les conditions du cas individuel d’extrême gravité, cette dernière n’ayant pas établi un séjour de longue durée en Suisse et ne prouvant pas une intégration exceptionnelle. Confirmation de la licéité de l’exécution de son renvoi. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2883/2021-PE ATA/915/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 septembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Yves Rausis, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 avril 2022 (JTAPI/390/2022)


EN FAIT

1) Madame A______, de nationalité péruvienne, est née à Genève le ______ 1994.

Selon ses dires, elle a quitté la Suisse pour le Pérou en 1997, emmenée par sa mère, Madame B______, et toutes deux seraient revenues en Europe en 2005. Cette dernière réside actuellement à Veigy-Foncenex, en France. Toutes deux disposent d’un titre de séjour délivré par les autorités françaises. Son père, Monsieur C______, titulaire d’un permis B, et sa sœur, Madame D______, citoyenne suisse, résident dans le canton de Genève.

2) Le 10 juin 2020, la société E______ Sàrl (ci-après : E______ ou la société), ayant pour but social l’exploitation du restaurant péruvien « F______ » et dont Mme A______ détient la moitié du capital, a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de travail pour frontalier (permis G) en sa faveur, dans le but d’embaucher cette dernière en qualité d’assistante administrative.

3) Le 23 septembre 2020, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), a rejeté cette demande, décision qui a été confirmée par l’arrêt du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 1er mars 2020.

4) Le 8 décembre 2020, Mme A______ a déposé une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur auprès de l’OCPM.

Elle résidait en toute légalité en France voisine depuis l’âge de douze ans, âge auquel elle était revenue en Europe avec sa mère. Son parcours professionnel était partagé entre la France et la Suisse. S’agissant de son parcours scolaire, elle avait été scolarisée au Lycée privé G______ durant trois ans, puis avait fréquenté l’école H______ de 2013 à 2016, où elle avait obtenu un bachelor. Elle avait également travaillé de 2012 à 2014. Elle était administratrice principale du restaurant « F______ » à Genève depuis 2020, détenu par sa mère et dont celle-ci n’était plus en mesure de se charger pour des raisons de santé.

Néanmoins, sa situation n’avait pas été régularisée et aucune autorisation de séjour en Suisse ne lui avait été octroyée. Elle remplissait cependant les conditions pour bénéficier d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, en raison de ses expériences vécues à Genève. Elle était financièrement indépendante et n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale. Elle ne faisait pas non plus l’objet de poursuites et ne figurait pas au casier judiciaire.

Elle avait créé la société E______ avec sa sœur, qui travaillait pour l’Hospice général (ci-après : l’hospice) et dont elle était très proche, de même que ses neveux. Elle était une candidate idéale pour la reprise du restaurant, non seulement de par sa connaissance de la Suisse et de son intégration, mais aussi de sa nationalité péruvienne. Il lui était impossible de mener sa vie ailleurs qu’en Suisse en raison des liens très forts qui l’unissaient aux personnes rencontrées pendant ses formations. Malgré le fait qu’aucun justificatif de séjour probant n’était fourni, il existait des preuves de son intégration et de ses expériences.

5) Par courrier du 11 mai 2021, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande d’autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai lui était imparti pour faire valoir son droit d’être entendue.

6) Par courrier du 11 mai 2021, Mme A______ a exercé son droit d’être entendue.

Lors de son retour à Genève en 2005, elle avait été médicalement suivie par le Docteur I______, qui lui avait diagnostiqué la maladie de Biermer, une pathologie rare et auto-immune. Si celle-ci n’était pas prise en charge, elle pouvait entraîner de graves complications neurologiques ainsi que des problèmes cardiaques. Elle préférait suivre un traitement en Suisse, celui-ci étant meilleur qu’en France. Elle était affiliée à une assurance-maladie suisse et ses factures médicales étaient précédemment réglées par sa mère.

Elle avait commencé à travailler dès qu’elle en avait eu la possibilité. Ainsi, cela lui avait permis de cotiser quelques années à l’AVS après avoir exercé en tant que serveuse, puis assistante maternelle. Depuis 2020, elle était actionnaire de la société créée avec sa sœur, dont elle détenait cinquante pour cent des actions et avait pour rôle de gérer le restaurant appartenant à sa mère, dans lequel cinq personnes étaient employées. Dans ce contexte, elle envisageait de passer l’examen délivrant le diplôme cantonal de cafetier.

Son adresse française lui permettait de faciliter ses démarches administratives, mais elle n’y avait jamais réellement habité. Elle résidait chez sa tante à Meinier et ne se rendait en France que les week-ends, pour rendre visite à sa mère. Des indices concrets démontraient que le centre de ses intérêts se situait en Suisse, tels que la présence de sa sœur à Genève, dont elle était très proche, ainsi que sa scolarisation dans le canton durant son adolescence. Ses années d’adolescence et de jeune adulte passées à Genève lui avaient permis de forger sa personnalité sur une éducation suisse à laquelle elle s’identifiait pleinement. Sa participation à la vie économique du pays était également importante, dès lors qu’elle employait des personnes au sein d’un restaurant faisant partie de la diversité culturelle du canton. Par la suite, elle souhaitait s’engager activement dans des associations.

7) Par décision du 29 juin 2021, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de Mme A______ au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) avec un préavis positif et prononcé son renvoi de Suisse. Un délai lui était imparti au 29 août 2021 pour quitter le pays.

Elle vivait légalement depuis de nombreuses années en France, où elle disposait d’un permis de séjour valable. La France disposait d’infrastructures médicales de pointe, ainsi que de spécialistes dans tous les domaines de la médecine. Elle n’invoquait pas d’obstacles à son retour dans son pays d’origine et il ne ressortait pas du dossier que l’exécution de son renvoi se révélerait impossible, illicite ou inexigible.

8) Le 31 août 2021, Mme A______ a formé recours auprès du TAPI, contre cette décision, concluant préalablement à sa comparution personnelle, ainsi qu’à celle de sa mère et, principalement, à son annulation et au renvoi de la cause à l’OCPM pour le prononcé d’une nouvelle décision.

Elle avait vécu à Genève de 1994 à 1997 et y résidait depuis 2005. À son retour en Europe, elle avait été domiciliée en France voisine chez sa mère, mais résidait en réalité chez sa tante à Meinier. Elle totalisait ainsi un séjour de près de vingt ans en Suisse, où elle avait passé toute son adolescence et avait été scolarisée. Elle avait exercé plusieurs activités lucratives et n’avait jamais dépendu de l’aide sociale. Elle ne figurait pas au casier judiciaire. Ses parents avaient décidé de se marier.

Elle ne disposait d’aucune attache au Pérou, pays qui se révèlerait inadéquat pour le suivi de son traitement médical et au vu de ses problèmes de santé, son renvoi de Suisse enfreindrait le principe du droit à la vie.

Elle entretenait des relations particulièrement étroites avec les membres de sa famille vivant à Genève, en particulier sa sœur, ainsi que sa mère, qui rejoindrait prochainement son père dans le but de l’épouser. La quasi-totalité de ses tantes, oncles, cousins, cousines, neveux et nièces résidaient également à Genève. Ainsi, son droit à la vie privée et familiale l’emportait sur le droit de l’État à adopter une politique migratoire restrictive.

La maladie dont elle souffrait commandait, selon ses médecins, un maintien prioritaire de son suivi et un traitement en Suisse. Une interruption de celui-ci entraînerait un risque concret de dégradation de son état de santé consistant en l’apparition de graves complications neurologiques et des problèmes cardiaques, voire un cancer gastrique, raisons pour lesquelles son renvoi ne pouvait être prononcé.

9) Le 8 octobre 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

L’intéressée prétendait séjourner sans interruption en Suisse depuis 2005. Or, elle bénéficiait d’un titre de séjour délivré par les autorités françaises le 5 décembre 2016. Officiellement, elle avait toujours habité au domicile de sa mère à Veigy-Foncenex. Il ne ressortait pas du dossier qu’elle avait intégré l’école obligatoire dans le canton, aucune scolarisation n’ayant été alléguée entre ses onze et ses seize ans. Elle avait fréquenté des écoles et suivi des formations à partir de 2010 et trouvé un emploi auprès de E______ en 2020.

Sa demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur reposait sur des motifs de convenance personnelle et des raisons économiques. Elle s’était établie en France et avait vécu très vraisemblablement comme une frontalière. Quand bien même elle aurait résidé au domicile de sa tante à Meinier, elle ne pouvait se prévaloir d’une bonne intégration, ni d’un comportement irréprochable, dès lors qu’en alléguant un domicile fictif en France, elle aurait induit en erreur les autorités de cet État.

Les soins et traitement médicaux dont elle avait besoin étant disponibles et accessibles en France, son renvoi de Suisse était conforme à la loi.

10) Mme A______ a répliqué le 11 novembre 2021, en maintenant son recours.

Elle avait toujours été animée par une réelle volonté d’établir son domicile en Suisse, malgré la volonté de sa mère d’établir une assise sur le territoire européen. Elle redoutait que le lieu de sa domiciliation lui soit à nouveau imposé, comme cela avait été le cas en raison du choix de sa mère de s’établir en France alors qu’elle était elle-même mineure. Elle était prête à renoncer à son titre de séjour français.

L’OCPM soutenait que sa demande d’autorisation de séjour reposait sur des motifs de convenance personnelle et des raisons économiques. Ce faisant, il méconnaissait ses problèmes de santé comme constitutifs d’un cas de rigueur.

11) Le 6 décembre 2021, l’OCPM a relevé que le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays de provenance ne suffisait pas à justifier une dérogation aux conditions d’admission.

12) Le 4 février 2022, Mme A______ a produit plusieurs lettres de motivation, soit une lettre rédigée de sa main, une de son père ainsi qu’un témoignage écrit de sa sœur.

13) Le 20 avril 2022, le TAPI a rendu un jugement confirmant la décision de l’OCPM.

Les demandes d’instruction de l’intéressée étaient rejetées. Le dossier contenait les éléments suffisants et nécessaires pour statuer sur le litige, de sorte qu’il n’apparaissait pas utile de procéder à la comparution personnelle des parties ni à l’audition des témoins. Mme A______ avait eu la possibilité de faire valoir ses arguments, dans le cadre de son recours ainsi que dans sa réplique, et de produire tout moyen de preuve utile en annexe de ses écritures. À cette occasion, elle n’avait pas expliqué quels éléments de la procédure écrite l’auraient empêchée de s’exprimer de manière pertinente et complète.

L’OCPM n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation. L’intéressée, née à Genève en 1994, avait quitté la Suisse la même année et y était revenue en 2005, à l’âge de onze ans. Elle se prévalait d’un séjour de près de vingt ans en Suisse. À son retour, elle était légalement domiciliée chez sa mère, en France, mais résidait en réalité chez sa tante, à Meinier. Néanmoins, il ne ressortait pas du dossier à partir de quand elle avait commencé à résider chez sa tante. Aucune précision n’était apportée quant aux écoles qu’elle avait fréquentées dès son retour en Europe. Il n’était pas déterminant qu’elle ait été suivie par un médecin genevois depuis 2005, dès lors qu’elle n’était affiliée à une assurance-maladie helvétique que depuis 2021 et ses factures médicales avaient été réglées jusqu’alors par sa mère. Les attestations d’achats d’abonnements mensuels des TPG remontaient à 2011 et ne représentaient dans tous les cas pas une preuve d’un séjour dans le canton. Elle détenait, comme sa mère, un titre de séjour français.

Bien que Mme A______ ne figurât pas au casier judiciaire, qu’elle n’eût jamais bénéficié des prestations de l’hospice et qu’elle n’eût pas fait l’objet de poursuites pour dettes, cela constituait simplement un comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Quand bien même il n’était pas contesté qu’elle parle le français, il n’était pas prouvé qu’elle ait acquis des compétences à ce point spécifiques qu’elle ne pouvait les mettre en pratique qu’en Suisse. Une intégration socioculturelle n’était pas prouvée, ni une scolarisation à Genève durant son adolescence.

Les liens d’affection unissant la recourante aux membres de sa famille résidant à Genève n’étaient pas contestés. Étant majeure et célibataire, elle ne se prévalait d’aucun lien de dépendance particulier découlant d’une maladie ou d’un handicap, existant avec un membre de sa parenté résidant en Suisse et titulaire d’un droit de présence assuré, raison pour laquelle elle ne pouvait se prévaloir de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Le refus de donner une suite favorable à sa requête ne constituait pas, selon le TAPI, une violation de son droit à la vie privée et familiale. Elle disposait d’un titre de séjour valable en France, ce qui lui permettait de se rendre sans difficultés à Genève et ainsi de maintenir des contacts étroits avec ses proches.

Rien ne pouvait être tiré du rapport médical établi par le médecin traitant de Mme A______, qui indiquait ignorer s’il existait un médecin ou une structure médicale pouvant assurer le traitement de sa patiente en se référant apparemment au système de santé péruvien. L’intéressée disposait d’un titre de séjour français et ne faisait pas valoir que son traitement médical ne pourrait être effectué en France, pays dans lequel il était notoire que l’accès aux soins de qualité comparable à celle des soins dispensés en Suisse était garanti et qu’un système de sécurité sociale et d’aide sociale était en place. Le simple fait que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical français n’atteindraient pas ceux prévalant en Suisse ne suffisait pas pour rendre son renvoi inexigible.

14) Le 23 mai 2022, Mme A______ a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Elle a conclu, préalablement, à « la production de tous documents ou moyens de preuves propres à démontrer la réalité des faits invoqués » ainsi qu’à son audition et celle de sa mère et, principalement, à l’annulation du jugement du TAPI ainsi qu’au renvoi de la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision.

Son droit d’être entendue avait été violé par le TAPI, ce dernier n’ayant pas pris la peine de se prononcer sur les mesures d’instruction requises, ni même de justifier le refus de celles-ci.

Elle entretenait des relations particulièrement étroites avec les membres de sa famille résidant à Genève, notamment avec sa mère qui prévoyait de s’y établir, en vue de son mariage avec son père, ainsi que sa sœur, chez qui elle résidait en vertu d’un contrat de sous-location. La quasi-totalité de ses tantes, oncles, cousins, cousines, neveux et nièces résidait dans le canton de Genève. La densité de ses relations avec sa famille était telle qu’elles étaient sauvegardées par le droit au respect de la vie privée et familiale, droit qui pesait plus intensément que l’intérêt de l’État à adopter une politique migratoire restrictive.

Elle était née à Genève en 1994 et avait vécu au Pérou de 1997 à 2005 avant de revenir en Suisse. Elle totalisait un séjour de quasiment vingt ans. Bien que son adresse officielle fût en France au domicile de sa mère, elle résidait en réalité chez sa tante à Meinier, afin, notamment, de poursuivre son traitement médical auprès de ses médecins traitants en Suisse. Elle avait vécu ses années d’adolescence et de jeune adulte en Suisse, lieu de l’ensemble de ses centres d’intérêts. Elle avait toujours participé activement à la vie économique et n’avait jamais eu recours à l’aide sociale. Aucun reproche ne pouvait lui être adressé du point de vue pénal ou quant à son comportement social. Son but avait toujours été d’établir un domicile exclusif à Genève, tant légal que factuel.

Elle n’avait plus aucune attache avec le Pérou, pays qui se révélerait inadéquat à la poursuite du traitement médical qui lui était administré en Suisse en raison de la maladie de Biermer dont elle était atteinte. Le maintien de son suivi actuel était essentiel selon ses médecins et une interruption de celui-ci ne pouvait être envisagée sans réelle mise en danger de sa santé voire de son intégrité physique.

Son titre de séjour français n’emportait pas un droit de résidence inconditionnel ni de renouvellement assuré. Au contraire, son renouvellement était conditionné, entre autres, à une déclaration sur l’honneur confirmant l’absence d’un séjour de plus de trois ans consécutifs hors du territoire de la République française. Le défaut d’activité lucrative contreviendrait également à la prolongation du titre de séjour en question, activité qui avait été refusée par les autorités cantonales compétentes lors de la demande de permis de travail déposée par la société.

Elle ne se voyait pas vivre ailleurs qu’à Genève. Elle n’avait plus quitté le sol helvétique depuis qu’elle avait la capacité d’affirmer sa volonté, n’étant plus sous l’autorité parentale. Elle ne s’était jamais sentie chez elle en France, raison pour laquelle elle s’était installée chez sa tante à Meinier, à son retour du Pérou. En ajoutant à cela la nécessité de maintenir son suivi médical en Suisse, son renvoi n’était pas exigible.

15) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

16) Par courrier du 13 juillet 2022, la recourante a renoncé à répliquer et persiste dans ses conclusions.

17) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger par courrier du 15 juillet 2022.

18) Le recours étant accompagné d’une copie du jugement du TAPI à laquelle manquaient les pages six et sept, le juge délégué a invité la recourante, le 30 août 2022, à déposer l’original du jugement, ce que celle-ci a fait le 1er septembre 2022. Il en ressort que la recourante avait reçu un jugement complet.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante conclut préalablement à sa comparution personnelle, à l’audition de sa mère, Mme B______ en qualité de témoin, ainsi qu’à « la production de tous documents ou moyens de preuves propres à démontrer la réalité des faits invoqués ».

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). La procédure administrative est en principe écrite, toutefois si le règlement et la nature de l’affaire le requièrent, l’autorité peut procéder oralement (art. 18 LPA). Le droit d’être entendu n'implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, la recourante a eu l’occasion d’exposer ses arguments et de produire des pièces, tant devant l’OCPM que le TAPI et la chambre de céans. Elle n’expose pas en quoi son audition et celle de sa mère seraient susceptibles d’apporter des éléments complémentaires. Les circonstances de son interruption de séjour en Suisse, de 1997 à 2005 ainsi que les conditions de l’aménagement de son quotidien ont déjà été documentées dans les précédentes écritures. Les documents qu’elle a produits à l’appui de sa requête devant l’OCPM, le TAPI ainsi que la chambre de céans représentent des moyens de preuves adéquats et suffisants pour démontrer la réalité des faits invoqués. La chambre de céans considère que les critères du cas de rigueur sont suffisamment instruits et que le dossier est complet et en état d’être jugé.

Il ne sera donc pas donné suite aux actes d’instruction demandés.

3) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’OCPM refusant d’octroyer à la recourante une autorisation de séjour pour cas de rigueur et prononçant son renvoi de Suisse, confirmée par le TAPI.

4) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l’opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, sauf lorsqu’il s’agit d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

5) La recourante se plaint de la violation de son droit d’être entendue, le TAPI ne s’étant pas prononcé sur sa demande de comparution personnelle, ainsi que l’audition de sa mère.

Dans le jugement du 20 avril 2022, le TAPI a examiné et rejeté la demande d’actes d’instruction de la recourante, aux pages six et sept, qui manquaient dans la copie produite devant la chambre de céans, mais que la recourante avait reçues.

C’est à bon droit que le TAPI a estimé que le dossier contenait déjà les éléments nécessaires à l’examen de la situation de la recourante, sans que l’audition de la recourante ainsi que de la mère de celle-ci, ne soient nécessaires.

Par appréciation anticipée des preuves, celui-ci était en droit de ne pas donner suite à cette requête. Le grief de violation du droit d’être entendue sera écarté.

6) La recourante reproche au TAPI d’avoir nié qu’elle remplit les critères du cas de rigueur.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées comme en l’espèce dès cette date sont régies par le nouveau droit.

b. La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Pérou.

c. L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

d. L’art. 31 al. 1 OASA contient une liste exemplative des critères à prendre en considération pour la reconnaissance des cas individuels d’une extrême gravité, comme l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que les possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (Directives du SEM, domaine des étrangers, 2013, état au 1er mars 2022 [ci-après : directives SEM], ch. 5.6.10).

e. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c).

f. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 145 I 308 consid. 3.3.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/62/2022 du 25 janvier 2022 consid. 3b).

g. La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de la réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

h. Des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; ATA/801/2018 du 7 août 2018 consid. 8a et les arrêts cités).

En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêts du TAF F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1, ATA/1162/2020 du 17 novembre 2020 consid. 11c et les arrêts cités). La réglementation relative aux cas de rigueur ne vise pas à protéger l'étranger de situations de conflit, d'abus des autorités ou de situations analogues qui rendraient l'exécution d'un renvoi illicite, inexigible ou impossible. Dans ce cas, la question d'une admission provisoire doit être examinée (directives SEM, op. cit., ch. 5.6).

7) En l’espèce, la recourante née à Genève en 1994, affirme totaliser près de vingt années de séjour en Suisse après son retour en 2005. Elle allègue avoir résidé chez sa tante à Meinier malgré une résidence administrative en France. Elle appuie cette allégation par une attestation rédigée par sa tante le 29 août 2022 et qui, contrairement à ce qu’a retenu le TAPI, précise bien qu’elle a commencé à résider chez elle à partir du 6 juin 2012 et jusqu’au 15 mars 2020.

Toutefois, les documents concernant cette période et fournis par la recourante font tous état d’une résidence au chemin de la Colombière 126 à Veigy-Foncenex, au domicile de sa mère. Il en va ainsi de la confirmation de son inscription au lycée privé Töpffer daté de 2012, du certificat de scolarité à H______ daté de 2017, des courriers de l’OCPM datés de 2018 ou encore de l’extrait du registre du commerce concernant E______. Les attestations d’achats d’abonnements mensuels des transports publics genevois (ci-après : TPG), produites auprès de l’OCPM, remontent à 2011 et ne prouvent pas, en tout état de cause, un séjour dans le canton. En outre, il n’est pas fait mention dans le dossier d’une quelconque scolarisation dans le canton entre ses onze et ses seize ans, soit immédiatement à son retour en Europe en 2005. L’absence de preuve d’une activité lucrative constante en Suisse durant dix ans conduit également à la conclusion que la recourante n’avait pas de résidence en Suisse.

Le certificat médical attestant un suivi de la recourante par le Dr I______ depuis 1994, avec une interruption de 1997 à 2005, ne permet pas non plus de confirmer une éventuelle résidence en Suisse, la recourante n’étant affiliée à une assurance-maladie helvétique que depuis le 21 avril 2021, les factures médicales ayant jusque-là été payées par sa mère.

Ainsi, elle n’apporte pas la preuve d’un séjour continu de dix ans en Suisse au moment du dépôt de sa demande du 8 décembre 2020.

La recourante ne remplit par ailleurs pas les autres conditions permettant de déroger aux conditions ordinaires de séjour. S’il ressort du dossier que la recourante n’a ni dettes, ni poursuites, n’a pas de casier judiciaire et maîtrise parfaitement la langue française, cela doit être considéré comme ce qui doit être attendu pour une personne désirant s’intégrer et ne suffit pas pour satisfaire aux conditions posées à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Les liens professionnels et d’amitié noués en Suisse que la recourante documente avec des certificats et des lettres de soutien sont dans la norme pour une personne ayant vécu plusieurs années en Suisse et ne suffisent pas à eux seuls d’établir une intégration exceptionnelle et un cas d’extrême gravité. La recourante ne démontre par ailleurs aucune implication particulière dans la vie sociale, culturelle ou sportive ni une intégration particulièrement forte en Suisse.

Les activités professionnelles qu’elle a exercées à Genève pendant plusieurs mois, notamment en tant qu’assistante maternelle, serveuse, assistante styliste, de même que son poste en tant qu’assistante administrative au sein de la société créée avec sa sœur, ne sauraient correspondre à une ascension professionnelle remarquable, pas plus qu’ils n’auraient procuré à la recourante des connaissances qu’elle ne pourrait mettre en valeur qu’en Suisse, menant à la conclusion qu’elle échoue à établir une intégration socioprofessionnelle exceptionnelle.

La recourante, qui est encore jeune, possède un permis de séjour en France, pays dans lequel elle pourra faire valoir l’expérience professionnelle acquise en Suisse. Elle ne fait ainsi état ni ne démontre qu’elle se trouverait dans une situation de détresse personnelle devant justifier l’octroi d’une exception aux mesures de limitation.

C’est ainsi sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que l’OCPM a conclu que la recourante n’avait pas établi un séjour de longue durée en Suisse et ne prouvait pas une intégration exceptionnelle, de sorte qu’elle ne remplissait pas les conditions du cas individuel d’extrême gravité.

8) La recourante se plaint d’une violation de l’art. 8 CEDH. La décision querellée et le jugement attaqué avaient nié à tort son droit au respect de sa vie privée et familiale.

a. Selon la jurisprudence, un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 284 consid. 1.3 ; 136 II 177 consid. 1.2). Les relations ici visées concernent en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut se prévaloir d'une telle protection que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à un parent établi en Suisse en raison par exemple d'un handicap (physique ou mental) ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1153/2014 du 11 mai 2015 consid. 5.3 et 2C_251/2015 du 24 mars 2015 consid. 3).

Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266 consid. 3.9). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

Une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’art. 8 CEDH est possible aux conditions de l’art. 8 § 2 CEDH, pour autant qu’elle soit prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le refus de prolonger une autorisation de séjour ou d’établissement fondé sur l’art. 8 § 2 CEDH suppose une pesée des intérêts en présence et l’examen de la proportionnalité de la mesure (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 135 II 377 consid. 4.3). L’examen de la proportionnalité sous l’angle de l’art. 8 § 2 CEDH se confond avec celui imposé par l’art. 96 LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_419/2014 du 13 janvier 2015 consid. 4.3 ; ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017 consid. 6b).

Aux termes de l’art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration.

b. En l’espèce, la recourante est âgée de 28 ans, est majeure, n’a pas d’enfants et est indépendante financièrement. Elle n’a pas fait ménage commun avec son père, titulaire d’une autorisation d’établissement. Elle ne se trouve pas dans un état de dépendance particulier à l’égard de son père en raison par exemple d’un handicap ou d’une maladie grave. Il ne ressort pas du dossier que sa maladie l’ait rendue dépendante d’un membre de sa parenté résidant en Suisse et titulaire du droit de présence assuré. En outre, elle ne fait pas valoir que son père serait entièrement dépendant de l’assistance qu’elle lui apporterait.

Comme vu précédemment, elle ne peut faire valoir un séjour licite de plus de dix ans au titre de la protection de la vie privée, cette dernière étant titulaire d’un permis de séjour français valable depuis 2016. Ainsi, disposant d’un établissement légal en France voisine, elle ne rencontre pas de difficultés pour se rendre à Genève afin de maintenir des contacts étroits avec ses proches. Au-delà de sa famille et de ses liens d’amitié, elle n’établit pas avoir créé avec la Suisse des attaches particulièrement fortes et ne soutient pas, par exemple, s’être investie dans les domaines associatif, culturel ou sportif.

C’est ainsi sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que le TAPI a jugé que la recourante ne pouvait se prévaloir de l’art. 8 CEDH.

9) a. Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

À ce titre, elles ne disposent d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1).

b. L'exécution d'un renvoi n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces État (art. 83 al. 2 LEI).

Selon l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, notamment parce qu'il ne pourrait plus recevoir les soins dont il a besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (ATAF 2014/26 consid. 7.6, 7.9 et 7.10).

S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

L'exécution du renvoi est raisonnablement exigible si l'accès à des soins essentiels, au sens défini ci-dessus, est assuré dans le pays d'origine ou de provenance. Il pourra s'agir, cas échéant, de soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui – tout en correspondant aux standards du pays d'origine – sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, fussent-ils d'un niveau de qualité, d'une efficacité de terrain (ou clinique) et d'une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse ; en particulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de génériques) d'une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats (ATA/137/2022 du 8 février 2022 consid. 9d et les références citées).

c. En l’espèce, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de la recourante au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, raison pour laquelle il a ordonné le renvoi de la recourante de Suisse, ne disposant d’aucun pouvoir d’appréciation dans ce cadre.

La recourante ne soutient pas que les soins et le suivi dont elle doit bénéficier relatifs à sa maladie ne seraient pas accessibles en France, pays dans lequel un droit de séjour lui a été octroyé et dont l’accès aux soins essentiels est notoirement comparable à la Suisse. Elle soutient qu’ils ne seraient pas de même qualité qu’en Suisse. Cela étant, le simple fait que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical français ne seraient pas du même niveau qu’en Suisse ne suffisent pas à rendre son renvoi inexigible.

Elle ne remplit donc pas les conditions d’une admission provisoire au sens de l’art. 83 LEI, dès lors qu’il ne ressort pas du dossier que l’exécution du renvoi de la recourante serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

10) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 mai 2022 par Madame A______  contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Rausis, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.