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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/953/2019

ATA/898/2019 du 14.05.2019 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/953/2019-FPUBL ATA/898/2019

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 14 mai 2019

sur effet suspensif et mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Alexandre Böhler, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



Vu l’art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) du 26 septembre 2017 ;

vu le recours interjeté le 7 mars 2019 devant la chambre administrative par M. A______ contre la décision incidente du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou département), sous la signature de la conseillère d’État suppléante dudit département, du 1er mars 2019 ;

attendu, en fait, que dans cette décision incidente, l’autorité a considéré que les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation des rapports de service de M. A______, maître généraliste dans l’enseignement primaire et fonctionnaire depuis le 1er septembre 2008, étaient réalisés, consistant en un comportement relationnel inadéquat à l’égard de trois collègues – Mmes B______, C______ et D______ – source de conflits et, partant, d’une insuffisance de prestations ;

que ce comportement avait notamment fait l’objet de constatations par le groupe de confiance dans les « remarques complémentaires » de son rapport d’investigation du 14 janvier 2019, étant précisé que ledit groupe de confiance avait, dans ses « conclusions », conclu ne pas constater d’atteinte à la personnalité d’une certaine gravité ni de harcèlement psychologique à l’encontre des trois collègues susmentionnées ;

que par cette décision incidente du 1er mars 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’autorité administrative a ouvert la procédure de reclassement, avec une mise en œuvre prévue pour deux mois, et demandé notamment au recourant la remise d’un curriculum vitae mis à jour, la conseillère d’État précisant que la libération de l’obligation de travailler continuait à déployer ses effets et qu’elle n’entendait pas demander au Conseil d’État sa réintégration dans un poste d’enseignant ;

que, dans son recours, le recourant a conclu, sur mesures superprovisionnelles, à la restitution de l’effet suspensif au recours, sur mesures provisionnelles, à la même mesure ainsi qu’à sa réintégration immédiate au sein de l’école primaire à laquelle il était affecté (ci-après : école), au fond, à l’annulation de la décision d’ouverture de la procédure de reclassement et à sa réintégration définitive au sein de l’école, « avec suite de frais et dépens » ;

que par décision du 12 mars 2019, la présidence de la chambre administrative a, sur mesures superprovisionnelles, refusé la restitution de l’effet suspensif au recours, de même que toutes autres mesures superprovisionnelles ;

que, le 1er avril 2019, le DIP a conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif formée par l’intéressé ;

que, le 12 avril 2019, celui-ci a répliqué sur effet suspensif, maintenant ses conclusions en restitution de l’effet suspensif et sur mesures provisionnelles ;

que selon ses allégations nouvelles, dans le cadre de la procédure de reclassement, il avait, les 21 mars et 9 avril 2019, présenté au DIP des certificats d’un
psychiatre-psychothérapeute FMH faisant état d’une incapacité de travail à 100 % du
6 mars jusqu’au 7 avril 2019, respectivement 30 avril 2019, et il s’est prévalu de l’application des art. 40A du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04) et 336c de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), contestée par l’intimé ;

qu’il s’est néanmoins présenté à l’entretien intermédiaire dans le cadre de la procédure de reclassement le 12 avril 2019 et a indiqué ses préférences pour un éventuel autre poste au sein de l’État de Genève, sous réserve de l’issue de la présente procédure de recours ;

qu’à teneur du compte-rendu dudit entretien, l’employeur a indiqué qu’au terme de la période de reclassement de deux mois, prolongée au 24 juin 2019 en raison des vacances de Pâques, si aucun poste n’était trouvé, la procédure de reclassement serait terminée et une décision motivée de résiliation des rapports de service devrait intervenir ;

que, le 16 avril 2019, le département a, au fond, conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet ;

que par réplique du 8 mai 2019, M. A______ a persisté dans ses conclusions au fond, arguant notamment que le rapport d’investigation du groupe de confiance précité procédait, en tant qu’il portait sur d’autres points que l’atteinte à la personnalité, d’une appréciation abusive et orientée des preuves, sans qu’il ait pu valablement faire valoir ses droits (auditions de témoins supplémentaires, confrontations, possibilité de poser des questions aux témoins, assermentation de ceux-ci) ;

considérant, en droit, qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

qu’en vertu de l’art. 21 LPA, l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (al. 1) ; que ces mesures sont ordonnées par le président s’il s’agit d’une autorité collégiale ou d’une juridiction administrative (al. 2) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2) ; qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, spéc. 265) ;

que, par ailleurs, l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018) ;

que la restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018) ;

que la chambre de céans dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/941/2018 précité) ;

qu’en l’espèce, certes, la décision incidente querellée fait suite notamment à une convocation le 11 avril 2018 à l’entretien de service du 4 mai 2018 libérant notamment l’intéressé de l’obligation de travailler, décision prise dans l’urgence par le supérieur hiérarchique de celui-ci, suivie d’un arrêté du Conseil d’État du 20 juin 2018 ratifiant cette mesure sur la base de l’art. 144 al. 1 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), et répond entre autres à une demande de M. A______ formulée le 17 janvier 2019 de le réintégrer immédiatement à son poste ;

que, s’agissant de la requête de mesure provisionnelle tendant à la réintégration immédiate du recourant au sein de l’école et contrairement à ce que celui-ci soutient, il importe peu que les motifs de la libération de l’obligation de travailler décidée dans la décision querellée puissent ou non être les mêmes que ceux de la suspension provisoire – dans l’attente du résultat d’une enquête administrative ou d’une information pénale – ordonnée dans l’arrêté du 20 juin 2018 ;

qu’au demeurant, la poursuite de la libération de l’obligation de travailler qu’implique la décision du 1er mars 2019 s’insère dans le cadre de la procédure de reclassement et paraît de nature à en améliorer les chances de succès, en permettant notamment à l’intéressé de libérer du temps pour trouver un autre poste ;

que cela étant, la réintégration immédiate du recourant, dans le cadre de mesures provisionnelles, doit être refusée, en l’absence d’urgence, la mesure étant en vigueur depuis plus d’un an ;

que pour ce qui est de la requête de restitution de l’effet suspensif, qui tend à l’arrêt provisoire ou à la suspension de la procédure de reclassement, l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_607/2016 du 8 août 2016, publié aux ATF 143 I 344, auquel le recourant fait référence, n’est, en tout état de cause, pas applicable à la présente affaire au stade des mesures provisionnelles ;

que, dans le litige en question, le Tribunal fédéral a affirmé que la chambre administrative ne pouvait pas déclarer irrecevable un recours contre une procédure de reclassement dès lors que, celle-ci ayant abouti, la personne concernée n’aurait plus pu soumettre à un juge le bien-fondé de ses griefs ;

que les considérations du Tribunal fédéral imposent à la chambre administrative de ne pas déclarer le recours – au fond – irrecevable en cas d’acceptation du reclassement, ce qui n’impose pas d’ordonner des mesures provisionnelle ou de restituer l’effet suspensif (ATA/337/2019 du 25 mars 2019) ;

que dans ces conditions, les chances de succès du recours ne paraissent pas suffisantes pour justifier une restitution de l’effet suspensif ;

qu’en outre, l’intérêt public à la poursuite de la procédure de reclassement en cours apparaît important (ATA/100/2019 du 29 janvier 2019), ce d’autant plus que la libération de l’obligation de travailler de l’intéressé dure depuis environ une année, et que le recourant ne se prévaut pas d’un intérêt privé qui devrait prévaloir dans la pesée d’intérêts ;

que du reste, s’il était fait droit à la conclusion de restitution de l’effet suspensif, la procédure de reclassement serait bloquée sans que la situation concrète antérieure du recourant soit pour le reste modifiée, vu sa libération de l’obligation de travailler ;

que pour le surplus, l’incapacité de travail de l’intéressé a cessé et la procédure de reclassement a été prolongée jusqu’au 24 juin 2019, étant au surplus relevé que d’éventuels reproches formulés par le recourant sur la qualité de la procédure de reclassement relèveraient du fond du litige et ne pourraient pas être traités au stade du recours contre une décision incidente d’ouverture de procédure de reclassement (ATA/337/2019 précité) ;

que vu ce qui précède, les requêtes, formulées sur mesures provisionnelles, de restitution de l’effet suspensif et de réintégration immédiate au sein de l’école seront refusées, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

rejette la requête de mesures provisionnelles tendant à la réintégration immédiate ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15’000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Alexandre Böhler, avocat du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

 

 


La présidente :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :