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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/373/2023

ATA/880/2023 du 22.08.2023 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 09.10.2023, rendu le 21.03.2024, ADMIS, 1C_547/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/373/2023-FPUBL ATA/880/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre


DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1973, a été engagé au sein de l’État de Genève en 2004. Il a été détaché à D______ (ci-après : la prison) le 29 juin 2015, où il a été nommé directeur adjoint à compter du 1er novembre 2017. Il fait partie des cadres supérieurs de l’État et du conseil de direction (ci-après : CODIR) de la prison.

b. Depuis le départ de B______, directeur de la prison, (ci-après : l’ancien directeur) en septembre 2021, A______ a assumé la fonction de directeur ad interim, fonction qu’il avait déjà occupée du 1er janvier au 31 août 2019.

B. a. Depuis de nombreux mois, des hauts cadres de la prison, ainsi que notamment des gardiens, ont dénoncé auprès de leur hiérarchie ce qu’ils considéraient comme des dysfonctionnements au sein de la prison, les conditions de travail ne permettant pas, à leur avis, d’assurer le respect de leur personnalité et de leur santé. L’attitude et le management de l’ancien directeur et du directeur général de l’office cantonal de la détention (ci-après : OCD), C______ (ci-après : le directeur de l’OCD), étaient notamment au cœur des doléances exprimées. La mise en œuvre du projet de réforme « Ambition » était aussi contestée.

b. Le 30 novembre 2021, le conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé, devenu depuis lors le département des intuitions et du numérique (ci-après : le département) a annoncé la mise en place d’un comité de pilotage, présidé par le directeur général de l’OCD avec des représentants de la direction générale, du CODIR, de gardiens-chefs et gardiens-chefs adjoints et des membres des organisations représentatives du personnel de D______. Le secrétaire général adjoint du département l’y représenterait.

c. Le 13 décembre 2021, veille de la première séance du comité de pilotage (ci‑après : COPIL), l’avocat du CODIR s’est adressé au secrétaire général du département. Comme il le lui avait expliqué de vive voix le jour même, « la maltraitance imposée au travail à mes mandants rend impossible – de l’avis aussi des médecins – toute perspective réaliste d’avancer en présence de la DG-OCD actuelle. Il aurait été facile de dispenser le directeur général actuel de cette tâche. Mais rien n’a été fait. Je serai ainsi présent comme unique représentant du CODIR, toute autre configuration étant objectivement et bien malheureusement, malgré mes efforts auprès de vous comme de mes mandants, impossible en l’état ».

d. Par courriel du 14 décembre 2021, adressé à A______ et au chef de l’état-major, le conseiller d’État leur a fixé un délai au 15 décembre 2021 pour lui faire connaître les raisons circonstanciées et étayées de leur absence respective et de la non-désignation de membres du CODIR, employés par l’État de Genève, pour participer au COPIL du même jour, dont les objectifs leur avaient été transmis par son courriel du 7 décembre 2021. Ils avaient délibérément décidé de ne pas honorer son invitation et de se faire représenter par un avocat, alors que ladite invitation avait précisément pour but de restaurer un dialogue professionnel et constructif dans le cas de la situation de la prison, selon les recommandations de l’audit quant à la réforme « Ambition ». Cette séance se tenait partiellement en sa présence et, de façon permanente pour cette séance ainsi que pour les suivantes, par un membre de son secrétariat général. D’un point de vue institutionnel, ce procédé était inacceptable, compte tenu du devoir de loyauté et de fidélité que tout membre du personnel devait à son employeur, ce d’autant plus qu’ils exerçaient les fonctions les plus élevées à la prison. Dès lors, il considérait leur absence comme injustifiée et réservait en conséquence toute suite éventuelle à ce comportement qui s’apparentait, en l’état, à un refus d’assumer leurs tâches et responsabilités.

e. Par courrier du 15 décembre 2021, les membres du CODIR ont saisi le groupe de confiance (ci-après : GdC) le 15 décembre 2021 d’une plainte à l’encontre de tous les échelons supérieurs de leur hiérarchie, sollicitant la prise de mesures provisionnelles visant à leur protection immédiate, alléguant subir un climat de travail inadmissible, empreint de harcèlement, pressions, graves atteintes à leur personnalité, injonctions paradoxales et autres vexations.

f. Par courrier du 17 décembre 2021, le conseiller d’État a informé A______ que « dans l’intérêt de toutes les parties, afin de garantir le bon fonctionnement de la prison de D______ et répondre à [sa] demande visant à préserver [sa]personnalité, [il] a[vait] demandé à la direction générale de l’OCD de [le] détacher provisoirement dans un autre établissement avec la même fonction, laquelle [lui] sera[it] communiquée à brève échéance ».

g. Par courriel du 21 décembre 2021, le directeur général de l’OCD a indiqué à A______ qu’en exécution du courrier du 17 décembre 2021, il était envisagé de le détacher provisoirement à l’établissement de E______ (ci‑après : E______) en tant que directeur adjoint ad interim, à compter du 3 janvier 2022, pour une durée initiale de six mois. Il lui serait notamment demandé de soutenir la direction dans le développement des ateliers. Un délai au 27 décembre 2021 lui était imparti pour faire part de ses observations écrites.

h. Par acte du 27 décembre 2021, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier précité, qualifié de « décision », dont il a conclu à l’annulation.

i. Par arrêt du 26 avril 2022, la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours interjeté le 27 décembre 2021, le détachement de l’intéressé devant être considéré comme une mesure organisationnelle. Les raisons invoquées par le conseiller d’État dans la missive litigieuse faisaient état, respectivement, « de l’intérêt de toutes les parties », « afin de garantir le bon fonctionnement de la prison de D______ » et « répondre à votre demande visant à préserver votre personnalité ». L’intérêt commun des parties à une situation différente, au vu de l’absence, en l’état, de dialogue, apparaissait raisonnable, étant rappelé que l’impasse concernait tant la participation du recourant à une séance dirigée par le directeur de l’OCD que la délégation à ladite séance d’un autre cadre de la prison. Le caractère provisoire du détachement était expressément relevé. Il appartiendrait au GdC, déjà saisi, d’établir l’éventuelle existence d’une atteinte à la personnalité du recourant. Ainsi, s’il y avait certes des effets juridiques sur ce dernier, son détachement avait été imposé par la nécessité que l’État puisse assurer le bon fonctionnement de ses institutions et la protection de la personnalité de ses employés.

j. A______ a interjeté recours le 1er juin 2022 contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral.

La cause a été enregistrée sous la référence 8D_5/2022.

k. Par courrier du 27 juin 2022, le directeur général de l’OCD a annoncé à A______ que son détachement temporaire au sein de l’établissement de E______ était prolongé jusqu’au 31 août 2022, pour les mêmes motifs et aux mêmes conditions que ceux mentionnés dans son courrier du 29 décembre 2021.

Il envisageait de l’affecter définitivement au poste de directeur adjoint de E______ à compter du 1er septembre 2022. Cela permettrait d’assurer une continuité au sein de l’établissement, particulièrement importante du fait des départs à la retraite prévus dès l’année suivante de deux personnes, dont la directrice de l’établissement.

Un délai au 31 juillet 2022, prolongé ensuite au 18 août 2022, lui était imparti pour d’éventuelles observations au sujet du projet d’affectation.

l. Par courrier du 5 août 2022, le directeur général de l’OCD, faisant suite à l’échange de correspondance, a précisé que la rémunération de l’intéressé ne subirait aucune diminution. En revanche, la classe de traitement liée au poste était une classe 19. A______ conserverait son traitement en classe 25 annuité 08 en droits acquis statiques. Son statut de cadre supérieur ne pourrait pas être conservé.

m. Le 18 août 2022, A______ a déposé auprès de la chambre administrative une demande en révision avec requête en mesures provisionnelles, concluant au fond, sur rescindant, à l’annulation de l’arrêt de la chambre du 26 avril 2022 et, sur rescisoire, à ce que le recours déposé le 27 décembre 2021 soit déclaré recevable et que la décision du 17 décembre 2021 soit annulée. Sur mesures provisionnelles, il devait être fait interdiction au département de poursuivre la procédure de déplacement jusqu’à droit connu sur la demande de révision.

Il considérait que des faits nouveaux étaient survenus en raison de la prolongation de son détachement jusqu’au 31 août 2022, l’intention ayant été exprimée de l’affecter définitivement à l’établissement de E______, le statut de cadre ne pouvant par ailleurs pas être conservé et la progression salariale étant définitivement bloquée. Le déplacement apparaissait ainsi définitivement comme de nature sanctionnatrice et n’avait jamais été envisagé comme provisoire. Son droit d’être entendu avait été violé puisqu’il n’était pas en mesure de se prononcer et de se défendre en connaissance de cause, faute de pouvoir accéder aux éléments sur lesquels l’autorité intimée s’était fondée, et n’avait été invité à produire ses observations que le 14 décembre 2021, dans un délai de moins de 24 heures, sans qu’il ne lui soit jamais indiqué qu’une décision de mutation dans une autre fonction était envisagée et n’avait pas été en mesure de faire valoir son point de vue à ce sujet. Le principe de la légalité avait également été violé, la décision du 27 septembre 2021 étant une sanction disciplinaire déguisée ayant pour effet, d’une part, de le destituer de son poste de directeur ad interim de la prison et, d’autre part, de lui attribuer celui de directeur adjoint ad interim de l’établissement de E______. Or, aucune de ces deux sanctions n’étaient prévues par le catalogue exhaustif de l’art. 25 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 (LOPP ‑ F 1 50).

n. Par pli du 30 août 2022, le directeur général de l’OCD, faisant suite au courrier du 18 août 2022 d’A______, l’a informé considérer que le détachement provisoire devait être maintenu et qu’il serait prolongé jusqu’au 31 décembre 2022, pour les mêmes motifs et aux mêmes conditions indiquées jusqu’alors.

o. Par ordonnance du 13 septembre 2022, le Tribunal fédéral a suspendu la cause 8D_5/2022 dans l’attente de l’arrêt de la chambre de céans sur la demande de révision.

p. Par arrêt du 18 octobre 2022 confirmé par le Tribunal fédéral par arrêt 8D‑10/2022 du 2 mai 2023, la chambre administrative a rejeté la demande en révision. La question d’une éventuelle affectation définitive de l’intéressé à l’établissement de E______ avait été évoquée la première fois par courrier du 27 juin 2022, avec effet au 1er septembre 2022, puis dans la lettre du 30 août 2022, laquelle clarifiait la situation de l’intéressé dès le 1er septembre 2022, soit deux jours plus tard, en prolongeant, en l’état, l’affection provisoire jusqu’à la fin de l’année. Il ne pouvait en conséquence être déduit ni de l’évocation, le 27 juin 2022, d’un projet d’affectation définitive à l’établissement de E______, ni du contenu du courrier du 30 août 2022 que l’intention de l’autorité intimée, en décembre 2021, consistait à affecter d’emblée et définitivement le demandeur à l’établissement de E______ et aucune des pièces produites n’avait un tel contenu ni n’apportait d’élément nouveau sur les intentions de l’autorité en décembre 2021. Il était par ailleurs conforme aux obligations d’un employeur d’envisager de faire primer une solution pérenne à une solution transitoire, qui durait depuis plusieurs mois et dont le demandeur se plaignait, ce d’autant plus lorsque l’intéressé faisait état d’atteintes à sa personnalité, et qu’il œuvrait au service de l’État depuis près de vingt ans. Il n’existait donc aucun fait nouveau ou moyen de preuve nouveau et important, de nature à modifier l’état de fait à la base de l’arrêt du 26 avril 2022.

q. Par arrêt 8D_5/2022 du 22 février 2023, le Tribunal fédéral a confirmé l’arrêt du 26 avril 2022 de la chambre administrative. Le grief relatif à l’établissement des faits était mal fondé dès lors qu’ils avaient été établis de manière intelligible, s’agissant du détachement litigieux et la motivation amplement suffisante, quant au fait que la communication du 17 décembre 2021 constituait une mesure organisationnelle et non une sanction déguisée à l’encontre du recourant. Le grief de violation de l’art. 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) a également été rejeté, puisque le litige portait uniquement sur la question de savoir si l’acte du 17 décembre 2021 constituait une décision susceptible de recours, soit une pure question de droit ne suscitant pas de controverse quant aux faits de nature à requérir une audience et sur laquelle la juridiction cantonale pouvait se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et les pièces du dossier. Il ne pouvait pas non plus se plaindre d’une appréciation arbitraire des preuves, le litige portant uniquement sur le détachement à l’établissement de détention administrative E______ tel que prévu en décembre 2021 pour une durée de six mois à compter du 3 janvier 2022, de sorte qu’il n’apparaissait pas insoutenable de retenir, malgré cette communication, que le détachement était provisoire.

Enfin, le Tribunal fédéral a rappelé que tout changement d’affectation n’ouvrait pas la voie d’un recours à l’autorité judiciaire. Un changement d’affectation d’un fonctionnaire constituait une décision attaquable lorsqu’il était susceptible de porter atteinte aux droits de la personnalité de l’employé, y compris le droit au respect de sa vie familiale, ou encore lorsqu’il était de nature à porter atteinte à la considération à laquelle il pouvait prétendre au regard notamment de ses aptitudes. Il en allait de même quand le changement d’affection représentait une sanction déguisée et constituait de ce fait un acte attaquable. En l’occurrence, le recourant avait été détaché à l’établissement de détention administrative E______ dans la même fonction que celle exercée à la prison de D______ et son traitement n’avait pas été modifié. Quand bien même ses responsabilités de gestion de personnel avaient diminué du fait du nombre plus restreint de collaborateurs sous ses ordres, ses tâches étaient également restées identiques. Son cahier des charges n’avait pas été modifié et le poste de détachement apparaissait en parfaite adéquation avec ses aptitudes. Il n’avait pas été contraint de changer de domicile ou de s’organiser autrement sur le plan privé pour assumer sa nouvelle fonction dans un établissement situé à proximité immédiate de son précédent lieu de travail. Par ailleurs, au vu des tensions entre la direction de l’OCD et le recourant ainsi que des refus réitérés de celui-ci de collaborer avec celle-là, la mesure prise par l’intimée en décembre 2021 apparaissait justifiée et appropriée, en ce sens qu’elle avait garanti le bon fonctionnement de la prison et des institutions tout en protégeant la personnalité du recourant, lequel se plaignait de ses conditions de travail. Le fait de séparer deux collaborateurs dont les relations étaient tendues pouvait en effet parfaitement se justifier par l’intérêt de l’administration et la protection des collaborateurs, y compris des personnes intéressées; c’était un moyen adéquat de régler un conflit au sein de l’administration (arrêt 8D_1/2016 précité consid. 5.5). Il ne s’agissait dès lors nullement d’une sanction déguisée à l’encontre du recourant. Le Tribunal fédéral a enfin noté qu’en vertu de l’art. 12 al. 1 de la loi [cantonale] générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC; RS/GE B 5 05), l’affectation d’un membre du personnel dépendait des besoins de l’administration ou de l’établissement et pouvait être modifiée en tout temps (cf. arrêt 8D_4/2009 du 3 mars 2010 consid. 6.4). C’était ainsi à bon droit que la chambre administrative avait retenu que le détachement du recourant devait être considéré comme un acte interne non susceptible de recours.

C. a. Par arrêté du 14 décembre 2022, le Conseil d’État a confirmé l’avis de classement de la demande d’ouverture d’investigation pour atteinte à la personnalité formée par A______ à l’encontre de C______ rendue le 28 juillet 2022 par le Groupe de confiance.

b. Par décision du 23 décembre 2022, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseiller d’État en charge du département a indiqué à A______ qu’au vu de l’arrêté du Conseil d’État du 14 décembre 2022 et du temps écoulé entre ses premières allégations d’atteintes à la personnalité et sa demande de récusation, cette dernière apparaissait mal fondée, de sorte qu’il n’y serait pas donné suite, le courrier de C______ du 8 décembre 2022 n’étant pas de nature à remettre en question cette appréciation. Au vu des courriers de C______ des 27 juin, 5 août et 8 décembre 2022 ainsi que les arguments présentés par A______ dans son envoi du 18 décembre 2022, ce dernier était affecté de manière définitive à la fonction de directeur adjoint de l’établissement de détention administrative de E______ dès le 1er janvier 2023 pour répondre aux besoins de l’établissement. Il ne bénéficiait plus de la progression de l’annuité, avait pour fonction celle de chef de service en classe 19, mais une rémunération en classe 25 position 8, et ses droits liés à son statut de cadre supérieur étaient supprimés à compter de la date de sa nouvelle affectation. La décision était exécutoire nonobstant recours.

D. a. Par acte du 1er février 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant préalablement à l’apport de la procédure pénale P/1______/2022 et toute autre procédure ouverte en lien avec l’espionnage électronique qu’il avait subi, à la tenue d’une audience publique d’audition du recourant et de plaidoiries conforme à l’art. 6 CEDH, et principalement à l’annulation de la décision.

L’effet suspensif devait être accordé dès lors que la situation durait depuis un an et qu’il n’existait aucune urgence à la modifier ni aucun intérêt public à exécuter immédiatement la décision dont était recours, qui avait un impact important sur sa situation financière. Son recours était recevable, s’agissant d’une sanction déguisée et d’un déplacement qui portait atteinte à ses droits pécuniaires puisqu’il se retrouvait privé de son droit à la progression de son annuité et de tous les droits liés à son statut de cadre supérieur. Son droit d’être entendu avait été violé, le département ne lui ayant jamais transmis son dossier et la décision entreprise ne comportant aucune motivation sur les motifs du déplacement ni sur l’examen des possibilités de poste. Le principe de la légalité était également violé, les sanctions en destitution d’un poste et attribution d’un autre n’étant pas prévues par l’art. 25 LOPP. Le principe de la bonne foi n’avait pas été respecté, aucune des demandes de protection de sa personnalité n’ayant été prise en compte par l’autorité intimée, mais ayant au contraire mené à une sanction à son égard. La décision était enfin disproportionnée, ses compétences n’ayant jamais été remises en cause et le déplacement faisant suite à la volonté de le sanctionner pour avoir démontré les graves failles de sa hiérarchie, qui avaient depuis lors été objectivées. L’autorité intimée n’avait pas cherché à trouver un autre poste correspondant à sa situation, à tout le moins ne le démontrait pas. Enfin, il avait appris que ses échanges électroniques, tant avec la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil qu’avec son avocat avaient été espionnés par son employeur.

b. Le 16 février 2023, le département a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif, se référant à l’argumentation développée par la chambre administrative dans son arrêt du 18 octobre 2022, le recourant ne contestant pas être en arrêt maladie depuis plusieurs mois et qu’il était conforme aux obligations d’un employeur d’envisager de faire primer une solution pérenne à une solution transitoire, qui durait depuis plusieurs mois et dont le demandeur se plaignait, ce d’autant plus lorsque l’intéressé faisait état d’atteintes à sa personnalité, et qu’il œuvrait au service de l’État depuis près de vingt ans. Enfin, si l’effet suspensif devait être restitué, le département se trouverait dans une situation analogue à celle qui serait la sienne en cas d’admission du recours sur le fond. Le retour du recourant à son ancien poste n’étant pas concevable, le département serait contraint d’adopter d’autres actes afin de conserver la situation actuelle, soit un nouveau déplacement provisoire ou définitif, dans l’attente de la décision sur le fond.

c. Le 27 février 2023, le recourant a soutenu qu’il n’existait aucun intérêt public justifiant l’exécution immédiate de la décision dont était recours, sauf à laisser l’État sans contrôle judiciaire, en violation de l’art. 29a Cst. L’État ne courrait aucun risque économique en cas de rejet du recours, puisqu’il pourrait compenser un éventuel trop-perçu, étant rappelé que la règle était l’effet suspensif. Par ailleurs, au vu de l’impact économique de la décision sur effet suspensif, il concluait formellement, à titre préalable, à la tenue d’une audience publique d’audition des parties et de plaidoiries répondant aux exigences de l’art. 6 CEDH.

d. Le 15 mars 2023, le département a conclu au rejet du recours, tant s’agissant des conclusions préalables en comparution personnelle des parties que sur le fond.

Le droit d’être entendu avait été respecté d’une part parce que le recourant ne précisait pas les documents qu’il souhaitait voir produits et que le dossier était constitué de nombreuses pièces qui avaient été versées à la procédure et qui étaient en sa possession, d’autre part parce que le recourant n’ignorait pas les motifs de son déplacement définitif, à savoir son refus d’assister à des séances et l’impossibilité de dialogue avec la direction générale de l’OCD, qui prétéritaient le bon fonctionnement institutionnel et la bonne marche de la prison de D______, de même que ses plaintes en lien avec une atteinte à sa personnalité nécessitant sa protection.

Le principe de la légalité avait également été respecté, dès lors que le recourant, qui travaillait dans le seul établissement pénitentiaire du canton de la taille de la prison de D______, ne pouvait qu’être déplacé dans un établissement de plus petite taille. Par ailleurs, au vu de l’impossibilité qu’il alléguait d’assister à une séance en présence du directeur général de l’OCD ou de désigner un remplaçant, un nouveau poste devait lui être trouvé. Il n’avait pas non plus été déplacé au seul motif qu’il avait contesté ses supérieurs, mais également parce qu’il convenait de protéger sa personnalité, une procédure étant en cours à la suite de la plainte qu’il avait déposée auprès du groupe de confiance pour atteinte à la personnalité. Le déplacement provisoire durant depuis presque un an, le département se devait de faire primer une solution pérenne. La décision du 23 décembre 2022 ne pouvait donc pas être considérée comme une sanction déguisée.

Le principe de la bonne foi avait été respecté, dès lors que le département n’avait pas refusé de protéger la personnalité du recourant, en le détachant à l’établissement de E______ et la décision entreprise ayant été prononcée pour faire primer une solution pérenne à une solution transitoire qui durait depuis près d’un an. Le déplacement avait au demeurant pris effet le 3 janvier 2022, soit avant que la direction générale de l’OCD n’ait appris l’existence de la plainte déposée au groupe de confiance le 16 mars 2022, de sorte qu’aucun lien entre ces deux évènements ne pouvait être fait. Ce grief du recourant ne faisait pas partie de la présente procédure et le classement de la demande d’ouverture d’investigation le 28 juillet 2022, confirmé par arrêté du Conseil d’État du 14 décembre 2022, faisait l’objet d’une autre procédure devant la chambre administrative.

Le principe de la proportionnalité avait également été respecté, le département ayant cherché un poste pour le recourant, lui en avait proposé un, générant des discussions durant une année, sans que la démarche ne puisse aboutir. Le département avait en outre entrepris toutes les démarches qui pouvaient être attendues de lui pour protéger la personnalité du recourant et lui trouver un poste correspondant à ses compétences. À défaut d’accord, il n’avait eu d’autre choix que de le déplacer définitivement, la mesure permettant d’atteindre le but visé, à savoir de lui permettre de travailler dans un établissement dans lequel il n’existait pas de réforme majeure en cours. L’intérêt public recherché, soit le bon fonctionnement des institutions, était dans un rapport raisonnable avec l’intérêt privé du recourant, qui demandait d’occuper un poste correspondant à ses intérêts.

e. Le recourant n’ayant pas souhaité répliquer dans le délai qui lui a été accordé au 18 avril 2023, la cause a été gardée à juger.

f. Par courrier du 23 mai 2023, le recourant a indiqué avoir repris son activité à 100%. Ses conditions de travail démontraient à nouveau le caractère inadmissible et sanctionnateur de la décision attaquée, la prison de E______ comptant treize détenus sur une capacité de 20, au lieu des 500 détenus à la prison de D______, et disposant d’une directrice, d’une directrice adjointe et d’un directeur adjoint dont les tâches relevaient d’un rôle surnuméraire assimilable à celui d’un commis administratif, récupération de l’épicerie de l’établissement comprise. Il sollicitait son audition à ce sujet.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Préalablement, le recourant sollicite la production de son dossier complet ainsi que de la procédure pénale P/1______/2022 et toute autre procédure ouverte en lien avec l’espionnage électronique qu’il aurait subi. Il sollicite également la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties répondant aux exigences de l’art. 6 CEDH. Il soutient enfin que la décision entreprise ne comporte aucune motivation sur les motifs du déplacement ni sur l’examen des possibilités de poste.

2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2). Le droit d'obtenir qu'il soit donné suite à des offres de preuve ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3). L'art. 6 CEDH, pour autant qu’il trouve application dans la présente cause, ne confère pas une protection plus étendue que celle qui découle, sur le plan interne, de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 121 I 306 consid. 1b).

2.2 L'art. 6 par. 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Rien en principe ne justifie de soustraire aux garanties de l’art. 6 « les conflits ordinaires du travail – tels ceux portant sur un salaire, une indemnité ou d’autres droits de ce type – à raison du caractère spécial de la relation entre le fonctionnaire concerné et l’État » (ACEDH Grzęda c. Pologne, Grande Chambre, du 15 mars 2022, req. n° 43572/18, § 261).

Il peut néanmoins être renoncé à une audience publique dans les cas prévus par l'art. 6 par. 1 2e phr. CEDH, lorsqu’il apparaît clairement que le recours est manifestement bien-fondé ou encore lorsque l'objet du litige porte sur des questions hautement techniques (ATF 141 I 97 consid. 5.1 ; 136 I 279 consid. 1 ; 134 I 331 consid. 2.3).

La Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : CourEDH) a également rappelé que l'art. 6 CEDH, en dehors des limitations expressément prévues par cette disposition, n'exige pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures. Cela est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces. Partant, on ne saurait conclure, même dans l'hypothèse d'une juridiction investie de la plénitude de juridiction, que la disposition conventionnelle implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D'autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d'un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires. La CourEDH a ainsi déjà considéré que des procédures consacrées exclusivement à des points de droit ou hautement techniques pouvaient remplir les conditions de l'art. 6 CEDH même en l'absence de débats publics (arrêt de la CourEDH Mutu et Pechstein contre Suisse du 2 octobre 2018 § 177 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 du 4 juin 2020 consid. 3.2.2).

2.3 En l’espèce, le litige porte sur le courrier du conseiller d’État du 23 décembre 2022 l’informant de son affectation définitive à la fonction de directeur adjoint de E______ dès le 1er janvier 2023 pour répondre aux besoins de l’établissement.

Le recourant n’indique pas quels documents il souhaite voir produire, autres que ceux déjà produits par les parties, et qu’il n’aurait pas en sa possession, étant relevé que la présente procédure s’inscrit dans un litige plus large, ayant donné lieu à une première procédure judiciaire relative au détachement provisoire et une seconde en lien avec le classement de la demande d’ouverture d’investigation pour atteinte à la personnalité. Dans ce contexte, de nombreuses pièces ont déjà été produites et il faut dès lors considérer que le recourant n’ignore pas les motifs de son déplacement définitif. Quant à la production de dossiers pénaux en lien avec « l’espionnage » de son courrier électronique, qu’il n’étaye pas, il n’explique pas en quoi elle serait pertinente.

Dans ces conditions, l’apport des documents sollicités n’est pas pertinent pour l’issue du présent litige, dont l’objet est strictement limité à ce qui précède. La chambre de céans considère être en possession d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige et il ne sera pas donné suite à la requête de production de pièces ni de la procédure pénale.

2.4 Si le résultat du litige a des conséquences sur le salaire du recourant, son objet est circonscrit, comme dit plus haut, au courrier relatif à son affectation définitive.

Cette question suppose préalablement la recevabilité du recours, point qui relève exclusivement du droit. Elle ne soulève par ailleurs pas de controverse de faits, que les pièces versées à la procédure suffisent à établir, ni de question de crédibilité. La chambre de céans peut dès lors se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des écritures des parties et des pièces produites, ceci d'autant plus au regard de ce qui suit.

Par conséquent, il sera renoncé à la tenue d’une audience publique, les questions à trancher pouvant être traitées de manière adéquate en procédure écrite.

3.             Le recourant se plaint d’une violation du principe de la légalité. Il relève que les sanctions en destitution d’un poste et attribution d’un autre ne sont pas prévues par l’art. 25 LOPP. Il se plaint également d’une violation du principe de la bonne foi en lien avec la violation des art. 2A et 2B LPAC et 2 RPAC, la protection de son employeur qu’il avait sollicitée lui ayant été refusée mais ayant entraîné une sanction, soit son déplacement dans un autre établissement, de même qu’une violation du principe de la proportionnalité, puisqu’aucun autre poste ne lui avait été proposé et que son déplacement démontrait une volonté de le sanctionner.

3.1  

3.1.1 La LOPP vise à assurer un statut unifié pour le personnel pénitentiaire de tous les établissements afin de garantir la mobilité interne (art. 2 al. 1 LOPP).

Le personnel pénitentiaire est soumis à la LPAC et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la LOPP (art. 6
al. 1 LOPP).

3.1.2 Sont soumis à l’autorité de la direction générale de l’OCD, au sens de l’art. 1 al. 2 LOPP, notamment l’établissement de D______ (art. 1 al. 2 let. a du règlement sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 22 février 2017 - ROPP - F 1 50.01).

Tous les membres du personnel pénitentiaire sont subordonnés hiérarchiquement au directeur général de l’OCD et à son suppléant, le directeur général adjoint. Ils respectent les consignes émises par les directeurs et chefs de service de la direction générale et leurs suppléants dans le cadre de leurs fonctions ou des tâches qui leur sont déléguées par le directeur général (art. 2 al. 1 ROPP).

3.1.3 La direction de l’établissement est composée du directeur de l’établissement et de son suppléant (art. 2 al. 2 ROPP). Le directeur de l’établissement n’est pas une personne gradée au sens de l’art. 21 al. 3 LOPP (art. 2 al. 3 ROPP). Le suppléant seconde le directeur de l’établissement et le remplace. En fonction de la taille de l’établissement, le suppléant peut être une personne gradée au sens de l’art. 21 al. 3 LOPP ou une autre personne désignée (art. 2 al. 4 ROPP).

3.1.4 Les agents de détention affectés à l'établissement de E______ et la direction de celui-ci sont soumis par analogie au ROPP (art. 2 al. 6 ROPP).

3.1.5 Le directeur ou son suppléant qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peut faire l’objet, selon la gravité de la faute, des sanctions disciplinaires suivantes : a) le blâme ; b) la réduction du traitement pour une durée déterminée ; c) le retour au statut d’employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans ; d) la révocation (art. 25 al. 2 LOPP).

3.2 Aux termes de l'art. 12 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), l'affectation d'un membre du personnel dépend des besoins de l'administration ou de l'établissement et peut être modifiée en tout temps (al. 1). Un changement d'affectation ne peut entraîner de diminution de salaire (al. 2). Sont réservés les cas individuels de changements d'affectation intervenant comme alternative à la résiliation des rapports de service au sens de l'art. 21 al. 3 LPAC (al. 3).

3.3  

3.3.1 Il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel. Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (art. 2B al. 1 et 2 LPAC).

3.3.2 Aux termes de l’art. 5 al. 1 du règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10), le GdC est chargé de la mise en œuvre et de la bonne application du dispositif de protection de la personnalité prévu aux art. 5 à 30 RPPers.

La mission principale du GdC consiste à traiter les demandes des personnes qui font appel à lui. Il contribue à ce que la hiérarchie fasse cesser les atteintes à la personnalité (art. 5 al. 3 RPPers).

3.3.3 Le GdC travaille en toute indépendance. Il est rattaché fonctionnellement à la présidente ou au président du Conseil d'État et administrativement à la chancellerie d'État (art. 7 du RPPers).

À l'issue de l'examen préalable, le GdC peut proposer à la personne requérante, en plus des mesures citées aux art. 13 et 14 RPPers relatifs aux entretiens confidentiels, aux propositions de mesures et à la médiation, de déposer une demande écrite formelle dans la perspective d'une investigation menée par le groupe de confiance (art. 16 al. 1 RPPers).

La procédure d'investigation a pour but d'établir les faits et de déterminer si les éléments constitutifs d'une atteinte à la personnalité sont réalisés ou non (art. 19 RPPers).

Avant d'ouvrir l'investigation, le GdC peut procéder à une enquête préliminaire du cas. Il procède conformément aux art. 23 à 26 et entend les parties, ainsi que les témoins qu'il juge utiles. Si, sur la base de cette enquête préliminaire, le GdC conclut que les conditions d'une atteinte à la personnalité d'une certaine gravité ne sont manifestement pas réalisées, il classe l'affaire sans suite et en informe par écrit les parties et l'autorité d'engagement. L'art. 21 est applicable pour le surplus. Faute de classement, le GdC notifie aux parties et à l'autorité d'engagement l'ouverture de l'investigation et poursuit l'instruction (art. 22 RPPers).

Lorsqu'il considère l'instruction de la demande terminée, le GdC octroie aux parties et à l'autorité d'engagement un délai de dix jours pour consulter le dossier et requérir toutes autres mesures d'instruction complémentaires qu'elles jugent utiles. Dans les dix jours qui suivent la réception des demandes d'instruction complémentaire, le GdC informe s'il donne suite ou non aux mesures d'instruction complémentaires requises. À l'issue de l'instruction complémentaire, le GdC octroie un nouveau délai de dix jours aux parties et à l'autorité d'engagement pour consulter le dossier (art. 28 RPPers).

Une fois l'instruction terminée, le GdC octroie un délai de trente jours aux parties pour lui faire part de leurs déterminations par écrit. Dans les trente jours qui suivent la réception des déterminations des parties, le GdC établit un rapport contenant l'exposé des faits, donne son appréciation sur l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité et indique l'identité de l'auteur identifié. Sont annexées au rapport les déterminations des parties (art. 29 al. 1 et 2 RPPers).

3.4  

3.4.1 Selon l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, de par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. Cette norme constitutionnelle étend le contrôle judiciaire en principe à toutes les contestations juridiques. Elle garantit ainsi l'accès à un juge disposant d'un pouvoir d'examen complet des faits et du droit. Elle ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours ou de l'action. Elle ne s'applique toutefois pas, notamment, aux actes internes de l'administration qui n'ont pas le caractère d'une décision (arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2017 du 20 août 2018 consid. 7.1 ; aussi ATF 136 I 323 consid. 4.4).

La décision comme acte juridique a pour objet de régler la situation d'administrés en tant que sujets de droit et donc, à ce titre, distincts de la personne étatique ou, en d'autres termes, extérieurs à l'administration. On oppose dans ce contexte la décision à l'acte interne ou d'organisation, qui vise des situations à l'intérieur de l'administration; l'acte interne peut avoir des effets juridiques, mais ce n'en est pas l'objet, et c'est pourquoi il n'est en règle générale pas susceptible de recours. Deux critères permettent généralement de déterminer si on a affaire à une décision ou à un acte interne. D'une part, l'acte interne n'a pas pour objet de régler la situation juridique d'un sujet de droit en tant que tel et, d'autre part, le destinataire en est l'administration elle-même, dans l'exercice de ses tâches.

3.4.2 La distinction entre acte administratif interne et décision peut s'avérer particulièrement difficile en ce qui concerne les fonctionnaires (à ce sujet voir David HOFMANN, L'engagement et la gestion du personnel, in: Les réformes de la fonction publique, 2012, p. 122 ss).

Doivent être considérées comme des décisions les mesures qui affectent les droits et obligations d'un fonctionnaire en tant que sujet de droit, par exemple la fixation de son salaire, ou d'indemnités diverses, les sanctions disciplinaires ou encore le changement d'affectation qui va au-delà de l'exécution des tâches qui incombent au fonctionnaire dans sa sphère d'activité habituelle ou des instructions qui lui sont données dans l'exercice de ces tâches.

En revanche, un acte qui a pour objet l'exécution même des tâches qui lui incombent en déterminant les devoirs attachés au service, telles que la définition du cahier des charges ou des instructions relatives à la manière de trancher une affaire, est un acte interne. Lorsque le fonctionnaire s'oppose à un acte de ce type, ce sont les mesures disciplinaires ou autres moyens de contrainte ressortissant aux règles régissant les rapports internes qui sont susceptibles de s'appliquer (ATF 136 I 323 consid. 4.4 ; arrêt 8D_2/2018 du 21 février 2019 consid. 6.2 avec renvoi à l'arrêt 8D_5/2017 du 20 août 2018 consid. 7.1 et les nombreuses références citées).

3.4.3 Tout changement d'affectation n'ouvre pas la voie d'un recours à l'autorité judiciaire. Un changement d'affectation d'un fonctionnaire constitue une décision attaquable lorsqu'il est susceptible de porter atteinte aux droits de la personnalité de l'employé, y compris le droit au respect de sa vie familiale, ou encore lorsqu'il est de nature à porter atteinte à la considération à laquelle il peut prétendre au regard notamment de ses aptitudes. Il en va de même quand le changement d'affectation représente une sanction déguisée et constitue de ce fait un acte attaquable (arrêt du Tribunal fédéral 8D_1/2016 précité consid. 5.2 et les arrêts cités).

Il a été jugé que le reclassement d'un fonctionnaire dans une fonction inférieure devait être considéré comme une sanction disciplinaire déguisée, puisque décidé uniquement en raison de la commission d'une infraction aux devoirs de service par cette personne et non pas parce qu'elle se serait révélée inapte à remplir les exigences liées à son poste (ATA C. du 27 juin 1990, in SJ 1991 p. 501). Lorsque le changement d'affectation était motivé par la nécessité de garantir un fonctionnement optimal du service et que les relations entre le fonctionnaire et sa hiérarchie avaient évolué de telle façon qu'il leur était devenu impossible de collaborer, il a été jugé que ce changement d'affectation ne constituait pas une sanction déguisée, même si une sanction disciplinaire avait été prononcée parallèlement (ATA/226/2004 du 16 mars 2004 ; ATA/641/2000 du 24 octobre 2000). Une mutation ne constituait pas une sanction déguisée, lorsque la nouvelle fonction était mieux adaptée aux aptitudes de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2P.93/2004 du 15 octobre 2004 consid. 3.2 confirmant l'ATA/226/2004 du 16 mars 2004). Il est considéré qu'un transfert peut également constituer un moyen de régler un conflit de personnes au sein d'un service, la personne en prise à une situation conflictuelle pouvant être déplacée dans un autre service de l'administration afin d'apaiser les tensions au sein du service, respectivement de l'en épargner (arrêt du Tribunal fédéral 8D_1/2016 précité consid. 5.5 ; ATA/1054/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3 ; ATA/69/2016 précité consid. 3b ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, p. 145 ss, spéc. 159).

3.4.4 Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, un changement d'affectation d'un fonctionnaire relève en principe de la gestion interne de l'administration. Les conditions pour admettre une sanction déguisée sont strictes. En principe, en l'absence de modification de traitement et en présence d'un poste concernant les sphères de compétences du fonctionnaire, il ne s'agit pas d'une sanction déguisée (ATA/575/2014 du 29 juillet 2014 consid. 9 et 10 et 11 ; ATA/221/2009 du 5 mai 2009 consid. 4, confirmé l'arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2009 du 3 mars 2010), même si la mesure en cause est comprise comme une sanction par l'intéressé (ATA/69/2016 du 26 janvier 2016). Dans un cas où la réorganisation répondait aux besoins du service, principalement au motif que la fonction de juriste en charge des mesures de contrainte n'avait jamais fait l'objet d'une évaluation préalable, qu’elle se fondait sur une analyse détaillée, que le poste entrait dans les sphères de compétences du fonctionnaire, la chambre de céans a retenu que le « transfert » n'était pas une sanction déguisée, même avec une diminution du traitement (ATA/1572/2019 du 29 octobre 2019 consid. 7e).

3.5 En l’espèce, est litigieux le « détachement » du recourant à l’établissement de E______ de manière définitive.

Comme déjà relevé dans le cadre de la procédure relative à son « détachement » provisoire, dans un raisonnement confirmé par le Tribunal fédéral dans ses arrêts des 22 février et 2 mai 2023, son affectation à l’établissement de E______ ne constitue pas une sanction déguisée à son encontre.

Ainsi, le recourant a été détaché à l’établissement de E______ dans la même fonction que celle qu’il exerçait à l’établissement de D______ et sans modification de son traitement. Son cahier des charges n’a pas été modifié et le poste parait en adéquation avec ses aptitudes, étant relevé que son assertion dans son courrier du 23 mai 2023 selon laquelle les tâches du directeur adjoint relevaient d’un rôle surnuméraire assimilable à celui d’un commis administratif, n’est nullement documentée. À cet égard, il occulte le fait que son détachement s’inscrit également dans la transition nécessitée par les départs à la retraite prévus dans l’année de la directrice et de son adjointe.

Par ailleurs, même si ses responsabilités de gestion de personnel ont diminué du fait du nombre plus restreint de collaborateurs sous ses ordres, ses tâches sont également restées identiques.

Il n’allègue pas avoir été contraint de changer de domicile ou de s’organiser autrement sur le plan privé pour assumer sa nouvelle fonction dans un établissement situé à proximité immédiate de celui de D______.

Enfin, la mesure prise par l’intimé le 23 décembre 2022 dans le prolongement de l’affectation provisoire décidée le 21 décembre 2021 et prolongée le 27 juin 2022, tout comme celle de décembre 2021, apparaît cohérente, justifiée et appropriée, au vu des tensions entre la direction de l’OCD et le recourant de l’an dernier ainsi que des refus réitérés de celui-ci de collaborer avec celui-là. La mesure fondée à titre provisoire, l’est encore, puisqu’elle a garanti le bon fonctionnement de la prison et des institutions mais a également protégé la personnalité du recourant, qui se plaignait de ses conditions de travail. Il sera rappelé que le fait de séparer deux collaborateurs dont les relations sont tendues peut en effet parfaitement se justifier par l’intérêt de l’administration et la protection des collaborateurs, y compris des personnes intéressées; c’est un moyen adéquat de régler un conflit au sein de l’administration (arrêt 8D_1/2016 précité consid. 5.5).

À cela s’ajoute que cette décision pérennise la solution temporaire mise ne place depuis plus d’une année.

Le recourant n’amène aucun élément nouveau pertinent qui pourrait justifier un autre raisonnement.

Dans ces circonstances, de même que s’agissant de l’affectation provisoire, dès lors que ni la fonction ni le traitement du recourant n’ont été modifiés et au vu des tensions existantes entre le directeur de l’OCD et le recourant, de l’impérieuse nécessité d’un bon fonctionnement de la prison et de la demande expresse du recourant de protection de sa personnalité, il ne peut pas non plus être considéré que le courrier litigieux constitue une sanction déguisée.

Il résulte de la procédure que le détachement a été imposé par la nécessité que l’État puisse assurer le bon fonctionnement de ses institutions et la protection de la personnalité de ses employés, de sorte qu’il s’agit d’une mesure purement organisationnelle.

Pour le surplus, le recourant, qui soutenait dans son recours que l’intimé n’avait pas cherché à le placer dans un autre poste, n’a pas contesté les allégués de l’intimé dans sa réponse selon lesquels des alternatives professionnelles avaient été évoquées durant l’année 2022, notamment auprès de la direction des ressources humaines de la police, à laquelle il n’a finalement jamais répondu.

Enfin, s’agissant du grief de la violation du principe de la bonne foi, le recourant soutient que son employeur n’a pas respecté ses demandes de protection de sa personnalité, n’a pris aucune mesure en sa faveur, et qu’il a prononcé la mesure litigieuse à titre de sanction de sa demande de protection. Il sera constaté non seulement que cette mesure avait d’ores et déjà été prononcée de manière temporaire avant que le recourant ne saisisse le groupe de confiance, mais en outre qu’elle ne fait que pérenniser une situation qui durait depuis près d’une année, en offrant au recourant un poste similaire à celui qu’il occupait auparavant et dans un contexte où il n’avait pas répondu à tout le moins à une autre offre de poste qui lui avait été faite. Le grief est donc infondé.

La communication litigieuse relevant d’une mesure organisationnelle et ne remplissant en conséquence pas les conditions d’une décision formelle, le recours sera déclaré irrecevable.

Le présent arrêt rend sans objet la requête d’effet suspensif.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 1er février 2023 par A______ contre le courrier du conseiller en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé du 23 décembre 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15’000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant ainsi qu’au département des institutions et du numérique.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :