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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3797/2016

ATA/1572/2019 du 29.10.2019 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3797/2016-FPUBL ATA/1572/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 octobre 201 9

 

dans la cause

 

Monsieur A_______
représenté par Me Chris Monney, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1) Monsieur A_______, né le ______ 1965, a été engagé le 1er juin 1991 à l'État de Genève en qualité de secrétaire-juriste auprès de la Cour de justice, fonction évaluée en classe 22 de l'échelle des traitements de l'État. Conformément à ce qui se pratiquait à l'époque, il a perçu pendant deux ans un traitement conforme à la classe 20.

2) À la suite de plusieurs transferts et promotions, il a été promu, le 1er juillet 2001, à la fonction de secrétaire adjoint II auprès du secrétariat général du département de justice et police et des transports, devenu depuis lors le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département ou le DSES). La fonction était colloquée en classe 25.

3) Par arrêté du 23 mars 2005, le Conseil d'État a désigné M. A_______ à la fonction d'enquêteur cantonal pour la commission fédérale des maisons de jeux (ci-après : CFMJ). L'entrée en fonction était subordonnée à sa nomination par ladite commission. Administrativement, M. A_______ était rattaché au corps de police.

4) La CFMJ ayant nommé M. A_______ par acte du 3 mai 2005, le transfert de l'intéressé aux services administratifs de la police a été formalisé le 1er mai 2005 avec effet rétroactif au 1er février 2005.

5) Une description du poste d'enquêteur CFMJ a été réalisée le 21 février 2005. Aucune évaluation formelle par l'office du personnel de l'État (ci-après : OPE) n'a été finalisée.

6) À compter de mi-février 2011, M. A_______ a commencé une activité de juriste auprès des services du commissariat de police (ci-après : juristes des commissaires) afin de renforcer le service responsable notamment du prononcé des mesures de contrainte (ci-après : MC) basées sur la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la loi sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). À l'époque, cette activité n'était exercée que par Monsieur B_______.

7) Le cahier des charges de M. A_______, daté du 23 octobre 2011, mentionne comme fonction de référence : « secrétaire adjoint II » et comme dénomination d'usage « enquêteur cantonal pour la CFMJ » ainsi que « juriste rattaché au service du commissariat de police ». Il avait conservé en outre des tâches déployées pour le secrétariat général en lien avec la loi sur les procédés de réclame du 9 juin 2000 (LPR - F 3 20).

Le cahier des charges précisait que l'activité d'enquêteur pour la CFMJ avait impliqué, en 2011, la réception de trois dénonciations, une dizaine de vérifications et contrôles de police. Aucune procédure pénale n'avait été ouverte.

8) Trois cent trente-sept mises en détention administrative (ci-après : MEDA) ont été prononcées en 2011 à la suite de l'arrivée de M. A_______. En comparaison, cent treize avaient été prononcées en 2010.

9) À compter de février 2014, Monsieur C_______ est devenu le troisième juriste traitant des dossiers de MEDA pour les commissaires de police.

10) Quatre cent nonante-cinq MEDA ont été prononcées en 2014.

11) Le 29 avril 2015, Monsieur D_______, « chargé de mission migration » a transmis un rapport de dix-neuf pages sur la pratique du renvoi au conseiller d'État en charge du DSES.

Une marge d'amélioration importante dans ladite pratique existait, aussi bien au niveau organisationnel que dans l'amélioration des outils de conduite. Sous le chapitre 5 traitant des liens de la police et de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), le rapport proposait trois solutions : la première, le statu quo, était qualifiée de non réellement souhaitable. La deuxième, qui revenait à créer un pôle juridique, rattaché à l'OCPM, était la plus développée. L'auteur indiquait qu'elle aurait sans doute le mérite de faciliter l'action des uns et des autres. La troisième option était qualifiée de plus compliquée, car impliquant une modification législative, donc une initiative politique. Elle consisterait à confier les décisions de détention administrative, mais également toutes les mesures administratives que la LEI offrait, à l'OCPM. La proposition de création d'un pôle juridique unique en matière de mesures administratives liées à l'application de la LEI au sein de l'OCPM était rappelée en conclusion parmi d'autres « directions à prendre au plus haut niveau ».

12) Un entretien d'évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) s'est tenu le 30 septembre 2015. Il ressort du bilan général du responsable hiérarchique que « M. A_______ est un juriste compétent, voire expert dans les domaines qui lui sont attribués. C'est une personne agréable à côtoyer et très conviviale et avenante vis-à-vis de ses collègues. Son manque d'organisation et sa tendance à trop développer certains sujets péjorent son efficacité globale. Les officiers de police de service [(devenus depuis les commissaires)] regrettent le projet de transférer les juristes à l'OCPM, ce qui aura pour conséquence de compliquer l'accomplissement des missions et pourrait détériorer les relations avec [les commissaires] ».

13) Le conseiller d'État en charge du DSES a réuni les juristes des commissaires au début du mois de novembre 2015 pour leur faire part de sa décision de les transférer à l'OCPM à compter du 1er janvier 2016 en qualité de juristes du secteur « mesures », lui-même rattaché au service « asile et départ » (ci-après : SAD) de l'OCPM.

En vacances, M. A_______ n'a pas assisté à cette réunion.

14) Le 16 novembre 2015, le chef du département a pris une « décision concernant les pôles juridiques et renvoi ». Le document, de deux pages, récapitulait la teneur de l'annonce du début novembre 2015. Elle précisait que trois postes de juristes des commissaires étaient transférés à l'OCPM au 1er janvier 2016 et subordonnés au chef du SAD.

Copie en a été transmise notamment à M. A_______.

15) M. C_______ a demandé à être affecté à un nouveau service à la fin de l'année 2015.

16) Sept cent nonante-cinq MEDA ont été prononcées en 2015.

17) Concrètement, les activités de M. A_______ ne se sont pas modifiées à la suite de son transfert. Les mêmes juristes ont continué à exercer les mêmes activités dans les mêmes locaux au vieil hôtel de police (ci-après : VHP) pour le compte des mêmes personnes (les commissaires en coordination avec les procureurs du Ministère public notamment). L'accès au réseau informatique de la police a été supprimé aux juristes concernés ainsi que leur numéro de téléphone auprès de la police. L'accès au fichier regroupant les antécédents policiers des personnes interpellées (ci-après : MACS) leur a été retiré. Les connexions des juristes sur le compte informatique, depuis la salle dans laquelle les commissaires de police ordonnaient les MC préparées à leur intention, leur ont été supprimées.

18) Par courrier du 12 février 2016, le conseiller d'État a informé M. A_______ de son transfert. La nouvelle fonction devant faire l'objet d'une évaluation auprès du service des ressources humaines (ci-après : RH) de l'OPE, les formalités administratives liées audit transfert seraient finalisées après la création et la ratification de ladite fonction.

19) Le 13 septembre 2016 s'est tenu un entretien de « recadrage informel ». Monsieur E_______, chef de secteur à l'OCPM, a rappelé à M. A_______ qu'il ne devait pas se comporter en tant que chef du pôle juridique, que le respect et la correction de langage étaient impératifs, que les horaires devaient être respectés, que les contacts avec les partenaires extérieurs devaient passer par son intermédiaire, voire une tierce personne qu'il nommait, que les vacances et congés devaient être préalablement approuvés et son bureau rangé.

20) Le 27 septembre 2016, M. E_______ et Madame F_______, responsable des RH de l'OCPM, ont eu un entretien avec M. A_______. Ils l'ont informé que la fonction qu'il occupait avait été évaluée en classe 20. Une décision formelle du secrétariat général du département suivrait.

21) Par décision du 3 octobre 2016, le conseiller d'État en charge du DSES a modifié la situation de M. A_______ à compter du 1er octobre 2016 : sa fonction serait dorénavant « juriste 2 » à 100 % auprès de l'OCPM pour une classe maximum de 20. Il conservait son traitement annuel brut de CHF 170'581.-, soit une classe 25 position 16. Les droits liés à son statut de cadre supérieur étaient supprimés à compter de la date de sa nouvelle affectation.

22) M. A_______ a été en incapacité totale de travailler du 31 octobre 2016 au 30 novembre 2016.

23) Par acte du 7 novembre 2016, M. A_______ a formé opposition auprès de la commission de réexamen en matière d'évaluation des fonctions (ci-après : CREMEF) contre la décision évaluant son poste auprès de l'OCPM en classe 20.

24) Par acte du 7 novembre 2016, il a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 3 octobre 2016. Il a conclu à son annulation, à ce que la chambre administrative prononce sa réaffectation dans la fonction qu'il occupait précédemment, subsidiairement à ce que le département soit invité à l'affecter à un poste en classe 25.

Le transfert était en réalité une mesure disciplinaire visant à le sanctionner. Son collègue n'était pas touché par cette réaffectation dans la mesure où il avait déjà atteint le sommet de sa classe de traitement. La décision visait uniquement à péjorer sa situation en l'empêchant de bénéficier de la progression de ses revenus par l'effet des annuités et en lui retirant ses droits liés à son statut de cadre supérieur, celui-ci ayant osé porter à la connaissance de sa hiérarchie les problèmes engendrés par son transfert artificiel auprès de l'OCPM. Par ailleurs, l'autorité avait fait un usage abusif de son droit consacré à l'art. 12 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) de transférer un membre de son personnel. La décision ne prenait pas en considération les nécessités d'une saine et efficace gestion des services publics. Elle visait au contraire des buts étrangers à sa finalité, à savoir la dévaluation de sa fonction et à procéder à des économies. Par ailleurs, l'administration violait l'interdiction de l'arbitraire en ne tenant pas compte du besoin des commissaires de travailler en lien direct avec les juristes. La décision se fondait sur des critères opaques qu'elle ne mentionnait pas et contredisait de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.

Préalablement, l'instruction de la cause devait être suspendue jusqu'à droit connu dans la procédure pendante devant la CREMEF.

25) Le département a conclu au rejet du recours.

26) Le recourant a persisté dans ses conclusions dans le cadre de la réplique.

27) a. À la suite de la brève duplique du département, les parties ont déposé des listes de témoins. Deux audiences d'enquêtes ont été convoquées.

b. Le chef du département s'est opposé à l'audition de Monsieur C_______ et a refusé de lever son secret de fonction.

c. Une semaine avant leur tenue, les parties ont, d'entente entre elles, sollicité la suspension de la procédure.

28) Par décision du 29 mai 2017, la procédure a été suspendue.

29) À la demande du département, l'instruction de la cause a été reprise le 12 juin 2018.

30) Une audience de comparution personnelle des parties s'est tenue le 13 septembre 2018.

Le recourant a indiqué être toujours payé en classe 25. Il n'avait plus ni sixième semaine de vacances, ni indemnité pour ses heures supplémentaires, en tous les cas depuis 2017. Les éventuelles heures supplémentaires étaient compensées en congé. Sauf erreur de sa part, M. B_______ était soumis au même régime que lui. Celui-ci avait toutefois récupéré sa sixième semaine de vacances dès ses 60 ans en 2017 et avait fait valoir ses droits à la retraite dès le 1er décembre 2018. Actuellement, sept personnes, soit 6,9 équivalent à plein temps, composaient le pôle des juristes de l'OCPM affecté aux MC. Le nombre de MEDA avait chuté depuis octobre 2016. Il avait à nouveau été totalement incapable de travailler du 31 décembre 2016 à début mars 2017. La diminution du nombre de MEDA était, de son point de vue, liée à plusieurs facteurs, notamment en raison d'une forte diminution des juristes en 2017, de la longue formation de ses collègues pour acquérir l'entier des compétences nécessaires et d'un changement de pratique, d'autres mesures pouvant être favorisées telles que des interdictions de pénétrer dans un territoire, aujourd'hui beaucoup plus nombreuses.

La représentante du département a indiqué que tous les juristes du pôle MC de l'OCPM étaient en classe 20. Elle ignorait la classe de fonction des autres juristes de l'OCPM. Il n'y avait pas eu d'évaluation des fonctions du recourant, ni en 2005 lorsqu'il avait été transféré à la police avec les responsabilités de la CFMJ, ni en 2011 au moment où il avait été rattaché au commissariat en conservant les responsabilités de la CFMJ.

Selon le recourant, le département avait mis sur pied quelque chose de quasi systématique, à savoir la création de postes nouveaux qui reprenaient les compétences des personnes concernées, mais avec une réévaluation à la baisse de la fonction à l'occasion de la création de ce nouveau poste. L'actuelle brigade des renvois ou la brigade de sécurité des audiences en étaient des exemples. Il n'avait jamais été entendu et avait été mis devant le fait accompli. La dévaluation de la fonction avait été annoncée avant même le début du processus d'évaluation. Le cahier des charges avait été élaboré par le département. Les intéressés avaient pu contribuer à l'élaboration de celui-ci, mais tout n'avait pas été retenu par le département, à l'instar de la titularité du brevet d'avocat, de la maîtrise de l'allemand et de trois années minimales d'expérience utiles au poste. Le département avait considéré, contrairement à l'avis des personnes sur le terrain, qu'un master en droit était suffisant.

La représentante du DSES a rappelé que la décision litigieuse était exclusivement fondée sur le besoin de clarifier les fonctions. Ces analyses n'avaient jamais été faites auparavant, ce qui n'était pas satisfaisant. La décision était le résultat de cette réorganisation interne.

31) Dans le délai qui lui avait été imparti, le département a décrit le processus qui avait conduit l'OPE à évaluer la fonction de juriste auprès du SAD. Il y sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

32) Le recourant a sollicité un long délai pour pouvoir répondre, ce qui lui a été accordé. Il a persisté dans ses conclusions. Il était manifeste que le département avait arbitrairement fixé l'objectif de dévaloriser son poste de plusieurs classes de fonction, de sorte que l'évaluation effectuée par l'OPE ne pouvait être réalisée de manière objective. Plusieurs juristes, sans brevet d'avocat, avaient été engagés récemment à ce poste avec le résultat catastrophique illustré par la chute vertigineuse du nombre de MEDA. Il insistait sur la nécessité d'ouvrir des enquêtes.

33) La chambre de céans a procédé à l'audition de plusieurs témoins :

a. Madame G_______, responsable des ressources du DSES, avait rencontré MM. A_______ et B_______ le 15 décembre 2015 dans le cadre du transfert des postes de juristes à l'OCPM. L'objectif de la réunion consistait à les informer de la création de nouveaux postes dans une nouvelle cellule de l'OCPM. Si l'évaluation devait aboutir à une classification inférieure à celle qui était la leur en 2015, ils ne seraient plus cadres supérieurs. Il fallait distinguer les procédures de créations de fonction des réévaluations de postes. Dans ce dernier cas, le titulaire du poste pouvait se déterminer sur le résultat de l'évaluation de l'OPE alors qu'en cas de création de fonction, il n'y avait pas de titulaire qui puisse se déterminer. À sa connaissance, l'État créait de moins en moins de nouvelles fonctions, compte tenu du processus SCORE. Actuellement, il fallait que la nouvelle fonction soit absolument nécessaire pour le bon fonctionnement de l'État, à savoir qu'il faille affecter quelqu'un dans une fonction en l'état inexistante. S'agissant d'une création de fonction, il était logique que M. A_______ n'ait pas reçu l'évaluation de l'OPE du 23 juin 2016, ni n'ait été tenu informé des préavis de la hiérarchie du 13 juillet 2016 et du département du 21 juillet 2016. Dans le cas de M. A_______, le transfert du département à la police n'avait pas fait l'objet d'évaluation alors que le travail de création et d'évaluation du poste aurait dû être fait à ce moment-là. La perte du statut de cadre supérieur serait probablement intervenue à ce moment-là.

b. Monsieur H_______, commissaire retraité, a relevé que les commissaires n'avaient pas la formation nécessaire s'agissant des quelque 15 à 20 % de MC qui étaient délicates sur le plan juridique et pour lesquelles il était indispensable d'avoir des juristes. Un des trois juristes des commissaires n'avait pas le brevet d'avocat. Il n'avait pas la formation adéquate. C'était grâce aux deux autres que les commissaires pouvaient approfondir les contestations de certaines décisions. Ils avaient besoin de juristes chevronnés pour pouvoir faire évoluer la jurisprudence. Les cas de MC étaient devenus de plus en plus complexes et nombreux, passant de cent à trois cent cinquante par an. Cela avait impliqué une charge de travail supérieure et nécessité le renforcement du service juridique d'un à trois juristes. Cela restait insuffisant. Pour pouvoir assurer sept jours sur sept, il aurait fallu un juriste supplémentaire. À l'arrivée de M. C_______ en 2014, tout le contentieux des MC était chez les commissaires. Cela avait été très bénéfique puisqu'ils avaient pu faire évoluer le traitement de ces dossiers et non plus abandonner le traitement de certains d'entre eux comme auparavant. Cela était dû à l'arrivée de juristes de très grandes compétences. Il avait connu les deux systèmes, à savoir les juristes auprès des commissaires et les juristes à l'OCPM puisqu'il avait pris sa retraite en 2017. Dans les faits, cela faisait peu de différence : c'était les mêmes juristes, ou le même type de juristes, au même endroit, qui faisaient le même travail. Ils avaient les mêmes discussions sur les dossiers courants. Dans la relation hiérarchique, c'était un changement complet. Le système était bicéphale. Il était défavorable à ce changement qui impliquait que celui qui prenait la décision n'était plus dans le même service que celui qui la préparait. De même, il lui avait appartenu de fournir les horaires des juristes pour qu'ils puissent être présents sept jours sur sept alors que ceux-ci n'étaient plus rattachés à son service. Des gestionnaires de l'OCPM venaient maintenant en permanence au VHP, ce qui était une bonne chose, mais le système hiérarchique était un casse-tête. La situation était plus simple auparavant. Il y avait, en sus, eu des complications avec les changements de système, notamment informatique.

c. M. E_______ a indiqué avoir été engagé en juin 2016. Sa classe de traitement avait été fixée provisoirement en 19. Après évaluation par la commission ad hoc, sa fonction avait été colloquée en classe 21. Actuellement, six juristes de l'OCPM étaient détachés au VHP. Il les avait tous engagés, à l'exception de M. A_______. Il cherchait des juristes avec quelques années d'expérience en droit des étrangers, la possession du brevet d'avocat étant un atout supplémentaire, mais non une condition. Deux d'entre eux, en sus de M. A_______, étaient titulaires du brevet d'avocat. Ceux qui n'étaient pas au bénéfice d'une expérience en droit des étrangers avaient déjà pratiqué dans ledit domaine et / ou étaient expérimentés dans l'administration publique. Après plus de deux ans d'activité, tous étaient aujourd'hui performants. S'agissant du nombre de MEDA, leur progression avait été assez importante entre 2014 et 2016. Leur nombre s'était tassé dès 2017. La principale explication consistait en l'expulsion judiciaire pénale qui avait pour conséquence que l'OCPM avait, pour la plupart des cas, le temps d'organiser les départs pendant la détention pénale. La baisse du nombre de MEDA ne pouvait que très partiellement s'expliquer par un changement de pratique qui voudrait qu'il y ait plus d'interdictions ou d'assignations territoriales.

d. M. B_______, retraité, a expliqué que depuis fin 2004, date de la création du poste, jusqu'à l'arrivée de M. A_______, il était seul à occuper le poste de juriste pour les MC. S'agissant d'une matière où il fallait agir rapidement, il avait, dès 2004, demandé des moyens supplémentaires, raison pour laquelle MM. A_______ et C_______ l'avaient rejoint. L'augmentation des effectifs avait permis une augmentation des MEDA notamment. Ils avaient pu être plus actifs dans la matière. La mise à disposition de l'établissement de détention administrative de Favra (ci-après : Favra) avait aussi contribué à une augmentation des MEDA. Ils n'avaient pas de supérieur hiérarchique autre que le commissaire de police ou son supérieur. Ils prenaient la décision de placer quelqu'un en détention administrative. En quatorze ans, il n'y avait jamais eu un commissaire qui n'ait pas été d'accord avec ce qu'il proposait à ce titre. La brigade qui s'occupait quotidiennement de la libération des détenus pénaux les consultait quant à savoir qui pouvait être « remis trottoir » ou si une détention administrative était envisagée. C'était aussi eux qui s'occupaient du « journalier », à savoir, tous les matins, de déterminer qui, parmi les personnes emprisonnées pendant la nuit, était concerné par une détention administrative. Les commissaires suivaient leurs propositions, en général reprises pendant la réunion ultérieure avec le procureur. Leur fonction avait pris de l'importance, raison pour laquelle, dès juillet 2015, ils avaient assuré un service sept jours sur sept. Avant cette date, ils avaient des horaires administratifs, qui parfois se prolongeaient. Ils n'avaient pas été consultés lors du changement d'affectation. Ce changement leur avait été annoncé lors d'une réunion avec le chef du département en novembre 2015 pour entrer en vigueur en janvier 2016. Ils avaient été mis devant le fait accompli. La réunion aux RH de l'OCPM qui avait suivi avait commencé par l'annonce que leur traitement passerait de la classe 25 à la classe 18 au motif, notamment, que leur futur chef était en classe 19. Aujourd'hui, les juristes étaient en classe 20 et le supérieur hiérarchique en 21. Ce transfert était une absurdité. Sous réserve d'une question de mobilier et des questions de péjoration de leurs accès informatiques, leurs conditions de travail n'avaient pas changé. Enfin, leur supérieur hiérarchique était à Onex et non sur place, ce qui compliquait la communication. M. E_______ ne les supervisait pas pour la rédaction de leurs projets mais était disponible s'ils avaient des questions. Il n'y avait pas d'aspect positif à ce transfert. À titre d'exemple, M. C_______ avait choisi de quitter le service, induisant des problèmes de sous-effectif qui avaient même abouti à ce qu'il se retrouve subitement seul fin octobre 2016 dans le service. Le nombre de MEDA avait atteint un record en 2015 (plus de sept cents). Il avait diminué dès 2016 - 2017 compte tenu notamment du problème de manque d'effectif dans leur service, de la diminution du trafic par certains prévenus qui les occupaient quantitativement de façon importante les années précédentes, une diminution des cas Dublin, y compris un changement de directrice à Favra, induisant quelques modifications dans les pratiques. Lors de l'élaboration du nouveau cahier des charges, ils avaient indiqué qu'un brevet d'avocat leur semblait indispensable, la matière n'étant pas aisée. Il n'avait pas le brevet d'avocat à l'instar de la plupart de ses anciens collègues. Une personne avait été engagée comme juriste avant l'été 2016, au bénéfice de brevet d'avocat. Elle avait rapidement quitté, « ayant trouvé mieux ». Ils avaient aussi considéré que l'exigence de l'allemand était indispensable au poste. À son souvenir, ni l'exigence linguistique ni celle de la titularité du brevet d'avocat n'avaient été reprises pour la définition ultérieure du poste. Il avait refusé de signer le nouveau cahier des charges qui ne reflétait pas les responsabilités liées au poste. Les activités étaient correctement décrites, mais la classe de traitement n'était pas à la hauteur des responsabilités. Les juristes avaient le pouvoir de remettre en liberté, ou non, des individus, à l'instar des juges, en classe 32, et lorsqu'ils remettaient en liberté (remise trottoir après détention pénale), ils devaient souvent se justifier auprès du chef du département. Du fait de leur rattachement à l'OCPM, ils avaient perdu l'accès à certaines bases de données « police » qui leur étaient nécessaires dans le cadre de leur activité. Depuis lors, ils formulaient leurs demandes à la brigade et dépendaient de leur présence, ce qui leur faisait perdre du temps. De même, la salle mise précédemment à leur disposition pour les MEDA ne l'était plus vraiment, ce qui leur compliquait la tâche. Globalement, les prestations étaient moins bonnes depuis le transfert. Par ailleurs, ils ne récupéraient plus les week-ends, le samedi étant un jour de travail normal.

34) a. Dans ses écritures après enquêtes, le département a persisté dans ses conclusions.

b. Le recourant a insisté sur le fait qu'il appartenait à l'OPE d'évaluer le poste et non au département qui, dès le début, avait décidé de dévaluer, de façon arbitraire, son poste. Par ailleurs, ledit transfert n'avait donné lieu qu'à d'inutiles complications, sans aucune amélioration, le nombre des MEDA ayant même fortement chuté alors que le nombre de juristes du service avait augmenté. Cette prétendue réorganisation à l'origine de son transfert n'avait donc pas été décidée dans l'intérêt de l'administration mais principalement pour des motifs économiques. L'art. 12 LPAC avait été détourné de son but, constituant ainsi une fraude à la loi, justifiant l'annulation de la décision.

35) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure

2) Le recourant sollicite la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé par la CREMEF.

a. Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

b. À teneur de l'art. 1 al. 1 du règlement instituant une commission de réexamen en matière d'évaluation des fonctions du 7 avril 1982 (RComEF - B 5 15.04), la CREMEF est instituée. Elle permet aux membres du personnel de l'État et des établissements publics médicaux de demander le réexamen des décisions relatives à l'évaluation des fonctions (rangement, cotation, classification). Sont susceptibles d'opposition toutes les décisions relatives à l'évaluation des fonctions mentionnées à l'art. 1 RComEF à l'exclusion des décisions prises lors de l'engagement (art. 4 RComEF). Peuvent faire opposition les membres du personnel de l'État et des établissements publics médicaux intéressés à titre individuel ou collectif pour la fonction qui les concerne ainsi que le département, l'établissement concerné ou le Grand Conseil, ce dernier étant représenté par son bureau (art. 5 RComEF). Après avoir vérifié la procédure et l'objectivité de l'analyse effectuée par l'OPE, la commission se prononce sur la décision contestée en formulant une proposition au Conseil d'État (art. 11
al. 1 RComEF). Le Conseil d'État statue en dernier ressort et communique sa décision à l'intéressé (art. 11 al. 4 RComEF).

c. Selon le mémento des instructions de l'OPE (ci-après : MIOPE ; fiche
n° 02.01.01 intitulée « Évaluation ou révision de classification de fonction » du 1er février 2000, mise à jour le 15 juillet 2013 - http://ge.ch/etat-employeur/ directives-miope/02-remuneration/01-evaluation-fonctions/020101-evaluation-ou-revision-de-classification-de-fonction, consulté le 21 octobre 2019), une demande d'évaluation est initiée par les directions de services du département/de l'établissement en référence aux missions et prestations définies par le département/l'établissement, notamment lors de la création d'un nouveau poste ou d'une nouvelle fonction (let. a).

Une évaluation de poste/de fonction peut être demandée par le/la titulaire d'un poste.

Lorsqu'elle concerne une ou plusieurs fonctions d'une famille professionnelle et/ou un nombre important de titulaires, la demande est adressée au service des RH de l'OPE (ci-après : SRH) par le service des RH du département. Le SRH procède à l'étude de la demande afin de mettre en exergue les éléments liés aux aspects transversaux de la/des fonction(s) soumise(s) à évaluation. Le SRH transmet le résultat de l'étude au directeur général de l'OPE. Le directeur général de l'OPE présente le résultat de l'étude de la demande faite par le SRH au collège spécialisé RH (ci-après : CSRH), lors de la séance mensuelle traitant des affaires de personnel. Sur la base du préavis du CSRH, le collège des secrétaires généraux se prononce quant à la suite à donner à la demande.

Le/la responsable des RH du département est chargée-e d'accompagner la direction du département/de l'établissement et ses services notamment pour l'identification du besoin, la description du poste et l'organisation de la structure.

Lorsque le département est d'accord avec la proposition de l'OPE, celle-ci devient une décision de l'OPE. Si le département n'est pas d'accord avec la proposition, il adresse à l'OPE, service d'évaluation des fonctions, une lettre dûment motivée. La décision de l'OPE peut faire l'objet par la suite d'une opposition auprès de la CREMEF. En cas de déclaration de non-opposition, l'OPE établit sans délai un plumitif à l'intention du Conseil d'État pour ratification au moyen d'un extrait de procès-verbal de séance. En l'absence de la déclaration de non-opposition, l'OPE attend l'échéance du délai d'opposition de trente jours pour donner la suite qui convient (ATA/1146/2019 du 19 juillet 2019 consid. 6).

d. En l'espèce, le sort de la présente procédure ne dépend pas du sort de la procédure devant la CREMEF. Lors de la création d'une nouvelle fonction, la décision du Conseil d'État ratifiant celle de l'OPE de classification de cette nouvelle fonction ne peut pas, à ce stade de la procédure d'évaluation, faire l'objet d'une opposition auprès de la CREMEF, mais, le cas échéant, peut être portée par voie de recours devant la chambre administrative (ATA/850/2016 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_757/2016 du 12 décembre 2017). En conséquence, l'issue de la présente procédure ne dépend pas d'une autre autorité. Il n'y a pas lieu de la suspendre.

3) Le litige porte sur la décision de « changement d'affectation suite aux besoins du service, rétrogradation avec droits acquis statiques ».

4) À teneur de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), exception non réalisée en l'espèce.

5) Le recourant critique la suppression de son statut de cadre supérieur ainsi que les droits, notamment salariaux, qui s'y rattachent.

a. L'affectation d'un membre du personnel dépend des besoins de l'administration ou de l'établissement et peut être modifiée en tout temps (art. 12 al. 1 LPAC).

Un changement d'affectation ne peut entraîner de diminution de salaire (art. 12 al. 2 LPAC).

b. Les sanctions disciplinaires sont prévues par l'art. 16 LPAC. Elles consistent notamment en la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée (art. 16 al. 1 let. b ch 2 LPAC).

c. Au début de chaque année civile et après six mois au moins d'activité dans sa fonction, le membre du personnel a droit, jusqu'au moment où le maximum de la classe dans laquelle est rangée sa fonction est atteint, à l'augmentation annuelle prévue par l'échelle des traitements (art. 12 al. 1 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 -LTrait - B 5 15).

Le Grand Conseil peut déroger à ce mécanisme par un texte de même rang (art. 80 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst - GE - A 2 00), à l'instar de ce qu'il a fait en adoptant la loi sur la suspension des augmentations annuelles dues aux membres du personnel de l'État du 18 décembre 2014 supprimant l'annuité de 2015 (LSAMPE - B 5 16).

Les collaborateurs de l'État n'ont ainsi pas de droit acquis, ni la garantie d'immuabilité de leur cahier des charges. L'État est libre de revoir en tout temps sa politique en matière de salaire et d'emploi, et les personnes qui entrent à son service doivent compter avec le fait que les dispositions réglant leur statut puissent faire l'objet ultérieurement de modifications. Des droits acquis ne naissent dès lors en faveur des agents de la fonction publique que si la loi fixe une fois pour toutes les situations particulières et les soustrait aux effets des modifications légales ou lorsque des assurances précises ont été données à l'occasion d'un engagement individuel (ATF 143 I 65 consid. 6.2 et les références citées).

Les prétentions pécuniaires des agents de la fonction publique, qu'il s'agisse de prétentions salariales ou celles relatives aux pensions, n'ont en règle générale pas le caractère de droits acquis (ATF 134 I 23 consid. 7.5 ; 129 I 161 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 2C_158/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.4 ; 8C_903/2010 du 21 juin 2011 consid. 7.2).

d. Selon l'art. 2 al. 5 LTrait, les annuités supplémentaires ne sont pas accordées aux membres du personnel bénéficiant d'une classification supérieure à celle prévue normalement pour leur fonction ; ces derniers peuvent toutefois demander par la voie de service à réintégrer la classe de traitement prévue normalement pour leur fonction et bénéficier ainsi des annuités supplémentaires.

Aux termes de l'art. 9 al. 3 du règlement d'application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01), en cas de changement de fonction avec rétrogradation, les normes prévues lors de la promotion s'appliquent de manière inverse ; toutefois, le niveau de rémunération atteint ne subit pas de réduction lorsqu'il est inférieur au montant maximum de la nouvelle classe. Le traitement est, dans ce cas, bloqué jusqu'au moment où, par le jeu des annuités, le niveau salarial fixé dans la nouvelle classe dépasse le traitement antérieur. Le titulaire bénéficie alors d'un déblocage de sa rémunération et d'un « coulissement » dans la classe de sa nouvelle fonction.

e. À teneur de l'art. 4 LTrait, le Conseil d'État établit et tient à jour le règlement et le tableau de classement des fonctions permettant de fixer la rémunération de chaque membre du personnel en conformité de l'échelle des traitements (al. 1). Dans ce classement, il doit être tenu compte du rang hiérarchique et des caractéristiques de chaque fonction en prenant en considération notamment l'étendue qualitative et quantitative des attributions dévolues et des obligations à assumer, les connaissances professionnelles et aptitudes requises, l'autonomie et les responsabilités, les exigences, inconvénients, difficultés et dangers que comporte l'exercice de la fonction (al. 2). Les règlements et tableaux de classement des fonctions, établis et tenus à jour par d'autres autorités ou organes de nomination dans le cadre de leurs compétences respectives, sont soumis à l'approbation du Conseil d'État (al. 3).

Aux termes de l'art. 2 RTrait, la classe prévue pour la fonction est déterminée par le résultat de l'évaluation des fonctions. La liste des fonctions, mise à jour et approuvée par le Conseil d'État, est à disposition à l'OPE.

6) En l'espèce, le recourant conteste la perte de sa progression salariale et des droits liés au statut de cadre supérieur.

La modification de la classe de traitement du recourant induit certes des conséquences financières sur la durée, soit la perte de ses annuités de la classe de traitement de la classe 25 et des répercussions sur sa rente de vieillesse.

Toutefois, le recourant ne prétend pas avoir obtenu des assurances précises à l'occasion de son engagement ou ultérieurement quant à la conservation de sa classe de traitement, et le dossier produit n'en contient aucune. Par ailleurs, l'art. 12 al. 1 LTrait, qui établit un droit aux annuités, ne fixe pas une fois pour toutes les situations particulières ni ne les soustrait aux effets des modifications légales. Le recourant ne peut en conséquence se prévaloir de droits acquis.

En outre, s'agissant des privilèges liés au statut de cadre, la fiche 04.02.06 MIOPE précise que, dans ce cas de figure, le cadre supérieur pourra voir son niveau de salaire maintenu, mais en aucun cas les droits liés au statut de cadre supérieur, en particulier les six semaines de vacances ainsi que l'indemnité liée aux heures supplémentaires (2 % et 3 %).

Son grief relatif à la suppression de son statut de cadre supérieur et des droits y relatifs est donc infondé.

7) Le recourant allègue que la décision litigieuse est une sanction déguisée au motif qu'il aurait osé porter à la connaissance de sa hiérarchie les problèmes engendrés par son transfert « artificiel » auprès de l'OCPM et qu'il serait le seul à subir les conséquences de ce changement d'affectation.

a. Il n'est pas contesté que le recourant est le seul à, concrètement, subir les conséquences de ce changement. L'un de ses collègues a quitté le service. L'autre a pris sa retraite. Ce dernier avait par ailleurs déjà atteint le sommet de sa classe de traitement.

Il ressort toutefois du dossier que la décision du chef du département, le 16 novembre 2016 « concernant les pôles juridiques et renvoi » consistant principalement dans le transfert des trois postes de juristes à l'OCPM est issue d'un long processus, conforme aux dispositions précitées :

- Le 29 avril 2015, dans une note de service de vingt pages à l'attention du chef du département, le chargé de mission migration a longuement détaillé des constats sur la situation en cours dans le domaine des renvois et les pistes envisageables en faveur d'un « objectif permanent de cohérence dans l'action du renvoi, d'optimisation des moyens à disposition dans un contexte très émotionnel, d'une part, et de moyens financiers, aujourd'hui inexistants ». Cette analyse s'inscrivait dans le cadre de la lutte contre la migration illégale et le travail au noir, laquelle figurait parmi les neuf axes de politique criminelle commune 2014 - 2016 définie entre le Conseil d'État et le Ministère public.

- Le 10 décembre 2015, le chef du département a sollicité l'accord de principe du Conseil d'État pour la création de la fonction de juriste rattaché au SAD.

- Par décision de principe du 16 décembre 2015, le Conseil d'État a décidé de la création de cette nouvelle fonction.

- Une demande d'évaluation de la nouvelle fonction a été déposée par la direction des RH du département auprès de l'OPE le 22 mars 2016. La description du poste de juriste du pôle juridique SAD/OCPM et le cahier des charges faisaient mention de l'exigence d'un master en droit complété par une expérience professionnelle de trois à cinq ans ou d'un brevet d'avocat. L'allemand juridique était mentionné comme un atout.

- Le 23 juin 2016, l'OPE, après analyse, a proposé les profil, pondération et classification « LDJAI - 186 points - classe maximum 20 », le poste étant qualifié de juriste 2. Le requis à l'exercice de la fonction de juriste était une formation universitaire en droit, complétée par un brevet d'avocat.

- La hiérarchie a préavisé la proposition de l'OPE positivement le 13 juillet 2016.

- Le département s'est dit d'accord avec la proposition de l'OPE le 21 juillet 2016, celle-ci devenant dès lors une décision de l'OPE.

- Selon un extrait du procès-verbal du Conseil d'État du 27 juillet 2016, l'intéressé a été assermenté le 15 juin 2016 dans cette nouvelle fonction.

- Après rédaction et transmission du cahier des charges à l'intéressé, le département lui a notifié la décision dont est recours. Son affectation était modifiée à compter du 1er octobre 2016.

Rien ne permet de retenir que la procédure d'évaluation de la fonction qu'il occupe n'aurait pas été respectée. Le fait que la description du poste ait été faite par la responsable des RH du département est conforme au MIOPE, contrairement à ce que soutient le recourant.

Ce dernier se plaint de l'absence de communication des différentes décisions. S'agissant toutefois de la création d'une nouvelle fonction, la procédure est conforme aux dispositions précitées, le recourant n'étant pas titulaire de la fonction au moment de la création de celle-ci.

L'évaluation de la fonction de juriste SAD/OCPM a abouti à la classe maximale 20, la titularité du brevet d'avocat étant nécessaire. Le recourant étant au bénéfice d'un brevet d'avocat, sa collocation en classe 20 est conforme au droit.

b. De surcroît, la collocation du poste du recourant en classe 25 datait de l'époque où celui-ci était secrétaire général adjoint II. Il ne conteste pas que la collocation de sa fonction n'a pas été revue depuis lors, notamment pas au moment de son transfert en qualité de juriste auprès des commissaires. De même s'il avait conservé pendant quelques années les compétences en lien avec la CFMJ, il ne conteste pas en avoir démissionné le 11 avril 2016 et ne plus être en charge de tâches en lien avec la loi sur les procédés de réclame.

Comme l'a indiqué la directrice des RH du département lors de son audition, la perte du statut de cadre supérieur serait probablement intervenue lors du transfert du secrétariat général à la police si l'évaluation de la fonction de juriste des commissaires avait été faite à ce moment-là.

c. Enfin, il est cohérent que la collocation de la nouvelle fonction (classe 20) soit inférieure à celle de son supérieur hiérarchique, en l'espèce en classe 21.

d. Pour le surplus, la décision de création d'une nouvelle fonction est une décision du Conseil d'État dont la chambre de céans ne revoit pas l'opportunité (art. 61 LPA).

e. S'agissant enfin du « changement d'affectation », les reproches du recourant à sa hiérarchie, à l'origine, selon lui, de la décision querellée, ne ressortent pas du dossier. Par ailleurs, selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, un changement d'affectation d'un fonctionnaire relève en principe de la gestion interne de l'administration. Les conditions pour admettre une sanction déguisée sont strictes. En principe, en l'absence de modification de traitement et en présence d'un poste concernant les sphères de compétences du fonctionnaire, il ne s'agit pas d'une sanction déguisée (ATA/575/2014 du 29 juillet 2014 consid. 9 et 10 et 11 ; ATA/221/2009 du 5 mai 2009 consid. 4, confirmé l'arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2009 du 3 mars 2010), même si la mesure en cause est comprise comme une sanction par l'intéressé (ATA/69/2016 du 26 janvier 2016). En l'espèce, la réorganisation répond aux besoins du service, principalement au motif que la fonction de juriste en charge des MC n'avait jamais fait l'objet d'une évaluation préalable. Elle se fonde sur une analyse détaillée. Le poste entre dans les sphères de compétences du fonctionnaire. La question de la différence de traitement a fait l'objet d'une analyse dans les considérants qui précèdent. En conséquence, les conditions pour l'application de l'art. 12 LPAC étant réunies, le « transfert » n'est pas une sanction déguisée.

Dans ces conditions, le grief d'une sanction déguisée à l'encontre du recourant ne résiste pas à l'examen.

8) Le recourant se plaint d'un abus de droit, sous l'angle d'une fraude à la loi.

a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4).

L'interdiction de l'abus de droit représente un correctif qui intervient dans l'exercice des droits (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 3ème éd., 2013, n. 1183). L'abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger s'avère manifeste (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., n. 1184 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, 2012, vol. 1, 3ème éd., n. 6.4.4 p. 933 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 208 n. 583). L'interdiction de l'abus de droit vaut, tout comme la notion de fraude à la loi qui en constitue une composante, en droit administratif (ATF 142 II 206 consid. 2.3), et ce tant pour les administrés que pour l'administration (ATA/1470/2017 du 14 novembre 2017 consid. 6b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 208 n. 584).

La fraude à la loi consiste à violer une interdiction légale en recourant à un moyen apparemment légitime pour atteindre un résultat qui, lui, est prohibé. Elle consiste, lorsqu'une disposition interdit un acte juridique ou le déclare nul, à se servir d'une autre disposition (norme éludante), pour tourner la première (norme d'interdiction, qui sera la norme éludée) (Henri DESCHENAUX, Le titre préliminaire du code civil, Traité de droit privé suisse, tome II/1/1, 1969, p. 148 et les références citées). Pour décider s'il y a fraude à la loi, il faut interpréter la norme d'interdiction en recherchant si, selon son sens et son but, elle s'applique aussi à l'opération litigieuse, ou si cette dernière est exclue du champ d'application de la norme d'interdiction et est ainsi valable (ATF 140 I 233 consid. 5.1 ; 132 III 212 consid. 4.1 et les références citées).

b. En l'espèce, le recourant allègue que le droit de l'administration de procéder au transfert d'un collaborateur, au sens de l'art. 12 LPAC, a pour but une saine et efficace gestion des services publics et non de dévaluer une fonction aux fins de faire des économies.

Le recourant ne peut être suivi. Conformément aux considérants qui précèdent, le changement d'affectation du recourant, dans le nouveau poste créé, est conforme aux dispositions légales. La diminution de la classe de traitement est liée à l'évaluation de la nouvelle fonction, laquelle n'est pas sujette à critique. La diminution induite principalement sur les annuités du recourant résulte non pas d'un usage abusif de l'art. 12 LPAC mais de l'absence, il y a quelques années, de la mise à jour des profil, pondération et classification de la fonction occupée par l'intéressé auprès des commissaires.

L'intéressé considère la nouvelle fonction sous-estimée au prétexte que les exigences d'allemand et du brevet d'avocat n'auraient pas été retenues. Outre que le brevet d'avocat autorise tout au plus la classe 20, comme le mentionne l'OPE, le recourant ne fait que substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité intimée, singulièrement de son service spécialisé dans l'évaluation des fonctions, s'agissant de la nécessité de maîtriser l'allemand. Il ne peut en conséquence être suivi.

Sans nier les responsabilités de la fonction querellée et le travail manifestement apprécié selon les divers témoignages faits devant la chambre de céans, le juriste, qu'il soit affecté aux commissaires ou à l'OCPM, ne fait que proposer la mise en détention administrative d'une personne. La décision de la mise en détention est de la compétence du commissaire de police, laquelle fait l'objet, dans les nonante-six heures, d'un contrôle judiciaire. La comparaison, faite par un témoin, de la fonction de juriste 2 avec celle des magistrats du pouvoir judiciaire ne résiste en conséquence pas à l'examen et ne peut fonder le grief de dévaluation de la fonction de juriste.

La création de la nouvelle fonction ne relève en conséquence pas d'une fraude à la loi.

9) Dans un dernier grief, le recourant se plaint d'une décision arbitraire, qui heurterait le sentiment de la justice et de l'équité en ne tenant pas compte du besoin des commissaires de police de travailler en lien direct avec les juristes.

a. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; 138 I 305 consid. 4.4).

b. En l'espèce, il ressort certes des enquêtes que, malgré le transfert de l'intéressé au sein de l'OCPM, son lieu de travail et ses tâches n'ont pas été modifiés. La nouvelle situation a créé des difficultés d'ordre organisationnel relevées tant par les collègues de l'intéressé que par les commissaires.

Le département reconnait que le cahier des charges n'a « certes pas changé fondamentalement ».

À ce titre, le recourant a, à plusieurs reprises, mentionné l'augmentation régulière du nombre de MEDA entre 2013 et 2016 comme preuve de bien-facture de son travail et de l'efficacité de l'organisation précédente. Il n'est pas contesté que le nombre actuel de MEDA est largement inférieur aux chiffres atteints notamment en 2015. Toutefois, le critère quantitatif des MEDA n'est pas mentionné dans la procédure de classification de la fonction. La mission du poste, telle que décrite dans le cahier de charges, consiste notamment à « proposer les mesures de contrainte adéquates aux [commissaires] de service ». La diminution du nombre de MEDA ne peut en conséquence être la preuve du caractère arbitraire de la décision, ladite réduction se justifiant par différents critères, y compris l'expulsion judiciaire pénale qui, selon un témoin, a pour conséquence que l'OCPM a, pour la plupart des cas, le temps d'organiser les départs pendant la détention pénale.

La note de service du 29 avril 2015 retenait par ailleurs, au titre des avantages, que l'OCPM était déjà présent au VHP quotidiennement ou presque pour rendre des décisions de renvoi en application de l'art. 64 LEI, par une gestionnaire experte. Il n'était pas question de déplacer le pôle juridique des juristes des commissaires, mais de redéfinir formellement le cadre « par un volet juridique fort d'un côté et un cadre policier purement opérationnel de l'autre, ce qui aurait le mérite de faciliter l'action de chacun ». Les similitudes entre l'ancienne organisation et la nouvelle fonction étaient en conséquence connues et voulues par l'autorité intimée.

Il existe par ailleurs un intérêt public à ce que l'État ne doive pas assumer des augmentations annuelles sur des traitements supérieurs à ce qui est prévu pour un type de fonction.

En conséquence, la décision querellée ne viole aucune norme ou principe juridique indiscuté. Certes selon le recourant, voire selon certains témoins, une autre solution leur apparaitrait préférable. Ceci ne suffit toutefois pas pour considérer que la décision litigieuse soit arbitraire.

Le grief est infondé.

En conclusion, la décision querellée est conforme au droit, de sorte que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure
(art. 87 al. 2 LPA). 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2016 par Monsieur A_______ contre la décision du conseiller d'État en charge du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé du 3 octobre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur A_______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Chris Monney, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin et Pagan, Mmes Payot
Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :