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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/945/2013

ATA/749/2014 du 23.09.2014 sur JTAPI/331/2014 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DÉDUCTION(SENS GÉNÉRAL) ; DETTES GÉNÉRALES ; FORTUNE ; SOUSTRACTION D'IMPÔT
Normes : aLIPPIII.13.al2; LIPP.56.al1; LIPP.56.al2
Résumé : Les suppléments d'impôt peuvent être déduits, au titre de dettes, de la fortune des contribuables à partir de l'année suivant celle sur laquelle porte ledit supplément.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/945/2013-ICCIFD ATA/749/2014

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 septembre 2014

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame et Monsieur A______

représentés par Berney & Associés SA, mandataire

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mars 2014 (JTAPI/331/2014)


EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______ (ci-après : Les époux A______), mariés, ressortissants allemands, sont contribuables du canton de Genève.

2) a. Dans leur déclaration fiscale pour les années 2003 à 2008, Les époux A______ ont indiqué que M. WAHL était professeur de physique à l'Université de Ferrare en Italie et « attaché scientifique » auprès de l'organisation européenne pour la recherche nucléaire (ci-après : le CERN) à Genève. Ils ont joint une « attestation de fonctions » dont M. A______ était le bénéficiaire, délivrée par le département fédéral des affaires étrangères à l'usage du personnel scientifique non suisse, non titulaire d'un permis de séjour ou d'établissement en Suisse et poursuivant des recherches scientifiques de durée limitée au CERN.

b. Les époux A______ ont uniquement mentionné, au titre de la fortune, un immeuble locatif sis à Onex dont ils étaient propriétaires à parts égales et qu'ils occupaient. Une dette hypothécaire de CHF 379'000.- faisait partie des déductions liées à cette fortune. Leur revenu annuel se composait exclusivement des rentes de prévoyance professionnelle de Mme. A______ de l'ordre de CHF 22'000.-, de sa rente assurance vieillesse et survivants d'environ CHF 9'000.- ainsi que d'un montant provenant de leur bien immobilier oscillant autour de CHF 18'000.- pour l'ICC, et de CHF 30'000.- concernant l'IFD.

c. Sur le document intitulé « autres revenus et fortune » des déclarations fiscales des années 2003 à 2004, Les époux A______ ont indiqué un montant d'environ CHF 180'000.- au titre de rentes de la prévoyance professionnelle de M. A______. Cependant, ce montant n'a pas été reporté sur la feuille récapitulative desdites déclarations.

3) L'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC-GE) a pris en compte les revenus ainsi que la fortune déclarés par Les époux A______ pour calculer l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) pour les années 2003 à 2008.

En moyenne, l'IFD se montait à CHF 1'600.- par année et l'ICC à CHF 67.-. La dette hypothécaire admise en déduction de leur fortune immobilière était de CHF 379'000.-, soit CHF 189'500.- pour chaque époux. S'agissant de l'année fiscale 2007, CHF 89'500.- avait été admis à ce titre pour chacun d'eux, soit au total CHF 179'000.-.

4) Le 31 mars 2010, Les époux A______ ont rempli leur déclaration fiscale pour l'année 2009 de la même manière que les années précédentes.

5) Par lettre du 26 mai 2010, l'AFC-GE a requis des époux A______ certains renseignements concernant l'année fiscale 2009, en particulier les justificatifs des rentes de la prévoyance professionnelle de M. A______.

6) Le 19 juin 2010, M. A______ a répondu à l'AFC-GE, affirmant ne pas percevoir de rentes de la prévoyance professionnelle.

Il a néanmoins joint une attestation de la caisse de pension du CERN indiquant qu'il avait perçu une rente de retraité de CHF 185'388.- et une allocation familiale de CHF 7'872.- pour l'année 2009. Un montant de CHF 9'276.- était déduit au titre de prime pour la caisse maladie.

7) Par lettre du 29 juin 2010, l'AFC-GE a réitéré sa demande de renseignements s'agissant des rentes professionnelles de M. A______.

8) Le 26 juillet 2010, M. A______ a réaffirmé n'avoir perçu aucune rémunération sous forme de salaire ou pension durant l'année 2009.

9) Le 13 décembre 2010, l'AFC-GE a notifié aux époux A______ leur bordereau de taxation ICC et IFD pour l'année 2009.

Un montant de CHF 193'260.- était retenu au titre de rentes de la prévoyance professionnelle de M. A______, l'ICC était de CHF 49'481.80 et l'IFD CHF 16'024.-.

10) Le 31 mars 2011, Les époux A______ ont rempli leur déclaration fiscale pour l'année 2010 comme celle de l'année précédente, à l'exception des rentes de prévoyance professionnelle perçues par M. A______ qu'ils ont déclarées pour un montant de CHF 216'084.-.

11) Le 20 mai 2011, l'AFC-GE a informé Les époux A______ de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt et d'une procédure pénale pour soustraction d'impôt pour l'IFD et l'ICC des années 2003 à 2010.

Les rentes versées à M. A______ par la caisse de pension du CERN n'avaient pas été déclarées. Partant, ce dernier était prié de faire parvenir une attestation du CERN certifiant la date du droit aux rentes de prévoyance ainsi que le montant versé pour chacune des années litigieuses.

Un délai leur était imparti pour répondre et formuler d'éventuelles observations.

12) Le 25 mai 2011, l'AFC-GE a notifié aux époux A______ leur bordereau ICC et IFD pour l'année 2010.

Elle a retenu CHF 193'260.- au titre de rentes de la prévoyance professionnelle de M. A______ et fixé l'ICC à CHF 47'160.50 et l'IFD à CHF 17'220.-.

13) Par lettre du 21 juin 2011, M. A______ a remis à l'AFC-GE les attestations requises et précisé qu'il était retraité depuis le 1er mars 2003.

Il avait de bonne foi pensé que l'exonération dont il bénéficiait en tant qu'employé scientifique du CERN couvrait non seulement son salaire, mais également sa pension de retraité. En exonérant également ses rentes, c'était l'AFC-GE qui avait commis une négligence grave. L'ouverture d'une procédure pénale devait par conséquent être exclue.

14) Le 23 novembre 2011, l'AFC-GE a confirmé les termes de sa lettre du 20 mai 2011 et informé Les époux A______ de l'ouverture d'une procédure complémentaire en rappel d'impôt, ainsi que d'une procédure pénale complémentaire en soustraction d'impôt pour l'ICC et l'IFD des années 2001-B à 2002 et 2009 à 2010.

Dans leurs déclarations fiscales des années 2003 à 2010, Les époux A______ n'avaient pas indiqué que M. A______ était retraité, mais uniquement fait figurer la mention « attaché scientifique auprès du CERN », induisant l'AFC-GE en erreur. Or, de par leurs signatures sur lesdites déclarations, ils avaient attesté qu'elles étaient complètes et conformes à la vérité. Par ailleurs, suite à la demande de renseignements de l'AFC-GE concernant l'année fiscale 2009, ils avaient certifié que M. A______ ne percevait pas de rentes. Il était en outre surprenant qu'ils n'aient pas relevé que les justificatifs du versement des rentes portaient l'indication « attestation pour votre déclaration de revenus », et que le CERN n'ait pas informé M. A______ d'une telle imposition.

Les époux A______ n'ayant pas complété les états des titres des années  2001-B à 2010, des éléments mobiliers pouvaient avoir été dissimulés. Ils étaient priés de transmettre lesdits documents dûment complétés.

15) S'en est suivi un échange de courriers entre l'AFC-GE et Les époux A______, au terme duquel ces derniers ont transmis l'état des titres pour les années 2003 à 2010.

16) Le 24 janvier 2013, l'AFC-GE a annoncé aux époux A______ la fin des procédures en rappel d'impôt et des procédures pénales pour soustraction d'impôt, leur a notifié des bordereaux rectificatifs pour les années 2003 à 2010, ainsi que des bordereaux d'amende.

 

 

Il ressortait des bordereaux rectificatifs et d'amende les éléments suivants :

 

Année fiscale

Supplément d'impôt IFD

Intérêts de retard

Supplément d'impôt ICC

Intérêts de retard

2003

CHF 16'785.75

CHF 5'256.50

CHF 62'959.90

CHF 13'064.20

2004

CHF 18'451.-

CHF 5'132.20

CHF 67'435.20

CHF 12'644.10

2005

CHF 22'570.-

CHF 5'487.95

CHF 81'389.95

CHF 12'818.90

2006

CHF 21'291.-

CHF 4'431.80

CHF 84'592.40

CHF 10'870.10

2007

CHF 23'304.-

CHF 3'073,55

CHF 88'277.10

CHF 5'914.55

2008

CHF 23'304.-

CHF 3'073.55

CHF 88'277.10

CHF 5'914,55

2009

CHF 7'657.-

CHF 713.25

CHF45'473.85

CHF 2'194.10

2010

CHF 8'073.-

CHF 469.45

CHF 42'208.35

CHF 1'403.45

Les rentes de la prévoyance professionnelle non déclarées de M. A______ , la fortune mobilière des époux A______ ainsi que son rendement non déclarés avaient désormais été pris en compte. Le même montant que lors de la taxation ordinaire était déduit au titre de dette hypothécaire pour l'année 2007.

L'amende était fixée aux trois quarts du montant de l'impôt soustrait, soit à CHF 430'743.- pour l'ICC et à CHF 107'469.- pour l'IFD.

17) Le 7 février 2013, Les époux A______ ont formé réclamation à l'encontre desdits bordereaux rectificatifs.

Il convenait de déduire, au titre de charges immobilières, l'impôt foncier du revenu imposable ICC et IFD. Par ailleurs, les dettes fiscales constituaient des dettes déductibles de la fortune, même s'il s'agissait de rappels d'impôt. Elles devaient être considérées comme des charges, même si elles n'étaient pas encore fixées à la date déterminante, et prises en considération lors de la fixation de la fortune nette imposable. Par conséquent, les suppléments d'impôts auraient dû être décomptés comme dettes chirographaires pour l'ICC des années 2003 à 2010. Les intérêts étaient quant à eux déductibles du revenu l'année de leur notification, en l'occurrence en 2013. Ils revendiquaient ainsi les déductions suivantes : CHF 98'075.- pour 2003, CHF 201'739.- pour 2004, CHF 324'006.- pour 2005, CHF 445'191.- pour 2006, CHF 586'762.- pour 2007, CHF 707'332.- pour 2008, CHF 763'374.- pour 2009 et CHF 815'528.- pour 2010.

18) Le 22 février 2013, Les époux A______ ont complété leur réclamation et estimé que leur hypothèque devait être déduite par deux fois pour un montant de CHF 189'500.- dans le cadre de leur taxation pour l'année 2007, et non pas deux fois pour CHF 89'500.-.

19) Par décisions du 26 février 2013, l'AFC-GE a rejeté la réclamation des époux A______ et maintenu les reprises d'impôts.

La déduction invoquée au titre de charges et frais d'entretien d'immeubles pour l'ICC et l'IFD aurait dû faire l'objet d'une réclamation dans les trente jours suivant la notification des bordereaux initiaux. Les dettes fiscales revendiquées pour l'ICC n'étaient pas nées pour les années concernées par la présente procédure.

20) Par acte du 15 mars 2013, Les époux A______ ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) et conclu à ce que l'impôt foncier soit déduit de leur revenu imposable, ainsi qu'à ce que l'AFC-GE se prononce sur l'entier de leur réclamation.

Ils reprenaient l'argumentation exposée dans leur réclamation, estimant en outre que l'AFC-GE ne s'était pas prononcée sur leur réclamation complémentaire du 22 février 2013.

21) Le 25 juillet 2013, l'AFC-GE a répondu et conclu, principalement, au rejet du recours, subsidiairement, à l'admission de la déduction, au titre de dette sur la fortune, des rappels d'impôt liés à la fortune mobilière non déclarée et aux rendements de cette fortune.

Les époux A______ n'étaient pas en droit de réclamer la déduction de l'impôt foncier dès lors que les bordereaux des années 2001 à 2010 étaient rentrés en force. La voie de la révision ne leur permettrait pas de bénéficier d'un changement de jurisprudence.

S'agissant des dettes fiscales, aucune déduction n'était envisageable, car elles provenaient d'une soustraction fiscale intentionnelle. À l'appui de cette argumentation, elle citait un arrêt du Tribunal fédéral du 28 septembre 2012 (2C_651/2012). Si le TAPI admettait néanmoins le principe d'une déduction, celle-ci ne pourrait porter que sur les dettes liées aux reprises effectuées sur la fortune et ses rendements. Elle s'opposait en revanche à une déduction des rappels d'impôt portant sur les reprises afférentes aux revenus non déclarés, à savoir les rentes de prévoyance professionnelle non déclarées. Ces dettes étaient en effet sans rapport étroit avec la soustraction liée à la fortune.

À réception d'une attestation du montant de la dette hypothécaire des époux A______ au 31 décembre 2007, elle corrigerait l'erreur à ce sujet dans leur taxation pour l'année 2007.

22) Par réplique du 31 juillet 2013, Les époux A______ ont persisté dans les conclusions et termes de leur recours.

23) Par jugement du 31 mars 2014, le TAPI a partiellement admis le recours et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelles taxations ICC des années 2003 à 2010 dans le sens des considérants.

Aucune reprise n'ayant été effectuée sur le revenu imposable de la fortune immobilière des époux A______, ils ne pouvaient pas demander la réouverture de leur taxation pour l'admission de déductions nouvelles qu'ils avaient omis de mentionner dans la procédure ordinaire. La voie de la révision n'était pas ouverte en cas de changement de jurisprudence, étant précisé que pour les périodes fiscales postérieures audit changement, ils n'avaient fait valoir que des frais forfaitaires d'entretien.

Les bordereaux de rappels d'impôt comportant tous une augmentation de la fortune mobilière imposable, Les époux A______ étaient autorisés à faire valoir des dettes en diminution de ces reprises. Ces dettes ne leur étaient pas connues au moment de l'établissement de leur déclaration, puisqu'elles découlaient des rappels d'impôt intervenus en 2013.

Il donnait acte à l'AFC-GE de son engagement de corriger la taxation des époux A______ pour l'année 2007 dès qu'une attestation du solde de leur dette hypothécaire lui aurait été remise.

24) Par acte du 2 mai 2014, reçu le 5 mai 2014, l'AFC-GE a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) et conclu à son annulation en ce qu'il admettait en déduction des reprises les dettes de rappel d'impôt, au renvoi du dossier à l'AFC-GE pour nouvelle taxation ICC des années 2003 à 2010, ainsi qu'à la confirmation de la décision sur réclamation du 26 février 2013.

Reprenant l'argumentation développée auprès du TAPI, l'AFC-GE ajoutait que les impôts non perçus ainsi que les intérêts de retard étaient échus dès la notification de la décision de rappel d'impôts. Les époux A______ avaient d'ailleurs à juste titre considéré que les intérêts étaient déductibles l'année de leur notification, soit en 2013. La même conclusion était valable pour les dettes découlant des rappels d'impôts. Par conséquent, elles n'étaient pas effectivement dues lors des années fiscales concernées par lesdits rappels, soit de 2003 à 2010, mais uniquement pour l'année 2013. En outre, le montant des dettes fiscales de rappel d'impôt revendiqué en déduction était erroné, le calcul de celui-ci étant plus complexe en réalité.

25) Par lettre du 7 mai 2014, le TAPI a transmis son dossier et indiqué ne pas avoir d'observations à formuler.

26) Par réplique du 23 mai 2014, Les époux A______ ont fait leurs les considérations du TAPI.

Ils ne comprenaient pas pourquoi, par exemple, un revenu non déclaré en 2003 devait être ajouté après coup aux revenus comptabilisés pour l'année 2003, mais que la dette fiscale y afférente soit déduite dix ans plus tard. Le point de vue de l'AFC-GE n'avait de sens que si toutes les reprises fiscales étaient additionnées et faisaient l'objet d'un unique bordereau daté de la fin de la procédure. L'inscription d'une dette fiscale dans la déclaration annuelle ne dépendait pas de la date de paiement du bordereau y relatif, mais de l'année concernée.

27) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétence, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2011 - LPFisc D 3 17).

2) a. Le litige porte sur la déduction des rappels d'impôts de la fortune imposable des époux A______ pour les années 2003 à 2010.

b. S'agissant du droit applicable, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/406/2014 du 3 juin 2014).

Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP I-V).

L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010 et que les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

c. En l'espèce, le recours est soumis à l'ancien droit (aLIPP-I à aLIPP-V) en ce qu'il concerne les périodes fiscales 2003 à 2009. La période fiscale 2010 est, quant à elle, régie par la LIPP.

3) a. Lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus du département lui permettent d'établir qu'une taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou qu'une taxation entrée en force est incomplète, ou qu'une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou un délit commis contre le département, ce dernier procède au rappel de l'impôt qui n'a pas été perçu, y compris les intérêts (art. 59 al. 1 LPFisc).

Selon l'art. 61 al. 2 LPFisc, l'introduction d'une procédure de poursuite pénale ensuite de soustraction d'impôt ou de délit fiscal entraîne également l'ouverture de la procédure de rappel d'impôt.

Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle aurait dû l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, celui qui, intentionnellement ou par négligence, obtient une restitution d'impôt illégale ou une remise d'impôt injustifiée, est puni d'une amende (art. 69 al. 1 LPFisc).

b. Selon l'art. 13 al. 1 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette.

Cette disposition a été reprise à l'art. 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques, impôt sur la fortune du 22 septembre 2000 (aLIPP-III - D 3 13). Sont déduites de la fortune brute les dettes chirographaires ou hypothécaires justifiées par titres, extraits de comptes, quittances d'intérêts ou déclaration du créancier (art. 13 al. 1 let. a aLIPP-III). Il ne peut être déduit que les dettes effectivement dues par le contribuable. Les cautionnements ne peuvent être déduits qu'en cas d'insolvabilité constatée du débiteur principal (art. 13 al. 2 aLIPP-III).

Les art. 46 et 56 al. 1 et 2 LIPP ont la même teneur que les dispositions susmentionnées de l'aLIPP-III.

c. La fortune nette s'entend comme la différence positive entre les actifs et les dettes du contribuable. Toutes les dettes peuvent être déduites, à la condition d'exister au moment déterminant et ne pas être seulement potentielles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_555/2010 du 10 mars 2011 consid. 2.2 et les références citées).

Une créance d'impôt se fonde dans tous les cas sur la loi. Elle naît lorsque l'état de fait auquel la loi fiscale rattache l'apparition de la créance d'impôt est réalisé. Pour qu'un assujettissement fiscal conduise dans un cas d'espèce à la naissance de la créance d'impôt, il faut que les faits générateurs auxquels la loi rattache la perception d'un impôt déterminé soient réunis, indépendamment de la taxation et de l'exigibilité de l'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_939/2011 du 7 août 201, consid. 7 et la référence citée).

Le rappel d'impôt ne représente pas une prétention fiscale de nature différente de la créance primitive d'impôt, il porte uniquement sur la créance primitive qui ne s'est pas encore éteinte. Il en va de même lorsque le rappel d'impôt est accompagné de la poursuite d'une soustraction fiscale (ATF 121 II 257 consid. 4b ; Danielle YERSIN / Yves NOËL (éd.), Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2008, ad art. 151 n. 1).

Ainsi, les créances résultant de rappels d'impôt sont à rapprocher des impôts ordinaires qui sont dus en conformité avec la loi. Bien que la fixation du montant de l'impôt dû intervienne par le biais de la taxation, il n'en est cependant pas moins vrai que l'obligation fiscale existe auparavant. Pour cette raison, les créances représentant un rappel d'impôt doivent être considérées comme des charges lors de la fixation de la fortune nette imposable, même si elles n'étaient pas encore fixées à la date déterminante (arrêt du Tribunal fédéral du 18 juin 1954 consid. 2 publié in RDAF 1955, p. 217 ; arrêt de la commission de recours en matière fiscale d'Obwald du 27 août 1998 consid. 2; Martin ZWEIFEL/ Peter ATHANAS (éd.), Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, vol. 1, 2ème éd., 2002, ad art. 13 n. 10; Ernst BLUMENSTEIN / Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd., 2002, p. 240). La commission cantonale de recours en matière d'impôts, puis le Tribunal de première instance qui l'a remplacée, ont tous deux confirmé cette jurisprudence (arrêt du 14 décembre 2000 de la commission cantonale de recours en matière d'impôts publié in RDAF 2001 II p. 558 ; JTAPI/750/2014 du 30 juin 2014).

d. En l'espèce, la recourante avance que les dettes fiscales en rappel d'impôts ne peuvent être déduites des années 2003 à 2008, car elles ont été notifiées en 2013 et qu'elles sont le résultat d'une soustraction d'impôt.

Cette argumentation ne saurait être suivie. Conformément à la jurisprudence susmentionnée, les dettes fiscales représentant des rappels d'impôts existent avant la notification de ces derniers, car elles sont des créances primitives non éteintes lors de la taxation ordinaire. Partant, les suppléments d'impôts notifiés par l'AFC-GE peuvent être déduits, au titre de dette de la fortune du contribuable à partir de l'année suivant celle sur laquelle porte ledit supplément. Le fait que ces dettes fiscales proviennent des reprises d'impôts de la fortune ou des revenus non déclarés par Les époux A______ n'est ainsi pas pertinent. Il faut par ailleurs préciser que les intérêts n'ont pas été contestés.

L'arrêt du Tribunal fédéral invoqué par la recourante pour refuser toute déduction en cas de soustraction fiscale n'est pas applicable en l'occurrence, car il a trait à l'estimation d'une provision pour impôts dans le bilan d'une société qui a subi un redressement fiscal, et non à la déduction de dettes fiscales existantes de la fortune de contribuables.

Estimant que les montants avancés au titre de déductions par Les époux A______ sont erronés, il incombera à la recourante de procéder au calcul desdites déductions.

En conséquence, c'est à juste titre que le TAPI a admis la déduction des rappels d'impôts de la fortune des époux A______.

4) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Malgré l'issue du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 12 al. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative - RFPA - E 5 10.03) Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux époux A______ , qui n'y ont pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 mai 2014 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mars 2014 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Berney & Associés SA, mandataire de Madame et Monsieur A______, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :