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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3134/2015

ATA/857/2016 du 11.10.2016 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE ; SUBSIDIARITÉ ; RESTITUTION(EN GENERAL) ; OBLIGATION D'ANNONCER(EN GÉNÉRAL) ; DEVOIR DE COLLABORER
Normes : Cst.12; Cst.29; LIASI.1.al1; LIASI.1.al2; LIASI.2; LIASI.8.al1; LIASI.9; LIASI.12.al2; LIASI.36; LIASI.37; LIASI.38; LIASI.39; LIASI.40; LIASI.41; LIASI.42; LIASI.58.al2; LIASI.60.al9; LRMCAS.20.al1; LRMCAS.24
Résumé : La recourante a délibérément ignoré ses obligations envers l'hospice, dès lors que ce dernier l'avait informée du caractère dérogatoire de sa décision dès l'octroi des prestations financières. Il n'appartient pas à l'Etat et indirectement à la collectivité, de désintéresser d'éventuels créanciers. En effet, tel n'est pas le but de la loi, qui poursuit celui de soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières en les aidants à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l'aide est subsidiaire de manière absolue à toute autres ressource. Il n'est ainsi pas acceptable d'être au bénéfice d'une aide sociale ordinaire et d'utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser ses créanciers.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3134/2015-AIDSO ATA/857/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 octobre 2016

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Eve Dolon, avocate

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Depuis le 1er avril 2011, Madame A_______, née le ______ 1958, a été mise au bénéfice de prestations d’aide financière allouée par le revenu minimum cantonal d'aide sociale (ci-après : RMCAS) de l’Hospice général
(ci-après : l’hospice), d’abord en vertu de la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit du 18 novembre 1994
(LRMCAS - J 2 25), puis dès son abrogation le 1er février 2012, en vertu de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04). Elle bénéficie de prestations d’aide financière ordinaires dès le 1er décembre 2012

2) Le 11 mai 2011, Mme A_______ a été convoquée à l’hospice pour son premier entretien avec son assistante sociale.

Elle était propriétaire de son logement genevois, soit un appartement de trois pièces. Elle projetait de le vendre rapidement.

Elle l’avait acquis en 2008 pour un montant de CHF 495'000.-, le grevant d’une hypothèque de CHF 314'000.-.

3) Par décision du 31 mai 2011, l’hospice a octroyé à Mme A_______ une aide financière remboursable dès le 1er avril 2011 et pour une durée limitée de trois mois.

Compte tenu de la valeur du bien immobilier, elle se trouvait dans une situation de dépassement de fortune. Une aide financière exceptionnelle lui était toutefois accordée à titre dérogatoire, en attendant la vente de l’appartement.

4) Le 31 mai 2011, Mme A_______ a signé une reconnaissance de dettes, en faveur de l’hospice, d’un montant de CHF 2'882,40.

5) Les 23 juin 2011 et 25 juillet 2011, Mme A_______ a signé des reconnaissances de dettes en faveur de l’hospice d’un montant de CHF 2'878.35 chacune.

6) Lors des entretiens des mois de juin et juillet 2011, Mme A_______ a fait part à son assistante sociale des reports successifs de la vente de son appartement.

7) Pour ces motifs, l’hospice a décidé le 26 juillet 2011 de prolonger l’aide financière remboursable dont Mme A_______ bénéficiait.

8) Le 19 août 2011, Mme A_______ a signé une reconnaissance de dettes en faveur de l’hospice, d’un montant de CHF 2'878.35.

9) Les 19 septembre 2011 et 24 octobre 2011, Mme A_______ a signé des reconnaissances de dettes en faveur de l’hospice, d’un montant respectivement de CHF 3'613.- et de CHF 2'878.35.

10) La vente ne s’étant toujours pas réalisée, l’hospice a octroyé à
Mme A_______, par décision du 1er novembre 2011, une prolongation de l’aide financière remboursable jusqu’au 31 décembre 2011.

11) Le 22 novembre 2011, Mme A_______ a signé une reconnaissance de dettes en faveur de l’hospice, d’un montant de CHF 2'878.35.

12) Mme A_______ a vendu son appartement au mois de novembre 2012.

13) Le lundi 10 décembre 2012, Mme A_______ a envoyé un courriel à son assistante sociale. Elle souhaitait fixer un rendez-vous avec elle le lundi suivant, afin de lui remettre notamment tous les documents relatifs à la vente de l’appartement.

Elle avait reçu le solde du prix de vente de ce dernier le 7 décembre 2012 et allait payer le jour même ses créanciers. Elle avait déjà remboursé l’un d’eux la veille en se rendant à Berne et s’apprêtait à en faire autant le lendemain et le jour suivant à Genève.

Il lui resterait alors CHF 300.- et elle devait encore rembourser
B______ BANK et l’hospice.

14) Le 11 décembre 2012, Mme A_______ n’a pas fait opposition au commandement de payer notifié par l’office des poursuites de Genève
(ci-après : l’office), en faveur de B______ BANK, pour un montant de
CHF 72'386.75 avec intérêts à 13.950 % dès le 13 novembre 2012, soit le solde dû suite au contrat de crédit conclu le 24 octobre 2008.

15) Le 12 décembre 2012, Mme A_______ a remis à son assistante sociale divers documents :

- le décompte effectué par le notaire suite à la vente de l’appartement. Le prix de vente s’élevait à CHF 700'000.- dont avaient été déduits divers remboursements, soit notamment auprès de l’office, des assurances, des banques, de la copropriété et de l’administration fiscale. Après ces déductions, le solde en faveur de Mme A_______ était de CHF 36'780.95 ;

- une quittance de la poste selon laquelle 27 versements avaient été effectués le 10 décembre 2012, soldant ainsi la facture ouverte de sa carte PostFinance, pour un montant de CHF 13'105.65 ;

- plusieurs reçus des débiteurs de Mme A_______, par lesquels l’un attestait avoir reçu le 9 décembre 2012 à Berne la somme de CHF 18'000.- et deux autres les sommes de CHF 1'000.- et CHF 3'500.- le 11 décembre 2012 à Genève ;

- le commandement de payer en faveur de B______ BANK.

16) Au début du mois de janvier 2013, l’hospice a considéré Mme A_______ comme étant sans fortune disponible et a décidé de la mettre au bénéfice de prestations d’aide financière ordinaires dès le 1er décembre 2012.

17) Selon l’attestation d’aide financière établie par l’hospice le 20 mars 2015, Mme A_______ a perçu un montant de CHF 138'486.05 du 1er avril 2011 au
31 mars 2015. Du 1er avril 2011 au 30 novembre 2012, elle avait bénéficié de l’aide sociale à hauteur de CHF 55'355.45.

18) Par décision du 24 mars 2015, l’hospice a demandé à Mme A_______ le remboursement des montants perçus, soit la somme de
CHF 55'355.45.

Elle devait le montant précité pour les prestations financières versées dans l’attente de la vente de son bien immobilier, soit du 1er avril 2011 au
30 novembre 2012.

19) Le 22 avril 2015, Mme A_______ a formé opposition et sollicité l’exemption de cette restitution, invoquant sa bonne foi et une impossibilité matérielle de restituer la somme réclamée.

Elle ne pouvait s’attendre à ce que l’hospice lui réclame une somme si importante, deux ans et demi après la vente de son bien immobilier et alors qu’elle bénéficiait de prestations ordinaires depuis le 1er décembre 2012.

20) Par décision du 31 juillet 2015, l’hospice a rejeté la demande de remise et confirmé sa décision du 24 mars 2015.

Mme A_______ connaissait le caractère remboursable des prestations qui lui avaient été versées. Or, à réception de la somme perçue pour la vente de son appartement, elle avait ignoré ses obligations vis-à-vis de l’hospice.

21) Par acte du 14 septembre 2015, Mme A_______, plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, a recouru contre cette décision et sollicité l’exemption de la restitution de la somme réclamée.

22) Dans sa réponse du 14 octobre 2015, l’hospice a conclu au rejet du recours.

23) Le 18 mars 2016, la cause a été gardée à juger.

24) Les arguments des parties, de même que certaines allégations seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 52 LIASI ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante se plaint de la motivation de la décision, qui ne lui permettait pas de comprendre pour quelles raisons l’autorité avait refusé de reconnaître sa bonne foi.

a. Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1;
137 II 266 consid. 3.2 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.2 ; 2C_713/2013 du 22 août 2013 consid. 2 ;
Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 521 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 136 I 184 consid. 2.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 2C_594/2014 du 15 janvier 2015 consid. 5.1 ; 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/611/2016 du 12 juillet 2016 et les arrêts cités).

b. En l'espèce, la décision de l’intimé du 31 juillet 2015 explique précisément les raisons ayant amené ce dernier à ne pas reconnaître la bonne foi de la recourante. En effet, en page 3, il motive sa décision en relevant qu’il ressort de l’énoncé des faits, que la recourante a été informée, dès le début de son intervention, du caractère remboursable des prestations qui lui étaient versées. Ainsi, lorsqu’elle a reçu le solde du produit de la vente, elle n’ignorait pas qu’elle devait rembourser à l’intimé le montant des prestations qui lui avaient été versées jusqu’à la vente. Cela ressort également du courriel qu’elle a adressé à son assistante sociale le 10 décembre 2012 et dans lequel elle indique clairement être sa débitrice.

De plus, la décision attaquée cite les dispositions légales applicables ayant conduit au rejet de la demande de remise.

D'ailleurs, l'intéressée a pu valablement recourir contre la décision en faisant valoir différents griefs, signe qu'elle a saisi la portée de la décision du
31 juillet 2015 à son égard.

Le grief sera écarté.

3) Aux termes de l’art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité
(ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 ; 136 I 254 consid. 4.2 ; 135 I 119 consid. 5.3 ;
131 V 256 consid. 6.1 ; 131 I 166 consid. 3.1 ; 130 I 71 consid. 4.1 ;
arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/810/2015 du 11 août 2015 ; ATA/596/2014 du 29 juillet 2014).

4) La question du droit applicable au fond du litige se pose. En effet, Les prestations litigieuses ont été versées entre le 1er avril 2010 et le 31 janvier 2011 en application de la LRMCAS. Celle-ci a été abrogée le 1er février 2012 par
l’art. 58 al. 2 LIASI. En droit genevois, la LIASI et le règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent l’art. 12 Cst. (ATA/761/2016 du 6 septembre 2016 ; ATA/810/2015 du 11 août 2015), tout en allant plus loin que ce dernier.

a. Selon les dispositions transitoires, en matière d’obligation de rembourser, les art. 36 à 38 et 42 LIASI s'appliquent aux prestations d'aide sociale versées en application de la LRMCAS, dans la mesure où elles auraient donné lieu à restitution selon cette loi et si l'action en restitution n'est pas prescrite au moment de l'abrogation de ladite loi (art 60 al. 9 LIASI).

b. À teneur de l’art. 20 al 1 LRMCAS, l’hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l’ont acceptée, le remboursement de toute prestation payée indûment. Selon l’art. 24 LRMCAS, les restitutions prévues
aux art. 20 et 22 peuvent être demandées par l’hospice dans les cinq années qui suivent le moment où il a eu connaissance du fait qui ouvre droit à restitution, mais au plus tard dix ans après la survenance du fait.

c. En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante a bénéficié de prestations d’aide financière remboursables, en tant que propriétaire d’un bien immobilier. L’hospice a eu connaissance le 10 décembre 2012 de l’encaissement par la recourante du prix de vente de son appartement. L’action en restitution n’était ainsi pas prescrite au moment où l’hospice a adressé la demande à la recourante, soit le 24 mars 2015.

Par conséquent, la LIASI est applicable à la présente cause.

5) a. La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel
(art. 1 al. 1 LIASI), ainsi que de soutenir les efforts des bénéficiaires de la loi à se réinsérer sur le marché du travail et dans la vie sociale en général. Elle a également pour objectif plus général de garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 LIASI). Ses prestations sont fournies sous forme d’accompagnement social, de prestations financières et d’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

b. Aux termes de l’art. 8 LIASI, ont droit à des prestations d’aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (al. 2).

c. L’aide sociale est soumise au principe de subsidiarité, lequel est rappelé par l’art. 12 Cst. L’art. 9 al. 1 LIASI prévoit ainsi que les prestations d’aide financière versées sont subsidiaires à toute autre source de revenus, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (LPart - RS 211.231), ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles. Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI).

La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/761/2016 du 6 septembre 2016 ; ATA/4/2015 du 6 janvier 2015). L’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (MGC 2005-2006/I A p. 259 ; ATA/4/2015 précité).

6) a. Aux termes de l’art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1) ; par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2) ; le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

b. À teneur de l’art. 42 LIASI, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1) ; dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement ; cette demande de remise est adressée à l'hospice (al. 2).

Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/423/2014 du 12 juin 2014 consid. 8 ; ATA/265/2014 du
15 avril 2014 et les références citées).

7) En l’espèce, la recourante allègue être de bonne foi, dès lors qu’elle n’a caché aucune information à l’intimé, tant sur sa situation financière qu’immobilière. Le simple fait de savoir devoir une somme d’argent, n’est pas suffisant pour admettre être de mauvaise foi. Au moment de la vente de son appartement, elle ignorait le montant exactement dû à l’intimé, qui ne le lui avait pas encore réclamé. Elle avait remboursé, avec l’accord de son assistante sociale, les dettes dont elle connaissait le montant. Elle n’avait pas utilisé le solde du prix de vente pour ses besoins personnels, ni cherché à dissimuler ce montant à l’intimé.

Or, ce dernier conteste avoir donné son accord pour que la recourante rembourse en priorité ses autres créanciers. Au vu de l’important montant qui lui était dû et du principe de la subsidiarité de l’aide sociale par rapport à toutes autres sources de revenu, il n’apparaît pas crédible que l’intimé ait confirmé à la recourante qu’elle pouvait privilégier ses autres créanciers.

La recourante n’a d’ailleurs pas attendu la permission de l’intimé pour procéder au remboursement d’une importante somme d’argent. Ainsi, le
9 décembre 2012, soit avant même d’avoir informé l’intimé du versement du produit de la vente, elle s’est rendue à Berne pour remettre CHF 18'000.- en main propre à un de ses débiteurs, soit près du tiers de sa dette envers l’intimé.

La recourante ne pouvait ignorer avoir des comptes à rendre à l’intimé. Ce dernier l’a informée du caractère dérogatoire de sa décision dès l’octroi des prestations financières. Elle en connaissait ainsi les conditions, soit que le produit de la vente devait servir à rembourser les montants perçus, qu’elle connaissait, pour en avoir profité et pour avoir signé régulièrement des reconnaissances de dettes, en faveur de l’intimé, soit les 31 mai, 23 juin 25 juillet, 19 août,
19 septembre, 24 octobre et 22 novembre 2011. Elle a d’ailleurs signé sa dernière reconnaissance de dettes en faveur de l’intimé moins d’une semaine après la vente de son bien immobilier. Ainsi, malgré les montants importants et connus dont elle est débitrice, elle a unilatéralement décidé de rembourser d’autres créanciers, tout en étant pleinement consciente de ses engagements envers l’intimé. Elle a ainsi délibérément ignoré ses obligations envers ce dernier.

Il n’appartient pas à l’État et indirectement à la collectivité, de désintéresser d’éventuels créanciers. En effet, tel n’est pas le but de la loi, qui poursuit celui de soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières, en les aidant à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource. Il n’est ainsi pas acceptable d’être au bénéfice d’une aide sociale ordinaire et d’utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser ses créanciers.

Il n’est pas pertinent, pour apprécier la bonne foi, que l’intimé ait attendu plus de deux ans avant de formuler sa demande de remboursement, dès lors que celle-là s’apprécie au moment des faits.

Les circonstances particulières de l’espèce permettent dès lors d’écarter la bonne foi de la recourante au sens de l’art. 41 al. 1 LIASI. La situation difficile que pourrait engendrer le remboursement n’a pas lieu d’être traitée, les conditions posées par la loi étant cumulatives.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui succombe (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2015 par
Madame A_______ contre la décision de l’Hospice général du
31 juillet 2015 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Eve Dolon, avocate de la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :