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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1459/2013

ATA/265/2014 du 15.04.2014 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ; BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS ; DÉCISION RELATIVE À DES PRESTATIONS ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE ; FORTUNE ; CONTRIBUABLE; DEVOIR DE COLLABORER
Normes : LIASI.32 ; LIASI.33 ; LIASI.35 ; LIASI.36 ; LIASI.42
Résumé : Il ressort de l'obligation de collaborer que les bénéficiaires de l'aide sociale sont tenus de signaler à l'Hospice général tout changement de situation pouvant influer sur leur fortune, même si la fortune familiale pour le groupe admise de CHF 10'000.- n'est pas dépassée. Confirmation de la jurisprudence.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1459/2013-AIDSO ATA/265/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 avril 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Nicolas Daudin, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______, nés respectivement les ______ 1986 et ______ 1981, sont mariés et domiciliés à Genève.

Mme A______ est de nationalité suisse. M. A______ est de nationalité hollandaise, titulaire d'un permis C.

Ils sont parents d'une fille née le ______ 2006 à Genève.

2) Les administrés ont été pris en charge par le centre d'action sociale de Saint-Jean (ci-après : CAS) et ont bénéficié de prestations d’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 1er novembre 2008 au 31 juillet 2011, pour un montant total de CHF 106'670,80.

3) Les administrés ont régulièrement signé les documents intitulés « mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice Général » et renouvelé le formulaire de demande de prestations d’aide financière et de subsides de l’assurance maladie auprès de l’hospice.

4) Il ressortait de la demande de prestations d’aide financière et de subsides de l’assurance maladie déposée le 10 juillet 2008 qu'aucun des époux n'était employé de manière régulière.

Sous la rubrique « fortune », les administrés avaient déclaré ne rien posséder. Ils étaient toutefois titulaires de comptes auprès de la banque B______ (ci-après : B______) et de C______. Ils percevaient des prestations de chômage, de l'aide de l'office cantonal du logement ainsi que des allocations familiales et possédaient une voiture.

5) La demande auprès de l’hospice remplie le 2 juillet 2009 comprenait une question supplémentaire, à savoir les données personnelles de tous les parents ascendants et descendants majeurs. A cette question, les justiciables ont mentionné Madame et Monsieur D______, les parents de Mme A______, nés respectivement en 1952 et 1948 et domiciliés à Genève. Pour le reste, le formulaire était rempli de façon identique à l'année précédente, sous cette réserve que les époux ne possédaient plus de compte chez C______.

6) Dans leur demande du 28 mai 2010, les administré ont indiqué ne plus recevoir d'indemnités journalières du chômage ni d'allocations familiales. Ils ont également indiqué que Mme et M. D______ n'étaient plus domiciliés à Genève. Enfin, ils n'ont pas répondu aux renseignements complémentaires, qui comprenaient la question de la possession éventuelle de véhicules.

7) L'hospice a procédé en 2011 à une enquête complète sur la situation des administrés.

Il ressortait du rapport du 19 juillet 2011 que M. A______ avait trouvé un emploi à 100 % depuis le 1er juillet 2011. Mme A______ travaillait à temps partiel. Ils n'avaient toutefois pas présenté de justificatifs en ce sens. Compte tenu du nouvel emploi de M. A______, les administrés estimaient pouvoir « s'en sortir » financièrement, ils ne souhaitaient plus bénéficier de l'aide de l'hospice à partir du 1er août 2011 et dès lors ne souhaitaient pas non plus se soumettre à l'enquête en cours. Toutefois, s'ils devaient un jour avoir à nouveau recours à l'hospice, ils n'étaient pas opposés à se soumettre à ce moment-là aux procédés d'usage. Pour l'heure, ils n'entendaient pas signer de procurations bancaires, craignant que cela leur portât préjudice s'ils souhaitaient acquérir une voiture ou un appartement par le biais d'un leasing.

Lors de leur audition du 13 juillet 2011 à leur domicile, les administrés avaient déclaré ne pas posséder de véhicule, et cela les handicapait en tant que parents d'une petite fille de 6 ans. Aussi, ils envisageaient de prendre en leasing une voiture pour une valeur de CHF 5'000.-.

Après un contrôle au registre de l'office cantonal des automobiles et de la navigation, devenu par la suite l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV), il s'était avéré que les administrés avaient quatorze véhicules immatriculés à leurs noms pendant la période où ils avaient bénéficié de l'aide sociale ; certains véhicules étaient immatriculés successivement chez l'un et chez l'autre époux.

Selon le rapport, le logement était aménagé avec goût et du mobilier « design ».

8) Par décision du 7 mai 2012, le CAS a demandé la restitution de CHF 106'670,80 aux administrés, au motif que ce montant avait été perçu sans droit, certaines informations ayant été cachées à l'hospice.

9) Le 6 juin 2012, par le biais de leur mandataire, les administrés ont fait opposition à la décision auprès de la direction de l'hospice et ont requis son annulation ; subsidiairement, dans l'hypothèse où leur opposition devait être rejetée, ils ont fait valoir une demande de remise.

Les administrés n'avaient pas refusé de se soumettre à l'enquête menée par l'hospice. M. A______ avait trouvé un emploi, il pouvait subvenir aux besoins de sa famille, l'aide de l'hospice n'était plus désirée. L'hospice lui-même avait alors indiqué que l'enquête n'était plus nécessaire.

M. A______ avait dû se rendre en Hollande pour se procurer son casier judiciaire afin de le transmettre à son nouvel employeur. Il avait d'ailleurs sollicité un remboursement de ses billets d'avion auprès de l'hospice, ce qui lui avait été refusé.

Concernant les véhicules immatriculés, il était contesté que le montant maximum de CHF 10'000.- admis pour l'ensemble du groupe familial par l'hospice ait été atteint. Tous les véhicules avaient une valeur réduite du fait qu'ils étaient soit endommagés, soit d'un kilométrage élevé. Les administrés ne s'étaient pas enrichis à travers l'achat et la vente de ces véhicules. Chaque véhicule avait toujours été immatriculé, ce qui n'aurait pas été nécessaire s'ils faisaient uniquement du commerce étant donné qu'ils étaient locataires d'une place de parking fermée. L'argent pour l'achat des véhicules avait été emprunté auprès de la E______ SA.

La possession d'un véhicule leur était nécessaire, étant donné qu'ils avaient une fille de 6 ans. L'acquisition de voitures n'avait jamais été cachée à l'hospice. Les services de l'hospice avaient eux-mêmes confirmé aux époux que seules les automobiles dépassant le montant maximum autorisé devaient leur être signalées, ce qui avait été respecté par les administrés puisqu'aucun des véhicules acquis ne valait plus de CHF 10'000.-. Les administrés avaient fourni tous les renseignements utiles pour établir leur droit et fixer le montant des prestations d'aide sociale.

Concernant la demande de remise, les administrés étaient de bonne foi. Leur situation financière précaire et personnelle - Mme A______ étant actuellement enceinte - ne leur permettrait pas de rembourser le montant réclamé et les mettrait dans une situation encore plus difficile.

10) Par courrier du 22 janvier 2013, l'hospice a informé les administrés qu’il instruisait leur opposition. Pour ce faire, ces derniers devaient signer les procurations d'usage qui portaient exclusivement sur la période du 1er novembre 2008 au 31 juillet 2011, période pendant laquelle ils avaient bénéficié de l'aide financière de l'hospice. Lesdites procurations étaient indispensables à l'hospice afin qu'il puisse déterminer le montant éventuel des prestations perçues indûment pendant la période concernée.

Un ultime délai au 5 février 2013 avait été fixé aux administrés pour prendre rendez-vous avec l'inspectrice, faute de quoi l'opposition serait traitée en l'état.

11) Il ressort du rapport d'enquête complet du 30 janvier 2013 que les administrés ont pris contact avec le service d'enquête par téléphone et annulé le rendez-vous fixé le 4 février 2013 dans les locaux dudit service. Ils refusaient de se soumettre à l'enquête, notamment concernant la signature des procurations d'usage, craignant d'être lésés s'ils souhaitaient à l'avenir conclure un contrat de leasing.

Il ressortait également dudit rapport que Mme A______ était titulaire d'une entreprise en nom individuel depuis le 16 septembre 2011, que M. A______ était titulaire de deux véhicules immatriculés à son nom, une Mini One modèle 2007 immatriculée le ______ 2011, d'une valeur approximative d'achat par un garagiste de CHF 6'588.-, et une BMW X3 année 2007 immatriculée le ______ 2012, d'une valeur approximative d'achat par un garagiste de CHF 19'351.-.

12) Par décision sur opposition du 27 mars 2013, la direction de l'hospice a confirmé la décision du CAS du 7 mai 2012.

Par deux fois dans les demandes d'aide habituelles, les époux avaient répondu posséder une voiture, sans toutefois fournir à l'hospice les documents attestant de sa valeur. Dans la demande du mois de mai 2010, ils avaient laissé sans réponse la question relative à la possession d'un véhicule. Lors de leur audition du 13 juillet 2011, dans le cadre de l'enquête menée par l'hospice, ils avaient déclaré ne pas posséder de véhicule. Or il s'avérait qu'une Mini One était immatriculée au nom de Mme A______ au moment de cette audition. Les administrés avaient donné des informations inexactes à l'inspectrice de l'hospice. Au cours de l'enquête du mois de juillet 2011, il avait été établi que treize véhicules avaient été immatriculés, et parfois réimmatriculés plusieurs fois, pendant la période d'aide financière. La valeur exacte des véhicules n'était pas pertinente. Les seuls faits de refuser de signer les procurations usuelles et de se soumettre à l'enquête démontraient que les époux violaient leur obligation de renseigner incombant aux bénéficiaires de l'aide de l'hospice. Dans un tel cas, il était reconnu que l'hospice pouvait réclamer la totalité des prestations touchées indûment, étant donné que le bénéficiaire, en refusant de signer les procurations, rendait impossible la détermination de sa situation financière.

Concernant la demande de remise du remboursement, celle-ci pouvait être accordée uniquement dans le cas où les conditions cumulatives de la bonne foi du bénéficiaire et le fait que le remboursement le mettrait dans une situation difficile étaient réunies. Les recourants avaient violé leur devoir de renseignement si bien que, leur bonne foi ne pouvait pas être admise. La condition de la situation difficile ne se prêtait donc plus à l'analyse. La remise ne pouvait pas être accordée.

13) Le 6 mai 2013, les époux ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant préalablement à la suspension de la procédure afin que M. A______ puisse signer les procurations d'usage et que l'hospice établisse sa situation économique ; principalement à l'annulation de la décision attaquée ; et subsidiairement à l'admission de la demande de remise.

Les faits étaient contestés. Les valeurs retenues par l'hospice pour les véhicules étaient erronées. Il n'était pas possible d'établir un prix pour un véhicule sans l'avoir vu au préalable. M. A______ était un passionné de voitures ; cela expliquait le nombre conséquent d'immatriculations d'automobiles. L'achat et la vente de ces voitures n'avait rapporté aucun bénéfice aux recourants, ils avaient plutôt été contraints de s'endetter auprès de E______ SA. Les emplois respectifs des époux ne leur permettaient pas d'amasser des sommes considérables, celles-ci étaient minimes et irrégulières en fonction des mois de travail. Ils ne possédaient pas de fortune, hormis une Mini One de 2007 et une BMW X3 de 2007. D'ailleurs, lors de l'entretien du 13 juillet 2011, M. A______ n'avait pas donné d'informations erronées au service. En effet, la Mini One avait été désimmatriculée le même jour et réimmatriculée au nom de Mme A______, ce qui confirmait bien qu'il ne possédait pas de voiture lui-même. L'acquisition de véhicules ne devait pas être annoncée à l'hospice si la fortune ne dépassait pas CHF 10'000.-, et l'hospice les avait dispensés de cette obligation. Les recourants avaient donc respecté leur obligation de renseignement. Leur fortune avait toujours été inférieure à la somme de CHF 10'000.-. Les prestations n'avaient pas été touchées indûment.

L'hospice avait uniquement contesté la fortune du mois de juillet 2011, aussi, si le remboursement des prestations devait être admis, celui-ci ne devrait-il porter que sur le mois de juillet 2011. Dans l'hypothèse d'un remboursement des prestations, la demande de remise des recourants devait être acceptée. Ces derniers étaient de bonne foi, ayant toujours communiqué tous les documents et informations réclamés par l'hospice. En outre, de par leur situation – peu de moyens financiers et la grossesse de Mme A______ – ils ne seraient pas en mesure de rembourser le montant réclamé car cela les mettrait dans une situation très difficile. La remise devait donc, à titre subsidiaire, leur être accordée.

14) Le 13 juin 2013, l'hospice a conclu au rejet de la demande de suspension de la procédure et au rejet du recours.

Le total de la fortune de l'ensemble du groupe familial ne devait pas dépasser les CHF 10'000.-. En contrepartie des prestations versées par l'aide sociale, les bénéficiaires s'engageaient notamment à fournir tous les renseignements nécessaires pour établir leur droit et fixer le montant des prestations financières, et à déclarer immédiatement à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui leur étaient allouées. Pour ce faire, l'hospice pouvait soumettre les bénéficiaires à une enquête et ainsi leur demander de signer des procurations pour les institutions bancaires, les assurances et l'administration fiscale. Les usagers devaient donner toutes les informations sur leur situation patrimoniale. Ces obligations de collaborer et de remettre spontanément tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de la situation personnelle, familiale et économique étaient concrétisées dans le document « mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général ».

Toute prestation touchée sans droit était considérée comme touchée indûment. L'hospice pouvait alors réclamer par décision écrite le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite d'une négligence ou d'une faute du bénéficiaire ou s'il n'était pas de bonne foi. Selon la jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner était une prestation perçue indûment. L'hospice était fondé à réclamer l'intégralité des prestations si les violations de l'obligation de renseigner étaient importantes.

Il n'appartenait pas aux bénéficiaires des prestations de décider de ce qui devait être déclaré à l'hospice, encore moins d'évaluer eux-mêmes leur fortune. Le contrôle de la situation patrimoniale incombait à l'hospice. Les recourants savaient qu'ils devaient informer l'hospice concernant tous les véhicules. Nonobstant cette obligation, ils maintenaient ne pas posséder de véhicule, or une Mini One était immatriculée au nom de Mme A______ lors de l'entretien d'enquête de l'hospice. Ils avaient donc donné des informations erronées au service menant l'enquête. En outre, concernant toutes les autres voitures immatriculées, il était étonnant que les recourants n'aient pas pu produire de contrat de vente appuyant leur propos concernant la valeur des véhicules.

Au vu de la gravité de la violation de l'obligation de renseigner et le flou sur la situation économique des recourants, la décision était manifestement fondée.

Concernant les cartes de crédit, l'hospice n'en avait pas été informé. Les décomptes produits étaient fort intéressants et mettaient en évidence que les recourants effectuaient des dépenses, des séjours à l'étranger et versaient régulièrement des montants importants à la banque émettrice de la carte de crédit ; ces paiements étaient impossibles à financer avec l'aide sociale.

La volte-face que constituait la demande de suspension de la procédure était tardive, la chambre administrative disposant d'éléments suffisants pour rejeter le recours.

Ayant violé gravement leur obligation de renseigner, les recourants n'étaient pas de bonne foi ; leur demande de remise de remboursement de prestations devait être rejetée.

15) Le 14 juin 2013, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 19 juillet 2013 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

16) Le 17 juillet 2013, les recourants ont persisté dans leurs conclusions et précisé que rien de par la loi ne privait les bénéficiaires de prestations d'aide sociale de partir en vacances, et qu'il revenait à l'hospice de démontrer que leur fortune était plus élevée que la somme autorisée.

17) L'hospice ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) A titre liminaire, les recourants sollicitent la suspension de la présente procédure afin que les procurations d'usage puissent être signées par M. A______ et que l'hospice établisse réellement leur fortune.

Selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions.

Dans le cas présent, les recourants ne font état d'aucune procédure en cours pour motiver leur demande de suspension. La demande porte sur une question d'établissement des faits, qui s'inscrit au demeurant strictement dans le cadre de la procédure non contentieuse et ne concerne dès lors plus la phase actuelle de la procédure. Dans la mesure où les recourants ont été sommés par deux fois de signer les procurations et qu'ils s'y sont refusés, il n'y a pas lieu de suspendre la présente procédure.

Une suspension au titre de l'art. 78 LPA n'est enfin pas envisageable, dès lors qu'aucune cause légale n'est donnée, et que l'hospice s'oppose à une suspension, ce qui exclut un accord des parties au sens de l'art. 78 let. a LPA.

3) Les recourants allèguent tout d'abord en substance une constatation inexacte des faits par l'autorité intimée.

4) Entrée en vigueur le 19 juin 2007, la loi cantonale sur l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LASI – J 4 04), est appliquée immédiatement à toutes les personnes bénéficiant de prestations prévues par l’ancienne loi sur l’assistance publique du 19 septembre 1980 (aLAP). Par modification du 11 février 2011, entrée en vigueur le 1er février 2012, la LASI a, notamment, changé d’intitulé (loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle – LIASI).

5) Aux termes de l'art. 32 al. 1 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), le demandeur d'aide sociale doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Il doit autoriser l'hospice à prendre des informations à son sujet qui sont nécessaires pour déterminer son droit. Il doit se soumettre à une enquête de l’hospice lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. 3 LIASI). Les obligations valent pour tous les membres du groupe familial (art. 32 al. 4 LIASI). En cas de modification des circonstances, le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger.

Les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées lorsque le bénéficiaire, intentionnellement, ne s'acquitte pas de son obligation de collaborer, ou lorsqu'il refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. c et d LIASI).

6) Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute de celui-ci, ainsi que lorsque le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (art. 36 al. 2 et 3 LIASI).

Est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (art. 36 al. 1 LIASI).

7) De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/66/2014 du 4 février 2014 ; ATA/213/2013 du 9 avril 2013 ; ATA/127/2013 du 26 février 2013 ; ATA/54/2013 du 29 janvier 2013 et les références citées).

Celui qui ne renseigne pas correctement, selon les modalités prévues par la loi, perd le bénéfice des prestations d'aide sociale, l'inaccomplissement des conditions d'octroi d'une prestation pouvant découler précisément d'un manquement à une obligation de collaborer (Clémence GRISEL, L'obligation de collaborer des parties en procédure administrative, 2008, p. 303 n. 836).

8) Celui qui a déjà encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI, qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, pp. 168 ss), tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire.

9) Dans le cas d'espèce, les recourants ont par deux fois indiqué, dans leurs demandes successives d'aide sociale, posséder une voiture, sans toutefois fournir à l'autorité intimée les documents utiles à établir sa valeur. En outre, lors de leur audition dans le cadre de l'enquête menée par l'hospice, ils ont déclaré ne pas posséder de véhicule, alors que Mme A______ était inscrite à l'OCV comme titulaire d'une Mini One.

Les recourants ont signé à plusieurs reprises un engagement à informer l'hospice immédiatement et spontanément de tout fait nouveau concernant leur situation personnelle, familiale et économique. Ils savaient donc pertinemment qu'ils devaient annoncer toute modification de leur situation, tout autre revenu et informer de leurs déplacements.

Il s'est avéré lors de l'enquête menée par l'hospice que les recourants avaient immatriculé pendant la période considérée pas moins de quatorze véhicules. Toutefois, il ne ressort pas du dossier qu'ils aient annoncé à l'hospice lesdits véhicules. Or, il était de leur devoir d'en informer l'hospice, cet élément pouvant influencer l'état de leur fortune. Les recourants invoquent que c'est l'hospice lui-même qui leur a confirmé que l'annonce de la possession de véhicules n'était pas obligatoire tant que la fortune ne dépassait pas les CHF 10'000.-. Néanmoins, les recourants n'apportent aucun élément pour étayer leurs propos, qui paraissent d'autant moins crédibles que l'hospice est chargé de par la loi d'évaluer la situation financière des bénéficiaires de l'aide sociale.

Les recourants percevaient mensuellement des montants oscillant entre CHF 400.- et CHF 3'800.- au titre de l'aide sociale. Il ressort de leurs relevés de carte de crédit, qu'ils ont eux-mêmes produits, que certains mois ces derniers versaient jusqu'à plus de CHF 3'000.- à la banque émettrice de leur carte de crédit. Pour ne prendre qu'un exemple, en septembre 2010, l'hospice a versé CHF 2'732,90 aux recourants, qui eux ont quant à eux versé CHF 3'120.- à la banque.

Il ressort aussi des relevés de la banque que pendant la période d'aide, les recourants ont engagé des dépenses tendant à montrer que leur train de vie était incompatible avec des revenus provenant uniquement de l'aide sociale (dépenses aux casinos de Divonne et de Saint-Julien, achat de quatorze voitures, voyages en Egypte et à Paris notamment).

S'il n'est certes pas interdit aux bénéficiaires de l'aide sociale de prendre des vacances ou de voyager, le dossier révèle des informations erronées données par les recourants quant à leur fortune et leurs revenus, de même que leur refus de signer les procurations usuelles. Par leur comportement, les recourants ont empêché que les faits puissent être établis avec précision, principalement en refusant de signer les procurations usuelles et en n'informant pas l'hospice sur les véhicules qu'ils avaient acquis. Les recourants ont dissimulé de manière intentionnelle la réalité de leur situation financière. Partant, ils ont violé leur devoir d'information et perçu les prestations pécuniaires de l'hospice de façon indue pendant toute la période considérée.

10) Compte tenu du caractère systématique et persistant de la violation, l’hospice était fondé à leur réclamer le remboursement de l’intégralité de l’aide perçue, soit un montant de CHF 106'670,80 pour la période du 1er novembre 2008 au 31 juillet 2011, conformément à l’art. 36 al. 1 et 2 LIASI.

11) Le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). Il peut, dans les trente jours, solliciter une remise. Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/174/2012 du 27 mars 2012 consid. 5).

12) En l'espèce, l'hospice a fondé sa décision de refus de remise sur le fait que les recourants n'étaient pas de bonne foi, parce qu'ils avaient violé leur devoir d'information.

13) Bien que les rapports entre les art. 36 al. 2 et 3 et 42 al. 1 LIASI soient complexes (sur cette problématique : ATA/167/2014 du 18 mars 2014 consid. 8), il n'est pas douteux qu'en cas de violation volontaire, grave et manifeste du devoir d'information, l'administré ne saurait être de bonne foi (ATA/102/2012 du 21 février 2012 consid. 11 ; ATA/174/2012 du 27 mars 2012 consid. 5).

14) Dans le cas d'espèce, les recourants ont manqué à leur obligation d'annoncer plusieurs éléments susceptibles de modifier leur situation, éléments clairement identifiables dans le temps. En outre, ils ont refusé de signer les procurations usuelles, alors que cette obligation est clairement précisée dans le formulaire de demande d'aide que les recourants ont signé à plusieurs reprises.

15) Les circonstances particulières de l'espèce permettent dès lors d'écarter la bonne foi des recourants au sens de l'art. 42 al. 1 LIASI. La deuxième condition, à savoir celle de la situation difficile que pourrait engendrer le remboursement, n'a donc pas lieu d'être traitée, les conditions posées par la disposition légale étant cumulatives.

16) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux recourants (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mai 2013 par Madame et Monsieur A______ contre la décision de l'Hospice général du 27 mars 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'aucun émolument ne sera perçu, ni aucune indemnité de procédure allouée ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Daudin, avocat des recourants ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :