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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1116/2018

ATA/850/2018 du 21.08.2018 ( PROC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1116/2018-PROC ATA/850/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 août 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Pierre Gabus, avocat

contre

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE

et

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS



EN FAIT

1. Par décision du 9 janvier 2017, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de faire droit à une demande d'autorisation de séjour de Madame A______ en faveur de sa nièce B______, née le ______2010 et ressortissante de la République démocratique du Congo (ci-après : RDC).

2. Par jugement du 21 juin 2017, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours de Mme A______ du 9 février 2017, confirmant le refus de délivrer l'autorisation sollicitée.

3. Par arrêt du 20 février 2018, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a admis le recours formé le 23 août 2017 par Mme A______, annulé le jugement du TAPI du 21 juin 2017 et renvoyé la cause à l'OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants, soit la délivrance du permis sollicité. Aucun émolument n'a été perçu et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- a été allouée à Mme A______, à la charge de l'État de Genève.

Mme A______ exerçait un rôle indispensable auprès de sa nièce âgée de 7 ans, dont la mère était décédée en 2015 et le père le 30 juin 2017, soit entre le jugement du TAPI et le recours à la chambre administrative, ce qui constituait un fait nouveau. Compte tenu du très jeune âge de l'enfant, dont aucune prise en charge n'était assurée en RDC, et de ses conditions de vie dans un pays notoirement connu pour son taux de pauvreté particulièrement élevé et ses conflits guerriers, l'intervention de sa tante constituait le seul soutien, susceptible d'assurer son développement, voire sa survie. Dès lors, un placement auprès de Mme A______ en Suisse apparaissait être la seule solution pour sauvegarder les intérêts de la fillette.

4. Le 3 avril 2018, Mme A______ a formé réclamation auprès de la chambre administrative, concluant à ce qu'une indemnité globale d'au minimum CHF 6'000.- à la charge de l'État de Genève lui soit allouée. Elle demandait subsidiairement la fixation d'une indemnité de procédure à la charge de l'État de Genève pour la procédure devant la chambre administrative et le renvoi de la cause au TAPI pour qu'il statue sur l'indemnité due pour la procédure de première instance.

Son recours du 9 février 2017 au TAPI contre la décision de l'OCPM comptait dix-sept pages et était accompagné d'un bordereau de quinze pièces. Elle avait fait valoir des observations complémentaires le 10 mai 2017. Le TAPI avait mis à sa charge un émolument de CHF 500.- et ne lui avait alloué aucune indemnité de procédure.

L'acte de recours du 23 août 2017 devant la chambre administrative comprenait onze pages et un bordereau complémentaire de cinq pièces. Vu la survenance de faits nouveaux, elle avait produit des pièces y relatives. Une audience de comparution personnelle des parties avait eu lieu le 16 octobre 2017, à l'issue de laquelle le juge délégué avait demandé à Mme A______ de produire de nouvelles pièces, certifiées et authentifiées, ce qu'elle avait fait par courrier du 27 novembre 2017.

Afin d'assurer la défense de ses intérêts tant devant le TAPI que devant la chambre administrative, son avocat avait consacré dix-huit heures d'activité, facturées à CHF 400.- l'heure.

Dans ces circonstances et compte tenu de la complexité factuelle et juridique du litige, ainsi que du fait que la chambre administrative n'avait pas statué sur les dépens liés à la procédure de première instance, une indemnité de procédure d'au minimum CHF 6'000.- devait lui être octroyée.

5. Le 30 avril 2018, l'OCPM a conclu au rejet de la réclamation.

6. Le 18 mai 2018, Mme A______ a répliqué, persistant dans ses précédentes argumentation et conclusions.

7. Le 23 mai 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. En vertu de l’art. 87 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), la juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours.

À teneur de l’art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la juridiction peut allouer à une partie pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

Selon l’art. 87 al. 4 LPA, les frais de procédure, émoluments et indemnités arrêtés par la juridiction administrative peuvent faire l’objet d’une réclamation dans le délai de trente jours dès la notification de la décision ; les dispositions des art. 50 à 52 LPA sont pour le surplus applicables.

2. Adressée en temps utile à la chambre administrative, la réclamation est recevable.

3. Le présent litige porte sur le montant de l'indemnité de procédure allouée à Mme A______ par la chambre administrative qui lui a donné gain de cause.

4. a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la juridiction de céans, les décisions des tribunaux en matière de dépens n’ont pas à être motivées, l’autorité restant néanmoins liée par le principe général de l’interdiction de l’arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b p. 334 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_245/2011 du 7  juillet 2011 consid. 2.2 ; ATA/334/2018 et les références citées ; ATA/430/2010 du 22 juin 2010 et les références citées). Cela étant dit, lorsque l'objet du litige porte uniquement sur la question des dépens, il appartient au juge de motiver, même succinctement, sa décision en application de la jurisprudence relative à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18  avril 1999 (Cst. - RS 101) et au droit d'être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 du 21 avril 2017 consid. 3.1).

b. La juridiction saisie dispose d’un large pouvoir d’appréciation également quant à la quotité de l’indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat (ATA/334/2018 précité et les références citées), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-. Enfin, la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) n'impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2010 du 24 août 2010).

c. Pour déterminer le montant de l’indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d’instruction, le nombre d’échanges d’écritures et d’audiences. Quant au montant retenu, il doit intégrer l’importance et la pertinence des écritures produites et de manière générale la complexité de l’affaire (ATA/334/2018 précité ; ATA/1156/2017 du 2 août 2017). La fixation des dépens implique une appréciation consciencieuse des critères qui découlent de l'esprit et du but de la réglementation légale (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 précité consid. 6.2 et les références citées).

d. Dans sa pratique relative aux décisions du domaine en cause, la chambre de céans alloue en général une indemnité de CHF 1'000.-, voire CHF 1'500 selon la complexité du litige, aux parties dont le recours a été admis (ATA/718/2018 du 10 juillet 2018 ; ATA/392/2018 du 24 avril 2018 ; ATA/231/2018 du 13 mars 2018 ; ATA/113/2018 du 6 février 2018).

e. Le texte même de l'art. 87 al. 2 LPA précise que l'indemnité de procédure concerne en principe les frais occasionnés par le recours, et elle ne s'étend dès lors en principe qu'à l'instance en cours. Cela étant, dans le cas présent, la chambre administrative a annulé le jugement du TAPI du 21 juin 2017 et renvoyé la cause à l'OCPM afin que celui-ci délivre l'autorisation de séjour sollicitée.

5. En l'espèce, la procédure de deuxième instance a porté essentiellement sur l'examen du fait nouveau que constituait le décès du père de l'enfant, ainsi que sur la nécessité de réunir les pièces authentifiées, indispensables pour que la chambre de céans puisse statuer. Dans ce contexte, la procédure comprenait un acte de recours, une audience et un courrier transmettant les pièces requises. Par ailleurs, la cause ne présentait pas un caractère particulièrement complexe et l'activité déployée par l'avocat de Mme A______ ne s'est pas avérée particulièrement volumineuse. Toutefois, bien qu'en principe l'indemnité de procédure ne s'étende qu'à la procédure de recours, le jugement du TAPI du 21 juin 2017 ayant été annulé, il s'avère que la chambre administrative n'a pas suffisamment tenu compte de l'activité déployée par l'avocat durant la procédure par-devant le TAPI, cumulée à celle nécessitée par les faits nouveaux.

Au vu de ce qui précède, la réclamation sera partiellement admise et le montant de l'indemnité pour l'ensemble des procédures de recours porté à CHF 2'000.-, à la charge de l'État de Genève.

6. Conformément à la pratique constante de la chambre de céans, aucun émolument ne sera perçu et aucune indemnité de procédure allouée pour la présente procédure de réclamation (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/334/2018 précité et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation formée le 3 avril 2018 par Madame A______ contre l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 20 février 2018 dans la cause A/461/2017 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

porte le montant de l'indemnité de procédure allouée à Madame A______ dans l'arrêt ATA/154/2018 à CHF 2'000.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité pour la présente procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Gabus, avocat de Mme A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :