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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4579/2017

ATA/334/2018 du 10.04.2018 ( PROC ) , REJETE

Descripteurs : MOTIF DE RÉCLAMATION ; CONDITION DE RECEVABILITÉ ; DÉPENS ; FRAIS DE LA PROCÉDURE
Normes : LPA.51.al1; LPA.87; RFPA.6
Résumé : Pour déterminer le montant de l'indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d'instruction, le nombre d'échanges d'écritures et d'audiences. Quant au montant retenu, il doit intégrer l'importance et la pertinence des écritures produites et de manière générale la complexité de l'affaire.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4579/2017-PROC ATA/334/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 avril 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Jacques Roulet, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Le 7 mars 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a infligé à Monsieur A______ une amende administrative de CHF 2'000.- et prononcé la suspension de sa carte professionnelle de chauffeur de taxi pour une durée de trois mois.

Il avait, à réitérées reprises, commis des faits réprimés et punis par la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis – H 1 30), justifiant le prononcé d’amendes administratives à son encontre.

2) Par arrêt du 10 octobre 2017 (ATA/1368/2017 du 10 octobre 2017), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a partiellement admis le recours interjeté le 7 avril 2017 par M.  A______, annulé la décision du PCTN du 7 mars 2017, lui retournant la cause pour instruction et nouvelle décision. Elle a alloué à M. A______ une indemnité de CHF 1'000.- à la charge de l’État de Genève.

Aucun des faits n’étant admis, le PCTN ne pouvait pas retenir comme déterminante la version des dénonciateurs, sans procéder à des vérifications supplémentaires, ce d’autant plus que la décision avait également été rendue en violation de la procédure instaurée par la LTaxis. En effet, le PCTN avait soumis aux membres de la commission disciplinaire, présidée par le directeur du PCTN, un projet de sanction rédigé par un juriste du service, sans que les plaintes et les déterminations du recourant ne soient soumises aux membres de ladite commission. Ces derniers n’avaient donc pu se prononcer valablement que sur la quotité de la sanction, sur la base d’un état de fait préétabli, mais n’avaient pas été en mesure de se déterminer en toute connaissance de cause sur les fondements de la sanction.

3) Par acte déposé le 17 novembre 2017, M. A______ a formé auprès de la chambre administrative une réclamation sur indemnité contre l’arrêt précité, concluant à ce qu’il lui soit alloué une indemnité équitable tant pour les frais indispensables à la procédure ayant abouti à l’arrêt du 10 octobre 2017, qu’à ceux causés par la présente procédure de réclamation.

Il a notamment joint le relevé horaire détaillé de l'activité de son conseil d’un montant de CHF 6'955.-.

La chambre administrative, dans un arrêt de quinze pages, avait indiqué avoir admis partiellement le recours de M. A______, alors qu’elle avait en réalité fait droit à toutes les conclusions prises par ce dernier en tête de son mémoire de recours du 7 avril 2017, à l’exception de celle sur les dépens.

L’affaire présentait une certaine complexité, étant donné la longueur totale de la procédure, la tenue de deux audiences de comparution personnelle et l’intérêt pour la chambre administrative de comprendre la pratique des services de l’État en matière d’instruction de ce type de dossier.

La sanction prononcée par le PCTN l’avait été en violation crasse de toutes les règles procédurales en matière de sanction administrative. Il était dès lors manifestement injuste et contraire à tout sentiment d’équité que toutes sanctions soient annulées faute de faits établis, mais que M. A______ se voie néanmoins contraint de supporter le coût financier de la procédure.

4) Le 1er décembre 2017, le PCTN a conclu, à la forme à ce qu’il soit statué sur la recevabilité de la réclamation, M. A______ n’ayant pas chiffré ses conclusions ; au fond au rejet de la réclamation, «  sous suite de frais et dépens ».

5) Dans sa réplique du 8 janvier 2018, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, la réclamation est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26  septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 87 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Aux termes de l’art. 51 al. 1 LPA, la réclamation est formée par écrit avec indication des motifs ainsi que des moyens de preuve éventuels.

a. Nonobstant la teneur selon laquelle une réclamation doit être formée par écrit avec indication des motifs, le but du législateur était de limiter au strict nécessaire le formalisme. La jurisprudence cantonale estime que les exigences en matière de recours et d’opposition sont en principe les mêmes (ATA/182/2013 du 19 mars 2013). Il convient pourtant de ne pas être trop strict et, par exemple, des conclusions précises n’ont pas à être exigées. Les exigences posées à la forme et au contenu d’une opposition, assimilée à la réclamation (art. 50 al. 1 2ème phrase LPA) ne sont en effet pas élevées : il suffit que la volonté du destinataire d’une décision de ne pas accepter celle-ci ressorte clairement de son écriture ou de ses déclarations (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 164 n. 624 et les références citées).

b. En l’espèce, si le recourant n’a pas formellement chiffré ses conclusions, il ressort de sa réclamation qu’il conteste le montant de l’indemnité qui lui a été allouée par l’autorité de recours et qu’il souhaite que celle-ci soit augmentée. Par conséquent, sa volonté ressortant clairement de son écriture, la réclamation sera déclarée recevable en la forme également.

3) a. La juridiction administrative statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017 et les références citées). Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al.  2  LPA).

L'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la juridiction de céans, les décisions des tribunaux en matière de dépens n’ont pas à être motivées, l’autorité restant néanmoins liée par le principe général de l’interdiction de l’arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b p. 334 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_245/2011 du 7  juillet 2011 consid. 2.2 ; ATA/1484/2017 précité et les références citées ; ATA/430/2010 du 22 juin 2010 et les références citées). Cela étant dit, lorsque l'objet du litige porte uniquement sur la question des dépens, il appartient au juge de motiver, même succinctement, sa décision en application de la jurisprudence relative à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18  avril 1999 (Cst. - RS 101) et au droit d'être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 du 21 avril 2017 consid. 3.1).

c. La juridiction saisie dispose d’un large pouvoir d’appréciation également quant à la quotité de l’indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat (ATA/1484/2017 précité ; ATA/430/2010 précité ; ATA/681/2009 du 22 décembre 2009 ; ATA/554/2009 du 3 novembre 2009 ; ATA/236/2009 du 12 mai 2009), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-. Enfin, la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) n'impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2010 du 24 août 2010).

d. Pour déterminer le montant de l’indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d’instruction, le nombre d’échanges d’écritures et d’audiences. Quant au montant retenu, il doit intégrer l’importance et la pertinence des écritures produites et de manière générale la complexité de l’affaire (ATA/1156/2017 du 2 août 2017). La fixation des dépens implique une appréciation consciencieuse des critères qui découlent de l'esprit et du but de la réglementation légale (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 précité consid. 6.2 et les réf. citées).

e. Dans sa pratique relative aux décisions du domaine en cause, la chambre de céans alloue en général une indemnité inférieure à CHF 1'000.- aux parties dont le recours a été partiellement admis. Ainsi, dans un arrêt du 30 juin 2017 (ATA/1039/2017), elle a alloué au recourant une indemnité de procédure de CHF  500.-, à la suite de l’admission partielle du recours et de la réduction de la quotité de l’amende infligée. Dans un arrêt du 9 mai 2017 (ATA/527/2017), la chambre administrative a alloué une indemnité de procédure de CHF 250.-, étant donné qu’il était défendu par le même avocat que celui représentant des personnes tierces dans le cadre des neuf autres procédures parallèles portant sur la même problématique juridique et soulevant, à quelques nuances près, les mêmes griefs. Enfin, dans un arrêt du 29 juillet 2014 (ATA/572/2014), une indemnité de procédure de CHF 500.- a été allouée au recourant, à la suite de l’admission partielle du recours, du fait qu’il ne ressortait pas du dossier que le service du commerce, devenu entretemps le PCTN, ait requis au préalable le préavis de la commission avant de prononcer une amende administrative à l’encontre du recourant et que de ce fait la décision devait être annulée.

4) En l’espèce, sur le fond, la chambre administrative a d’office déclaré prescrits les faits du 16 juin 2014 sanctionnés en mars 2017 seulement. Elle a également constaté une violation de la procédure instaurée par la LTaxis. Quant aux faits, la cause revêtait une certaine complexité, en ce sens qu’elle a nécessité deux audiences de comparution personnelle, puis un nouvel échange d’écritures, avant que la chambre administrative ne puisse rendre sa décision. Or, il a été retenu que l’établissement des faits était lacunaire et qu’en l’absence de rapport de police, le PCTN ne pouvait retenir comme déterminante la version des dénonciateurs, sans procéder à des vérifications supplémentaires. Bien que le travail de la défense ait été important au vu du nombre de pages rédigées pour le recours et ait relevé les lacunes de l’instruction, la chambre administrative n’a pas tranché le fond du litige, mais a renvoyé la cause à l’autorité pour complément d’instruction.

À ce stade, le litige, qui n’est pas clos au fond, n’était pas d’une complexité particulière, tant dans l’établissement des faits que dans l’application du droit.

Par conséquent, le montant de l’indemnité octroyée pour un arrêt de renvoi apparaît proportionné aux circonstances du cas.

Dès lors, la réclamation sera rejetée.

5) Conformément à la pratique constante de la chambre de céans, aucun émolument ne sera perçu et aucune indemnité de procédure allouée pour la présente procédure de réclamation (art. 87 al.  2  LPA ; ATA/151/2018 du 20 février 2018 ; ATA/1156/2017 du 2 août 2017 ; ATA/1484/2017 précité).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation formée le 17 novembre 2017 par Monsieur A______ contre l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 10  octobre 2017 dans la cause A/1269/2017 ;

au fond :

la rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure dans la présente cause ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Roulet, avocat du recourant ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mmes Krauskopf et Payot Zen Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :