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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2212/2018

ATA/826/2018 du 15.08.2018 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2212/2018-FPUBL

" ATA/826/2018

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 15 août 2018

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Claudio Fedele, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



Attendu, en fait, que :

1) De nationalité ______ et ______, Monsieur A______, né le ______ 1969, travaille au sein de l’office cantonal de l’inspection et des relations de travail (ci-après : OCIRT) depuis avril 1999. Il a été engagé en qualité de juriste, puis, à partir de mois de mars 2000, en qualité d’inspecteur du travail. Il est spécialisé dans la santé et la sécurité au travail et responsable du secteur ______. Il a notamment animé, pour le compte de l’OCIRT, plusieurs formations traitant de la thématique des risques psychosociaux et est l’auteur de plusieurs articles sur le sujet.

2) Le 8 février 2017, a eu lieu un entretien de service. Il était reproché à M. A______, d’une part, des problèmes de comportement envers sa hiérarchie, ses collègues de travail et des collaborateurs d’entreprise contrôlées, d’autre part, le fait d’avoir transmis à une collaboratrice d’une entreprise contrôlée un document interne et, enfin, de ne pas avoir respecté des directives du secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO).

3) a. Par arrêté du 1er février 2017, le Conseil d’État a libéré M. A______ de l’obligation de travailler.

b. Par arrêt du 22 février 2017, la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) a déclaré irrecevable le recours interjeté le 13 février 2017 par M. A______ contre l’arrêté précité.

4) Le 22 mars 2017, le Conseil d’État a ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. A______. Il était suspendu provisoirement. Les prestations à charge de l’État étaient maintenues.

5) Le 25 février 2018, Monsieur B______, ancien juge à la Cour de justice, en charge de l’enquête administrative, a rendu un rapport de 123 pages.

Un certain nombre de griefs, énumérés dans l’arrêté du Conseil d’État du 22 mars 2017 n’étaient pas retenus à l’encontre de M. A______, notamment l’agression à caractère sexuel du 2 octobre 2015 à l’encontre d’une employée d’une entreprise contrôlée, engagée depuis à l’OCIRT, allégation à l’origine de la convocation à l’entretien de service. Tous les autres griefs étaient, en tout ou en partie, retenus, à l’instar, notamment, de harcèlement sexuel et de remarques à caractère homophobes à l’encontre de l’employée précitée, de comportements professionnellement inadéquats, d’une violation du secret de fonction et du non-respect des directives du SECO.

6) M. A______ a formulé ses observations le 17 avril 2018.

7) Par arrêté du 30 mai 2018, le Conseil d’État a révoqué M. A______ avec effet au 31 août 2018. L’intéressé était libéré de son obligation de travailler jusqu’à la fin des rapports de service. La décision était exécutoire nonobstant recours.

8) Par acte du 29 juin 2018, M. A______ a interjeté recours contre l’arrêté du Conseil d’État du 30 mai 2018. Il a conclu principalement à l’annulation de la révocation et, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif.

Il contestait avoir enfreint ses devoirs de service et détaillait sa position. Par ailleurs, même à supposer que des manquements à ses devoirs de service soient établis, la sanction prononcée à son encontre était disproportionnée. La direction de l’OCIRT n’avait pas contesté que, jusqu’en 2016, la collaboration avait été bonne. Il n’avait aucun antécédent, n’avait jamais été sanctionné et aucune procédure disciplinaire n’avait été ouverte à son encontre.

9) Le Conseil d’État, soit pour lui l’office du personnel de l’État, a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif dans la mesure où elle était recevable.

10) Par réplique du 7 août 2018, le recourant a persisté dans ses conclusions sur effet suspensif.

Le retrait de celui-ci devait être une exception. Le Conseil d’État n’avait pas motivé le caractère exécutoire de la décision. Son traitement avait été maintenu lors de la décision de le suspendre et d’ouvrir une enquête administrative. Or, les faits qui lui étaient reprochés étaient plus graves que ceux aujourd’hui retenus à son encontre. De surcroît, l’existence d’une tentative d’agression sexuelle, à l’origine de la procédure, avait été niée par l’enquêteur. Le harcèlement qui lui était reproché reposait sur les déclarations d’une femme avec laquelle il avait toujours entretenu de bons rapports et à laquelle il n’avait jamais pu être confronté, celle-ci s’étant faite excuser lors de l’audience appointée devant l’enquêteur administratif au moyen d’un certificat médical que ce dernier avait qualifié de « laconique ».

Sa situation personnelle, financière et familiale était difficile. Son épouse rencontrait des problèmes de santé et était privée de tout revenu, alors même que la situation engendrait d’importants frais médicaux non pris en charge par les assurances. Le couple avait une fille, étudiante, à charge.

11) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable sous ces angles (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par le vice-président, ou en cas d’empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2017).

3) Aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3 ; ATA/997/2015 du 25 septembre 2015 consid. 3).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265).

5) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

6) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

7) Les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, notamment d’une révocation, prononcée, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État (art. 16 al. 1 let. c ch. 5 LPAC).

8) En l’espèce, le recourant conclut à la restitution de l’effet suspensif au vu des difficultés financières auxquelles il sera confronté dès le 1er septembre 2018.

Sans nier l’existence de celles-ci, le recourant devant solliciter des indemnités de l’assurance chômage, la jurisprudence constante de la chambre de céans considère que l’intérêt privé du recourant à conserver son activité professionnelle et les revenus y relatifs doit céder le pas à l’intérêt public à la préservation des finances de l’État (ATA/471/2016 du 6 juin 2016 et les références citées). Aucun élément du dossier ne permet de retenir que le recourant aurait la capacité de rembourser les traitements perçus en cas de confirmation de la décision querellée, alors que l’État de Genève serait à même de verser les montants qui seraient mis à sa charge en cas d’issue favorable pour celui-là, et cela même si la cause ne pouvait être tranchée rapidement en raison des mesures d’instruction ordonnées d’office ou à la demande des parties.

9) Le recourant invoque qu’il a bénéficié de son traitement pendant sa suspension et que rien ne justifie l’urgence à le lui supprimer.

Cet argument ne résiste pas à l’examen. Le recourant ne peut déduire aucun droit du fait qu’il a bénéficié de son traitement, bien que suspendu, depuis le 1er  février 2017. Par ailleurs, le Conseil d’État a procédé à la révocation de l’intéressé en en mai 2018 pour le terme du 31 août 2018.

10) Par ailleurs le recourant conclut à l’annulation de l’arrêté litigieux. Or, même s’il devait obtenir gain de cause, seule une indemnité pourrait lui être allouée. En effet, la nouvelle teneur de l’art. 31 al. 2 LPAC, entrée en vigueur le 19 décembre 2015, laquelle impose, à certaines conditions, qu’un fonctionnaire soit réintégré, aborde le contentieux de la résiliation des rapports de service. En l’espèce, la chambre de céans, saisie d’un recours contre une décision de révocation, ne pourrait que proposer, sans imposer, une réintégration du recourant à l’autorité intimée. Dès lors, s’il était fait droit à la demande de restitution de l’effet suspensif présentée par le recourant, la chambre administrative rendrait une décision provisoire allant au-delà des compétences qui sont les siennes sur le fond (ATA/42/2014 du 24 janvier 2014; ATA/610/2013 du 16 septembre 2013 consid. 5 et les références citées), ce qui n'est pas envisageable.

11) Au vu de ce qui précède, la restitution de l’effet suspensif sera refusée.

Le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours de Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 30 mai 2018 ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Claudio Fedele, avocat du recourant ainsi qu'au Conseil d'État, soit pour l’office du personnel de l’État.

 

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

Ch. Junod

 

 

 

 


 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :