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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3037/2015

ATA/997/2015 du 25.09.2015 ( DIV ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3037/2015-DIV

" ATA/997/2015

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 25 septembre 2015

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Yves Magnin, avocat

contre

OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SERVICE D'AUTORISATION ET DE SURVEILLANCE DE L'ACCUEIL DE JOUR



Attendu, en fait, que :

1) Madame et Monsieur A______ (ci-après : M. et Mme A______ ou les époux A______), nés respectivement en 1948 et 1956, se sont mariés en 1981. Ils ont à eux deux onze enfants, dont huit communs, nés entre 1976 et 1998.

2) Le 27 octobre 2014, le service d'autorisation et de surveillance de l'accueil de jour (ci-après : SASAJ) a écrit à Mme A______. Il avait appris qu'elle exerçait l'accueil parental de jour, et lui indiquait qu’elle devait obtenir pour ce faire une autorisation.

3) Une première visite par des fonctionnaires du SASAJ s'est déroulée le 27 novembre 2014. Un rapport a été rédigé sur cette base le 28 novembre 2014.

4) Les époux A______ ont tous deux soumis une demande d'autorisation le 11 décembre 2014.

5) Après une deuxième visite du SASAJ au domicile des époux A______ le 18 février 2015, l'évaluatrice du SASAJ a proposé d'autoriser les époux A______ à garder deux enfants chacun, pour une durée d'un an. Ponctuellement et pour une courte durée, soit 2 ou 3 heures, les quatre enfants pouvaient être laissés sous la surveillance de l'un des époux seulement.

6) Le 25 juin 2015, le SASAJ a délivré deux autorisations sur cette base - une pour chaque conjoint -, valables du 25 juin 2015 au 25 juin 2016.

7) Un avis de situation a été rédigé le 7 août par deux chargées d'évaluation du SASAJ, sur la base d'une visite effectuée à l'improviste au domicile des époux A______ le 6 août 2015.

8) Le 8 août 2015, M. A______ a écrit au SASAJ. Il revenait sur onze points évoqués dans l'avis de situation, dont certains avaient d'ores et déjà été rectifiés.

9) Par décision du 10 août 2015, le SASAJ a retiré avec effet immédiat l'autorisation de Mme et M. A______ de pratiquer l'accueil familial de jour. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

La capacité d'accueil n'était pas respectée, chacun des époux ayant été autorisé à s'occuper de deux enfants, tandis que sept enfants étaient fréquemment gardés durant les vacances ; la garde de quatre enfants par un seul des conjoints était par ailleurs possible seulement pour une durée limitée à deux ou trois heures, ce qui n'était pas respecté.

Des conditions d'hygiène insuffisantes avaient été constatées lors de la dernière visite, de même que des manquements à la sécurité.

Les époux avaient manqué à leurs devoirs de collaboration avec le service. Leur fils avait même tenté d'intimider les deux chargées d'évaluation. Lors de la visite, Mme A______ n'interagissait en outre pas de manière adéquate avec les enfants.

10) Le 14 août 2015, M. A______ a écrit au SASAJ, demandant à ce que l'une des chargées d'évaluation ne s'occupe plus d'eux, car les relations avec cette personne avaient été tendues dès les premiers contacts.

11) Le 1er septembre 2015, le SASAJ a répondu à M. A______. Il renouvelait sa confiance à la chargée d'évaluation mise en cause.

12) Plusieurs courriels ont par la suite été échangés entre les époux A______ et le SASAJ.

13) Par deux actes postés le 7 septembre 2015, les époux A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 10 août 2015, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et à l'audition de témoins, et principalement à l'annulation de la décision attaquée.

La décision attaquée n'était pas à contenu négatif, dès lors qu'elle retirait une autorisation en cours de validité. L'exécution immédiate de la décision leur portait préjudice, car la rentrée scolaire était déjà intervenue. Compte tenu des violations crasses du droit d'être entendu et de la loi, leur recours avait de fortes chances de succès. Enfin, la décision sombrant dans l'arbitraire tant les enfants ne couraient aucun danger chez eux, les raisons d'exécuter immédiatement la décision entreprise étaient plus (recte : moins) importantes que celles justifiant le report de son exécution.

14) Le 18 septembre 2015, le SASAJ a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours.

Plusieurs carences avaient été constatées sur le plan de la sécurité (les barres de fer d'un baby-foot entraient dans un lit à barreaux où dormait un enfant ; une porte d'armoire était posée en équilibre instable dans une chambre où dormait un autre enfant ; des vis, un boulon, des ciseaux, un coupe-papier et de nombreux produits dangereux étaient à portée des enfants ; les fenêtres du salon étaient ouvertes et des chaises se trouvaient juste en dessous), créant un danger imminent pour les enfants accueillis.

Par ailleurs, l'hygiène constatée était déficiente, et la capacité d'accueil maximale était dépassée.

Par leurs remarques et leur comportement, les époux A______ montraient qu'ils n'entendaient ni respecter les règles fixées par la législation, ni collaborer avec l'autorité de surveillance pour offrir une meilleure prise en charge aux enfants.

La restitution de l'effet suspensif aurait pour conséquence de permettre à nouveau le placement d'enfants dans des conditions d'accueil inadéquates et dangereuses.

15) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) La compétence pour ordonner la restitution de l’effet suspensif au recours appartient au président de la chambre administrative (art. 7 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010, entré en vigueur le 1er janvier 2011).

2) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

L’autorité décisionnaire peut toutefois ordonner l’exécution immédiate de sa propre décision, nonobstant recours, tandis que l’autorité judiciaire saisie d’un recours peut, d’office ou sur requête, restituer l’effet suspensif à ce dernier (art. 66 al. 2 LPA).

3) Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen, in Verwaltungs-verfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

4) Parmi les différents types de mesures provisionnelles, l’effet suspensif vise à maintenir une situation donnée. Il n’a pas pour objectif de créer un état correspondant à celui découlant du jugement au fond. Il ne peut donc que concerner une décision administrative positive, soit une décision qui impose une obligation à l’administré, qui le met au bénéfice d’une prérogative ou qui constate l’existence ou l’inexistence d’un de ses droits de l’une de ses obligations (Cléa BOUCHAT, L’effet suspensif en procédure administrative, 2015, p. 104 n. 278). En procédure administrative, cela correspond à une décision au sens de l’art. 4 al. 1 let. a ou b LPA.

5) En revanche, l’effet suspensif est inopérant lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui rejette ou déclare irrecevable une demande tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations, soit une décision au sens de l’art. 4 al. 1 let. c LPA. Ainsi que la doctrine et la jurisprudence le rappellent, la fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut requis n’existait pas, l’effet suspensif ne peut être restitué en cas de refus car cela reviendrait à accorder au recourant d’être mis au bénéfice d’un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ;
126 V 407 ; 116 Ib 344 ; ATA/354/2014 du 14 mai 2014 consid. 4 ; ATA/87/2013 du 18 février 2013; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 1800 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2010, n. 5. 8. 3. 3 p. 814).

6) Une décision imposant une obligation à son destinataire ou constituant une injonction à son égard, ou lui interdisant d’adopter un certain comportement, ou lui retirant une prérogative à laquelle il ne peut plus prétendre, ou supprimant une relation juridique, constitue, non pas une décision négative, mais une décision positive défavorable à ce dernier. Un recours contre une telle décision déploie donc un effet suspensif automatique en vertu de l’art. 66 al. 1 LPA, à moins que l’autorité administrative n'ait décidé de le retirer (Cléa BOUCHAT, op. cit., p. 106 n. 282).

7) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours, lorsqu’elle est saisie d’une requête en restitution de celui-ci, doit, en vertu de l’art. 66 al. 3 LPA, effectuer une pesée des intérêts, soit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. Elle n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

8) En l'espèce, la décision attaquée a un contenu positif défavorable aux recourants. C'est donc bien la question de la restitution de l'effet suspensif au recours qui se pose, et non celle de l'octroi de mesures provisionnelles.

9) La décision attaquée met en avant divers problèmes liés à l'accueil de jour prodigué par les recourants. Au nombre de ceux-ci comptent des aspects liés à la sécurité des enfants, et d'autres liés à l'hygiène, constatations relativement précises à l'appui. Dès lors, si l'instruction de la présente cause doit justement permettre de déterminer quel crédit doit être porté à ces affirmations du SASAJ, force est de constater qu'en l'état, la mise en balance des intérêts en jeu ne permet pas de revenir sur le caractère immédiatement exécutoire de la décision, les recourants ne faisant valoir en fin de compte que des intérêts de nature pécuniaire, qui doivent céder le pas à la sécurité des plus jeunes ici potentiellement menacée.

10) La demande de restitution de l'effet suspensif au recours sera dès lors rejetée, et le sort des frais réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Vu le recours interjeté le 7 septembre 2015 par Madame et Monsieur et A______ contre une décision de l'office de l'enfance et de la jeunesse - service d'autorisation et de surveillance de l'accueil de jour du 10 août 2015 ;

vu l’art. 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Yves Magnin, avocat des recourants ainsi qu'à l'office de l'enfance et de la jeunesse - service d'autorisation et de surveillance de l'accueil de jour.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :