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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/386/2018

ATA/818/2018 du 14.08.2018 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/386/2018-PROF ATA/818/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 août 2018

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Benoît Chappuis, avocat

contre

COMMISSION DU BARREAU



EN FAIT

1) Madame A______ est titulaire du brevet d’avocat et est inscrite au registre des avocats du canton de Genève.

2) Madame B______ et son mari ont fait appel à Mme A______, afin de se faire représenter devant le Tribunal des baux et loyers (ci-après : TBL) dans le cadre d’une procédure les opposant à leur locataire, leur fils, Monsieur C______.

3) Le ______ 2017, le mari de Mme B______ est décédé.

4) Entre le 31 janvier et le 2 février 2017, Mme B______ a laissé un message à son avocate, lui donnant comme instruction de mettre un terme à la procédure devant le TBL.

5) Le 2 février 2017, Mme A______ a saisi le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) d’une requête en instauration d’une mesure de protection et d’une requête de mesures provisionnelles dans l’intérêt de Mme B______.

Sa requête de mesures provisionnelles visait à la représenter dans la succession. Sa cliente devait être dorénavant protégée dans tous les aspects touchant à l’administration de ses affaires et son bien-être. Il faudrait très prochainement se déterminer sur la poursuite ou pas d’une procédure en cours devant le TBL. Mme B______ était incapable d’en comprendre les enjeux et d’organiser sa vie en l’absence de son époux.

Les relations entre les parents et leur fils, déjà conflictuelles, s’étaient envenimées durant la procédure devant le TBL. Mme B______ lui avait relaté un épisode de violences physiques et verbales dont elle avait été victime de la part de son fils. Ce dernier lui avait également fait signer un certain nombre de documents durant l’hospitalisation de son mari.

La capacité de discernement de sa mandante lui paraissait fortement atteinte, et la perte de son mari l’avait rendue plus fragile encore. Son fils n’était certainement pas la meilleure personne pour s’occuper de ses intérêts.

Mme B______ avait de grandes difficultés à comprendre les enjeux de la procédure engagée contre son fils et à se déterminer sur les décisions à prendre. Alors qu’elle s’était montrée très combative dans le cadre de la procédure engagée devant le TBL, elle venait de lui laisser un message l’instruisant d’arrêter les démarches. Depuis, elle n’arrivait plus à la joindre. Elle n’excluait pas que le fils ait pu emmener la mère en Espagne, afin d’arriver à la convaincre de lui donner tous ses biens.

6) Le TPAE a immédiatement nommé un curateur à Mme B______ et instruit le dossier.

Dans ce cadre, des certificats médicaux ont été produits :

- le 13 février 2017, la Doctoresse D______ a attesté que Mme B______ avait sa capacité de discernement et qu’une mise sous curatelle semblait alors injustifiée et n’était pas souhaitée par la patiente. Celle-ci ne présentait pas de troubles psychiques ou physiques l’empêchant de contrôler son budget et ses factures de façon autonome comme elle l’avait fait sans aide jusqu’alors ;

- le 16 février 2017, le Docteur E______ a certifié que Mme B______ avait alors une bonne capacité de discernement et que ses capacités cognitives et mentales étaient adéquates.

7) Le 16 mars 2017, le curateur de Mme B______ a rendu son rapport. Il avait pu la rencontrer. Elle lui avait fait une bonne impression générale tant du point de vue physique, que psychologique.

Une curatelle portant sur « tous les aspects touchant à l’administration des affaires » de Mme B______ était disproportionnée. Toutefois, cette dernière ne s’opposait pas à une curatelle limitée à la succession de son mari.

8) Le 6 avril 2017, une audience s’est tenue devant le TPAE, durant laquelle Mme B______ a été informée qu’un courrier de Mme A______ était à l’origine de son intervention. À l’issue de cette audience, la procédure a été classée.

9) Par courrier du 7 avril 2017, Mme B______ a mis un terme au mandat confié à Mme A______.

Elle était indignée d’apprendre que son avocate l’avait fait passer pour une folle totalement perturbée, avait parlé de son état de santé, de ses affaires et avait porté de graves accusations contre son fils.

10) Par courrier du 15 mai 2017, Mme B______ a porté plainte auprès de la commission du barreau (ci-après : la commission) contre Mme A______. Elle a complété sa plainte le 10 octobre 2017.

L’avocate avait violé son secret professionnel, n’avait pas suivi ses instructions et avait facturé des honoraires pour un travail qui ne lui avait pas été demandé. Elle avait outrepassé ses droits et avoir divulgué des informations confidentielles au TPAE.

11) Dans ses observations relatives à la dénonciation, Mme A______ s’est excusée de la facturation de son courrier au TPAE, qui résultait d’une erreur. Pour le reste, elle n’avait pas le sentiment d’avoir manqué à ses devoirs d’avocat et restait profondément convaincue d’avoir agi au plus près de sa conscience pour défendre les intérêts du couple A______, puis de Mme B______.

L’histoire familiale de ses mandants était compliquée, les parents étant opposés à leur fils sur plusieurs points et notamment en raison d’un conflit lié au logement qu’il occupait et dont ils étaient propriétaires. Elle les représentait afin de faire valider le congé qu’ils avaient adressé à leur fils. Ils souhaitaient également obtenir le paiement des arriérés de loyer, de l’indemnité pour occupation illicite et le remboursement de montants qu’il avait indûment prélevés sur les comptes de ses parents.

En octobre 2016, la santé du mari s’était gravement péjorée et avait nécessité son hospitalisation. Le 19 octobre 2016, une violente dispute avait éclaté entre la cliente et son fils. Cette dernière avait demandé à Mme A______ de préparer une plainte pénale, ce qu’elle avait fait. Après avoir reçu les explications de l’avocate sur les conséquences possibles de la plainte pénale, la cliente avait renoncé à son dépôt.

Le personnel hospitalier avait pris contact avec l’avocate dans le but de lui demander d’entreprendre les démarches nécessaires à une mise sous curatelle du mari. Il partageait son inquiétude quant au comportement du fils, qui faisait signer à sa mère toutes sortes de documents.

À la suite de la réception du jugement du TBL déclarant irrecevables les conclusions reconventionnelles formées par les époux A______, Mme A______ avait, par courrier du 26 janvier 2017, conseillé à ses clients de ne pas recourir contre ce jugement et demandé à Mme B______ de prendre rendez-vous avec elle, afin de discuter d’une éventuelle mise sous curatelle de son mari, suggérée par le personnel hospitalier.

L’assistante sociale de l’hôpital avait informé Mme A______ le 30 janvier 2017 du décès de son client. L’avocate avait ensuite cherché à joindre Mme B______. Le 2 février 2017, son secrétariat avait reçu un message téléphonique de cette dernière, lui demandant d’arrêter toutes démarches et l’informant qu’elle ne serait pas joignable. Elle « avait passé [sa] journée du 2 février à réfléchir comment le mieux sauvegarder les intérêts de Mme B______ ». Elle avait alors décidé de saisir le TPAE, estimant plus judicieux de confier à un curateur la décision de poursuivre ou non la procédure pendante devant le TBL.

N’ayant pas réussi à s’entretenir directement avec Mme B______ pour comprendre ses intentions et s’assurer qu’elle avait agi librement, elle avait décidé de demander la suspension de la procédure auprès du TBL, en raison du décès de son mari. C’était le fils qui était demandeur devant cette juridiction, si bien que la suspension de la procédure nécessitait son accord. Elle pouvait retirer uniquement la demande reconventionnelle, par laquelle les époux avaient demandé le paiement du loyer arriéré, puis l’expulsion. Ainsi, elle souhaitait s’assurer des intentions exactes de sa mandante.

Le message téléphonique qu’elle avait reçu de Mme B______ le 2 février 2017 démontrait que cette dernière n’était pas capable de comprendre les enjeux de la procédure, puisqu’elle lui laissait une instruction impossible à réaliser. Dans sa requête adressée au TPAE, l’avocate avait manifesté cette inquiétude. Tout laissait alors à penser que sa cliente était sous l’influence de son fils, contre lequel elle avait voulu déposer une plainte pénale trois mois plus tôt. Les risques étaient réels que le fils C______ emmène sa mère en Espagne, afin d’obtenir la signature de la cession de la propriété des biens immobiliers en sa faveur. Il y avait fait allusion non seulement dans ses écritures judiciaires, mais également lors d’une dispute avec sa mère. Elle avait ainsi la conviction que Mme B______ se mettait en danger du fait de sa capacité de discernement restreinte et qu’il fallait agir vite.

D’ailleurs, elle n’écrivait plus librement à sa mandante, car elle avait peur que ses courriers soient lus par le fils. Il ne faisait aucun doute que le courrier qu’elle avait encore reçu le 13 février 2017, lui demandant de mettre un terme à la procédure de bail, avait été rédigé par ce dernier. La multitude de procédures introduites à son encontre, envers l’hôpital et les compagnies d’assurances témoignait du bien-fondé de sa requête au TPAE, car Mme B______ n’aurait pas pu entreprendre ces démarches seule, ne serait-ce qu’en raison de sa piètre maîtrise du français.

Elle avait fait tout ce qu’elle avait pu pour défendre les intérêts de Mme  SANTISO, mais elle avait été mal comprise. Elle avait l’obligation légale d’introduire sa requête au TPAE, sur la base de l’art. 397a de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), soit une disposition spécifique du droit du mandat, prévoyant un véritable devoir d’information à l’autorité de protection de l’adulte. De plus, l’art. 397a CO ne réservait pas expressément le secret professionnel, de sorte que l’articulation entre le respect de ce dernier et le devoir d’informer était incertaine. Toutefois, une interprétation littérale du texte de loi faisait obligation à un mandataire, même soumis à un secret professionnel, de communiquer le cas à l’autorité de protection, sans autre démarche préalable. Elle s’était ainsi conformée au texte de loi en déposant sa requête.

12) Par décision du 11 décembre 2017, la commission a prononcé un blâme à l’encontre de Mme A______, pour violation de son devoir de diligence et du secret professionnel.

Si la doctrine semblait divisée sur la question de savoir si le secret professionnel de l’avocat l’emportait ou non sur l’art. 397a CO, la commission était d’avis que tel était le cas. La question pouvait toutefois rester indécise en raison de l’issue du litige.

L’avocate indiquait avoir pris la décision de requérir une mise sous curatelle de sa mandante après avoir reçu un message, laissé à son secrétariat, selon lequel celle-ci lui demandait d’arrêter toutes les démarches. Ce simple élément semblait avoir amené la mandataire à considérer que sa mandante était frappée d’une incapacité de discernement probablement durable. Or, rien n’indiquait qu’il y avait eu avant cela un quelconque signe que sa cliente avait pu se trouver dans une situation d’incapacité de discernement. Les contacts téléphoniques, durant le mois de janvier 2017, ne semblaient pas l’avoir alarmée. Par conséquent, Mme A______ ne disposait pas des éléments lui permettant de constater avec un degré de certitude suffisant que sa mandante était frappée d’une incapacité de discernement probablement durable. La décision du TPAE du 6 avril 2017, de même que les certificats médicaux établis quelques jours après la saisine du TPAE étaient d’ailleurs sans équivoque.

L’avocate indiquait avoir longuement réfléchi avant d’agir, alors qu’elle avait déposé sa requête moins d’une semaine après avoir reçu le message, et sans avoir eu de contact avec sa mandante. L’existence de menaces exercées par le fils ne saurait justifier cette démarche. Ainsi, les conditions de l’art. 397a CO n’étaient manifestement pas réunies.

En déposant sa requête au TPAE sans avoir été déliée de son secret professionnel au préalable, la mandataire avait communiqué des informations protégées par le secret professionnel à des tiers. Elle avait ainsi violé l’art. 13 al. 1 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA  - RS 935.61).

Enfin, l’avocate avait agi sans prévenir sa mandante, violant ainsi son devoir de diligence envers elle au sens de l’art. 12 let. a LLCA.

Les manquements constatés étaient graves, dès lors qu’ils violaient des règles essentielles de la profession d’avocat. Mme A______ n’avait toutefois pas d’antécédent disciplinaire, de sorte que la commission retenait une sanction modérée, soit le blâme.

13) Par décision du 31 janvier 2018, la commission a décidé de libérer, en tant que de besoin, Mme A______ de son secret professionnel dû à son ancienne cliente pour lui permettre de recourir contre la décision précitée.

14) Dans son recours adressé le 1er février 2018 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ a conclu préalablement à la suspension de la procédure, à l’audition de témoins et, principalement, à l’annulation de la décision querellée.

La commission n’avait pas respecté son droit d’être entendue. Elle n’avait pas ordonné l’audition des témoins pourtant requise d’entrée de cause, alors que ceux-ci auraient pu apporter des éléments importants quant au contexte qui avait amené la recourante à déposer une requête en instauration d’une mesure de protection auprès du TPAE. Ces auditions auraient également permis à la commission de constater qu’elle ne s’était pas uniquement basée sur le message laissé par sa cliente à son secrétariat, mais que celle-ci avait pris la décision d’alerter le TPAE après réflexion et après une multitude de situations et de réactions de Mme B______, qui permettaient sérieusement de douter de la capacité de discernement de celle-ci.

La commission n’avait pas même entendu Mme B______, ce qui l’aurait pourtant amenée à constater que les doutes quant à sa capacité de discernement étaient fondés. Sa cliente ne connaissait pas le contenu de la dénonciation, n’avait en aucun cas les capacités linguistiques et cognitives suffisantes pour la rédiger. Celle-ci ne pouvait par conséquent pas en être l’auteur. Elle avait nécessairement été instrumentalisée par son fils.

Par ailleurs, la commission avait violé les principes d’égalité de traitement, de bonne foi et d’interdiction de l’arbitraire, en prononçant des sanctions administratives sans avoir annoncé préalablement un changement de pratique. Pendant de nombreuses années, la commission avait admis que les avocats qui adressaient au Tribunal de première instance (ci-après : TPI) une demande de recouvrement de leurs honoraires n’avaient pas l’obligation de demander la levée de leur secret professionnel. Ce n’était que le 12 juin 2017, à la suite d’un arrêt rendu par le Tribunal fédéral, que la commission avait modifié sa pratique. Elle estimait désormais qu’un avocat était tenu de requérir la levée de son secret professionnel.

Ce nonobstant, dans une décision du 22 août 2017, la commission avait tout de même considéré que les différends portés par-devant la commission en matière d’honoraires d’avocats ne nécessitaient pas la levée du secret professionnel, au motif que les membres de ladite commission étaient soumis au secret de fonction et que les travaux de celle-ci avaient lieu à huis clos.

En sa qualité de mandataire, elle avait l’obligation légale de signaler le cas de sa cliente au TPAE, sans devoir demander la levée de son secret professionnel au préalable. En présence d’une question juridique qui n’avait pas été tranchée, elle était en droit de se reposer sur la conception défendue en doctrine, voulant que l’art.  397a CO supplante le secret professionnel de l’avocat, ce d’autant plus que la procédure devant le TPAE était confidentielle, en raison du huis clos imposé. Les conditions d’application de l’art. 397a CO étaient donc remplies.

Le message téléphonique laissé par Mme B______ le 2 février 2017 n’était pas le seul élément lui ayant permis de constater avec une certitude suffisante que celle-ci était frappée d’une incapacité de discernement probablement durable. Elle s’était rendu compte des capacités intellectuelles très limitées et de l’agitation émotionnelle de Mme B______ depuis le premier rendez-vous en avril 2016. Elle avait pu constater depuis que celle-ci s’était encore psychiquement affaiblie, en particulier à la suite de la maladie et l’hospitalisation de son époux.

Cette dernière était en pleurs lorsqu’elle lui avait raconté l’épisode des violences infligées par son fils. Elle ne comprenait pas le contenu des documents que ce dernier lui faisait signer. Elle avait adopté une attitude changeante, durant une seule journée, quant au placement de son défunt mari dans un établissement approprié. Quant à la procédure en cours devant le TBL, elle avait pris brusquement et sans raison une décision gravement préjudiciable à ses intérêts, tout en donnant à son avocate une instruction impossible à mettre en œuvre, étant donné sa qualité de défenderesse dans la procédure.

La recourante avait respecté son devoir de diligence. Dès lors qu’elle s’attendait à voir sa mandante à l’étude et que la situation était urgente, elle ne l’avait pas informée de sa démarche. Elle craignait qu’en envoyant une copie à sa mandante, le fils de celle-ci en prenne connaissance et entreprenne alors dans l’urgence quelque chose qui aurait pu nuire à sa cliente.

La commission avait violé les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 48 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10), en communiquant à Mme  SANTISO l’entier de la décision, alors que seul le dispositif de la décision querellée lui aurait permis de prendre connaissance de la sanction décidée par la commission et aurait ainsi suffi à réaliser l’exigence d’information à l’égard du dénonciateur.

Enfin, la sanction prononcée était disproportionnée. Elle n’avait pas d’antécédent et la commission aurait dû qualifier son comportement d’excusable, en l’absence d’un jugement du Tribunal fédéral tranchant la question entre deux courants doctrinaux contradictoires.

15) Par décision du 5 mars 2018, la chambre de céans a rejeté la requête de suspension de la présente cause dans l’attente de l’issue de la procédure pénale ouverte à la suite de la plainte déposée par Mme B______ contre des médecins, une aide-soignante et une assistante sociale de l’hôpital où séjournait son défunt mari, leur reprochant d’avoir violé leur secret professionnel en divulguant des informations sur celui-ci à son avocate, qui aurait sollicité ces informations sans droit et aurait, de son côté, divulgué à ces personnes des informations couvertes par le secret professionnel.

16) La commission a transmis son dossier et s’est référée à sa décision.

17) Les parties ont ensuite été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; applicable par renvoi de l’art. 49 LPAv.

2) La recourante a sollicité l’audition de témoins devant la commission. Elle souhaitait que Me F______, mandataire des époux durant deux ans, puisse être entendu sur le comportement souvent contradictoire et incohérent de Mme B______, de même que sur le conflit familial. Me G______, avocate-stagiaire en son étude, qui avait souvent vu et entendu Mme B______, pouvait faire part également de ses craintes. Madame H______, assistante sociale qui avait entouré le mari de Mme B______ à l’hôpital, pouvait témoigner des événements survenus durant l’hospitalisation et en particulier du fait que le fils faisait signer à sa mère des documents que cette dernière ne comprenait pas. Il convenait également d’entendre la dénonciatrice et la recourante.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid.  5.3). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2), ni celui d'obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/1537/2017 du 28 novembre 2017 consid. 3a).

Le droit d'être entendu implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. La motivation d'une décision est suffisante lorsque l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée. L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 134 I 83 consid. 4.1 ; 130 II 530 consid. 4.3 et les arrêts cités). La motivation, y compris celle relative au refus de donner suite à la demande d’actes d’instruction, peut également être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_554/2016 et 1C_555/2016 du 18 janvier 2018 consid. 4.3 et les références citées).

b. En l’espèce, la commission n'a pas indiqué formellement qu'elle renonçait à procéder aux actes d’instruction sollicités et n'a donc pas motivé son refus. Le fait que ces actes n'ont pas été ordonnés montre néanmoins implicitement que les commissaires ont considéré qu'ils n'étaient pas nécessaires. Ils se sont fondés sur les allégations de la recourante. Celle-ci n’avait pas indiqué avoir été alarmée lors des contacts téléphoniques qu’elle avait eus avec sa mandante au mois de janvier 2017. Elle avait pris brusquement la décision de requérir une mise sous curatelle, à la suite du message laissé par sa cliente à son secrétariat relatif au souhait de retirer la procédure en cours. La commission a, en outre, indiqué être confortée dans cette analyse par les certificats médicaux établis quelques jours après la saisine du TPAE et la décision de cette juridiction. Il découle ainsi de la motivation de la décision querellée que la commission s’est considérée comme suffisamment renseignée sur les faits pertinents pour trancher le litige sans ordonner les actes d’instructions requis par la recourante.

Le grief de violation du droit d’être entendu doit donc être rejeté.

En outre, quand bien même il conviendrait d’admettre une violation du droit d’être entendu, celle-ci serait réparée par la chambre de céans. En effet, le recours devant la chambre de céans ayant un effet dévolutif complet (art. 67 LPA) et celle-ci jouissant du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée, la recourante a pu, à nouveau, requérir les actes d’instruction sollicités, ce qu’elle a d’ailleurs fait.

c. La recourante réitère sa demande d’audition des témoins F______, G______ et H______ et sollicite, en sus, celle de Madame I______ et du Dr J______.

Or, ces auditions ne sont pas susceptibles d’influer sur l’issue de la procédure. En effet, Me H______, précédent conseil de Mme B______, a cessé d’occuper, selon les indications de la recourante, en février 2016. Ce témoin ne serait donc pas en mesure de renseigner sur l’état de santé de son ancienne cliente en janvier 2017. En outre, la recourante ne soutient pas que sa stagiaire avait eu des contacts directs avec sa cliente peu avant le signalement au TPAE. L’audition de celle-ci ne pourrait pas non plus apporter d’éléments pertinents. Par ailleurs, le comportement violent et l’animosité entre le fils et les parents B______ se sont étendus sur plusieurs mois, voire années. Il peut être retenu, sans qu’il soit nécessaire de procéder à l’audition de l’assistante sociale ou d’autres témoins, que celui-ci cherchait à obtenir des avantages de la part de ses parents, puis de sa mère, y compris par la signature de documents l’avantageant, et s’est montré violent à l’égard de cette dernière le 19 octobre 2016. En outre, la dénonciatrice et la recourante ont eu l’occasion de s’expliquer dans leurs écritures respectives devant la commission, puis la recourante devant la chambre. L’audition de Mme B______ n’est, au demeurant, pas de nature à éclairer sur sa capacité de discernement à l’époque des faits reprochés. Enfin, la recourante n’explique pas en quoi l’audition du témoin I______ et du Dr J______ se justifierait, son recours mentionnant ces deux personnes uniquement dans le cadre de l’allégation relative au placement du mari de sa mandante dans un établissement médico-social et à sa mise sous curatelle ; ces points ne sont pas de nature non plus à apporter un éclairage utile sur la capacité de discernement de Mme B______ début février 2017.

Au vu de ce qui précède, il ne sera pas procédé aux actes d’instruction requis, les auditions demandées n’étant pas susceptibles d’apporter des éléments supplémentaires indispensables pour permettre à la chambre de céans de trancher le litige en connaissance de cause.

3) La recourante fait valoir une violation de l’égalité de traitement, du principe de la bonne foi et de l’interdiction de l’arbitraire, dans la mesure où la commission avait modifié sa pratique relative à la nécessité d’obtenir la levée du secret professionnel avant de saisir une autorité.

a. Une décision viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 142 V 316 consid. 6.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_774/2014 du 21 juillet 2017 consid. 9.1 ; ATA/610/2017 du 30 mai 2017 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, p. 260 ss).

b. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid.  8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; ATA/1239/2017 du 29 août 2017 et les références citées).

c. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst., lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 141 I 70 consid. 2.2 ; 141 I 49 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_68/2016 du 2 juin 2017 consid. 5.1). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_199/2015 du 31 mai 2016 consid. 6.1).

d. Selon le Tribunal fédéral, l’étendue du devoir de garder le secret prévu à l’art. 13 LLCA relève exclusivement du droit fédéral et ne peut pas varier d’un canton à l’autre (ATF 142 II 347). Il a confirmé la condamnation pénale d’un avocat qui avait introduit des mesures provisionnelles en vue du recouvrement de ses honoraires sans avoir préalablement demandé et obtenu de l’autorité de surveillance la levée de son secret professionnel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_545/2016 du 6 février 2017).

Dans une décision rendue le 22 août 2017 (dossier 176/17), la commission du barreau a retenu qu’au vu de cette jurisprudence, il considérait qu’en matière d’honoraires, un avocat devait requérir la levée de son secret professionnel auprès de la commission du barreau. Toutefois, lorsque l’avocat était convoqué pour une audience devant la commission en matière d’honoraires d’avocats dans le cadre d’un différend qui l’opposait à un client, il n’avait pas à être délié de son secret. En effet, le secret était préservé dans ce cas, dès lors que la commission en matière d’honoraires d’avocats était compétente en matière d’honoraires et de débours, que ses membres étaient soumis au secret de fonction et que les travaux avaient lieu à huis clos. L’avocat était ainsi en droit, sans autorisation préalable, de justifier devant la commission en matière d’honoraires d’avocats de sa créance en respectant le principe de proportionnalité, sans autre limitation de moyen que l’obligation de préserver le secret sur les faits confidentiels qui ne sont pas en stricte relation avec la cause. En revanche, s’il souhaitait procéder plus avant en vue du recouvrement de ses honoraires, l’avocat devait requérir la levée de son secret professionnel.

e. En l’espèce, la commission n’a pas statué différemment dans des cas similaires à quelques semaines d’intervalle. Au contraire, s’appuyant sur la jurisprudence du Tribunal fédéral, elle a, dans la décision précitée, rappelé que, dans le cadre d’un litige relatif aux honoraires d’avocat, celui-ci devait solliciter la levée de son secret professionnel. Cela n’était pas nécessaire uniquement lorsqu’il était convoqué devant la commission en matière d’honoraires d’avocats pour justifier ses honoraires ; la levée du secret pour cet aspect du litige ne se justifiait pas, alors que ce même litige, porté devant une juridiction civile, exigeait la levée du secret afin de se conformer à la nouvelle jurisprudence fédérale.

La commission s’est ainsi conformée à la jurisprudence fédérale. Elle a donc retenu, à bon droit, que dans la présente cause, qui ne concerne pas un différend relatif aux honoraires d’avocat devant la commission en matière d’honoraires d’avocats, la recourante se devait de requérir la levée de son secret professionnel avant toute démarche auprès d’une juridiction civile. Le reproche d’avoir introduit un changement de pratique, dont elle n’aurait pas au préalable prévenu la recourante, est ainsi mal fondé.

4) Dans son grief suivant, la recourante se plaint de la violation de l’art. 397a CO et l’art. 13 LLCA.

a. En vertu de l’art. 13 al. 1 LLCA, l'avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l'exercice de sa profession ; cette obligation n'est pas limitée dans le temps et est applicable à l'égard des tiers.

Repris de l'art. 13 LLCA, l'art. 12 al. 1 LPAv prévoit que l’avocat est soumis au secret professionnel – également prévu par l’art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et protégé notamment par les art. 171 et 264 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007
(CPP – RS 312.0), l’art. 163 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et l’art. 32 LPA – pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l’exercice de sa profession ou dont il a connaissance dans l’exercice de celle-ci.

b. L’avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l’art. 12 LLCA. Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l’intérêt public, la profession d’avocat, afin d’assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l’égard des avocats
(ATF 135 III 145 consid. 6.1).

Aux termes de l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Cette disposition constitue une clause générale, visant le soin et la diligence de l’avocat dans l’exercice de son activité professionnelle. L'obligation de diligence imposée à l'art. 12 let. a LLCA est directement déduite de
l'art. 398 al. 2 CO ; elle interdit à l'avocat d'entreprendre des actes qui pourraient nuire aux intérêts de son client (Walter FELLMANN, Kommentar zum Anwaltsgesetz, 2011, n. 25 ad art. 12 LLCA) et lui impose un devoir de fidélité et de loyauté (ATF 135 II 145 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_358/2014 du 12 décembre 2014 consid. 3.1 et les références citées). 

La formule très large de l’art. 12 let. a LLCA constitue une clause générale qui demande à être interprétée et qui permet de la sorte aux tribunaux de dessiner les devoirs professionnels de l’avocat d’une façon assez libre et étendue, l’énumération exhaustive des devoirs professionnels dans la loi étant impossible. De fait, la jurisprudence donne à cette clause générale un sens qui va bien au-delà de la lettre du texte légal. En effet, le soin et la diligence visés par
l’art. 12 let. a LLCA constituent des devoirs qui n’ont pas les clients pour seuls bénéficiaires. Ces devoirs s’étendent à tous les actes professionnels de l’avocat qui, en tant qu’auxiliaire de la justice, doit assurer la dignité de la profession, qui est une condition nécessaire au bon fonctionnement de la justice
(Christine CHAPPUIS/Pascal MAHON/Denis PIOTET/Henri TORIONE/Charles JOYCE ; La profession d’avocat, Tome I, le cadre légal et les principes essentiels, 2016, pp. 50-51).

c. La chambre administrative examine librement si le comportement incriminé contrevient à l’art. 12 let. a LLCA (art. 67 LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.318/2006 du 27 juillet 2007 consid. 12.1 ; ATA/1405/2017 du 17 octobre 2017).

d. Aux termes de l’art. 397a CO, lorsque le mandant est frappé d'une incapacité de discernement probablement durable, le mandataire doit en informer l'autorité de protection de l'adulte du domicile du mandant pour autant que la démarche paraisse appropriée au regard de la sauvegarde de ses intérêts.

5) En l’espèce, la recourante a pris une décision pouvant avoir des effets extrêmement contraignants sur la liberté de sa mandante. Elle invoque un devoir légal, fondé sur l’art. 397a CO, pour justifier sa démarche. Or, cette disposition prévoit des conditions strictes d’application, qui ne sont en l’espèce pas réalisées.

La première condition d’application de l’art. 397a CO, soit l’existence d'une incapacité de discernement probablement durable, n’est pas remplie, ce que le TPAE a d’ailleurs confirmé. Les doutes émis par le passé par le personnel médical concernaient le défunt mari de la cliente. Alors qu’elle avait des contacts réguliers avec sa mandante depuis plusieurs mois, que le mari de celle-ci était affaibli par une hospitalisation et que cette dernière traversait une période difficile, l’obligeant à prendre d’importantes décisions concernant la santé de son époux et ses affaires, la recourante n’a jamais jugé utile d’entreprendre des démarches auprès du TPAE. Son courrier du 26 janvier 2017 adressé à ses clients évoquait d’ailleurs uniquement l’éventuelle mise sous curatelle du mari. Selon ses explications initiales – auxquelles il convient d’accorder un poids particulier (ATF 121 V 45, consid. 2a, p. 47 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_428/2007 du 20 novembre 2007 ; ATA/875/2015 du 25 août 2015) –, c’était le message reçu à son étude le 2 février 2017, l’instruisant de mettre un terme à la procédure opposant sa cliente à son fils, qui avait motivé sa démarche auprès du TPAE. La recourante a indiqué qu’elle avait, à la suite de ce message, passé la journée du 2 février 2017 à réfléchir comment sauvegarder au mieux les intérêts de sa cliente.

Or, ce dernier message ne l’obligeait pas à agir dans l’urgence. Elle pouvait attendre de s’entretenir avec sa mandante sur ses réelles intentions quant à la procédure devant le TBL. Elle a d’ailleurs obtenu auprès de cette instance la suspension de la procédure, sauvegardant ainsi les intérêts de sa cliente. La difficulté de pouvoir joindre cette dernière s’expliquait aisément par le deuil que celle-ci venait de vivre. Les craintes d’une possible emprise du fils sur la mère, pour autant qu’elles soient fondées, n’étaient pas nouvelles ; elles ne justifiaient pas non plus une démarche précipitée. Au demeurant, ce dernier était représenté par un avocat, auquel la recourante pouvait s’adresser afin de s’assurer que son client n’exerce pas ou cesse d’exercer des pressions sur sa mandante. Les relations entre le couple et leur fils étaient, de longue date, tendues et empreintes de violences, y compris physiques. L’existence d’une pression ou d’une crainte ressentie par la cliente n’était toutefois pas, en soi, un signe d’une incapacité de discernement. En outre, le choix de cette dernière de mettre un terme au litige de droit du bail pouvait également être motivé par un besoin d’apaisement des relations, après la perte de son mari ; il ne pouvait en tout cas d’emblée être considéré comme déraisonnable au point de confirmer l’impression de la recourante que sa cliente était probablement incapable de discernement durablement.

Ainsi, la recourante ne disposait pas de suffisamment d’éléments pour retenir que sa cliente était durablement atteinte dans sa capacité de discernement au point de choisir la solution radicale d’un signalement au TPAE. La saisine du TPAE n’apparaissait ni nécessaire ni urgente au regard de la sauvegarde des intérêts de sa mandante.

Dès lors qu’il n’y avait pas d’urgence à agir et que la recourante n’était pas certaine de pouvoir le faire sans être déliée de son secret professionnel, elle aurait dû saisir au préalable la commission à cette fin. C’est ainsi conformément au droit que la commission a retenu qu’en déposant sa requête auprès du TPAE sans avoir été déliée de son secret professionnel, la recourante a violé celui-ci et ainsi contrevenu à l’art. 13 al. 1 LLCA.

Par ailleurs, la recourante a caché sa démarche à sa mandante, alors qu’elle la concernait directement et pouvait avoir un impact considérable pour celle-ci. La recourante se justifie en expliquant sa crainte que ce soit le fils de sa cliente qui intercepte son courrier. Or, elle pouvait, afin de s’assurer de sa confidentialité, envoyer par pli recommandé un courrier à sa cliente, se limiter à lui demander de venir la voir à l’étude ou de l’appeler. En n’informant pas sa mandante de la saisine du TPAE, la recourante n’a pas agi avec diligence et a violé son devoir de fidélité envers celle-ci.

Compte tenu de ce qui précède, c’est à juste titre que la commission a retenu que la recourante avait failli à ses obligations professionnelles et, en particulier, qu’elle avait violé les art. 12 let. a et 13 al. 1 LLCA.

6) Reste à examiner la proportionnalité de la sanction prononcée par la commission.

a. Selon l'art. 17 al. 1 LLCA, en cas de violation de la LLCA, l’autorité de surveillance peut prononcer des mesures disciplinaires, soit l’avertissement (let. a), le blâme (let. b), une amende de CHF 20’000.- au plus (let. c), l’interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans (let. d) ou l’interdiction définitive de pratiquer (let. e). L’amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer (art. 17 al. 2 LLCA). Si nécessaire, l’autorité de surveillance peut retirer provisoirement l’autorisation de pratiquer (art. 17 al. 3 LLCA).

L'avertissement, le blâme et l'amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé (art. 20 al. 1 LLCA). L’avertissement est la sanction prévue la moins grave et est réservée aux cas bénins. Le blâme est destiné à sanctionner des manquements professionnels plus graves et doit apparaître comme suffisant pour ramener l’avocat à ses devoirs et l’inciter à se comporter de manière irréprochable, conformément aux exigences de la profession (Michel VALTICOS/Christian M. REISER/Benoît CHAPPUIS, [éd.], Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats [loi sur les avocats, LLCA], 2010, n. 58 à 62 ad art.  17 LLCA).

b. Des sanctions disciplinaires contre un avocat présupposent, du point de vue subjectif, une faute, dont le fardeau de la preuve incombe à l'autorité disciplinaire. La faute peut consister en une simple négligence ; peut être sanctionné un mandataire qui a manqué du soin habituel qu'en toute bonne foi on peut et doit exiger de chaque avocat (ATF 110 Ia 95 = JdT 1986 I 142 ; Alain BAUER/Philippe BAUER, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS, op. cit., n. 11 ad art. 17 LLCA).

c. Pour déterminer la sanction, l’autorité doit, en application du principe de la proportionnalité, tenir compte tant des éléments objectifs, telle l’atteinte objectivement portée à l’intérêt public, que de facteurs subjectifs. Elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre administrative ne censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/152/2018 du 20 février 2018 et les références citées).

L'autorité tiendra notamment compte de la gravité de la faute commise, des mobiles et des antécédents de son auteur, ou encore de la durée de l'activité répréhensible. Elle pourra également prendre en considération, suivant les cas, des éléments plus objectifs extérieurs à la cause, comme l'importance du principe de la règle violée ou l'atteinte portée à la dignité de la profession. Elle devra enfin tenir compte des conséquences que la mesure disciplinaire sera de nature à entraîner pour l'avocat, en particulier sur le plan économique, ainsi que des sanctions ou mesures civiles, pénales ou administratives auxquelles elle peut s'ajouter (Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS, op. cit.,
n. 25 ad art. 17 LLCA).

d. En l’espèce, les arrêts de la chambre administrative auxquels la recourante se réfère n’ont pas été rendus dans un même contexte de faits, si bien qu’il n’apparaît pas pertinent de s’y référer. De plus, un avertissement serait une sanction trop clémente, dès lors que les manquements professionnels reprochés à la recourante sont graves et dépassent largement le cas bénin. Elle a non seulement manqué à ses devoirs professionnels, mais elle a également violé son secret professionnel, pilier de la relation de confiance entre un avocat et son client. Ce faisant, la recourante a violé des règles élémentaires de sa profession. Il a toutefois été tenu compte de l’absence d’antécédent.

Pour ces motifs, la commission n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en lui infligeant un blâme.

7) La recourante reproche à la commission d’avoir, sans aucune motivation, décidé de transmettre à la dénonciatrice l’intégralité de la décision litigieuse.

a. Lorsque la procédure a été ouverte sur une dénonciation, l’auteur de cette dernière doit être avisé de la suite qui y a été donnée. Il n’a pas accès au dossier. La commission lui communique la sanction infligée et décide dans chaque cas de la mesure dans laquelle il se justifie de lui donner connaissance des considérants (art. 48 LPAv ; ATA/174/2013 du 19 mars 2013).

b. En l’espèce, la commission n'a pas motivé sa décision de communiquer l’intégralité de sa décision. Il est cependant manifeste que la communication de la décision s’imposait, la dénonciatrice devant être informée non seulement de la sanction infligée – contenue dans le dispositif – mais, bien plus, du raisonnement tenu pour admettre l’existence d’une faute et d’une violation du principe de la confidentialité. Partant, ce grief sera aussi rejeté.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et un émolument de CHF 1’000.- mis à la charge de la recourante, qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

9) La dénonciatrice n’étant pas partie à la procédure devant la chambre de céans, ni le présent arrêt ni son dispositif ne lui seront notifiés. La tâche de l’en informer reviendra ainsi à la commission (ATA/1505/2017 du 17 octobre 2017 et les références citées).

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2018 par Madame A_____ contre la décision de la commission du barreau du 11 décembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A_____ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

communique le présent arrêt à Me Benoît Chappuis, avocat de la recourante, ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeant : Mme Junod, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :