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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1923/2012

ATA/799/2013 du 10.12.2013 sur JTAPI/42/2013 ( LDTR ) , REJETE

Parties : ASLOCA / SCOPE IMMO SA, DEPARTEMENT DE L'URBANISME, GOODSHIP-STRATH Jean
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1923/2012-LDTR ATA/799/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 décembre 2013

 

dans la cause

 

ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES (ASLOCA)
représentée par Me Romolo Molo, avocat

contre

 

DÉPARTEMENT DE L’URBANISME

et

SCOPE IMMO S.A.
représentée par Me Maud Volper, avocate

_________


Recours contre les jugements du Tribunal administratif de première instance du 15 janvier 2013 (JTAPI/42/2013 et JTAPI/43/2013)


EN FAIT

1) L’immeuble sis au 3, chemin de Taverney, sur la parcelle n° 873, feuillet 11 de la commune du Grand-Saconnex, a été construit entre 1961 et 1970.

2) La société immobilière Belvédère-la-Tour (ci-après : la société Belvédère) a été inscrite au registre du commerce du canton de Genève le 30 juin 1967. Elle a été dissoute par décision de l’assemblée générale du 25 novembre 1997, mais réinscrite par décision du Tribunal de première instance du 14 octobre 2011.

Son but était la « location à ses propres actionnaires ou à des tiers des appartements sis au Grand-Saconnex, dans l’immeuble chemin de Taverney 3, dont elle [était] propriétaire ; constitution en propriété par étages et possession, pour le compte de ses actionnaires, de l’ensemble des parts de copropriété par étages dudit immeuble ».

3) L’immeuble sis au 3, chemin de Taverney a été soumis au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE) le 4 mars 1985.

4) A la fin de l’année 1999, la société Belvédère en liquidation a cédé à ses actionnaires tous ses actifs et passifs, en proportion de leurs droits.

La société Belvédère a ainsi notamment cédé à Messieurs Giancarlo Mantegani, Gabriel William Jacot et Jean-Gabriel Linder, en copropriété chacun pour un tiers, les feuillets 873 nos 12, 44, 63, 64, 67, 68, 75, 87, 88 et 105. Le feuillet 873 n° 75 désignait l’appartement n° 8.07 de 4,5 pièces au 5ème étage. Quant au feuillet 873 n° 87, il désignait l’appartement n° 10.05 de 4,5 pièces au 7ème étage.

Pour le reste, le feuillet 873 n° 12 correspondait à un box, le n° 44 à l’appartement n° 4.03, le n° 63 à l’appartement n° 7.02, le n° 64 à l’appartement n° 7.03, le n° 67 à l’appartement n° 7.06, le n° 68 à l’appartement n° 7.07, le n° 88 à l’appartement n° 10.06 et enfin le n° 105 à l’appartement n° 13.02.

5) Le 14 octobre 2009, Madame Chantal Linder, Monsieur Jean-Marc Jacot et M. Mantegani ont signé, par-devant Me Pierre Natural, notaire, une promesse de vente des appartements nos 4.03, 7.02, 7.03, 7.06, 7.07, 8.07, 10.05 et 10.06 en faveur de la société Scope Immo S.A. (ci-après : Scope Immo).

Mme Linder et M. Jean-Marc Jacot étaient devenus propriétaires des appartements suite au décès de M. Gabriel William Jacot. Quant à M. Mantegani, il avait racheté la part de M. Linder.

L’acte notarié précisait que « la présente opération [concernait] 8 ventes distinctes d’appartements regroupés pour une question pratique en un acte de vente » (art. 1). Il spécifiait en outre que « l’immeuble objet des présentes [avait] été dès sa construction soumis au régime de la propriété par étage, plus précisément à une forme analogue (SIAL). Dès lors, les huit appartements objet des présentes, [pouvaient] être vendus séparément » (art. 8). Le prix de chaque appartement était mentionné.

6) Par arrêté du 6 novembre 2009 (VA 10'808), « vu, en droit, l’article 39 alinéa 4 » de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), le département des constructions et des technologies de l’information devenu depuis lors, le département de l’urbanisme (ci-après : le département) a autorisé l’aliénation de ces huit appartements au profit de Scope Immo pour un prix de vente total de CHF 3'500'000.-.

L’immeuble dans lequel étaient situés les huit appartements était soumis au régime de la PPE depuis mars 1985, mais précédemment exploité depuis sa construction par une société immobilière d’actionnaires-locataires. Ces appartements étaient loués à divers locataires.

7) L’acte de vente entre Mme Linder, MM. Mantegani et Jacot et Scope Immo a été signé par-devant Me Natural les 10 et 17 décembre 2009.

Chaque appartement y était répertorié avec mention, pour chacun d’eux, de son prix de vente. Les appartements nos 8.07 et 10.05 ont été vendus au prix de CHF 500'000.- chacun. Ces montants figuraient par ailleurs sur la réquisition pour le registre foncier.

8) Le 12 avril 2012, Me Natural a requis du département, par deux demandes séparées, l’autorisation d’aliéner les appartements nos 8.07 et 10.05.

Scope Immo souhaitait vendre l’appartement n° 8.07, lequel avait été loué jusqu’au 31 juillet 2010, à la société 2MJ S.A. (ci-après : 2MJ) au prix de CHF 1'000'000.- et l’appartement 10.05, lequel avait été loué jusqu’au 31 mai 2011, à Madame Jean Elaine Goodship au prix de CHF 970'000.-.

9) Par arrêtés du 14 mai 2012 (VA 11’623 et VA 11’622), le département a délivré les autorisations sollicitées.

L’immeuble « sis 1, chemin Taverney » dans lequel étaient sis les appartements nos 8.07 et 10.05 était soumis au régime de la PPE depuis mars 1985. Il avait été précédemment exploité par une société immobilière d’actionnaires-locataires (ci-après : SIAL). Scope Immo avait acquis lesdits appartements en décembre 2009, laquelle opération avait été autorisée par le département le 6 novembre 2009 (VA 10'808). Les appartements étaient libres de tout occupant.

Les autorisations étaient délivrées en application de l’art. 39 al. 4 let. a et d LDTR.

10) Le 18 juin 2012, l’Association genevoise des locataires (ci-après : ASLOCA) a, par écritures séparées, recouru contre ces deux arrêtés auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Elle a conclu à la jonction « des recours portant sur la vente de l’appartement n° 10.05 et la vente de l’appartement n° 8.07 de l’immeuble 1 chemin Taverney » et à l’annulation des arrêtés du 14 mai 2012.

Sans l’historique des aliénations, il était très difficile d’appréhender en toute connaissance de cause les arrêts du département relatifs à des ventes d’appartements locatifs. Une audience de comparution personnelle des parties était nécessaire pour « vérifier le statut des appartements de l’immeuble », toutes les pièces pertinentes à une bonne compréhension de la situation n’étant pas disponibles en l’état.

Le département n’avait en outre pas tenu compte du fait que les deux appartements en cause formaient un bloc de huit appartements. Ce bloc ne pouvait pas, par des ventes séparées, être démantelé. Il avait en outre fait une mauvaise application de plusieurs dispositions de la LDTR, dont l’art. 39 al. 4.

11) Le 10 août 2012, par deux écritures séparées, Scope Immo a conclu au rejet des recours.

Le département avait fait une bonne application de la LDTR. Dès sa création l’immeuble sis au 3, chemin de Taverney avait été soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue. Par arrêté du 6 novembre 2009, le département avait déjà autorisé l’aliénation des deux appartements concernés. Si le département avait traité huit appartements dans ce seul arrêté, il ne l’avait fait que par souci de simplification et pour éviter des frais supplémentaires. Il ne s’agissait pas d’une vente en bloc.

12) Le 24 août 2012, par deux écritures distinctes, le département a conclu au rejet des recours.

Il avait correctement appliqué la législation, laquelle lui imposait de délivrer les deux autorisations contestées.

L’immeuble avait depuis sa construction été exploité sous une forme analogue à la PPE. Les appartements en cause avaient en outre fait l’objet d’une autorisation d’aliéner délivrée par le département en 2009, autorisation qui n’avait pas été contestée. Cette autorisation n’avait pas fait interdiction à Scope Immo de revendre par la suite de manière individualisée les appartements qu’elle avait acquis. Il ne s’agissait dès lors pas d’une vente en bloc.

13) Le 24 septembre 2012, le juge délégué du TAPI a informé Mme Goodship et 2MJ de son intention de les appeler en cause dans les procédures les concernant.

Mme Goodship a informé le TAPI, par courrier du 25 septembre 2012, qu’elle ne souhaitait pas être appelée en cause. 2MJ a fait de même le 2 octobre 2012.

Invitée à se déterminer, Scope Immo s’est opposée à ces appels en cause, et le département s’en est rapporté à justice.

14) L’ASLOCA a complété ses recours le 8 octobre 2012.

L’historique de l’immeuble en cause, en particulier l’historique des autorisations délivrées par le département, n’était pas connu, ce dernier n’ayant pas produit les pièces pertinentes.

L’immeuble avait été construit par la société Belvédère. A l’origine, les appartements qui le constituaient étaient en location et non en PPE. En outre, il était faux de prétendre que les locataires avaient été, dès la construction de l’immeuble, des locataires-actionnaires. Le moment auquel le statut de société SIAL avait été adopté n’était pas connu, mais il ne pouvait pas remonter à 1967. En outre, le régime SIAL ne pouvait pas être assimilé à celui de la PPE.

15) Le 2 novembre 2012, Scope Immo a produit l’état descriptif de l’immeuble sis, 3 chemin de Taverney.

Ce document révélait que plusieurs appartements avaient été vendus depuis 1999. Plusieurs propriétaires avaient été autorisés à vendre leurs biens séparément après la cession intervenue en 1999. Il ne se justifiait dès lors pas de la traiter différemment, sauf à consacrer une inégalité de traitement.

16) L’ASLOCA s’est déterminée le 30 novembre 2012.

L’examen de la pièce produite par Scope Immo permettait de constater qu’il n’y avait eu « aucune cession d’un appartement en PPE avant la fin de l’année 1999 ». Depuis, des appartements avaient été vendus en toute illégalité puisque la LDTR exigeait de « cesser les ventes d’appartements locatifs » à partir du 30 mars 1985.

Une SIAL n’était pas analogue au régime de la PPE. Dans le premier cas, l’immeuble était la propriété d’une société anonyme dont les décisions relevaient d’un conseil d’administration. Les locataires étaient liés par des baux usuels et ils payaient un loyer. Ils n’avaient « aucune partie immobilière du bâtiment locatif » mais des actions, à savoir des « objets mobiliers ». Dans le cas de la PPE, il s’agissait de propriétaires d’une partie d’un immeuble et les décisions étaient prises par une assemblée générale des copropriétaires.

Les autorisations d’aliéner délivrées par le département avaient bafoué le but assigné à la LDTR.

17) Le 15 janvier 2013, le TAPI a rejeté les deux recours de l’ASLOCA, par deux jugements distincts, dans les causes n° A/1923/2012 et n° A/1924/2012.

La demande de jonction des causes était devenue sans objet.

Il résultait de l’acte de vente notarié du 14 octobre 2009 par lequel Scope Immo avait acquis la propriété de huit appartements dans l’immeuble concerné que celui-ci avait, dès sa construction, été soumis au régime de la PPE, plus précisément à une forme analogue (SIAL). L’opération du 14 octobre 2009 avait été autorisée par le département par arrêté du 6 novembre 2009, au motif que l’immeuble était soumis au régime de la PPE depuis mars 1985 et qu’il avait été précédemment et depuis sa construction exploité par une SI d’actionnaires-locataires. L’autorisation délivrée par le département ne stipulait pas qu’il s’agissait d’une vente en bloc qui empêcherait des aliénations individuelles subséquentes. Cet arrêté n’avait pas été contesté et il avait l’autorité de la force décidée. Ainsi, les appartements litigieux avaient une fois au moins fait l’objet d’une autorisation d’aliéner et c’était à juste titre que le département en avait autorisé la vente.

18) Par deux actes distincts du 18 février 2013, l’ASLOCA a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les jugements précités, en concluant, « sous suite de dépens », à leur annulation. Elle a pour l’essentiel repris ses arguments développés devant le TAPI.

Scope Immo avait acquis en 1999 un bloc de huit appartements. Pour preuve, elle avait acquis ces appartements pour un montant unique de CHF 3'500'000.-. Ce bloc ne pouvait pas être démantelé.

Les régimes de la PPE et de la propriété par actions n’étaient pas analogues et la transformation de l’immeuble en PPE était illégale car elle avait été effectuée sans l’aval du département, ceci dans le but de détourner la LDTR.

19) Le 26 février 2013, le TAPI a transmis ses dossiers sans formuler d’observations.

20) Le 22 mars 2013, le département a conclu au rejet des deux recours.

L’immeuble avait dès sa construction été exploité par une société immobilière d’actionnaires-locataires qui constituait bien une forme analogue à la PPE. L’immeuble n’avait donc pas été dès sa construction affecté à la location et des ventes individualisées pouvaient avoir lieu.

Les cessions/transferts intervenues en 1999 n’avaient pas été soumises à autorisation car il s’agissait de transférer en nom d’un détenteur d’un certificat d’actions portant sur un appartement déterminé un droit de propriété sur ledit appartement.

Enfin, les appartements en cause avaient déjà fait l’objet d’une autorisation de vente en 2009.

21) Le 28 mars 2013, Scope Immo a conclu au rejet des deux recours et à la condamnation de l’ASLOCA pour un emploi abusif des procédures, ainsi qu’aux frais et dépens lesquels devraient comprendre une équitable participation à ses frais d’avocat.

Dès son origine, l’immeuble avait été soumis à une forme de propriété analogue au régime de la PPE et la vente des appartements en cause avait déjà été autorisée par le département. Il ne s’agissait en outre pas d’un bloc d’appartements.

22) L’ASLOCA a complété ses recours le 3 mai 2013. Elle a repris les arguments qu’elle avait développés précédemment. Elle a demandé à ce que la société Belvédère indique la date à laquelle avait été instauré le régime SIAL dans l’immeuble concerné.

23) Sur quoi, les causes ont été gardées à juger.

EN DROIT

1) Les recours ont été interjetés en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). En outre, de jurisprudence constante, l’ASLOCA jouit de la qualité pour recourir au sens de l’art. 45 al. 3 LDTR (ATA/764/2013 du 12 novembre 2013 consid. 1 et les arrêts cités).

Les recours sont dès lors recevables.

2) Sur la base de l’art. 70 al. 1 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune. En l’espèce, les causes nos A/1923/2012 et A/1924/2012 se rapportent aux mêmes parties, au même immeuble et à des jugements du TAPI rendus le même jour. La chambre de céans procédera à leur jonction sous le no A/1923/2012.

3) Le litige porte sur la conformité au droit des arrêtés rendus par le département le 14 mai 2012 autorisant, en application de l’art. 39 al. 4 let. a et d LDTR, l’aliénation d’un appartement de 4,5 pièces au 5ème étage avec balcon portant le n° 8.07 et d’un appartement de 4,5 pièces au 7ème étage portant le n° 10.05.

Ces deux arrêtés indiquent par erreur que les appartements en cause sont situés dans l’immeuble sis au 1, chemin de Taverney alors qu’ils sont, l’ensemble des pièces versées à la procédure le démontre, situés dans l’immeuble sis au 3, chemin de Taverney. Il sera simplement relevé qu’il s’agit d’une erreur de plume sans influence sur la résolution du présent litige et qui ne remet pas, en l’espèce, en cause la validité des arrêtés litigieux.

4) L’aliénation, sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d’étages ou de parties d’étages, d’actions, de parts sociales), d’un appartement à usage d’habitation jusqu’alors offert en location est soumise à autorisation dans la mesure où l’appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 LDTR).

Le Conseil d’Etat a constaté qu’il y a pénurie, au sens des art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d’une à sept pièces inclusivement (Arrêtés du Conseil d’Etat déterminant les catégories d’appartements où sévit la pénurie en vue de l’application des art. 25 à 39 LDTR, du 27 juillet 2011 - ArAppart - L 5 20.03).

En l’espèce, les appartements nos 8.07 et 10.05 comportent 4,5 pièces chacun et étaient respectivement jusqu’en juillet 2010 et mai 2011 sur le marché locatif. Ils entrent ainsi en raison de leur type dans la catégorie de logements où sévit la pénurie, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté. Ils sont à ce titre soumis à autorisation d’aliéner en vertu de cette loi et la chambre de céans est compétente ratione materiae pour contrôler la conformité à la loi des opérations d'aliénation en question.

5) Le département doit refuser l’autorisation lorsqu’un motif prépondérant d’intérêt public ou d’intérêt général s’y oppose. L’intérêt public et l’intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l’affectation locative des appartements loués.

6) Selon l’art. 39 al. 4 LDTR, le département autorise l’aliénation d’un appartement si celui-ci a été, dès sa construction, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue (let. a) ; s’il était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue et qu’il avait déjà été cédé de manière individualisée (let. b) ; s’il n’a jamais été loué (let. c) ; ou s’il a fait une fois au moins l’objet d’une autorisation d’aliéner en vertu de la LDTR (let. d). L’autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d’assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d’habitation ayant été mis en PPE et jusqu’alors offerts en location, avec pour condition que l’acquéreur ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l’obtention d’une autorisation individualisée. L’hypothèse visée à la lettre a n’exige pas l’individualisation de l’appartement, mais sa soumission au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue dès sa construction.

7) En cas de réalisation de l’une des hypothèses de l’art. 39 al. 4 LDTR, le département est tenu de délivrer l’autorisation d’aliéner (ATA/215/2013 du 9 avril 2013 consid. 7 ; ATA/784/2012 du 20 novembre 2012 consid. 7 ; ATA/725/2012 du 30 octobre 2012 consid. 8 ; ATA/826/2001 du 11 décembre 2001 consid. 2 ; ATA/647/2000 du 24 octobre 2000 consid. 4), ce qui résulte d’une interprétation tant littérale (le texte indique que l’autorité « accorde » l’autorisation, sans réserver d’exception) qu’historique (l’art. 9 al. 3 aLDTR, dont le contenu est repris matériellement à l’art. 39 al. 4 LDTR, prévoyait expressément que l’autorité ne pouvait refuser l’autorisation) du texte légal. Il n’y a donc, le cas échéant, pas de place pour une pesée des intérêts au sens de l’art. 39 al. 2 LDTR. Les conditions posées à l’art. 39 al. 4 LDTR sont par ailleurs alternatives, ce qui résulte notamment de l’incompatibilité entre les let. a et b de cette disposition (ATA/784/2012 déjà cité consid. 7 ; ATA/725/2012 déjà cité consid. 8).

A l’inverse, au vu de la marge d’appréciation dont elle dispose, et lorsqu’aucun des motifs d’autorisation expressément prévus par l’art. 39 al. 4 LDTR n’est réalisé, l’autorité doit rechercher si l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt privé du recourant à aliéner l’appartement dont il est propriétaire (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.2/1999 du 19 avril 1999, consid. 2f, rés. in SJ 1999 II 287 ; ATA/104/2011, ATA/103/2011, ATA/102/2011 et ATA/101/2011 du 15 février 2011, confirmés par les Arrêts du Tribunal fédéral 1C_137/2011, 1C_139/2011, 1C_141/2011 et 1C_143/2011 du 14 juillet 2011).

8) En l'espèce, il ressort de l’acte notarié établi par Me Natural le 14 octobre 2009 et de l’arrêté du département du 6 novembre 2009 (VA 10'808) que l’immeuble sis au 3, chemin de Taverney avait été, dès sa construction, soumis au régime de la SIAL, ce qui correspond à une forme analogue à la PPE (ATA/237/2013 du 16 avril 2013 consid. 5 ; ATA/115/2013 du 26 février 2013 consid. 6 et l’arrêt cité). La condition prévue à l’art. 39 al. 4 let. a LDTR étant remplie, le département devait délivrer les autorisations d’aliéner les appartements nos 8.07 et 10.05.

9) Les appartements nos 8.07 et 10.05 ont par ailleurs déjà fait l’objet d’un arrêté autorisant leur aliénation le 6 novembre 2009. Il en découle que la condition prévue par l’art. 39 al. 4 let. d est elle aussi remplie.

L’arrêté du 6 novembre 2009, tel qu’il a été rédigé, était imprécis et source possible de confusions. Tout d’abord, ce seul arrêté contenait l’autorisation de vendre plusieurs appartements alors qu’il s’agissait, selon l’acte notarié établi par Me Natural le 14 octobre 2009, de huit ventes distinctes lesquelles nécessitaient huit arrêtés différents, chaque autorisation ne devant porter que sur un appartement à la fois selon l’art. 39 al. 4 LDTR. Cet arrêté ne mentionnait en outre que le prix de vente global des huit appartements, alors que le prix de chacun d’eux était connu comme cela ressortait de la promesse de vente du 14 octobre 2009 et de l’acte de vente des 10 et 17 décembre 2009. Il aurait enfin été souhaitable de mentionner la base légale précise qui permettait d’autoriser la vente, plutôt que de se contenter, sans précision de la lettre applicable, de ne mentionner que l’art. 39 al. 4 LDTR. Il n’en demeure pas moins que cet arrêté est aujourd’hui entré en force.

10) Le grief soulevé par la recourante concernant le bloc que formaient les deux appartements litigieux avec six autres appartements du même immeuble, est sans pertinence pour l'issue du litige, du moment que deux des conditions alternatives de l'art. 39 al. 4 LDTR sont en l’espèce réalisées (ATA/266/2013 du 30 avril 2013 consid. 9).

11) Mal fondés, les recours seront rejetés.

12) En l’espèce, la chambre de céans n’infligera pas à la recourante une amende en application de l’art. 88 LPA, étant rappelé qu'il n'appartient pas aux parties de prendre des conclusions à cet égard, et qu'ainsi la conclusion de Scope Immo sur ce point est irrecevable (ATA/226/2013 du 30 avril 2013 consid. 11 et les arrêts cités).

13) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à Scope Immo à charge de la recourante, dès lors qu'elle y a conclu et qu'elle a eu recours aux services d'un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement

ordonne la jonction des causes nos A/1923/2012 et A/1924/2012 sous le n° de cause A/1923/2012 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 18 février 2013 par l’ASLOCA contre les jugements du Tribunal administratif de première instance du 15 janvier 2013 ;

au fond :

les rejette ;

met à la charge de l’ASLOCA un émolument de CHF 1'000.-. ;

alloue à Scope Immo S.A. une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’ASLOCA ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi

communique le présent arrêt à Me Romolo Molo, avocat de la recourante, au département de l'urbanisme, à Me Maud Volper, avocate de Scope Immo S.A, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :