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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/402/2004

ATA/50/2005 du 01.02.2005 ( GC ) , REJETE

Descripteurs : AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; PLAN D'AFFECTATION; ZONE AGRICOLE; AFFECTATION; CHANGEMENT D'AFFECTATION; CONFORMITE A LA ZONE; EXPLOITATION AGRICOLE; INTERET PUBLIC; PLAN DE ZONES; RIVIERE; TERRAIN AGRICOLE
Normes : LAT.16; LAT.17; XX.1; XX.1ss
Parties : SARKOS SA, DETRAZ Robert, USINE ELECTRIQUE JEAN ESTIER SA, SARKOS SA & M. DETRAZ ROBERT / GRAND CONSEIL
Résumé : Recours contre le classement en zone agricole des parcelles des recourants suite à l'adoption par le Grand Conseil le 5 décembre 2003 de la loi sur la protection générale et l'aménagement des rives de la Versoix et de la loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix. Ces lois visent la protection du cours d'eau de la Versoix. Elles répondent ainsi à un intérêt public important. Cet intérêt est d'autant plus important dans le secteur concerné qui comprend une zone alluviale d'importance nationale. Or, le maintien en zone agricole offre d'importantes garanties quant au caractère inconstructible de la zone. Le Grand Conseil a dès lors correctement usé de son large pouvoir d'appréciation en maintenant les parcelles des recourants en zone agricole.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/402/2004-GC ATA/50/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 1er février 2005

dans la cause

 

Monsieur Robert DETRAZ

SARKOS S.A.

USINE ELECTRIQUE JEAN ESTIER S.A.
représentés par Me Pierre Louis Manfrini, avocat

contre

GRAND CONSEIL


 


1. Suite à une pétition adressée le 2 octobre 1996 au Grand Conseil par le World Wide Fund for Nature (WWF), section de Genève, demandant la création d’une zone protégée pour la Versoix (P 1129), le département de l'intérieur, de l'agriculture de l'environnement et de l'énergie (ci-après : le DIAE) et le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le DAEL) ont entrepris une étude en vue de l’élaboration d’un plan d’aménagement et de protection des rives de la Versoix.

2. a. L’étude interdépartementale a fait un état des lieux et des propositions susceptibles de concilier les objectifs d’aménagement du territoire, ceux de la protection de l’environnement et les intérêts des communes concernées et des particuliers. Cette étude a été menée par E.COL regroupant architectes, urbanistes biologistes, ingénieurs ruraux et divers spécialistes. Un groupe de pilotage réunissant des représentants des deux départements ainsi qu’un groupe de consultation représentatif des instances et associations actives de la région ont été constitués. Communes, milieux agricoles et organisations de l’environnement ont ainsi été associés au travail du groupe de pilotage.

b. Le groupe E.COL a rendu un rapport d’étude relatif au projet de protection des rives et du vallon de la Versoix en octobre 2001. En plus de la définition d’un périmètre de protection, l’étude a préconisé des dispositifs d’aménagement et de requalification du cours d’eau et de ses abords proches. Pour certains tronçons de la rivière, elle a recommandé la création de zones-tampons permettant de conforter les valeurs écologiques et paysagères reconnues. Les mesures projetées visaient à renforcer et à rendre pérenne le rôle de liaison écologique que jouait la Versoix entre les reliefs du Jura et les rives lémaniques.

Le rapport s’articulait autour de huit volets :

- état des lieux

- hydrologie et morphologie

- milieux naturels et faune

- réseaux et usages

- patrimoine bâti et ouvrages d’art

- synthèse directrice et mesures d’aménagement

- affectations et modifications de zones

- périmètre de protection et projet de loi.

Dans la définition de la zone protégée, les effets de protection déjà en vigueur avec la législation propre à la zone des bois et forêts, à la zone agricole et au cours d’eau ont été évalués. Ainsi, les importantes garanties quant au caractère non-constructible de la zone agricole ont été prises en considération.

Le plan de protection visait la sauvegarde des milieux remarquables autour de la Versoix mais aussi de certaines zones déséquilibrées. Les objectifs poursuivis étaient : 

- la préservation de la diversité de la faune et de la flore ;

- le maintien et la valorisation des zones d’expansion des crues ;

- le rétablissement, voire l’augmentation de la biodiversité ;

- la préservation des fonctions de couloirs écologiques ;

- la protection du patrimoine bâti et des ouvrages d’art dignes d’intérêt ;

- la mise en valeur des composantes du paysage rural ;

- la définition d’une gestion qualitative des structures d’accueil et de loisirs ;

- la révision de certaines affectations et zones inadéquates ;

- la hiérarchisation et la diversification des réseaux pédestres ;

- la modération de la circulation et la dissuasion du trafic de transit ;

- l’intégration des demandes communales compatibles avec les objectifs ;

- le règlement des situations conflictuelles dans les zones constructibles proches de la rivière.

S’agissant de la rivière, elle était caractérisée par quatre tronçons-types : les marais, le vallon et l’espace forestier, la zone alluviale et la partie urbaine. La zone alluviale, recensée d’importance nationale, s’étendait des méandres de Richelien jusqu’au canal de la Papeterie. Avant les constructions entre la Bâtie et Richelien, la zone alluviale formait un espace continu s’étendant des Gravines jusqu’au Bois du Faisan. Cette portion de la rivière offrait un potentiel élevé de divagation qui devait permettre une dynamique alluviale active si certaines mesures de revalorisation étaient prises.

La Versoix était une rivière de valeur écologique et paysagère élevées. Elle présentait, sur le territoire genevois, un des tronçons avec les caractéristiques les plus naturelles. Toutefois, plusieurs causes de dégradation avaient été identifiées qui la menaçaient, dont la baisse de la qualité des eaux et l’intensification de la pression humaine. Face à ce constat, l’étude avait évalué les problèmes relatifs aux milieux naturels des principales entités riveraines et proposé certaines mesures d’aménagement. Ainsi, dans certains cas (manège de la Bâtie, PC de Richelien), le cheminement piétonnier devrait être reconstitué en retrait de la rive afin d’améliorer les possibilités de passage et d’aménager une rive plus naturelle avec une zone-tampon. De même, afin de réduire les menaces pesant sur le fonctionnement biologique de la zone alluviale des Gravines, une meilleure organisation du territoire et des activités humaines permettrait d’en limiter les effets négatifs. Dans le but de parvenir à une fonctionnalité optimale de la dynamique de la zone alluviale, il était nécessaire notamment de gérer la pression du public, afin de garantir la conservation de ces milieux naturels de haute valeur et de réduire les aménagements liés aux zones construites pour rendre possible, à long terme, la libre évolution du cours sur l’ensemble de son lit. Pour ce dernier point, il était proposé de réduire la pression des zones construites sur les rives de la Versoix ou en limite de la zone alluviale (ex. PC de Richelien, manège de Bossy) par des aménagements visant à l’élargissement des cordons boisés et au déplacement des clôtures et sentiers. Les déclassements des zones de bois et forêts ou agricoles situées dans le périmètre du plan de protection en vue de les convertir en zone à bâtir ou de loisirs ne devraient plus être possible (ex. La Bâtie, Richelien). La concrétisation de ces différentes propositions impliquait un niveau de protection élargi. La définition de zones-tampon en marge du périmètre de la zone alluviale, à l’intérieur desquelles certaines activités seraient réglementées, permettrait une gestion efficace des usages et une définition précise de l’aménagement.

3. Au terme de cette étude, deux projets de lois liés ont été élaborés, soit le projet de loi sur la protection générale et l’aménagement des rives de la Versoix (PL 8800), accompagné du plan n° 29206-514-541, et le projet de loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix (PL 8801) et son plan n° 29200-514-541.

4. Les projets ont été soumis à l’enquête publique du 2 novembre au 3 décembre 2001.

5. L’association des intérêts de Richelien – La Bâtie a requis, le 27 novembre 2001, du DAEL certaines précisions sur les projets de loi.

6. Le 15 avril 2002, le conseil municipal de la commune de Versoix a préavisé favorablement le projet. En revanche, la commune de Collex-Bossy a formulé un préavis négatif lors de sa séance du conseil municipal du 23 avril 2002.

7. Le 20 août 2002, le Conseil d’Etat a adopté les deux projets de loi et les a soumis au Grand Conseil.

8. Une procédure d’opposition a eu lieu du 23 septembre au 23 octobre 2002.

9. Le 18 octobre 2002, la société Usine électrique Jean Estier S.A. (ci-après : Jean Estier S.A.), propriétaire des parcelles n° 138, feuille 18, n° 217 et 218, feuille 27, de la commune de Collex-Bossy, la société Sarkos S.A. (ci-après : Sarkos S.A.), propriétaire de la parcelle n° 212, feuille 45 de la commune de Versoix ainsi que Monsieur Robert Louis Détraz, propriétaire de la parcelle n° 266, feuille 45 de la commune de Versoix se sont opposés aux projets de lois n° 8800 et 8801, respectivement aux plans n° 29’206-514-541 et 29’200-514-541. Ils demandaient la modification desdits projets et le classement de la boucle du Richelien (ci-après : la boucle du Richelien) en zone industrielle et artisanale au sens de l’article 19 alinéa 4 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

Leurs biens-fonds étaient situés en zone agricole. Or, aucune exploitation agricole ne subsistait depuis de nombreuses années dans la boucle du Richelien. Il s’agissait d’entreprises industrielles ou artisanales florissantes et importantes pour le marché de l’emploi. En particulier, Jean Estier S.A. venait d’obtenir une nouvelle concession d’exploitation des eaux de la Versoix par le Grand Conseil. La société Environnement 2000, exploitation forestière, qui se trouvait également sur le bien-fonds de Jean Estier S.A., bénéficiait d’une certification FSC. Huit personnes étaient employées par ces deux entreprises. De même, Sarkos S.A. était active dans le domaine de l’emballage et la manutention et employait quatre personnes. Enfin, l’entreprise de construction navale Détraz formait des apprentis en sus de compter cinq employés.

La boucle du Richelien abritait également la protection civile et la société Fluid Automation System S.A., un leader en matière de fabrication d’électrovalves, dont le nombre d’employés s’élevait à environ 116 personnes.

En maintenant leurs biens-fonds en zone agricole, les projets de loi n° 8800 et 8801 s’acharnaient à ignorer la réalité du terrain et faisaient perdurer une situation pénalisante pour les nombreuses entreprises situées sur ces parcelles. Au vu des activités déployées dans la boucle du Richelien, ce classement en zone agricole s’avérait inadéquat et artificiel. Le régime contraignant de la zone agricole était ainsi appliqué à des terrains qui étaient impropres à l’agriculture et qui accueillaient des activités industrielles et artisanales servant l’intérêt général. L’objectif de protection de la nature visé par les projets de loi ne pouvait justifier l’atteinte que le maintien du régime de la zone agricole causerait aux intérêts des entrepreneurs du Richelien.

De plus, la boucle du Richelien réunissait toutes les caractéristiques d’une zone à bâtir au sens de l’article 15 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700). Les biens-fonds étaient propres à la construction du point de vue topographique ; ils étaient largement bâtis et constituaient un véritable « milieu bâti ». Le périmètre concerné représentait un ensemble construit compact, géographiquement cohérent et parfaitement équipé tant en matière de canalisations que de desserte routière. Son affectation réelle étant complètement étrangère à celle que le droit fédéral attribuait à la zone agricole, la boucle du Richelien devrait définitivement être classée zone à bâtir.

10. La commission d’aménagement du canton, chargée d’étudier les deux projets de loi, s’est rendue sur place et a auditionné les différents opposants. Lors de sa séance du 14 mai 2003, elle a notamment entendu le conseil de Jean Estier S.A., de Sarkos S.A. et de M. Estier.

11. Dans son rapport déposé le 17 novembre 2003, ladite commission s’est déterminée sur l’opposition formulée par Jean Estier S.A., Sarkos S.A. et M. Estier. Elle a estimé que celle-ci était infondée et devait être écartée.

De manière générale, les autorités cantonales et communales étaient tenues de poursuivre les buts et principes d’aménagement du territoire résultant de la LAT et du plan directeur cantonal, notamment en veillant à ce que les plans d’affectation du sol soient conformes à ce dernier. Or, la LAT rangeait les rives des cours d’eau parmi les objets dignes de protection, appelés à faire l’objet de zones à protéger au sens de l’article 17 LAT. Le respect de cet objectif s’imposait avec d’autant plus de vigueur lorsque l’objet constituait l’une des zones alluviales d’importance nationale désignées par l’annexe 1 de l’ordonnance fédérale sur la protection des zones alluviales du 28 octobre 1992 (RS 451.31 – OZA), comme l’était le site dit des Gravines. Par ailleurs, l’article 6 alinéa 2 lettre c LAT imposait aux cantons de désigner les parties de leur territoire qui étaient gravement menacées par des forces naturelles ou par des nuisances. Enfin, la fiche n° 5.01 du schéma directeur du plan directeur cantonal, adopté les 21 septembre 2001 par le Grand Conseil et le 14 mars 2003 par le Conseil fédéral, désignait expressément l’inscription de la zone inondable de la Versoix dans la zone protégée parmi les mesures engagées en vue de prendre en compte les zones dangereuses dans le cadre de plans d’affectation du sol adaptés à celle-ci.

En l’espèce, les parcelles des opposants jouxtaient la zone alluviale d’importance nationale dite des Gravines. Une partie de ces terrains étaient par ailleurs également comprise dans la zone de danger dû aux crues délimitée par le plan n° 29206-A-514-541. Le classement de ces terrains en zone agricole n’était donc pas inapproprié, dès lors que l’une des fonction de la zone agricole consistait à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l’équilibre écologique. La zone à protéger proposée par le projet de loi 8800 renforçait judicieusement cet objectif de protection des sites et du paysage, au contraire de la création de la zone à bâtir qui serait incompatible avec ce but. L’intérêt public à la protection de la nature et du paysage l’emportait sur celui, privé, des opposants à voir leurs parcelles être classées en zone à bâtir. Les quelques constructions, sans intérêt architectural ou patrimonial, existantes étaient regrettables. Cette circonstance n’était cependant pas d’un poids tel qu’elle imposait la création d’une zone à bâtir, plutôt qu’une zone à protéger. La situation n’était pas irréversible et n’avait pas lieu d’être encore péjorée par la création d’une nouvelle zone à bâtir. Enfin, l’inclusion des parcelles en cause dans le périmètre du plan de zones à protéger ne péjorait pas la situation actuelle de ces terrains, actuellement sis hors de la zone à bâtir et dont les constructions existantes bénéficieraient d’une garantie de la situation acquise similaire à celle qui prévalait en zone agricole.

12. La loi sur la protection générale et l’aménagement des rives de la Versoix (ci-après : LVersoix – L 4 19) et la loi modifiant les limite de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix ont été adoptées par le Grand Conseil le 5 décembre 2003, lequel a rejeté les oppositions dans la mesure où elles étaient recevables, voire devenues sans objet, pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l’étude desdites lois.

13. Par arrêté publié dans la FAO du 30 janvier 2004, les lois n° 8800 et 8801 ont été promulguées.

14. Le 12 février 2004, le président du Grand Conseil a informé le conseil de Jean Estier S.A., Sarkos S.A. et M. Détraz que les lois n° 8800 et 8801 avaient été adoptées et leur opposition rejetée.

15. Jean Estier S.A, Sarkos S.A. et M. Détraz ont interjeté recours par devant le Tribunal administratif, le 27 février 2004, contre la loi n° 8800 sur la protection générale et l’aménagement des rives de la Versoix et la loi n° 8801 modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix, adoptées par le Grand Conseil le 5 décembre 2003. Ils concluent à leur annulation et au classement de la boucle du Richelien en zone industrielle et artisanale au sens de l’article 19 alinéa 4 LaLAT.

Ils ont repris les arguments précédemment développés dans la procédure d’opposition. Pour le surplus, ils se sont référés à une « étude d’aménagement en vue d’un déclassement du secteur de Richelien » effectuée par la société ASS Architectes S.A. en 1997 sur mandat du département des travaux publics et de l’énergie et de la commune de Versoix. Les conclusions de cette étude démontraient la légitimité d’un classement en zone industrielle et artisanale de la boucle du Richelien. Par ailleurs, une loi n° 8925 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Versoix, également adoptée le 5 décembre 2003, autorisait la densification de quelques parcelles pratiquement vierges de toute construction.

S’agissant de la mention de la boucle du Richelien en zone agricole dans le plan directeur cantonal, le classement de celle-ci en zone industrielle et artisanale constituait un écart de peu d’importance au vu de son périmètre restreint. Un tel écart se justifiait pleinement d’un point de vue objectif, en considération notamment de l’affectation réelle de ce secteur. Enfin, le plan directeur cantonal était contraire au droit fédéral, comme l’était la loi n° 8801, car il attribuait à la zone agricole des biens-fonds qui n’en remplissaient pas les conditions et qui revêtaient à l’opposé toutes les caractéristiques d’une zone à bâtir au sens de l’article 15 LAT.

La pesée des intérêts à laquelle avait procédé la commission d’aménagement du Grand Conseil était incorrecte dans la mesure où elle avait soutenu que l’intérêt à la protection de l’environnement, concrétisé par la loi n° 8800, apparaissait comme prépondérante et s’opposait au classement de la boucle du Richelien en zone industrielle et artisanale. Or, l’objectif de protection de la nature, visé par les projets de loi n° 8800 et 8801, ne pouvait justifier l’atteinte que le maintien du régime de la zone agricole causerait aux intérêts des entrepreneurs du Richelien. L’atteinte ne pourrait être justifiée que si les biens-fonds considérés avaient une quelconque chance de retourner à l’agriculture, ce qui ne serait jamais le cas au vu des constructions existantes et de la composition du sol dans ce secteur. Le maintien de la zone agricole portait une atteinte sévère et totalement disproportionnée tant à la garantie de la propriété qu’à leur liberté économique. Contrairement à l’opinion du Grand Conseil, l’affectation des parcelles dans une zone à protéger au sens des articles 17 LAT et 29 LaLAT ne s’opposait pas à leur classement en zone à bâtir. De même, la proximité de la zone alluviale ne suffisait pas à justifier l’atteinte à leurs intérêts que consacrait le maintien en zone agricole. Enfin, la délimitation de zones de danger dû aux crues ne s’opposait pas davantage à un classement en zone à bâtir. Seule une petite portion de leurs parcelles était comprise dans une zone de danger dû aux crues dont le risque était en outre qualifié de faible.

16. Le Grand Conseil s’est opposé au recours le 5 mai 2004. Le statut de zone agricole des terrains n’avait connu aucune interruption depuis 1952. Le secteur dit de la boucle de Richelien comportait bien quelques bâtiments hétéroclites dont la construction, rénovation ou transformation avait été autorisée en dérogation à la zone agricole, ceci en toute connaissance de cause de la part des intéressés. Il était permis de douter que les bâtiments épars constituaient un véritable ensemble formant un noyau au sens de la jurisprudence et de la doctrine. De même, il était permis de douter que le secteur en cause était suffisamment grand pour permettre le classement en zone à bâtir. L’autorité intimée, après une minutieuse pesée des intérêts en présence, avait estimé qu’au vu des exigences en matière de protection des sites dues à la protection du paysage et notamment à la présence toute proche de la zone alluviale de la Versoix, il y avait lieu de limiter globalement le degré d’urbanisation de ce secteur à son niveau actuel plutôt que d’encourager le développement de ce secteur par la création d’une zone à bâtir destinée à des activités. Les propriétaires qui avaient acquis leurs terrains ou rénové leurs bâtiments en toute connaissance de cause - lesdits terrains ayant toujours été situés en zone agricole et les autorisations de bâtir obtenues par voie dérogatoire - étaient mis au bénéfice de la situation acquise, ce qui permettait de tenir compte de manière satisfaisante de leurs intérêts.

17. Un transport sur place a eu lieu le 13 septembre 2004 lors duquel le juge délégué a fait les observations suivantes :

- La parcelle de Sarkos S.A. surplombe les rives de la Versoix. Précédemment et jusqu’en 1962, se trouvait, à cet endroit, une usine d’incinération des ordures, propriété de l’Etat de Genève. Le représentant du DAEL a observé que la rive était dans une aire forestière et que la distance de 30 m. n’était pas respectée par Sarkos S.A. De son côté, le conseil de Sarkos S.A. a relevé que les accès à l’usine étaient goudronnés et suffisamment larges pour permettre le trafic de camions. Il a également attiré l’attention des participants au transport sur place sur la présence de deux parkings qui se suivaient en enfilade le long de la route de l’Etraz et qui comprenaient environ 150 places. A ce sujet, le juge délégué a relevé que seule une vingtaine de places étaient occupées par des voitures ;

- Les voies d’accès aux bâtiments de la protection civile sont généreuses et recouvertes de goudron. Le représentant du DAEL a indiqué qu’une zone de verdure commençait à fleur de façade et allait jusqu’à la rivière ;

- La parcelle de l’entreprise Détraz abrite de nombreux bateaux, de même qu’un hangar.

Les parties ont longé les bâtiments abritant l’entreprise Fluid Automation Systems S.A. et ont poursuivi leur chemin en direction de l’usine électrique. Après avoir traversé la route de l’Etraz, elles ont remarqué la présence, au sud de la route, de l’usine de broyage du bois de la société Environnement 2000 qui fabrique des plaquettes forestières, du bois de feu et des copeaux.

Sur la rive droite de la Versoix, légèrement en amont, se trouve un ancien moulin dont les deux silos servent au stockage des plaquettes forestières. Au nord de la route de l’Etraz, il y a l’usine électrique qui jouxte une maison d’habitation destinée au logement pour deux tiers et à la gestion administrative de l’usine pour le tiers restant. Cette usine est recensée au patrimoine hydraulique de la Versoix.

18. Au terme du transport sur place, les parties ont été informées que, sans nouvelles de leur part jusqu’au 4 octobre 2004, la cause était gardée à jugée.

19. Il ressort encore des pièces fournies par les parties les éléments suivants :

- Selon une note de service du département des travaux publics du 23 février 1989 qui faisait suite à une étude relative au lotissement de Richelien, menée par le bureau ASS architectes, la direction de l’aménagement n’était pas favorable à une modification du régime des zones au lieu-dit Richelien notamment car, sur le plan du site, Richelien n’avait pas la valeur d’un site bâti. Cependant, de par sa faible densité, il ne s’intégrait pas de façon trop perturbatrice dans le contexte des bois qui l’entouraient, en préservant un certain équilibre entre arborisation et bâti. Une densification risquait en revanche de rompre cet équilibre. De plus, l’analyse montrait que si ce secteur était classé en zone à bâtir, cela aurait pour conséquence possible une augmentation de 30% à 40% encore des habitations. Enfin, une modification de zone ne se justifiait ni par les besoins des propriétaires situés dans le périmètre concerné, ni par la volonté de régulariser une situation créée en dehors de la loi puisque seules deux villas n’étaient pas au bénéfice d’une autorisation de construction.

- Selon un rapport du 31 janvier 1997, le bureau ASS architectes, mandaté par le département des travaux publics et par la commune de Versoix, a effectué une étude d’aménagement en vue d’un déclassement du secteur de Richelien qui réactualisait et complétait sa précédente étude. Le rapport retenait ainsi l’existence d’un certain nombre de terrains largement bâtis en zone agricole, notamment le long de l’avenue de Richelien et dans la boucle de la Versoix. Le vallon de la Versoix – jusqu’aux abords de l’avenue de Richelien - était resté relativement préservé, exception faite de la presqu’île qui abritait les installations de la protection civile et quelques entreprises. Des propositions d’aménagement étaient formulées qui prévoyaient notamment le déclassement en zone d’activités du secteur de la protection civile ainsi que du périmètre soumis aux nuisances de l’autoroute.

1. a. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est à cet égard recevable (art. 35 al. 1 et 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

b. Les recourants sont propriétaires de biens-fonds compris dans le périmètre du territoire à protéger selon la LVersoix et soumis à la loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix. Ils ont dès lors la qualité pour recourir.

c. La voie de l’opposition a été préalablement épuisée, l’exigence de subsidiarité du recours est ainsi respectée (art. 35 al. 4 LaLAT).

Le recours est par conséquent recevable.

2. Le litige porte sur le régime applicable et, plus exactement, sur le maintien des biens-fonds des recourants en zone agricole, suite à l’adoption, par le Grand Conseil le 5 décembre 2003, de la LVersoix et de la loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix.

3. a. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 - et 35 al. 5 LaLAT ). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

b. La délimitation des zones est une question qui relève surtout de la politique générale de l'aménagement du territoire (ATF 127 II 238 consid. 3b bb ; 108 Ib 479, consid. 3c), et le contrôle par le juge des choix opérés par le législateur dans ce domaine ne saurait par conséquent toucher aux pures questions d'opportunité (ATA/621/2004 du 5 août 2004 ; ATA/286/2004 du 6 avril 2004 et les références citées). A cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé à plusieurs occasions que le Grand Conseil, en tant qu'autorité cantonale supérieure de planification, possède un large pouvoir d'appréciation (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.444/2001 du 29 novembre 2001 consid. 3b bb ; 1A.140/1998 - 1P.350/1998 du 27 septembre 2000 consid. 3). Le tribunal de céans ne peut donc revoir un plan d’affectation que sous l’angle de la légalité, son opportunité étant examinée au stade de l’opposition, le Grand Conseil ayant un plein pouvoir d’examen (J.-C. PAULI, L'élargissement des compétences du Tribunal administratif en matière d'aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000, vol. I, p. 526; T. TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10).

Telles doivent être les considérations réglant, en matière de recours contre les plans d'affectation, le pouvoir d'examen du tribunal de céans, qui, outre le droit fédéral, contrôle aussi l'application du droit cantonal (art. 69 al. 1 LPA).

4. a. Le plan d’affectation règle le mode d’utilisation du sol (art. 14 al. 1 LAT). Sa fonction primordiale est de séparer les zones constructibles des zones non constructibles, tâche qui découle de l’obligation d’assurer une utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire (art. 75 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; P. ZEN-RUFFINEN, C. GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne, 2001, p. 123, n° 271).

Les plans d’affectation délimitent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger (art. 14 al. 2 LAT).

b. La planification locale, pour être adéquate, demande la délimitation par le plan d’affectation, de chaque type de zone tel qu’il est défini par la LAT, en fonction des caractéristiques spécifiques du territoire visé ; mais elle postule en même temps aussi sa propre intégration dans l’ensemble formé par le niveau de planification supérieur, y compris l’exercice de compétences à pertinence spatiale des collectivités supérieures et compte tenu des planifications des collectivités voisines. C’est seulement de cette manière que l’objectif constitutionnel peut être réalisé dans toute sa complexité. En principe, cette fonction de coordination est assurée par le plan directeur cantonal ou régional (P. MOOR, Commentaire de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, 1999, art. 14 N. 74).

5. a. Aux termes de l’article 17 alinéa 1 lettre a LAT les zones à protéger comprennent les cours d’eau, les lacs et leurs rives. Ces objets forment des secteurs particulièrement sensibles. La LAT les protège indépendamment du régime juridique, public ou privé, de leur propriété. Par rives, on entend la portion de terre qui jouxte les eaux et forme avec celle-ci une unité dans le paysage (P. ZEN-RUFFINEN, C. GUY-ECABERT, op. cit., p. 163 n° 365).

L’adoption d’une zone de protection est la mesure que la LAT envisage en premier lieu. Non seulement elle établit clairement la protection, son principe, son régime, et, si nécessaire, la coordination avec le territoire environnant, mais, de plus, elle le fait explicitement, et le motif même d’aménagement du territoire reçoit ainsi sa légitimité spécifique. Mais, fréquemment, la mise sous protection n’exclut pas certaines utilisations. Cela vaut avant tout pour l’exploitation agricole. On peut alors superposer deux affectations […]. Il peut également se trouver qu’une protection adéquate de l’objet concerné implique en plus une réglementation restrictive dans les périmètres voisins pour éviter que des impacts ou d’autres frictions qui en émaneraient n’en compromettent une sauvegarde suffisante. Tel est le cas, notamment, des zones-tampons autour des biotopes, ou de restrictions relatives à l’affectation ou aux dimensions des constructions voisines d’un site ou d’un monument. C’est pourquoi il est important de bien fixer le but de la protection, d’évaluer les mesures nécessaires pour l’atteindre et de les confronter aux intérêts qui y seraient opposés (P. MOOR, op. cit., N. 74-75 et 78-79).

b. L’annexe 1 de l’ordonnance sur la protection des zones alluviales d’importance nationale du 28 octobre 1992 (OZA – RS 451.31) mentionne la zone alluviale « les Gravines » comme zone alluviale d’importance nationale. L’article 3 OZA prévoit que les cantons fixent les limites précises des objets et délimitent des zones-tampons suffisantes du point de vue écologique en tenant compte, notamment, d’autres biotopes attenants.

c. Aux termes de l’article 16 alinéa 1 LAT, les zones agricoles servent à garantir la base d’approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l’équilibre écologique ; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole et comprennent les terrains qui se prêtent à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice et sont nécessaires à l’accomplissement des différentes tâches dévolues à l’agriculture et les terrains qui, dans l’intérêt général, doivent être exploités par l’agriculture. Dans leurs plans d’aménagement, les cantons tiennent compte de façon adéquate des différentes fonctions des zones agricoles (art. 16 al. 3 LAT). Cet article est directement applicable.

L’article 16 LAT a été modifié le 20 mars 1998 et la novelle est entrée en vigueur le 1er septembre 2000. A cette occasion, la multifonctionnalité de la zone agricole a été expressément mentionnée. Ainsi, la zone agricole joue un rôle multiple, puisque les objectifs qui lui sont assignés touchent à la fois à la politique agricole, à la politique foncière, à l’urbanisation et à l’environnement ; la protection du paysage s’inscrit également dans les objectifs de la politique de l’environnement. Il importe, afin de maintenir cette multiplicité de fonctions, que l’ouverture préconisée quant aux possibilités de construire en zone agricole soit limitée. La séparation entre zones constructibles et zones non constructibles imposée par la constitution contribue de manière déterminante au maintien de la multiplicité des fonctions du sol, du paysage et de l’espace (FF 1996 III 499).

Ces diverses fonctions de la zone agricole se combinent dans de nombreux cas. Elles restent cependant distinctes et ne doivent pas être considérées comme des conditions cumulatives pour affecter un terrain à la zone agricole (P. ZEN-RUFFINEN, C. GUY-ECABERT, op. cit., p. 157, n° 346).

d. Il ressort de la jurisprudence que le seul fait que, depuis longtemps, une parcelle ne soit plus utilisée pour l’agriculture, et qu’elle ne le sera pas dans un avenir prévisible, n’impose pas son classement en zone à bâtir. Il convient néanmoins d’examiner s’il existe, pour d’autres motifs, un droit au déclassement du terrain ou, en d’autres termes, si les restrictions découlant de l’affectation en zone agricole trouvent encore leur justification dans les circonstances particulières de l’espèce, notamment si elles reposent toujours sur un intérêt public suffisant et si, conformément au principe de la proportionnalité, elles ne vont pas au-delà de ce qu’exige cet intérêt public (SJ 1998 p. 636, consid. 2a).

6. a. La LVersoix a pour but de protéger le cours d’eau de la Versoix, ses rives et ses abords en vue notamment de favoriser sa renaturation tout en préservant l’aspect caractéristique du paysage et les sites évocateurs du passé (art. 1 LVersoix).

Le périmètre du territoire à protéger, délimité par le plan n° 29206-A-514-541 (ci-après : le plan 29206), constitue une zone à protéger au sens de l’article 17 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et de l’article 29 LaLAT (art. 2 LVersoix).

Le plan fixe ou indique notamment les limites de la zone alluviale d’importance nationale ainsi que les limites des zones dignes d’une protection cantonale (art. 2 al. 2 let. a LVersoix) et les limites des zones dangereuses dues aux crues et les zones d’instabilité et de glissement (art. 2 al. 2 let. b LVersoix).

Hors des zones à bâtir comprises dans le périmètre du plan de protection, aucune construction nouvelle ne peut être érigée. Sont réservés l’agrandissement de peu d’importance, l’adaptation, la transformation et la reconstruction de bâtiments et d’installations existants aux conditions fixées par l’article 24c de la LAT (art. 3 al. 1 let. a LVersoix).

b. A l’intérieur du périmètre de la zone à protéger les limites de zones sont prévues par la loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix et son plan n° 29200-A-514-541 (ci-après : le plan 29200). Certaines modifications ont été effectuées qui portent notamment sur la création de zones de verdure, aux lieux dits La Papeterie, Le Molard, La Scie, Richelien ainsi qu’à l’embouchure sur le lac, sur le territoire de la commune de Versoix (art. 1 al. 2 let a ) et sur la création, l’adaptation ou la confirmation de zones de bois et forêts et de zones agricoles le long et aux abords de la Versoix sur l’ensemble de son cours, sur le territoire des communes de Collex-Bossy et de Versoix (art. 1 al. 2 let c).

7. La Versoix prend sa source au pied du Jura, traverse le territoire des communes de Collex-Bossy et de Versoix avant de rejoindre le lac Léman à la hauteur de Versoix le bourg. Environ 3,6 km de son parcours forment la frontière entre la France et la Suisse et 6,9 km se trouve entièrement sur le territoire genevois. Le plan n° 29206 fixe un périmètre de protection des rives de la Versoix sur le territoire genevois, déterminé par la topographie naturelle du vallon et les limites découlant des constructions, des parcelles et des voies de communications existantes. Ce périmètre comprend notamment la zone alluviale d’importance nationale des Gravines qui s’étend des méandres de Richelien jusqu’au canal de la Papeterie et borde de par et d’autre la Versoix.

8. Les biens-fonds des recourants sont localisés dans le périmètre de protection défini par le plan n° 29206 et, plus précisément, dans le secteur de Richelien. Ce secteur débute en amont du méandre de Richelien et s’étend jusqu’au viaduc de l’autoroute. Dans ce secteur, le cours de la Versoix et ses rives font partie de la zone de danger dû aux crues, et certaines zones d’instabilité et de glissement sont également recensées sur ce tronçon. En outre, s’ajoute la zone alluviale d’importance nationale qui débute au méandre de la prise d’eau de Richelien.

Après un passage en zone de bois et forêts, la Versoix dessine deux boucles, une première à gauche puis une seconde à droite. Les parcelles de M. Estier couvrent le territoire inclus dans la première boucle, sur la rive droite, du cours d’eau au chemin de Machefer.

Sur la rive gauche, dans le territoire formé par la deuxième boucle de la Versoix, compris entre la Versoix et la route de l’Etraz et qui s’étend du pont de l’Etraz jusqu’au viaduc d l’autoroute, se trouvent la parcelle de Sarkos S.A. d’une superficie de 3423 m² et la parcelle de M. Détraz, d’une surface de 9662 m². Toutes deux bordent la rivière. Cette boucle abrite également les bâtiments de la protection civile et l’entreprise Fluid Automation Systems S.A.

9. Le plan 29200 a modifié certaines limites, dans le secteur de Richelien, entre zone des bois et forêts et zone agricole afin d’adapter celles-ci à la réalité suite notamment aux constats effectués par le service des forêts. Une zone de bois et forêts a également été légalisée ou édifiée pour assurer le renforcement et la continuité du cordon boisé le long de la rivière. Enfin, une zone de verdure a été créée dans la deuxième boucle formée par la Versoix qui s’étend de la rivière au bâtiment principal de la protection civile exprimant ainsi la volonté de créer un parc public le jour où le bâtiment existant verrait son affectation modifiée (cf séance du Grand Conseil du 19 septembre 2002, p. 13).

10. La LVersoix et la loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix répondent ainsi à un intérêt public important. Cet intérêt est d’autant plus important dans le secteur de Richelien que celui-ci comprend une zone alluviale d’importance nationale.

Les parcelles des recourants sont contiguës à la zone alluviale d’importance nationale et appartiennent ainsi à la zone-tampon. Leur maintien en zone agricole offre, comme l’a souligné le rapport d’étude d’octobre 2001, d’importantes garanties quant au caractère inconstructible de cette zone. Cela permet, entre autres, d’éviter les effets négatifs d’un éventuel développement du secteur sur la zone protégée et sur les biotopes environnants qui iraient à l’encontre du but de protection poursuivi par la LVersoix et la loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix.

Par ailleurs, le périmètre de protection dans le secteur de Richelien ne comprend pas de zone à bâtir. La zone non constructible s’étend au-delà des parcelles des recourants, dans le périmètre de protection et même en dehors. Ainsi, les parcelles situées au nord du chemin de Machefer sont classées en zone agricole. De même, au niveau de la deuxième boucle, les parcelles au sud de la route de l’Etraz se trouvent en zone agricole. Or, le Tribunal fédéral a jugé à maintes reprises que les petites zones à bâtir n’étaient pas seulement inopportunes, mais, en principe, contraires à la loi (JdT 1996 454 consid. 6e).

En maintenant le classement des parcelles des recourants en zone agricole le Grand Conseil n’a dès lors pas violé la loi et a correctement utilisé son pouvoir d’appréciation.

11. Le maintien des parcelles des recourants en zone agricole n’est pas non plus disproportionné dans la mesure où l’article 3 LVersoix prévoit des exceptions, certes limitées, à l’interdiction de bâtir. Le grief des recourants, s’agissant d’une éventuelle violation de la garantie de la propriété ou de la liberté économique est dès lors infondé.

12. Le tribunal relèvera également que la LVersoix et la loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix s’inscrivent dans les objectifs fixés par le plan directeur cantonal, adopté par le Grand Conseil le 21 septembre 2001 et approuvé par le Conseil fédéral le 14 mars 2003. Le schéma directeur traite expressément du vallon de la Versoix. Ainsi, la fiche 3.02 décrit la Versoix comme l’une des rivières genevoises qui présente le plus de potentialités, tant pour sa fonction de zone de détente et de loisirs que pour son importance écologique. La préservation et la reconstitution des réseaux de milieux naturels terrestres et aquatiques doivent être développées, dans une dimension transfrontalière cohérente. Le projet de protection de la Versoix doit permettre une gestion coordonnée du site, dans l’intérêt de sa protection et de sa mise en valeur. Ce projet met l’accent sur la gestion de l’eau dans une zone naturelle de grande qualité. Il a des effets sur la protection et la préservation des sites naturels, des paysages et des espaces verts et de la biodiversité.

13. Enfin, les recourants ne peuvent se prévaloir du principe de l’égalité de traitement. En effet, ce principe n’a qu’une portée restreinte en matière de délimitation des zones et il se confond avec l’interdiction de l’arbitraire (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.188/2001 du 31 mai 2001 ; SJ 1998 p. 636, consid. 3). Dans le cas d’espèce, la LVersoix et la loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix tiennent compte de la problématique actuelle et sont l’aboutissement d’une étude interdisciplinaire très complète. Elles ont été examinées par la commission d’aménagement qui a procédé à un transport sur place et a entendu les opposants. Les choix retenus quant au régime des zones ont ainsi été réfléchis et sont le résultat le plus adapté au périmètre de protection.

14. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 février 2004 par la société Usine électrique Jean Estier S.A., la société Sarkos S.A. et M. Robert Détraz contre la loi sur la protection générale et l’aménagement des rives de la Versoix et la loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Collex-Bossy et Versoix adoptées par le Grand Conseil le 5 décembre 2003 ;

au fond :

le rejette;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2'500.-;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

communique le présent arrêt à Me Pierre Louis Manfrini, avocat des recourants ainsi qu'au Grand Conseil.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, M. Thélin, Mme Junod, juges, M. Torello, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la secrétaire-juriste :

 

 

M. Vuataz-Staquet

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :