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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2366/2016

ATA/785/2016 du 20.09.2016 ( MARPU ) , REJETE

Parties : HESTIA CONSTRUCTIONS SA / FONDATION DES MAISONS COMMUNALES DE VERNIER
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2366/2016-MARPU ATA/785/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 septembre 2016

 

dans la cause

 

HESTIA CONSTRUCTIONS SA
représentée par Me François Bellanger, avocat

contre

FONDATION DES MAISONS COMMUNALES DE VERNIER
représentée par Me Bertrand Reich, avocat

 



EN FAIT

1. La fondation des maisons communales de Vernier (ci-après : la fondation) a initié le 26 avril 2016, par publication dans la feuille d’avis officielle de la République et Canton de Genève, un appel d’offres, en procédure sélective, non soumis à l’accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0.632.231.422), respectivement aux accords internationaux, portant sur l’exécution de travaux de construction. Le titre du projet du marché s’intitulait « marché en entreprise générale pour la réalisation d’un immeuble de logements, d’une crèche et d’un parking souterrain ». Le projet se situait rue Jean-Simonet 3 – 3A à Vernier. Le nombre de logements à construire s’élevait à vingt-cinq.

Les offres devaient être déposées jusqu’au 23 mai 2016 à 12h00.

2. Le dossier d’appel d’offres (ci-après : DAO), qui pouvait être téléchargé à partir du site internet www.simap.ch, énumérait sous ch. 3.3 le calendrier de la procédure. La présélection aurait lieu en juin 2016. La remise des documents aux candidats pour le 2ème tour aurait lieu le même mois.

Les critères de présélection pour le 1er tour étaient précisés sous ch. 3.7, par ordre d’importance, soit respectivement :

1. capacité et garanties financières  20 %

2. compréhension du projet et relations avec les partenaires 20 %

3. organisation du soumissionnaire 20 %

4. références du candidat 20 %

5. expérience de travail du soumissionnaire avec les mandataires 10 %

6. demandes supplémentaires et modifications en cours de travaux 10 %

Total 100 %.

Le ch. 3.8 mentionnait que l’évaluation des dossiers des candidats se baserait exclusivement sur les indications fournies par les candidats et sur les informations demandées par l’adjudicateur (al. 1). L’évaluation ne se baserait que sur des critères annoncés aux candidats préalablement (a. 2).

Selon le ch. 3.12, la décision de sélection serait notifiée par écrit, sommairement motivée, aux candidats ayant participé à la procédure. Chacun d’eux recevrait un tableau d’analyse multicritères (ci-après : le tableau) qui indiquerait les résultats de tous les candidats. Selon l’al. 3 « dans le cadre de la présente procédure, l’adjudicateur a décidé de limiter le nombre de candidats sélectionnés pour le 2ème tour à cinq environ ».

Le barème des notes allait de 0 à 5, 0 constituant la plus mauvaise note et 5, la meilleure.

3. Hestia Constructions SA (ci-après : Hestia) est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Genève, dont le but est l’« étude et exécution de tous travaux de construction, particulièrement en tant qu’entreprise générale ; achat, vente, courtage, gestion et location de biens immobiliers dans le respect de la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41) ; financement desdites activités ; prise de participation à d’autres entreprises dans le respect de la LFAIE ».

4. Sept entreprises, dont Hestia, ont soumissionné pour le marché précité dans le délai fixé.

Une offre a été déclarée irrecevable par le pouvoir adjudicateur.

5. Par décision de sélection du 23 juin 2016, postée le 28 juin 2016 et distribuée le 30 juin 2016, la fondation a indiqué à Hestia qu’elle n’avait pas retenu son dossier pour la 2ème phase de la procédure, le groupe de sélection ayant décidé de ne retenir « que les quatre candidats ayant obtenu un total minimum de 300 points ».

Selon le tableau joint à la décision, Hestia avait obtenu 245 points et était classée 6ème. Quatre entreprises avaient obtenu plus de 300 points. La cinquième s’était vu attribuer 295 points.

6. Par acte du 8 juillet 2016, Hestia a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de sélection précitée.

La recourante concluait à l’annulation de la décision du 23 juin 2016 et à ce qu’il soit déclaré qu’elle était sélectionnée comme candidate pour le second tour. Subsidiairement, le caractère illicite de la décision devait être constaté, une demande de dommages et intérêts étant réservée. La société sollicitait préalablement que l’effet suspensif soit accordé et qu’il soit fait interdiction à la fondation d’organiser le deuxième tour tant qu’il n’était pas statué sur l’effet suspensif. Les conclusions étaient prises sous suite de frais, lesquels devaient comprendre une équitable indemnité pour les honoraires d’avocat.

La fondation avait fait une application arbitraire des critères de présélection. Elle avait fait une comparaison entre les candidats alors même que le ch. 3.8 du DAO précisait que l’évaluation se baserait exclusivement sur les indications fournies par les candidats. Par ailleurs, les notes reçues de 1.00 pour les capacités financières (critère 1), 3.00 pour les références (critère 4) et 2.50 pour l’expérience (critère 5) étaient contraires au dossier de la société lequel était complet, de qualité et respectait toutes les exigences. Toutes les garanties sollicitées par l’adjudicateur avaient été fournies. L’évaluation minimale devait être de 4.00 pour les trois critères querellés, ce qui portait le total à 340 points, permettant à la recourante de se qualifier pour le second tour et potentiellement de remporter le marché.

L’adjudicateur avait par ailleurs abusé de son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de présélection et avait violé le principe de transparence en procédant à une comparaison d’offres, non annoncée aux soumissionnaires. Le ch. 3.12 du DAO qui précisait que le pouvoir adjudicateur entendait limiter à cinq environ les candidats sélectionnés au second tour ne faisait pas mention d’un nombre de points minimum. La fondation avait décidé, unilatéralement, en cours de procédure, en violation de règles qu’elle avait elle-même énoncées, de ne retenir « que quatre candidats ayant plus de 300 points ».

7. Par courrier du 12 juillet 2016, le juge délégué a fait interdiction à la fondation d’organiser le second tour portant sur le marché « Projet Simonet 3 et 3A », jusqu’à droit jugé sur effet suspensif.

8. Par réponse sur effet suspensif et au fond du 27 juillet 2016, la fondation a conclu au rejet de la demande d’effet suspensif et du recours, sous suite de frais et « dépens ».

La recourante n’avait fourni aucun élément matériellement pertinent pour l’appréciation de sa capacité financière. Elle avait fourni six références de réalisation, mais dont deux avaient été réalisées par une autre entreprise avant 2010, date de la création de la recourante. Aucune ne comportait de crèche et aucune des références de logements réalisés par Hestia ne mentionnait de maître d’ouvrage public. Son expérience de travail avec des mandataires avait été illustrée par quatre références. Or, l’une ne commençait qu’en juin 2016, une autre, antérieure à la création d’Hestia, appartenait à une entreprise tierce et une dernière concernait un parking, en cours de réalisation.

La question de la correction en affaires de la recourante pouvait se poser, ainsi que celle de son exclusion à ce titre.

9. Par réplique du 22 août 2016, la recourante a persisté dans ses conclusions.

La nécessité d’avoir réalisé un projet identique à celui envisagé dans l’appel d’offres ne reposait sur aucune logique si ce n’était celle de vider de son sens le principe même du marché public. Les ouvrages réalisés par la recourante étaient plus compliqués en termes de gestion des entreprises, de planning, de suivis des chantiers notamment, que le projet concerné. Les ouvrages et autres expériences antérieurs à la constitution d’Hestia mentionnés dans le dossier de candidature devaient nécessairement être pris en compte dès lors qu’ils avaient été réalisés sous l’égide de la société Implenia SA, mais sous la direction des personnes aujourd’hui dirigeantes chez Hestia, soit Messieurs Philippe BLANC, directeur et Jérôme BENE, chef de projet. Le savoir-faire, les connaissances et l’expérience dont bénéficiait Hestia étaient bien antérieurs à sa constitution.

10. Par courrier du 23 août 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. a. Le marché public litigieux est principalement soumis à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), à la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0), au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) ainsi qu’à la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

b. La chambre administrative est l’autorité compétente pour connaître des recours contre les décisions du pouvoir adjudicateur en matière de marchés publics (art. 3 L-AIMP ; 56 al. 1 RMP ; art 132 al. 1 et 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

Les art. 15 al. 1 et al. 1bis let. c AIMP et 55 let. b RMP disposent que les décisions concernant le choix des participants à la procédure sélective peuvent faire l'objet d'un recours auprès de l'autorité juridictionnelle cantonale.

En vertu des art. 62 al. 1 let. b LPA, 15 al. 1 et 2 AIMP, 3 al. 1 L-AIMP et 56 al. 1 RMP, le recours est adressé à la chambre administrative dans les dix jours suivant la notification de la décision.

Le recours est ouvert au destinataire de ladite décision (art. 3 al. 4 L-AIMP et 60 al. 1 let. a et b LPA).

c. Le DAO mentionne sous ch. 6 les voie et délai de recours contre, notamment, la décision de « sélection ou relative au choix des participants à la procédure sélective ». Il reprend les dispositions légales et règlementaires précitées.

d. En l’espèce, interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente par un soumissionnaire non sélectionné pour le second tour et exclu du marché, le recours est recevable.

2. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 16 al. 1 let. a AIMP) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 16 al. 1 let. b AIMP). Le grief d’inopportunité ne peut pas être invoqué (art. 16 al. 2 AIMP ; art. 61 al. 1 et 2 LPA).

3. Dans un premier grief, la recourante se plaint d’une application arbitraire des critères de présélection.

Elle critique la notation de trois des six critères, respectivement des critères 1, 4 et 5.

4. L’art. 12 al. 1 let. b AIMP définit la procédure sélective, à savoir que l'adjudicateur lance un appel d'offres public pour le marché prévu. Chaque candidat peut présenter une demande de participation. L'adjudicateur détermine, en fonction de critères d'aptitude, les candidats qui peuvent présenter une offre. Il peut limiter le nombre de candidats invités à présenter une offre s'il n'est pas compatible avec un fonctionnement efficace du mécanisme d'adjudication des marchés. Une concurrence réelle doit cependant être garantie (art. 12 al. 1 let. b AIMP).

La procédure sélective est une procédure publique en deux tours. À l'issue du premier tour, l'autorité adjudicatrice détermine, en fonction de critères d'aptitude, les candidats admis à présenter une offre. Elle rend une décision de sélection, sommairement motivée, notifiée soit par publication, soit par courrier aux candidats, avec mention des voies de recours (art. 13 let. a RMP). Au deuxième tour, les offres sont évaluées en fonction des critères d'adjudication (art. 13 let. b RMP).

En procédure sélective, les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 RMP) qui doivent être objectifs, vérifiables et pertinents (art. 24 RMP) et qui doivent figurer dans les documents d’appel d’offres (art. 26 let. f et 27 let. f RMP). Pour les critères d’aptitude, l’autorité adjudicatrice peut exiger des soumissionnaires des justificatifs attestant notamment leurs capacités sur les plans financiers, économiques, techniques et organisationnels (art. 33 RMP).

5. La jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 précité consid. 6 p. 98). L’appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ce dernier. Seul l’abus ou l’excès de pouvoir d’appréciation doit être sanctionné, ce que le Tribunal fédéral a confirmé à maintes reprises (ATF 130 I 241 précité consid. 6.1 p. 251 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2 ; ATA/530/2016 du 21 juin 2016 consid. 5 ; RDAF 1999 I p. 301). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (JAAC 1999 p. 143).

Ainsi, même dans les marchés publics soumis à l’AIMP, le pouvoir adjudicateur n’est pas lié par telle ou telle méthode, mais il lui est loisible de choisir celle qui est la plus appropriée au marché. La loi ne lui impose aucune méthode de notation particulière. Le choix de ladite méthode relève ainsi du pouvoir d’appréciation de l’autorité adjudicatrice, sous réserve d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_549/2011 du 27 mars 2011 consid. 2.3 et 2.4 ; 2P.172/2002 précité consid. 3.2 ; ATA/542/2016 du 28 juin 2016 consid. 4d ; ATA/528/2016 du 21 juin 2016 consid. 8 et les références citées ; Denis ESSEIVA, note ad S12 in DC 2/2003, p. 62). L’opportunité de ce choix ne peut être revue par l’autorité de recours
(art. 16 al. 2 AIMP). De surcroît, aucune norme n’impose à l’autorité de faire connaître à l’avance la méthode de notation (arrêt du Tribunal fédéral 2P.172/2002 précité consid. 2.3 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 du 14 janvier 2014 consid. 11 ; arrêt du Tribunal administratif vaudois du 26 janvier 2000 in DC 2/2001, p. 67 et note de Denis ESSEIVA précitée ; Olivier RODONDI, Les critères d’aptitude et les critères d’adjudication dans les procédures de marchés publics, RDAF I 2001 p. 406).

6. Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. La chambre administrative ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 p. 239 ; 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s ; ATA/131/2013 du 5 mars 2013 consid. 6).

7. La recourante conteste l’appréciation du critère 1 portant sur les capacités et garanties financières. Elle estime mériter la note de 4.00 au lieu du 1.00 reçu.

a. Le DAO décrivait sur une page ce qui était attendu pour ce critère, soit trois points distincts, respectivement les capacités financières, la garantie financière de bonne fin d’exécution de l’ouvrage et la garantie financière d’exécution des travaux.

Selon la description de la première exigence, l’entreprise devait « démontrer qu’elle [avait] les capacités financières pour assumer la mise en œuvre de l’objet à réaliser en apportant à l’adjudicateur les informations qu’elle juger[ait] pertinentes (rapport annuel de l’entreprise, chiffre d’affaires, bilans, parts de marché, contrats en cours, etc…). Elle [devait] également démontrer qu’elle n’a[vait] pas d’acte de poursuites ou fournir des explications si elle en fai[sai]t l’objet ».

b. En l’espèce, le dossier produit par la recourante ne comporte aucune des annexes précitées. La société s’est limitée à faire état de sa création le 1er décembre 2010 avec un capital-actions de CHF 500'000.-, de mentionner que « afin d’augmenter sa liquidité et de se rendre plus crédible aux yeux des maîtres d’ouvrage, le capital-actions avait été augmenté à CHF 3'000'000.-. Cela leur [permet[tait]] de répondre aux exigences financières d’un plus grand nombre de maîtres d’ouvrages ». Pour le surplus, il était renvoyé à l’extrait du registre du commerce, versé au dossier.

Le capital-actions inscrit au registre du commerce ne correspond ni à l’actif social ni à la fortune sociale de la société. Il ne permet pas de déterminer la santé d’une entreprise, de connaître sa réelle fortune, ses liquidités, sa capacité à assurer le marché concerné. Aucun document n’atteste du fait que la société ne fait pas l’objet de poursuites. L’argument de la recourante selon lequel la seule production de l’extrait du registre du commerce attestant d’un capital-actions de CHF 3'000'000.- permettrait à l’adjudicateur de constater que la société possédait largement les capacités financières exigées pour un projet estimé à CHF 7'000'000.-, la dispensant de fournir des attestations de non poursuite ou de non faillite par exemple, tombe dès lors à faux. C’est en conséquence à juste titre que le pouvoir adjudicateur a considéré que la société n’avait fourni aucune garantie financière.

Quand bien même la recourante à dûment pris les deux engagements sollicités à savoir, conformément au DAO, de produire une garantie financière d’une bonne fin d’exécution de l’ouvrage au plus tard au moment de la signature du contrat, égal à 10 % du prix plafond garantie et de produire, au moment de sa dernière demande d’acompte ou facture, une garantie financière d’exécution des travaux dès la réception de l’ouvrage sous forme de garantie bancaire ou d’assurance, valable à la première réquisition, il ne peut pas être considéré que le pouvoir adjudicateur aurait abusé de son pouvoir d’appréciation ou aurait été arbitraire en fixant la note à 1.00, à savoir une « note insuffisante, mise à un candidat qui a fourni l’information ou le document demandé par rapport à un critère fixé mais dont le contenu ne répond pas aux attentes », selon le système de notation usuel, de 0 à 5.00, proposé par le guide romand des marchés publics rédigé par la Conférence romande des organisateurs de marchés publics (ci-après : CROMP). Les deux garanties, à produire effectivement dans le futur, ne pouvaient contrebalancer l’absence de toute preuve pertinente sur la situation financière réelle et actuelle de l’entreprise soumissionnaire, ce d’autant moins que le pouvoir adjudicateur avait expressément listé dans le DAO les documents qu’il souhaitait recevoir et qui étaient à même de répondre à ses exigences.

Le grief d’arbitraire dans l’appréciation de la note de 1.00 reçue pour le critère 1 est infondé.

8. La recourante conteste l’appréciation du critère 4 portant sur les références du candidat. Elle estime que son offre mérite 4.00 au lieu de la note reçue de 3.00.

a. Le DAO précisait que le candidat devait indiquer une liste de références, si possible récentes à savoir moins de dix ans, achevées ou en cours d’achèvement, effectuées par le sous-missionnaire, en rapport ou équivalentes en importance et complexité avec le marché à « adjuger (logement) ».

b. La recourante a produit six références, à savoir :

-          Les immeubles des « Cèdres de Cologny », réalisés entre 2012 et 2014, où elle était intervenue en qualité d’entreprise générale. Le montant des prestations s’élevait à CHF 110'000'000.-.

-          Le « domaine du Châtaignier » pour un montant de CHF 12'750'000.- réalisé entre 2013 et 2015.

-          Trente-deux logements HM à la rue Ferrier à Genève, réalisés entre 2012 et 2014 pour un montant de CHF 11'200'000.-.

-          Le parking des « Vergers et Arbères » pour 1068 places, à Meyrin, réalisé entre 2014 et 2016 pour CHF 38'000'000.-.

-          Les immeubles au « chemin des Fins 5a-5c » au Grand-Saconnex pour CHF 23'000'000.- réalisé entre 2008 et 2010. Il était précisé que les prestations avaient été faites par Implenia SA sous la responsabilité de M. BÉNÉ.

-          Le centre commercial Les Mouilles II au Petit-Lancy pour CHF 55'000'000.- réalisé entre 2008 et 2009. Les prestations avaient été fournies par Implenia SA sous la responsabilité de M. BLANC.

c. Le pouvoir adjudicateur a considéré que les deux dernières références ne pouvaient être retenues, ayant été effectuées par une autre entreprise. Par ailleurs, parmi les quatre premières références, trois portaient sur des logements, probablement haut-de-gamme, très éloignés du projet concerné. Aucune des références ne comportait de crèche. Il n’était pas fait état d’une expérience de collaboration avec des pouvoirs publics.

d. Ces considérations sont pertinentes, ne sont pas étrangères au but visé par les dispositions légales applicables et ne violent aucun des principes généraux du droit. Compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouit le pouvoir adjudicateur, la note de 3.00, à savoir une note « suffisante mise à un candidat qui a fourni l’information ou le document demandé par rapport à un critère fixé dont le contenu répond aux attentes minimales, qui ne présente aucun avantage particulier par rapport aux autres candidats » ne peut pas être considérée comme étant arbitraire.

L’argument selon lequel la nécessité d’avoir réalisé un projet « identique » viderait de son sens le principe même du marché public, ne résiste pas à l’examen. La fondation avait sollicité des projets « en rapport ou équivalents en importance et complexité avec le marché à adjuger ». Quand bien même les projets cités par la recourante portent sur des montants plus élevés que le marché querellé, elle ne démontre pas en quoi ses références seraient « plus compliquées en termes de gestion des entreprises, de planning, de suivis des chantiers notamment, que le projet concerné ». Elle ne conteste pas que les remarques faites par la fondation soient fondées, notamment le caractère haut-de-gamme des logements construits ou l’absence de construction d’une crèche et par voie de conséquence de traitement des problématiques spécifiques à celle-ci. La recourante ne fait finalement que substituer sa propre appréciation à celle de la fondation, ce qui n'est pas admissible étant donné le pouvoir d'appréciation limité de la chambre de céans.

Le grief d’arbitraire dans l’appréciation de la note de 3.00 reçue pour le critère 4 est infondé.

9. La recourante conteste l’appréciation du critère 5 portant sur l’expérience de travail avec des mandataires. Elle conteste la note de 2.50 qui lui a été attribuée.

a. Selon le DAO le candidat devait désigner, sur la base de ses références, celles réalisées en équipe pluridisciplinaire, en tant qu’entreprise générale, consortium ou en association d’entreprise.

b. La recourante a mentionné quatre expériences de ce type à savoir « les Cèdres » de Cologny, le parking des « Vergers et Arbères » à Meyrin, les logements de la rue Ferrier et Stellart 32 à Plan-les-Ouates ». Ce dernier projet était en démarrage, les travaux devant commencer courant juin 2016. La recourante avait participé activement à la conception de l’avant-projet à partir de mai 2016.

La recourante ne détaille pas clairement ce qu’elle conteste à l’évaluation.

c. Le pouvoir adjudicateur a écarté deux des quatre ouvrages à savoir Stellart, lequel devait démarrer en juin 2016 et les logements de la rue Ferrier, réalisés par Implenia SA. Il a retenu que sur les deux ouvrages restants, seule une expérience portait sur un projet de logements.

d. À l’instar des considérations susmentionnées pour le critère 4, les considérations de la fondation sont pertinentes. La note de 2.5, soit entre « partiellement suffisant » et « suffisant » ne viole pas gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ni ne heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité dès lors qu’elle ne porte que sur deux expériences. Elle ne peut être qualifiée d’arbitraire.

Compte tenu de ce qui précède, le grief de « l’application arbitraire des critères de présélection » est infondé.

10. Il est encore relevé que même à suivre l’argumentation de la recourante sur les critères 4 et 5 et à considérer qu’elle mériterait la note de 4, les, respectivement, 20 et 15 points supplémentaires que lui apporterait cette évaluation favorable porterait le total de 245 à 280 points mais ne lui permettrait ni d’obtenir les 300 points litigieux ni surtout de dépasser l’entreprise classée 5ème avec 295 points.

11. Dans un second grief, la recourante se plaint d’un abus du pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de présélection et d’une violation du principe de transparence.

a. Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur les considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 73 ; 123 V 150 consid. 2 p. 152 ; ATA/368/2015 du 21 avril 2015 consid. 4d).

b. Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d’appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (RDAF 2001 I 403). Il permet d’assurer la mise en œuvre du principe de concurrence, lequel permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l’offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATF 125 II 86 consid. 7c in RDAF 2002 I 543 ; ATA/51/2015 du 13 janvier 2015 consid. 8 ; ATA/952/2014 du 2 décembre 2014 consid. 5b). Il permet également le contrôle de l’impartialité de la procédure d’adjudication, autre principe qui doit être respecté (Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2014, p. 163, n° 264).

Ce principe exige du pouvoir adjudicateur qu’il énumère par avance et dans l’ordre d’importance tous les critères d’adjudication qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions; à tout le moins doit-il spécifier clairement l’importance relative qu’il entend accorder à chacun d’eux. Lorsqu’en sus de ces critères, le pouvoir adjudicateur établit des sous-critères, il n’est pas obligé de les communiquer lors de l’appel d’offres sauf s’il entend les privilégier, auquel cas il doit les communiquer par avance aux soumissionnaires, en indiquant leur pondération respective (ATF 130 I 241 consid. 5.1 p. 248).

En tous les cas, le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères ou de modifier les critères d’aptitude ou d’adjudication (ATF 125 II 86 consid. 7c p. 101 et les références citées ; ATA/952/2014 et jurisprudence citée ; Étienne POLTIER, ibid.).

Le principe de transparence exige notamment que le pouvoir adjudicateur se conforme, dans la procédure qui fait suite à la publication de l’appel d’offres, aux conditions du marché qu’il a préalablement annoncées. Sur ce point, le principe de transparence se rapproche du principe de la bonne foi qui prohibe les comportements contradictoires de l’autorité (art 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; Etienne POLTIER, op. cit., n° 259).

c. Selon la recourante, la documentation de l’appel d’offres mentionnait que l’évaluation dans le tour sélectif se baserait exclusivement sur les indications fournies par les candidats et excluait ainsi une comparaison entre candidats.

d. Le DAO mentionnait clairement quels étaient les critères de présélection et leur pondération respective.

Il précisait de même sous « décision de sélection » que chaque candidat recevrait un tableau d’analyse multicritères qui indiquerait les résultats de tous les candidats. L’établissement dudit tableau est conforme à l’appel d’offres. L’on peine à suivre le raisonnement de la recourante et à comprendre à quoi celui-ci aurait servi, si ce n’était à comparer les offres. La recourante ne l’indique d’ailleurs pas, pas plus qu’elle ne suggère de méthodes différentes. De surcroît, même à envisager une absence de comparaison, la notation était prévue par le DAO. Or, la mauvaise note reçue par la recourante sur le premier critère aurait en tous les cas été prise en considération.

S’il est exact qu’il n’était pas mentionné qu’il convenait d’obtenir 300 points pour passer au second tour, il était clairement indiqué que seul « cinq candidats environ » seraient retenus.

Le chiffre de cinq n’étant pas garanti par l’appel d’offres, la fondation n’a pas modifié les règles posées dans l’appel d’offres en ne retenant que quatre soumissionnaires.

À ce titre, le pouvoir adjudicateur n’a pas violé le chiffre 3.12 du DAO en dressant un tableau d’analyse multicritères à l’issue du premier tour et en ne retenant que les candidats ayant obtenu le plus de points. En tous les cas, classée sixième, aucune clause de l’appel d’offres ou du DAO ne permet à la recourante de prétendre à être retenue pour le second tour.

L’appel d’offres, et la décision de sélection qui en a découlé, sont en conséquence conformes au principe de la transparence, dès lors que les critères de sélection pour le second tour ont été clairement mentionnés et n’ont pas fait l’objet de modification, mais tout au plus de précisions, conformes avec le droit des marchés publics et le large pouvoir d’appréciation dont jouit l’intimée.

12. Vu ce qui précède, la décision querellée étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

Le présent arrêt au fond rend sans objet la requête de restitution de l’effet suspensif et met fin à l’interdiction d’organiser le second tour portant sur le marché concerné contenue dans la lettre de la chambre de céans du 12 juillet 2016.

13. Vu l’issue du litige et compte tenu de l’absence de décision sur effet suspensif, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Conformément à la jurisprudence en la matière, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure à la fondation (ATA/256/2016 du 22 mars 2016 consid. 10 ; ATA/576/2013 du 29 août 2013).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juillet 2016 par Hestia Constructions SA contre la décision de sélection de la Fondation des maisons communales de Vernier du 23 juin 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d’Hestia Constructions SA un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- sinon, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de la recourante, à Me Bertrand Reich, avocat de la Fondation des maisons communales de Vernier, ainsi qu’à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :