Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1724/2010

ATA/643/2010 du 21.09.2010 ( FORMA ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1724/2010-FORMA ATA/643/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 21 septembre 2010

2ème section

dans la cause

 

Monsieur P______
représenté par Me Antje Beck Mansour, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT

 



EN FAIT

1. Monsieur P______, né en 1990, a entamé le 24 août 2009 sa 4ème année gymnasiale au collège Y_______ (ci-après : le collège).

2. Antérieurement, soit dès le mois de mars 2009, M. P______ s’était attelé à la préparation de son travail de maturité (ci-après : TM) consacré à la technologie de la médecine et plus spécialement, à la chirurgie robotique en médecine.

Madame X______ a agréé le sujet du TM et a fonctionné en qualité de maître accompagnante.

En juin 2009, Mme X______ a établi le bilan intermédiaire de l’élève duquel il résulte qu’entre février et juin 2009, elle avait eu quatre entretiens avec M. P______ ainsi que des échanges par mail. La présence de celui-ci aux rendez-vous était qualifiée de bonne, de même que la tenue du carnet de bord. Concernant l’avancement du travail, il était précisé ce qui suit : « recherche d’informations. Entrevue avec chirurgien. Rédaction du questionnaire pour interview. Rédaction d’un plan précis de TM ».

Les tâches à accomplir par M. P______ d'ici au 6 septembre étaient les suivantes : « recherche d’un autre patient/autre chirurgien pour interview. Rédaction ».

Par courriel du 9 juin 2009 à 10h18, Mme X______ a informé M. P______ qu’il lui avait échappé que ce dernier devait aussi signer le rapport intermédiaire qu’elle devait rendre le 12 juin 2009. Elle déposait ce document dans son casier le priant de le signer et de le remettre immédiatement au secrétariat.

Le 22 septembre 2009, Mme X______ a eu un cinquième entretien avec M. P______, lequel a terminé son TM dans le courant du mois d’octobre 2009.

3. Dans le courant du mois de septembre 2009, M. P______ a remis une première version provisoire de son TM à Mme X______. Celle-ci y a apporté des annotations dans la version écrite et a fait part oralement à M. P______ des corrections éventuelles.

M. P______ a alors rédigé une seconde version provisoire de son TM qu’il a remise à Mme X______. Celle-ci l’a relu et a consigné ses annotations dans le texte.

4. Le 2 novembre 2009, M. P______ a déposé son TM. Ce document de trente pages comportait huit chapitres à savoir :

Introduction et motivation.

Historique de la robotique dans la médecine.

Le robot « Da Vinci » au service du chirurgien.

Mon histoire.

Le futur de la robotique dans la médecine.

Interview.

Vocabulaire.

Bibliographie.

5. Le 5 novembre 2009, M. P______ a signé une déclaration d’authenticité déclarant avoir fait et rédigé personnellement le TM et attestant ne pas avoir eu recours au plagiat. Ce document précise ce qu’il faut entendre par plagiat : « Il y a plagiat quand un candidat soumet à l’évaluation des idées, des phrases, des textes ou un travail emprunté à autrui et présenté sans mention des emprunts (citations, sources de citations, origine des travaux) comme s’il s’agissait du travail personnel du candidat (ou d’une partie de ce travail) ».

6. Par courriel du 11 décembre 2009, Mme X______ a informé M. P______ qu’elle avait par mégarde égaré le CD avec son TM. Elle le priait de lui apporter une clé USB avec son TM dessus qu’elle lui rendrait le jour de la présentation orale.

7. Le 15 décembre 2009, M. P______ a soutenu son TM en présence de Mme X______ et de Monsieur J______, juré.

Il résulte du rapport de soutenance orale que M. P______ a commencé par distribuer un dépliant confectionné par ses soins, reprenant les points principaux de sa soutenance, puis, à l'aide de ce document et de ses notes, il a présenté son TM.

M. J______ a pris la parole en adressant des compliments à M. P______ pour la présentation de son travail et la mise en page ainsi que l’idée du dépliant et il lui a posé quelques questions précises auxquelles M. P______ a répondu de façon claire.

Mme X______ a repris les compliments de M. J______ quant à la présentation et la mise en page du TM et posé quelques questions complémentaires à M. P______. Elle a également relevé qu'en ayant écarté délibérément les autres pistes de travail qu'elle lui avait suggérées, M. P______ avait refusé d'entrer dans une vraie démarche de recherche, démarche caractéristique d'un TM.

Mme X______ a ensuite indiqué ensuite qu’un problème de plagiat était apparu sur certaines pages du TM. M. P______ a semblé très étonné répondant qu’il avait travaillé à partir des références citées dans sa bibliographie mais qu’il avait toujours réécrit les textes. Mme X______ lui a fait part des analyses de compilatio.net qui étaient sans appel. M. P______ a soutenu qu’il n’y a pas eu de plagiat d’autant plus que toutes ses sources étaient citées. Mme X______ et M. J______ sont revenus sur la définition du plagiat et sur l’utilisation des citations.

Mme X______ a relevé que si les pages techniques plagiées étaient soustraites du TM, le nombre de mots restants étaient de 3'800 (annexes, sommaire et bibliographie exclus) : le travail était donc insuffisant, un TM nécessitant 6'500 mots hors annexes.

M. P______ a répété qu’il y avait une erreur et qu’il n’avait pas commis de plagiat.

8. Mme X______ a établi une note consacrée à l’analyse du TM de M. P______ avec le logiciel compilatio.net.

Il en ressortait un plagiat de 9 % (cette valeur montait à 13 % si l’analyse était faite sur le corps du travail, sommaire, bibliographie et annexes exclus).

Les pages incriminées étaient les suivantes :

p. 10-11, tirées de www.urofrance.org/

p. 18, tirée de www.futura-sciences.com/

p. 19, tirée de www.larecherche.fr/

p. 20-21, tirées de www.atelier.fr/

p. 21-22, tirées de www.amge.ch/ (ou www.swissmicrotechnology.com/).

Les pages 10-11 étaient inspirées du site www.urofrance.org qui n’apparaissait pas dans la bibliographie.

La revue « La recherche » était mentionnée comme étant la source d’une citation « à la page 19 », mais cette référence n’était pas reprise dans la bibliographie alors qu’une large partie du texte de cette page 19 en était extraite.

L’analyse finalisée donnait le détail du pourcentage des sites plagiés, sur quatorze sources très probables.

Ce document et ses annexes, comprenant notamment le rapport d’analyse de compilatio.net, n’ont pas été communiqués à M. P______.

9. Par courrier du 23 décembre 2009, la doyenne du collège a informé M. P______ que son TM était annulé pour cause de plagiat (malgré la déclaration d’authenticité). Selon le règlement relatif à la formation gymnasiale au collège de Genève (RGymCG - C 1 10.71, art. 22B), il s’agissait d’une faute grave.

M. P______ était tenu de refaire un nouveau TM selon le calendrier de la volée de troisième en 2009-2010.

Cette lettre, contresignée par Mme X______, ne comportait aucune voie de droit.

10. Le 29 décembre 2009, M. P______ a adressé à Mme X______ un courrier recommandé.

Il contestait fermement sa décision d’annuler son TM ainsi que le terme utilisé de « plagiat ». Cette appréciation était totalement erronée : Mme X______ se basait sur quatre pages du TM, lesquelles étaient mises en cause par elle seule, alors que son travail en comportait vingt-neuf. Dites pages n’étaient pas une nouveauté pour elle, puisqu’en sa qualité de maître accompagnante, elle avait déjà eu l’occasion de les voir, de les lire, bref de se rendre compte d’un éventuel problème. Elle n’avait jamais réagi ni soulevé, ne serait-ce qu’une seule fois, l’éventualité de ce problème par rapport au TM. Les pages concernées faisaient partie intégrante des nombreuses recherches auxquelles il s’était livré. Le fait de donner une appréciation aussi négative sur une infime partie du travail réalisé était injustifié et totalement arbitraire. De plus, la partie concernée avait été retravaillée et les sources citées, soit sur la page concernée, soit dans la rubrique « bibliographie ».

Il avait été vraiment surpris de la manière dont elle s’était permis de dénigrer son travail d’une manière aussi excessive lors de la soutenance du 15 décembre 2009. Il estimait être un bouc émissaire. S’il avait rendu un très mauvais travail, il aurait été moins sanctionné qu’en ayant réalisé un travail digne de ce nom. Il espérait que cet écrit lui permettrait de reconsidérer sa décision.

11. A la demande des parents de M. P______, un entretien a eu lieu le 21 janvier 2010 réunissant ceux-ci et la doyenne du collège, Mme X______, Madame L______, doyenne des élèves de 4ème année et M. J______. L’annulation du TM pour cause de plagiat a été confirmée.

Cet entretien, qui n’a pas fait l’objet d’un procès-verbal, a été confirmé le 22 janvier 2010 par la doyenne du collège qui précisait à nouveau que M. P______ était tenu de refaire un nouveau TM selon le calendrier de la volée de 3ème année en 2009-2010 et devait lui communiquer le nouveau sujet avant les vacances de février.

12. Par courrier recommandé du 25 janvier 2010 adressé à la direction générale de l’enseignement postobligatoire (ci-après : la direction générale), M. P______ a contesté la décision d’annulation de son TM. Il avait recouru contre cette décision directement auprès du collège et était actuellement dans l’attente d’une décision.

13. Par décision du 3 février 2010, le directeur du collège (ci-après : le directeur) a confirmé à M. P______ que suite à l’entretien qu’il avait eu avec sa mère, il avait organisé une rencontre avec la doyenne du collège, Mme X______ et M. J______. A cette occasion, il avait été clairement établi que M. P______ avait eu recours au plagiat. Ainsi, il était tenu de refaire un nouveau travail de maturité selon le calendrier de la volée de 3ème année actuelle.

Dite décision indiquait la voie et le délai de recours auprès de la direction générale.

14. Le 3 février 2010, Madame P______, mère de M. P______ s’est adressée au directeur.

Lors de l’entretien du 25 (sic) janvier 2010, il lui avait confirmé la décision de maintenir l’annulation du TM de son fils. Toutefois, après avoir pris connaissance du courriel que Mme P______ avait reçu de compilatio.net, lequel attestait que 90 % du travail rendu n’avait pas été copié sur internet, il lui avait indiqué que cette nouvelle pièce nécessitait la réouverture du dossier. Il fallait compter environ deux jours pour réunir les partenaires concernés, puis la famille de M. P______ serait tenue au courant.

Sur la base de ses conseils, M. P______ avait contesté la décision d’annulation du TM auprès de la direction générale.

Ce 3 février 2010, étant toujours sans nouvelles, elle l’avait contacté par téléphone pour avoir des informations et il lui avait annoncé que la décision de plagiat serait confirmée sans aucune autre forme d’explication.

Elle s’étonnait qu’au vu des éléments en sa possession, il n’ait pas daigné écrire à l’élève ou à ses parents.

Elle attendait qu’il fasse parvenir dans les meilleurs délais, à son fils ou à elle-même, un courrier détaillé et explicite relatif à sa décision. En effet, à ce jour, ni l’un ni l’autre n’avaient reçu d’information sur les détails qui motivaient cette décision qu’ils estimaient totalement infondée et arbitraire.

15. Le directeur a répondu à Mme P______ le 5 février 2010.

Il n’avait pas la même vue de l’entretien qu’ils avaient eu et qui n’avait pas fait l’objet d’un procès-verbal. A l’issue de cette séance, il avait recommandé à M. P______ de déposer un recours auprès de la direction générale. L’idée qu’il avait développée était celle du souci d’obtenir, par une instance extérieure au collège, les éléments qui permettaient de déterminer s’il y avait plagiat ou non. Comme prévu par le règlement, c’était la direction générale qui statuerait.

16. Le 6 février 2010, M. P______ a motivé son recours auprès de la direction générale revenant sur la rédaction de son TM ainsi que la séance de soutenance du 15 décembre 2010. Il a ajouté que suite aux renseignement qui lui avaient été donnés par le secrétariat du collège, il avait appris que le logiciel utilisé pour contrôler si un travail était plagié était le site www.compilatio.net. Ce dernier étant réservé aux établissements scolaires, son père avait entrepris les démarches nécessaires pour faire analyser son TM par le même biais. Il avait été redirigé sur le site recommandé par compilatio.net, utilisant les mêmes méthodes et moteurs de recherche que ce dernier et qui s’appelait www.pompotron.com. L’analyse confirmait que la proportion de texte original (non copiée sur le net) était de 90 %. Aucune allusion n’était faite aux 10 % restants.

Ce document était en annexe.

M. P______ a également relevé l’attitude de Mme X______ en se référant notamment aux messages électroniques du 11 décembre 2009 dans lequel elle lui indiquait qu’elle avait perdu le CD du TM. Elle lui en redemandait un nouveau support pour le mardi 15 décembre au matin, juste avant sa présentation orale. Il avait donné suite à cette demande. De ce fait, la décision de Mme X______ d’annuler son TM lui laissait penser qu’elle n’avait pas réellement pris connaissance de son travail avant la présentation. Elle l’avait parcouru mais sans plus. D’ailleurs, les questions qu’elle lui avait posées lors de la soutenance démontraient qu’elle n’avait pas lu ledit travail.

Son incompréhension restait totale lorsqu’il se rendait compte que tous les exposés réalisés durant son passage au collège avaient été établis avec la même assiduité, la même philosophie. A aucun moment il n’avait reçu de réflexion de la part de l’un ou l’autre des enseignants sur la manière de réaliser un tel travail.

Il a encore précisé comment il en était arrivé à choisir son sujet. Ce choix avait été motivé suite à des problèmes de santé découverts en 2007 et résolus en 2008. Il avait bénéficié d’une intervention chirurgicale assistée par robotique. Il avait mis au courant le chirurgien qui avait pratiqué ces interventions de son choix et de sa motivation de réaliser ce TM. Celui-ci avait accepté de le soutenir dans ses travaux de recherche et lui avait prodigué de nombreux conseils sur le sujet. En résumé, il affirmait n’avoir en aucun cas réalisé un travail plagié et il ne comprenait pas la décision prise par le collège.

17. Le 10 février 2010, Mme P______ a accusé réception du courrier du 5 février 2010 du directeur. Elle regrettait que l’entretien du mois de janvier 2010 n’ait pas fait l’objet d’un procès-verbal.

Le courrier du 23 décembre 2009, reçu par son fils le 29 du même mois, ne contenait aucune voie de recours ni aucune note explicative et détaillée en relation avec les accusations de plagiat. Pour le surplus, elle ne partageait pas l’interprétation du directeur du collège sur la portée de l’entretien du 25 janvier 2010 et notamment sur le souci « de ce dernier » d’obtenir une décision par une instance extérieure au collège.

18. Par décision du 8 mars 2010, la direction générale a rejeté le recours de M. P______. L’analyse méticuleuse du TM avait démontré que le plagiat était bel et bien réalisé à plus de 10 %. En s’attribuant le travail de divers auteurs sans en citer les sources, M. P______ avait commis irrémédiablement une faute punissable qui avait été portée à sa connaissance avant l’élaboration du TM. Sanctionner le plagiat revenait à protéger les œuvres littéraires de chaque individu car il était considéré comme une grave atteinte aux droits d’auteur.

Nonobstant les observations faites par M. P______ sur la qualité de l’accompagnement de Mme X______, il n’en restait pas moins que la constatation du plagiat devait se faire uniquement au moment de la reddition finale du travail. A titre exceptionnel, M. P______ était autorisé à présenter un nouveau TM au cours du mois d’août 2010, dernier délai, afin de pouvoir poursuivre son cursus à l’université sans subir d’interruption.

Dite décision pouvait faire l’objet d’un recours auprès de Monsieur Charles Beer, président du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : le département).

19. En temps utile, M. P______ a saisi le président du département d’un recours contre la décision précitée, rejeté par décision du 13 avril 2010. Le plagiat était bel et bien avéré. M. P______ avait parfaitement conscience de ce qu’était le plagiat et en dernière année gymnasiale, le recours aux guillemets et l’emploi des caractères italiques pour citer des passages extraits d’ouvrages ou de sources existants devaient être une pratique tout à fait courante chez tous les collégiens. S’il avait dû subsister le moindre doute, M. P______ avait toute possibilité de questionner sa maîtresse accompagnante qui était à sa disposition et qui lui avait accordé tous les rendez-vous nécessaires au suivi adéquat de son travail. Par ailleurs, l’extrême technicité de la thématique choisie induisait forcément l’emploi de formulations et d’un lexique dont l’usage était tout à fait peu courant au collège, ce qui rendait de facto difficile le repérage d’un plagiat pour tous les lecteurs non-spécialistes de cette matière. C’était en toute bonne fois que la maîtresse accompagnante avait suivi la procédure qui consistait à analyser le travail sous l’angle du plagiat au moment de l’évaluation finale.

Le plagiat étant avéré et l’accompagnement du travail tout à fait adapté, le recours était rejeté et l’annulation du TM confirmée.

Dite décision indiquait la voie et le délai de recours au Tribunal administratif.

20. M. P______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 12 mai 2010.

Il a repris ses précédentes explications et conclusions concernant aussi bien l’accompagnement prodigué par Mme X______ que la contestation du plagiat.

Il a pour le surplus invoqué une violation de son droit d’être entendu : la décision litigieuse ne comportait aucune indication des passages du travail incriminé qui comporteraient du plagiat pas plus que l’indication des auteurs, sites ou ouvrages qui auraient été plagiés. Il lui était donc impossible de s’expliquer. Son droit d’être entendu avait été violé sous l’angle du devoir de motiver de l’autorité qui avait, ce faisant, constaté inexactement les faits.

Il a sollicité la tenue d’une audience de comparution personnelle ainsi que l’audition du Docteur Franz Schmidlin.

Sur le fond, il conclut, à l’annulation de la décision querellée et à ce qu’il soit ordonné au collège de valider le TM déposé le 5 novembre 2009, subsidiairement, au renvoi de la cause à la direction générale pour complément d’instruction et nouvelle décision, avec suite de frais et dépens.

21. Dans sa réponse du 29 juin 2010, le département s’est opposé au recours.

Le plagiat était bel et bien avéré. Il était admis par le corps professoral que M. P______ était un bon élève. Ce nonobstant, l’annulation du TM avait pour conséquence la réalisation d’un nouveau TM selon le calendrier de l’année scolaire suivante. Or, il avait été accordé à M. P______ la possibilité de refaire un nouveau TM pendant l’été afin qu’il puisse entrer à l’université à la rentrée prochaine. Dans cette mesure, la sanction prise à l’égard de M. P______ respectait le principe de proportionnalité.

Aucune violation du droit d’être entendu de M. P______ n’avait été réalisée dès lors que ce dernier avait été informé de la non-validation de son TM pour cause de plagiat le 23 décembre 2009. La direction du collège l’avait reçu à plusieurs reprises ainsi que ses parents. Il avait pu exposer ses arguments tant devant la direction du collège que devant les autorités de recours.

22. Dans des écritures spontanées du 30 juin 2010, M. P______ a fait savoir au Tribunal administratif qu’en raison des échéances des formalités d’immatriculation de l’Université de Genève, il se trouvait dans une situation d’urgence.

Il avait demandé son immatriculation à l’Université de Genève pour le semestre d’automne 2010 pour postuler à un titre B en médecine. Une attestation d’immatriculation lui avait adressée le 16 juin 2010. Les candidats aux études de médecine étaient soumis à un test d’aptitude fixé au 9 juillet 2010. Au mois d’août 2010, l’immatriculation devait être complétée par la remise des diplômes de fin d’études secondaires et du détail des résultats obtenus.

Il avait passé avec succès les examens de maturité et avait obtenu, non sans peine, et oralement seulement, la communication de ses notes. Sa moyenne générale était de 5,3, avec d’excellents résultats en mathématiques et dans les branches scientifiques.

Selon l’art. 16 de l’ordonnance sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale du 15 février 1995 (ORM - RS 413.11), le certificat de maturité était obtenu si pour l’ensemble des disciplines de maturité, le double de la somme de tous les écarts vers le bas par rapport à la note de 4 n’était pas supérieur à la somme simple de tous les écarts vers le haut par rapport à cette même note et si quatre notes ou plus n’étaient pas inférieures à 4. Or ses notes étaient excellentes et aucune n’était inférieure à 4. Seul restait litigieux l’admission du TM. Vu les notes de maturité obtenues, les critères de réussite de l’art. 16 al. 2 ORM étaient manifestement réalisés. Il demandait que soit ordonné au département d’enjoindre au collège de lui décerner son certificat de maturité. Vu l’urgence et l’intérêt juridique évident du recourant, exposé qu’il était à subir un dommage irréparable si la décision du département dont est recours devait être maintenue, il demandait que le tribunal de céans constate, au sens de l’art. 49 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) qu’il avait satisfait aux critères de réussite de l’art. 16 ORM et qu’il était admissible à être titulaire d’une maturité au sens des dispositions fédérales.

Il conclut à l’admission de son recours et à ce qu’il soit constaté qu’il avait satisfait aux critères de réussite de l’art. 16 ORM afin de pouvoir poursuivre les formalités d’immatriculation à l’Université de Genève.

23. Le 15 juillet 2010, le département s’est référé à ses observations du 29 juin 2010 et a persisté dans ses conclusions.

24. Dans l’intervalle, soit le 12 juillet 2010, M. P______ a déposé au Tribunal administratif de nouvelles écritures spontanées.

Il invoquait des faits nouveaux qui l’amenaient à considérer qu’il avait fait l’objet d’une inégalité de traitement patente.

Interpellé par sa situation, de nombreux élèves lui avaient manifesté leur solidarité et certains lui avaient remis spontanément leur TM afin de lui permettre de le passer au test anti-plagiat utilisé par le collège. Les résultats étaient clairs : la proportion de texte original d’un premier TM révélait une proportion de texte original de 90 %, celle d’un second TM de 95 % et celle d’un troisième TM de 98,5 %, alors que son propre TM révélait une proportion de 94 %, voire de 91 % selon l’analyse de Mme X______. Or, l’élève qui avait rédigé le TM 1 était également suivie par Mme X______. Il ressortait de la lecture de ce TM que, malgré la référence évidente à des ouvrages et sites divers, aucune citation ne figurait dans ce travail. Les sources n’étaient énumérées qu’en page 30, de la même façon qu’il l’avait fait lui-même. Il semblait évident que soit les exigences posées en matière de citations n’étaient pas les mêmes pour les deux élèves, soit alors que Mme X______ n’avait donné aucune consigne, ni autre instruction relative aux principes et nécessité des citations en bas du texte, se contentant de références bibliographiques à la fin. En tous les cas, le résultat était choquant : ce n’était pas sous prétexte de plagiat, non retenu à l’égard d’autres élèves dont le TM ne comportait pas d’avantage de texte original, que le sien devait être refusé. Les situations entre lui-même et sa camarade ayant réussi son TM étaient tellement semblables, concernant l’indication des sources et l’absence de citations dans le texte, qu’un traitement identique s’imposait par rapport à la notion de plagiat : soit celui-ci était retenu pour les deux TM, soit il ne l’était pour aucun.

Convoqué par le directeur du collège en date du 1er juillet 2010, ce dernier lui avait fait savoir qu’il n’était pas au courant de la procédure pendante devant le Tribunal administratif.

Enfin, le procès-verbal de ses notes de maturité ne lui avait toujours pas été communiqué.

Il a persisté dans ses conclusions initiales.

25. Le département s’est déterminé le 23 juillet 2010.

Le test anti-plagiat avait été fait à l’aide d’un logiciel. Ce procédé n’était pas infaillible et il n’était pas envisageable qu’un établissement secondaire parvienne à déceler toutes les irrégularités. Le fait que certains élèves aient contourné la réglementation sans avoir été sanctionnés ne donnait pas droit au recourant d’exiger le même traitement. Selon la jurisprudence constante en la matière, l’égalité de traitement ne s’appliquait pas en cas d’illégalité.

L’analyse du TM du recourant, sous l’angle du plagiat, s’était déroulée conformément à la procédure habituelle. En effet, l’évaluation se faisait au moment de la reddition finale du TM et non dans le courant de son élaboration. Par ailleurs, le recourant n’avait pas voulu tenir compte des nombreuses remarques de sa maîtresse accompagnante lors du suivi de son travail, notamment concernant la problématique. Cette dernière avait parfaitement rempli son rôle, en accordant plusieurs entretiens à son élève et en lui prodiguant de nombreux conseils.

Le procès-verbal, ainsi que le certificat de maturité, seraient remis à M. P______, lorsque ce dernier aurait rempli les conditions d’obtention de maturité. Dans l’intervalle, M. P______ avait reçu, par courrier daté du 20 juillet 2010, un extrait du procès-verbal de ses résultats de maturité.

M. P______ avait été traité conformément au cadre légal. La sanction prise à son encontre ne violait pas le principe de proportionnalité. C’était en vain que le recourant invoquait l’égalité dans l’illégalité.

La décision prise par le département n’était pas arbitraire et le recours devait être rejeté.

26. Le Tribunal administratif a tenu une audience de comparution personnelle et d’enquêtes le 6 septembre 2010.

a. Monsieur Franz Schmidlin a été entendu.

Il a confirmé avoir été le médecin de M. P______. L’intervention qu’il avait pratiquée sur ce dernier lui avait donné l’idée de consacrer son TM à la chirurgie robotique, voire même à se lancer dans des études de médecine. Il trouvait important de soutenir une telle motivation. M. P______ lui avait demandé à plusieurs reprises des conseils pour son TM. Il avait pris connaissance de celui-ci et il avait trouvé qu’il était bien organisé et bien fait. Etant privat-docent à l’Université de Genève, il avait des points de comparaison.

Au courant du problème qu’avait rencontré M. P______ avec son TM, il était personnellement scandalisé par les reproches formulés à l’encontre de ce dernier et c’était d’ailleurs l’une des raisons qui le poussait à renoncer à être indemnisé.

Sur un sujet aussi technique que celui qui avait été choisi, il était pratiquement impossible d’effectuer des descriptions sans reprendre automatiquement ce qui avait déjà été écrit. Il était mesquin de voir dans un tel mode de faire un plagiat. A titre d’exemple, la description d’un robot était forcément technique et on ne pouvait pas indéfiniment la refaire avec d’autres mots que ceux déjà été utilisés. A la lecture du TM de M. P______, il n’avait pas eu l’impression d’un « copier/coller ».

Il avait rencontré M. P______ pendant la rédaction de son TM. Mais il n’avait aucunement participé à la rédaction de ce travail pas plus qu’il n’y avait apporté une correction.

Il était personnellement choqué par l’attitude de l’enseignante dans cette affaire. Pour lui, le rôle de l’enseignant était d’amener l’élève à bon port et l’échec de l’élève était également celui de l’enseignant.

Ayant lui-même des enfants de l’âge de M. P______, il ne comprenait pas pourquoi l’on ne soutenait pas les jeunes dans leur motivation. Il ne comprenait pas l’attitude du corps enseignant dans cette affaire qui s’était focalisé sur un ou deux points sans tenir compte de l’ensemble de la qualité du travail. En effet, l’apparition de la chirurgie robotique était une révolution dans le domaine de la médecine, en particulier dans sa sphère d’activité.

b. Mme X______ a également été entendue. Elle a confirmé avoir été le maître accompagnant de M. P______ pour son TM. Après avoir défini le rôle du maître accompagnant dans la problématique du TM, elle a précisé qu’elle avait suggéré à M. P______ d’explorer des pistes en dehors de celles de son propre médecin. Celui-ci avait toujours acquiescé à ses suggestions mais lorsqu’elle avait lu son TM provisoire, elle avait constaté qu’il ne l’avait pas fait. Elle trouvait dommage qu’il soit resté centré sur son histoire. A la lecture du travail provisoire, elle n’avait absolument pas pensé au plagiat étant donné qu’en quatrième année du collège, les élèves étaient parfaitement informés de la manière de citer leurs sources. Il y avait eu très peu de corrections apportées entre le travail provisoire et le travail définitif. A la lecture de ce dernier, elle avait été frappée par l’absence de fil conducteur. Elle ne comprenait pas comment on pouvait écrire une vingtaine de pages sans fil conducteur, en l’absence de toutes recherches personnelles. Elle avait été amenée à faire le test anti-plagiat. Cette année-là elle avait quatre TM. C’était le seul qu’elle avait passé au test anti-plagiat et par curiosité elle avait passé les trois autres. Les résultats étaient clairs : plagiat pour M. P______ et pas pour les trois autres. Elle avait effectué le test entre le 11 et le 15 décembre 2009 précisant que si elle avait égaré le CD, elle n’avait jamais perdu la version papier du TM. S’agissant du test anti-plagiat, compilatio.net faisait une recherche au hasard. Elle n’avait pas testé et ne connaissait pas le logiciel utilisé par M. P______. Avec compilatio.net, pour avoir passé le travail plusieurs fois, elle obtenait des résultats différents (1 ou 2 %). Elle ne pouvait pas répondre à la question de savoir à partir de quel pourcentage le plagiat devait être sanctionné.

Elle n’avait pas précisé à M. P______ quelles étaient les parties plagiées mais elle n’avait jamais refusé ce renseignement que, à sa connaissance, il ne lui avait pas demandé.

Elle était l’auteure des pièces nos 3, 4 et 5 du département (chronologie et contenu des entretiens lors du suivi du TM de M. P______ (pièce n° 3), rapport de soutenance orale (pièce n° 4), analyse du plagiat (pièce n° 5)).

c. L’audience s’est poursuivie par l’audition des parties.

M. P______ a confirmé que son inscription en faculté de médecine était suspendue dans l’attente de l’issue de la procédure, le dernier délai étant celui du 20 septembre 2010.

Sur le fond du problème, il a relevé que Mme X______ avait reçu plusieurs versions de son TM et qu’elle aurait pu lui signaler un éventuel problème de plagiat avant la séance de soutenance. Il ne comprenait d’ailleurs pas qu’elle l’ait convoqué à celle-ci. Entre le travail provisoire et le travail définitif, il disposait d’un délai d’un mois pour corriger son travail si Mme X______ l’avait estimé nécessaire.

Pendant ses quatre années de collège, il n’avait jamais eu de remarques sur la manière d’effectuer les citations. Il n’avait pas procédé de manière différente lors de la rédaction du TM.

Le département a confirmé qu’il y avait plusieurs logiciels anti-plagiat et qu’il ne connaissait pas celui utilisé par le recourant.

Il n’y avait pas eu de procès-verbaux concernant les entretiens entre la famille de M. P______ et la direction du collège.

La brochure « Travail de maturité 2010 - Guide à l’usage de l’élève » citée par Mme X______ dans sa déposition serait versée aux débats.

27. La pièce susmentionnée a été remise au greffe du Tribunal administratif dans l’après-midi du 6 septembre 2010.

28. Sur quoi et comme annoncé aux parties lors de l’audience de comparution personnelle, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 LPA).

2. a. Aux termes de l’art. 10 ORM, chaque élève doit effectuer seul ou en équipe, un travail autonome d’une certaine importance. Ce travail fera l’objet d’un texte ou d’un commentaire rédigé et d’une présentation orale.

L’art. 15 al. 2 ORM précise que le TM est évalué sur la base des prestations écrites et orales.

b. Les objectifs du TM sont explicités dans le commentaire de l’art. 10 ORM.

« Ce travail est exigé de l’ensemble des élèves. Les compétences développées pour sa réalisation cadrent parfaitement avec les objectifs de l’art. 5 et avec les aptitudes requises pour les études universitaires. Quand bien même les résultats de ce travail n’interviennent pas dans les conditions de réussite de la maturité, son sujet et l’appréciation des prestations de l’élève figureront explicitement sur le certificat (art. 20 al. 1g). On souligne par-là l’importance de ce travail, mais aussi le caractère fondamentalement différent de son évaluation, difficilement traduisible en une note dont le poids par rapport aux autres notes de maturité serait dévalorisant.

Par ce travail, l’élève exerce et démontre son aptitude à chercher, à évaluer, à exploiter et à structurer l’information ainsi qu’à communiquer ses idées. Cette communication impliquera obligatoirement les deux formes d’expression écrite et orale.

Dans les cas où le travail serait de nature essentiellement graphique, visuelle, artistique ou matérielle, on exigera néanmoins un commentaire écrit. La présentation orale devrait se faire devant un jury composé de maîtres et de personnes extérieures à l’école. Parmi les objectifs, il faut relever également la motivation, l’acquisition d’une méthode de travail, le développement de l’autonomie et l’ouverture au-delà d’une discipline au sens strict.

Le TM exige un encadrement par les enseignants tant pour le choix des sujets que pour les méthodes de travail. Un volume adéquat doit donc être prévu à la grille horaire. Il devra également faire l’objet d’une évaluation formative qui incitera l’élève à arriver à des prestations suffisantes et à la maîtrise des objectifs visés. Un effort de perfectionnement des maîtres devra être fait dans ce sens.

Le choix du sujet pourrait être l’occasion de confirmer le profil choisi par l’élève ou au contraire de le diversifier ».

3. Sur le plan cantonal, le TM fait l’objet de l’art. 22 RGymCG, dont la teneur est calquée sur celle de l’art. 10 ORM susmentionné.

Le chapitre VIII du règlement interne du collège de Genève est consacré au TM. Ainsi, selon l’art. 39, dans le courant des deux années terminales, chaque élève doit effectuer, seul ou en équipe, un travail autonome d’une certaine importance, dénommé « travail de maturité » (al. 1). Le travail de maturité fait l’objet d’un texte ou d’un commentaire rédigé et d’une présentation orale (al. 2). Une maîtresse ou un maître accompagnant assume la responsabilité de l’accompagnement de l’élève ou de l’équipe ; il suit l’évolution du TM et procède finalement, avec un juré, à son évaluation (al. 3).

4. Le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu dans la mesure où aucune des décisions rendues par les instances inférieures ne contiennent une quelconque indication sur l’auteur qui aurait été copié ou cité en violation des usages typographiques exigés ni davantage quels seraient les passages plagiés et quelles seraient les sources dont relèveraient lesdits passages qui auraient été plagiés, le mettant dans l’impossibilité de se prononcer face à cette affirmation de plagiat.

Le droit d’être entendu, tel qu’il est garanti à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à out le moins de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497 consid. 2.2 et les réf. citées).

En l’espèce, il est établi que le recourant n’a jamais reçu de précisions sur les passages plagiés, ce qui a été confirmé par l’audition de Mme X______ devant le juge délégué. Par ailleurs, la note établie par celle-ci qui comporte la photocopie des pages prétendument plagiées ainsi que l’analyse de compilatio.net n’ont pas été communiquées au recourant avant la procédure de recours devant le Tribunal administratif.

Il faut admettre que dans la mesure où le recourant n’a pas eu connaissance de la nature et des passages prétendument plagiés et qu’il n’a pas pu se prononcer à ce sujet, son droit d’être entendu a été violé.

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATA/452/2008 du 2 septembre 2008 consid. 2b ; ATA/430/2008 du 27 août 2008 consid. 2 ; P. MOOR, Droit administratif, Les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 2e éd., Berne 2002, ch. 2.2.7.4 p. 283). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 p. 72 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.63/2008 du 25 août 2008 consid. 2.1) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 133 I 201 consid. 2.2 p. 204). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/534/2010 du 4 octobre 2010 et les réf. citées).

En l’espèce, le Tribunal administratif jouissant d’un plein pouvoir d’examen (art. 61 al. 1 let. a et b LPA), ce vice a été réparé par la procédure de recours.

5. L’ORM ne contient pas de définition du plagiat. En revanche, l’ordonnance du 7 décembre 1998 sur l’examen suisse de maturité (RS 413.12) précise en son art. 23 que le candidat qui apporte ou emploie tout instrument de travail ou ouvrage non autorisé ou qui commet une autre fraude, quelle qu’elle soit, est immédiatement exclu de la session. L’exclusion lui est notifiée par le président de la session. Dans ce cas, l’examen est considéré comme un échec.

Dans un arrêt récent portant sur un cas de plagiat d’un TM de l’examen suisse de maturité, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) s’est fondé sur l’aide-mémoire « Ethique/Plagiat - Instructions complémentaires pour le travail de maturité » pour préciser cette notion :

« Il y a plagiat lorsque des idées, des raisonnements, des formulations provenant de tiers dans un travail ne sont pas signalés comme tels, mais présentés comme la propre création de l’auteur (cf. également sur la notion de plagiat K. TROLLER, Précis du droit suisse des biens immatériels, Bâle 2001, p. 234 ; Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7732/2006 du 7 septembre 2007 consid. 5 ; Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération (JAAC) 69.35 consid. 4.1 et les réf. citées). Il n’est pas déterminant pour qualifier un plagiat que celui-ci soit intentionnel (tromperie volontaire) ou non (par ex. s’il est dû à un oubli d’indiquer les sources) (cf. aide-mémoire, p. 1). Sont notamment réputés plagiats, la remise de l’œuvre d’un tiers sous son propre nom, la traduction de textes existants en langue étrangère sans indication de source, la reprise de passages de textes de tiers sans marques de citation (cela inclut le téléchargement et l’utilisation de passages de textes d’internet sans indication de la source), la reprise de passages de textes d’une ou de plusieurs œuvres de tiers avec de légères reformulations (paraphrases) sans qu’ils soient signalés comme citations et la reprise de passages de textes de tiers, même paraphrasés, signalés comme citation en dehors du contexte immédiat des passages citées (aide-mémoire, p. 1 et la réf. à C. SCHWARZENBERGER/ W. WOHLERS, Plagiatsformen und disziplinarrechtliche Konzequenzen, in : Unijournal Die Zeitung der Universität Zürich, 4/2006, p. 3 ; voir également : JAAC 69.35 consid. 4.3 s et N. DUFOUR, l’Université de Genève ouvre la chasse au plagiat in : Le Temps du 29 janvier 2010) » (Arrêt du Tribunal administratif fédérale Cour II B-229/2010 du 29 juillet 2010).

6. a. L’art. 22A RGymCG est consacré à la fraude ou plagiat dans le cadre du TM.

Suivant la gravité de la faute commise par l’élève, les mesures et sanctions suivantes peuvent être décidées :

1. par la direction de l’établissement :

a) annuler le travail de maturité ;

b) imposer un nouveau travail. Ce nouveau travail se réalise selon le calendrier de la volée suivante. Après avoir rendu et soutenu le nouveau travail et en cas de réussite, l'élève obtient le certificat de maturité au plus tôt au mois de janvier qui suit ses examens de maturité.

2. Selon la gravité de la faute commise, l'élève peut faire en outre l'objet de sanctions disciplinaires. Les dispositions des art. 34B à 34D du règlement de l'enseignement secondaire du 14 octobre 1998 (RES - C 1 10.24) sont applicables.

b. Certains établissements genevois ont édicté des directives consacrées au TM.

Celui du collège Y______ intitulé « Travail de maturité 2010 - Guide à l’usage de l’élève » ne contient aucune référence au plagiat. Cela étant, lors de la remise de son TM, l’élève signe une « déclaration d’authenticité » laquelle contient une définition du plagiat libellée en ces termes : « Il y a plagiat quand un candidat soumet à l’évaluation des idées, des phrases, des textes ou un travail empruntés à autrui et présentés sans mention des emprunts (citations, sources des citations, origine des travaux) comme s’il s’agissait du travail personnel du candidat (ou d’une partie de ce travail) ».

Dans d’autres brochures, comme par exemple celle éditée par le collège Sismondi sous le titre « Présentation du travail de maturité », le plagiat est défini comme suit :

« par plagiat il faut entendre :

la copie (quel que soit le support d’origine) de phrases entières sans les mettre entre guillemets et/ou sans mentionner la source exacte ;

la traduction d’un texte rédigé dans une autre langue sans révéler la source originale ;

l’emprunt d’informations précises à une source à laquelle aucun renvoi n’est effectué » (directive citée dans le « travail de maturité : base réglementaire et déroulement du travail, F______ chef de projet directeur du collège de Saussure, Genève, le 15 novembre 2004, annexe D3).

Les définitions ci-dessus rejoignent sensiblement celles retenues par le TAF dans l’arrêt précité, dès lors les principes peuvent être appliqués par analogie.

7. La première constatation qui doit être faite a trait à la manière dont est abordée la problématique du plagiat par le collège Y______.

Comme vu ci-dessus, les directives remises à l’élève pour la réalisation de son TM sont muettes sur la question de plagiat. Ce n’est que lors de la reddition du travail que l’élève signe une déclaration d’authenticité qui définit cette notion.

Durant la rédaction du TM proprement dite, il apparaît que l’élève n’est pas sensibilisé au phénomène du plagiat. Dans le cas particulier, le recourant a remis deux versions provisoires de son TM à son maître accompagnant, laquelle n’a pas émis la moindre remarque à ce sujet.

8. Admettre qu’un plagiat est réalisé présuppose une analyse minutieuse de l’ouvrage incriminé.

Il s’agit en premier lieu d’établir s’il y a plagiat et à cet égard le recours au test anti-plagiat est une mesure d’instruction. Puis il convient d’établir la gradation du plagiat qui peut être soit bénin, soit avéré, soit aggravé.

Le prérapport établi par le service Ecoles - Médias du département intitulé « le plagiat dans les systèmes éducatifs » produit en pièce n° 19 par le recourant définit comme suit les trois notions de plagiat.

Ainsi, le plagiat bénin accorde un certain droit à l’erreur à but formatif au collégien en matière d’emprunts et de citations. Lorsqu’un collégien a récidivé après un plagiat bénin, il y a alors plagiat avéré et son travail est annulé. L’élève doit immédiatement entreprendre un nouveau TM sur un autre thème mais il est cependant autorisé à se présenter aux examens de maturité. Enfin, le plagiat aggravé est celui mis en œuvre par le collégien qui recourt à des stratégies destinées à tromper le lecteur et l’évaluateur ou la récidive. La sanction est soit l’exclusion, soit les dispositions du plagiat avéré.

En l’occurrence, le TM du recourant a été soumis au test anti-plagiat de compilatio.net. Le rapport d’analyse y relatif indique un plagiat de 9 %. Dans sa note y relative, Mme X______ précise que cette valeur monte à 13 % si l’analyse est faite sur le corps du travail (sommaire, bibliographie et annexes exclus). Cette conclusion personnelle ne ressort toutefois pas du test anti-plagiat sur lequel l’autorité intimée s’est fondée pour tenir pour avéré le plagiat reproché au recourant. Or, sur le site de compilatio.net consulté par le Tribunal administratif le 20 septembre 2010, il apparaît que compilatio.net fixe trois seuils de plagiat le premier à moins de 10 %, le second de 10 à 35 % et le troisième de plus de 35 %. Dans le cas du recourant, l’indice de plagiat est de 9 % et rentre dans le seuil le plus faible.

A cela s’ajoute, qu’il résulte des déclarations mêmes de Mme X______ que la vérification par compilatio.net est d’une fiabilité toute relative, les résultats variant de 1 à 2 % d’une vérification à l’autre.

Enfin, il n’est pas sans intérêt de relever que l’autorité intimée elle-même n’est pas en mesure de préciser à partir de quel pourcentage le plagiat doit être sanctionné (audition témoin X______).

On cherche en vain, dans le TM annoté du recourant par le maître accompagnant, les passages précis qui seraient plagiés. En effet, la note interne établie par Mme X______ sur la base de laquelle le plagiat a été retenu est rédigée de manière telle qu’il est impossible d’établir exactement les passages qui seraient tirés tels quels de sites internet :

Ainsi, les pages 10 et 11 comportent l’annotation « extrait : www.urofrance.org » sans que l’on sache de quels passages il s’agit.

La même remarque doit être faite en ce qui concerne la page 11.

La page 13 comporte l’annotation « tiré de www.futura-sciences.com » alors que cette référence figure expressément à la 4ème ligne de ladite page.

La page 19 comporte l’annotation « tiré : www.larecherche.fr » alors que la troisième ligne de cette même page fait expressément référence à l’article tiré de « la recherche, mars 2009, n° 428 ». Au demeurant l’on ne peut pas exclure que cet article soit publié sur le site internet de ladite revue.

Quant aux pages 20, 21 et 22, les mêmes remarques s’imposent que celles formulées précédemment à propos des pages 10 et 11.

Il résulte de ce qui précède que l’autorité intimée n’a pas établi les faits dans le respect des art. 18 et ss LPA comme l’art. 22A RGymCG lui en fait l’obligation.

Dans ces conditions, le Tribunal administratif n’est pas en mesure de constater dans quelle mesure le TM de M. P______ aurait repris des textes de sites internet, voire de toute autre source, en rapport avec la thématique choisie, ni quels sont les passages qu’il aurait réellement plagiés, cas échéant, dans quelle proportion.

Les deux seules remarques précises sont celles des pages 13 et 19. Or, dans l’un et l’autre cas, la référence à la source consultée, respectivement un site internet pour le premier et un article tiré d’une revue pour le second, figure expressément dans le texte, ce qui exclut assurément le grief de plagiat pour ce deux passages.

En conséquence, en annulant le TM du recourant pour plagiat, l’autorité intimée a manifestement abusé de son pouvoir d’appréciation. Non seulement le plagiat en tant que tel n’a pas été établi mais de plus, la gravité du plagiat qui aurait été commise par le recourant n’a pas été précisée. Or, cet élément était nécessaire pour décider, cas échéant, de la sanction à infliger au recourant. Il s’ensuit que la décision litigieuse sera annulée et le recours admis. Il appartiendra à l’autorité intimée d’enjoindre le collège Y______ de délivrer à M. P______ son certificat de maturité, ce dernier ayant réussi son année scolaire avec une moyenne générale de 5,30.

9. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du département qui succombe. Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à M. P______ à charge de l’Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 mai 2010 par Monsieur P______ contre la décision du 13 avril 2010 du département de l'instruction publique, de la culture et du sport ;

au fond :

l’admet ;

dit que le travail de maturité de Monsieur P______ n’est pas annulé pour cause de plagiat ;

ordonne en conséquence au département de l’instruction publique, de la culture et du sport de délivrer à Monsieur P______ son certificat de maturité :

met à la charge du département de l’instruction publique, de la culture et du sport un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’une indemnité de procédure de CHF 2'000.- est allouée à Monsieur P______ à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antje Beck Mansour, avocate du recourant ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :