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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1737/2013

ATA/769/2013 du 19.11.2013 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1737/2013-LOGMT ATA/769/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 novembre 2013

en section

 

dans la cause

 

 

 

 

Monsieur M______

contre

OFFICE DU LOGEMENT

 

 

 


EN FAIT

Monsieur M_______ et son épouse, Madame M______, sont locataires, depuis 1994, d'un appartement de six pièces, dans un immeuble non subventionné sis chemin Y_______, _______ à Vernier (GE).

Le loyer initial de l'appartement s'élevait à CHF 21'600.- par année, plus les charges en CHF 1'500.-, puis à CHF 19'800.- dès 1997, les charges restant inchangées.

Par avis de majoration du 23 février 2012, les époux M______ (ci-après : les époux) ont été informés de ce que leur loyer annuel s'élèverait à CHF 20'400.- du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, à CHF 21'000.- du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, puis à CHF 21'600.- dès le 1er juillet 2014, les charges restant inchangées.

Selon le registre des habitants de l'office cantonal de la population (ci-après : l'OCP), les époux sont les deux seules personnes officiellement domiciliées au chemin Y______, ______ à Vernier.

Le 5 mars 2013, les époux ont sollicité de l'office du logement (ci-après : l'OLO) d'être mis au bénéfice d'une allocation de logement. Dans le formulaire qu'ils ont adressé à ce dernier, ils ont indiqué être les deux seuls occupants du logement précité, que tout ou partie de leur loyer était payé par un tiers et qu'ils bénéficiaient de l'aide de l'hospice général (ci-après: l'hospice).

Le 15 mars 2013, l'OLO a constaté la sous-occupation de l'appartement de six pièces occupé par les époux et a refusé de leur accorder une allocation de logement.

Par courrier du 14 avril 2013, les époux ont écrit à l'OLO afin que ce dernier reconsidère sa décision. En effet, ils bénéficiaient de l'aide de l'hospice, faisaient l'objet d'actes de défaut de biens et de quelques poursuites, situation rendant plus difficile leur recherche d'un appartement plus petit et moins cher. Ils s'étaient inscrits récemment auprès de l'OLO afin que ce dernier les aide dans leurs recherches d'appartement auprès des régies, l'hospice se portant garant du paiement de leur loyer. Leur loyer étant élevé, ils ne disposaient que d'un revenu mensuel total de CHF 1'450.- pour vivre.

8. Par décision sur réclamation du 29 avril 2013, l'OLO a confirmé sa première décision du 15 mars 2013 dans laquelle il refusait d'accorder une allocation de logement aux époux, ce en raison d'une sous-occupation de l'appartement constituant leur domicile.

9. Par acte posté le 29 mai 2013, M. M______ a formé recours contre cette décision sur réclamation auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Dès lors qu'il bénéficiait de prestations de l'assistance publique, que l'hospice ne pouvait pas l'aider dans le paiement de son loyer et qu'il avait des difficultés dans ses recherches d'un nouvel appartement, étant toujours dans l'attente d'une réponse de l'OLO, il sollicitait l'allocation de logement afin de faire face à son loyer très élevé.

10. Le 24 juin 2013, l'OLO a conclu au rejet du recours. L'appartement des époux, composé de six pièces, n'était occupé que par ces deux derniers, de sorte que le taux d'occupation légal des lieux n'était manifestement pas observé. Cette situation n'ouvrait aucun droit à une allocation de logement, ne remplissant pas les conditions légales y relatives et l'OLO ne disposant d'aucune marge d'appréciation dans l'octroi de ladite allocation.

L'OLO a notamment produit les décomptes de prestations versées aux époux par l'hospice de janvier 2012 à février 2013, desquels il ressort que l'hospice versait directement aux bailleurs des époux un montant de CHF 1'909.- à titre de loyer.

11. M. M_______ a renoncé à déposer des observations complémentaires.

12. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. A défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

3. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/844/2012 du 18 décembre 2012 consid. 3 ; ATA/762/2012 du 6 novembre 2012 consid. 2 ; ATA/681/2010 du 5 octobre 2010 consid. 2 et les références citées). Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/670/2010 du 28 septembre 2010 consid. 2 ; P. MOOR / E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 807 n. 5.8.1.4). En outre, le recourant a la possibilité de renvoyer dans son recours aux écritures ou aux pièces échangées devant les instances inférieures (P. MOOR / E. POLTIER, op. cit., p. 804 n. 5.8.1.3).

4. En l’espèce, le recourant a expressément contesté la décision sur réclamation de l'OLO du 29 avril 2013, exposant les raisons pour lesquelles il aurait droit à l'allocation de logement. Son désaccord avec cette décision ressort ainsi suffisamment clairement de son recours. Celui-ci remplit les conditions de forme de l’art. 65 al. 1 LPA et doit donc être déclaré recevable.

5. A teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/394/2013 du 25 juin 2013 consid. 6, ATA/181/2013 du 19 mars 2013 consid. 4a ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 consid. 2 et les références citées). La chambre administrative a déjà jugé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/281/2012 du 8 mai 2012 consid. 8 ; ATA/5/2009 du 13 janvier 2009 consid. 1b et les références citées).

6. La consorité matérielle est obligatoire, en procédure civile, lorsque, en vertu du droit matériel, plusieurs personnes ne peuvent faire valoir des droits qu'ensemble, ou lorsque des droits ne peuvent être exercés contre eux qu'en tant que communauté ou lorsque plusieurs personnes sont parties à un rapport juridique de telle manière qu'il ne peut être tranché que dans le même sens pour tous les intéressés; la consorité est dite nécessaire (ATF 136 III 123 consid. 4.4.1, B. BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 138).

7. D'après la jurisprudence fédérale, si la notion de consorité nécessaire n'existe pas, à proprement parler, en procédure administrative les principes qui la fondent jouent également, dans une certaine mesure, un rôle dans cette matière, notamment sous l'angle de la qualité pour recourir (ATF 131 I 153 consid. 5.4).

La qualité pour recourir se déterminant néanmoins au premier chef sur l'existence d'un intérêt digne de protection, il se peut que des consorts nécessaires au sens du droit civil possèdent individuellement la qualité pour recourir en procédure administrative (C. GRISEL, L'obligation de collaborer des parties en procédure administrative, 2008, p. 141 ; F. BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative, in T. TANQUEREL/F. BELLANGER, Les tiers dans la procédure administrative, 2004, pp. 33-56, 52 ; B. BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 141). C'est ainsi que même des hoirs ou des propriétaires en main commune peuvent recourir à titre individuel contre une décision qui crée des droits ou des obligations, n'étant obligés d'agir tous ensemble que lorsque le recours est susceptible de léser ou de mettre en péril les intérêts d'autres membres de la communauté (ATF 119 Ib 56 consid. 1 ; 116 Ib 447 consid. 2b ; Arrêt du Tribunal fédéral in ZBl 1988 p. 533 consid. 1d et les références citées ; A. KÖLZ/I. HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., 1998, n. 533). Ceci vaut donc à plus forte raison pour les copropriétaires au sens des art. 646 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CCS - RS 210) (Arrêt du Tribunal administratif neuchâtelois in RDAF 1999 p. 82 consid. 1), qui ne sont d'après le droit civil des consorts actifs nécessaires que dans certaines hypothèses (ATA/394/2013 du 25 juin 2013 consid. 8).

8. Aux termes de l'art. 166 CCS, chaque époux représente l'union conjugale pour les besoins courants de la famille pendant la vie commune et, au-delà de ces besoins courants, s'il y a été autorisé par son conjoint ou par le juge ainsi que lorsque l'affaire ne souffre aucun retard et que le conjoint est empêché de donner son consentement.

Selon la jurisprudence, l'introduction d'une procédure judiciaire, même si elle concerne le loyer du logement de la famille, ne saurait être qualifiée d'acte qu'un époux exécute habituellement sans en référer préalablement à son conjoint et rangée ainsi parmi les actes portant sur les besoins courants de la famille (ATF 136 III 431 consid. 4.2, SJ 2011 I 29).

9. En l'espèce, selon les pièces versées à la procédure, le recourant est colocataire, à côté de son épouse, de l'appartement faisant l'objet de la demande d'allocation de logement litigieuse. Sollicitant une aide pour le paiement du loyer, le recourant a toujours agi conjointement avec son épouse afin d'obtenir ladite allocation, déposant la requête en allocation de logement en leurs deux noms auprès de l'intimé et contestant ensemble la décision de refus du 15 mars 2013. Le présent recours ayant été formé uniquement au nom du recourant, et non aux noms du recourant et de son épouse, se pose dès lors la question de la qualité pour recourir du seul recourant, la présente procédure dépassant les besoins courants de la famille.

10. Conformément à la doctrine précitée, il est possible que des consorts nécessaires au sens du droit civil disposent de la qualité pour recourir de manière individuelle en procédure administrative. Dès lors que le recourant dispose à lui seul, à tout le moins, d'un intérêt à voir la décision du 29 avril 2013 annulée, rien ne s'oppose à ce qu'il recoure seul contre la décision précitée. D'ailleurs, les intérêts de son épouse ne sont nullement mis en péril par le dépôt du présent recours, cette dernière ayant, au contraire, le même intérêt que son époux à l'annulation de la décision entreprise. Cette dernière bénéficiera en outre de l'allocation de logement réclamée en cas d'issue favorable du litige.

11. La qualité pour recourir doit par conséquent être reconnue à titre individuel au recourant. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le recours.

12. Un locataire peut être mis au bénéfice d'une allocation de logement si son loyer constitue une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (art. 39A al. 1 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 - LGL - I 4 05). Le loyer pris en considération s'entend sans les charges (ATA/282/2010 du 27 avril 2010). Le Conseil d’Etat détermine les conditions auxquelles le locataire a droit à une allocation, ainsi que le calcul de celle-ci (art. 39A al. 3 LGL).

13. Selon l’art. 22 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL – I 4 05.01), l’allocation logement ne peut notamment pas être accordée au locataire qui ne respecte pas les conditions d’occupation du logement telles que fixées à l’art. 31B LGL, notamment s’il ne respecte pas le taux d’occupation de son logement fixé à l’art. 7 al. 2 RGL. Selon cette dernière disposition réglementaire, il y a sous-occupation si le nombre de pièces de l’appartement excède de plus de deux unités le nombre de personnes qui l’occupent (voir aussi ATA/16/2013 du 8 janvier 2013).

14. Les personnes qui demandent une allocation de logement doivent apporter la preuve de leurs recherches, notamment auprès d'organismes officiels, d'un appartement correspondant mieux à leur situation (ATA/236/2008 du 20 mai 2008 ; ATA/19/2008 du 15 janvier 2008 ; ATA/489/2007 du 2 octobre 2007 ; ATA/892/2004 du 16 novembre 2004).

15. La chambre administrative a déjà jugé que compte tenu de la très forte tension qui règne à Genève sur le marché du logement, il convenait de ne pas se montrer trop exigeant quant à la preuve des recherches effectuées. Ainsi, le fait de s'être inscrit auprès de l’OLO, de fondations immobilières de droit public et de procéder à des recherches via internet pouvait être suffisant (ATA/489/2007 du 2 octobre 2007), pour autant que lesdites recherches soient documentées.

16. En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant et son épouse occupent à eux deux seulement l’appartement de six pièces faisant l'objet de la demande d'allocation de logement. Il est par conséquent manifeste que le nombre de pièces dudit appartement excède de plus de deux unités le nombre de personnes qui l'occupent, de sorte que le recourant ne remplit pas les conditions légales ouvrant droit à l'allocation réclamée.

17. Nonobstant ce fait, le recourant soutient qu'il bénéficie de l'assistance de l'hospice, lequel ne peut l'aider dans le paiement de son loyer, et que ses recherches d'un nouvel appartement n'aboutissent pas en raison de sa situation économique difficile. Or, il ressort des pièces versées à la procédure que l'hospice prenait en charge le loyer du recourant à concurrence de CHF 1'300.- par mois et prélevait le solde de celui-ci sur l'aide qu'il lui accordait, versant ainsi la somme totale de CHF 1'909.- par mois à titre de loyer directement aux bailleurs de ce dernier, à tout le moins jusqu'au mois de février 2013. Aucun élément au dossier ne permet de retenir que ce ne serait plus le cas actuellement. D'ailleurs, le recourant n'est pas revenu sur l'indication contenue dans sa demande d'allocation de logement déposée le 5 mars 2013 auprès de l'intimé, selon laquelle son loyer était tout ou en partie payé par un tiers.

18. En outre, le recourant ne produit aucun document prouvant qu'il rencontrerait des difficultés dans ses recherches d'un nouveau logement. Au contraire, il a admis qu'il s'était inscrit auprès de l'office du logement, afin que ce dernier l'aide dans ses recherches auprès des régies pour trouver un logement plus petit au loyer moins onéreux, qu'il était dans l'attente du traitement de sa demande par ledit office et que l'hospice général avait accepté de se porter garant en sa faveur. Rien ne permet en l'état d'affirmer que cette voie n'aboutira pas. Il n'a également produit aucune décision de refus de prise en considération de ses recherches auprès des régies, permettant de constater que toutes ses recherches resteraient vaines et que son départ de l'appartement occupé actuellement serait impossible. Au vu de ce qui précède, le recours sera par conséquent rejeté.

19. Bien que la procédure en matière d'allocation de logement ne soit pas gratuite (art. 87 al. 1 LPA cum art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 – RFPA – E 5 10.03) et malgré l'issue du litige, il ne sera pas mis d'émolument à la charge du recourant, ce dernier étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 13 al. 1 RFPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 mai 2013 par Monsieur M______ contre la décision sur réclamation de l’office du logement du 29 avril 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur M______, ainsi qu'à l'office du logement.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :