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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1651/2018

ATA/582/2018 du 11.06.2018 ( MARPU ) , REFUSE

Recours TF déposé le 11.07.2018, rendu le 20.07.2018, IRRECEVABLE, 2C_594/2018
Parties : COGAR SÀRL / HOSPICE GÉNÉRAL, BATINEG SA
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1651/2018-MARPU ATA/582/2018

"

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 11 juin 2018

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

COGAR SÀRL
représentée par Me Damien Blanc, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL
représenté par Me Bertrand Reich, avocat

et

BATINEG SA, appelée en cause

représentée par Me Robert Hensler, avocat

 

 



 

Attendu, en fait, que :

1) Par avis publié le 19 février 2018 dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur la plateforme www.simap.ch, l’hospice général (ci-après : l’hospice) a lancé un « appel d'offres pour entreprises totales », en procédure ouverte et soumis aux traités internationaux, pour l’étude et l’exécution des travaux de transformation et rénovation de l’hôtel Bernina, sis au 22 Rue de Cornavin.

Ledit dossier énumérait les critères d'adjudication et leur pondération comme suit : offre financière (50 %, ci-après : critère 1), qualité de l’offre : qualité de la proposition technique, organisation du chantier, garanties (20 %, ci-après : critère 2), planification, comprenant la faisabilité et l’adéquation entre les délais, les moyens mis à disposition et le projet proposé (15 %, ci-après : critère 3), qualité du soumissionnaire : qualifications des personnes désignées pour la réalisation du projet et des personnes cadres ; références récentes et comparables ; organisation pour la réalisation du projet ; structure et organisation interne du soumissionnaire ; organisation qualité et contribution au développement durable (10 %, ci-après : critère 4), compréhension de la problématique (5 %, ci-après : critère 5).

Le délai pour poser des questions à l'adjudicateur était fixé au 19 mars 2018. Le délai pour déposer les offres était fixé au 16 avril 2018 à 17h00.

2) Le 17 avril 2018, l’hospice a procédé à l'ouverture des offres. Cinq entreprises avaient soumissionné, dont Cogar Sàrl (ci-après : Cogar), pour un montant de CHF 8'691'103.09 toutes taxes comprises (ci-après : TTC) et Batineg SA (ci-après : Batineg) pour un montant de CHF 9'682'230.- TTC.

3) Par courrier du 2 mai 2018, l’hospice a informé Cogar que son offre n’avait pas été retenue et qu’il avait adjugé le marché à Batineg. Le tableau de notation du jury, joint à la décision, mentionnait les notes de Cogar et les notes « totales » respectivement de Batineg (4.33), Cogar (3.88) et de trois autres soumissionnaires, dont les noms étaient tus, pour, respectivement, 3.48, 2.52 et 2.14.

4) À la demande de Cogar, une réunion avec le pouvoir adjudicateur s’est tenue le 8 mai 2018.

5) Par acte formé le 14 mai 2018, Cogar a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 2 mai 2018.

Elle a conclu à l'annulation de la décision d'adjudication et à l’adjudication à elle-même du marché. Plusieurs conclusions subsidiaires étaient formulées.

L’effet suspensif devait être octroyé.

Son droit d’être entendue avait été violé, par l’absence de motivation de la décision et par le refus d’accéder au dossier de Batineg. Le principe de l’intangibilité des offres avait été violé. Le pouvoir adjudicateur avait abusé de son pouvoir d’appréciation.

6) Le 31 mai 2018, l’hospice a conclu au rejet de la requête en octroi de l’effet suspensif.

Elle produisait le tableau comportant le détail des notes de toutes les offres. Le système d’évaluation utilisé était classique s’agissant du barème préconisé par le guide romand pour les marchés publics. Il ressortait du tableau récapitulatif les notes suivantes :

 

Critères

pondération

Batineg

Cogar

Prix

50 %

4.2

5.0

Qualité de l’offre

20 %

4.5

3.0

Planification

15 %

4.5

2.5

Qualité du soumissionnaire

10 %

4.0

2.5

Compréhension de la problématique

5 %

5.0

3.0

Note totale

100%

4.33

3.88

Classement

 

1

2

 

7) Batineg a conclu au rejet de la requête en octroi de l’effet suspensif.

Le capital-action de la recourante était de CHF 20'000.-, celui de l’appelée en cause de CHF 3'100'000.- libéré à hauteur de CHF 700'000.-.

8) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est prima facie recevable de ces points de vue, en application des art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0) et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

2) Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n’a pas d’effet suspensif. Toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l’autorité de recours peut, d’office ou sur demande, accorder cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose.

L’examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l’effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chances de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversément, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d’emblée à justifier l’octroi d’une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/446/2017 du 24 avril 2017 consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2 ; ATA/701/2013 du 22 octobre 2013 consid. 2 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341, p. 317 n. 15).

L’octroi de l’effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu’avec restriction (ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 précité consid. 2 ; ATA/793/2015 précité consid. 2 ; ATA/60/2013 du 30 janvier 2013 consid. 5).

3) a. L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. Le principe de l’égalité de traitement entre soumissionnaires oblige l’autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires tout au long du déroulement formel de la procédure (art. 16 RMP ; ATA/1005/2016 du 29 novembre 2016 consid. 3 ; ATA/51/2015 du 13 janvier 2015 et la jurisprudence citée ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 109 ; Benoît BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics, RDAF 2004 p. 241 ss).

c. L’art. 11 let. g de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05) prévoit que le traitement confidentiel des informations doit être respecté lors de la passation de marchés. L’art. 22 RMP, intitulé « confidentialité et droit d’auteur », dispose notamment que les informations mises à disposition par les soumissionnaires, en particulier les secrets d’affaires et de fabrication, doivent être traités de façon confidentielle.

4) En l’espèce, la recourante conclut préalablement à l’accès à l’entier de l’offre de l’appelée en cause.

En l’état, cette pièce a été versée à la procédure dans un chargé de pièces spécifique dont la soustraction à la consultation a été sollicitée. Aucun grief ne justifie, en l’état, de verser l’offre de l’appelée en cause au dossier. La chambre de céans examinera si, et dans cette hypothèse dans quelle mesure, l’offre concernée doit être soumise à la recourante aux fins de respecter son droit être entendue ce qui fera l’objet d’une décision ultérieure.

5) Le grief de violation du droit d’être entendu n’apparaît, prima facie, pas fondé compte tenu des exigences peu élevées en matière de motivation en droit des marchés publics. Un entretien s’est tenu entre la recourante et le pouvoir adjudicateur après la décision querellée. L’échelle de notation utilisée est usuelle. L’entier du tableau de notation du jury a été produit dans le cadre de la présente procédure. Une éventuelle violation du droit d’être entendu peut être réparée devant la chambre de céans.

S’agissant de la violation alléguée du principe de l’intangibilité des offres, la recourante fonde son grief sur les dires du pouvoir adjudicateur lors de la séance tenue le 8 mai 2018 selon lesquels les travaux prévus par l’adjudicataire pour la façade du bâtiment ne consisteraient qu’en une variante et ne rempliraient pas les conditions de l’offre de base. Cet argument devra faire l’objet d’un examen au fond, mais se trouve, en l’état du dossier, contesté tant par l’adjudicataire que par le pouvoir adjudicateur qui conteste avoir tenu de tels propos. Cet élément ne suffit, prima facie pas, pour justifier l’octroi de l’effet suspensif.

Dans un dernier grief, la recourante conteste l’appréciation des critères 2, 3 et 4. Toutefois, à première vue, elle substitue son appréciation à celle du pouvoir adjudicateur, ce que la jurisprudence constante n’autorise pas.

Les chances de succès du recours apparaissent ainsi, à première vue, insuffisantes pour permettre à la chambre de céans d’octroyer l’effet suspensif au recours, étant rappelé qu’un tel octroi constitue une exception et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu’avec restriction (ATA/614/2011 du 28 septembre 2011 ; ATA/214/2011 du 1er avril 2011 et la jurisprudence citée). La demande y relative sera rejetée, le sort des frais étant réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Vu le recours interjeté le 14 mai 2018 par Cogar Sàrl contre la décision de l’Hospice général du 2 mai 2018 ;

vu les art. 21 et 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 septembre 2017 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d’octroyer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Damien Blanc, avocat de la recourante, à Me Bertrand Reich, avocat de l'Hospice général et à Me Robert Hensler, avocat de
Batineg SA.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :