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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2972/2013

ATA/701/2013 du 22.10.2013 ( MARPU ) , ACCORDE

Recours TF déposé le 12.12.2013, rendu le 04.07.2014, ADMIS, 2D_59/2013
Parties : NEW EVENTS PRODUCTION SA / VILLE DE GENEVE, B'SPOKE CREATION SARL
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2972/2013-MARPU ATA/701/2013

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 22 octobre 2013

sur effet suspensif

 

dans la cause

NEW EVENTS PRODUCTION S.A.
représentée par Me Nicolas Wisard, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

et

B’SPOKE CRÉATION S. à r. l., appelée en cause
représentée par Me Benoît Merkt, avocat



Vu la décision de la Ville de Genève du 4 septembre 2013 attribuant à la société B’Spoke Création S. à r.l. (ci-après : B’Spoke) le marché public de l’organisation de la fête du 31 décembre 2013 ; 

vu le recours interjeté le 16 septembre 2013 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par la société New Events Production S.A. (ci-après : Nepsa), soumissionnaire, contre la décision d’adjudication susmentionnée, concluant à l’annulation de cette décision, à ce que le marché lui soit adjugé et requérant la restitution de l’effet suspensif ;

vu la détermination de la Ville de Genève du 21 septembre 2013 concluant au rejet de la requête d’effet suspensif ;

vu la détermination du 30 septembre 2013 de B’Spoke, appelée en cause le 17 septembre 2013, concluant au rejet de la requête d’effet suspensif ;

vu les pièces produites par les parties ;

Attendu qu’il ressort du dossier les éléments factuels suivants :

1) Le 24 mai 2013, la Ville de Genève a convié plusieurs sociétés, dont Nepsa et B’Spoke, à une séance de présentation du cahier des charges de l’appel d’offres sur invitation pour l’attribution d’un mandat de CHF 220'000.- en vue de l’organisation de la fête du 31 décembre 2013.

2) Lors de la séance de présentation, qui s’est tenue le 11 juin 2013, le cahier des charges a été remis à dix sociétés intéressées dont Nepsa et B’Spoke. Le délai de réponse était fixé au 19 juillet 2013.

3) Le cahier des charges contenait les rubriques suivantes : contexte du projet (1), autorité adjudicatrice et organe d’exécution (2), mode de passation (3), objectifs de l’appel d’offre (4), définition du besoin général (5), budget (6), prestations fournies par la Ville de Genève (7), dépôt des offres de service (8), critère de sélection (9), contenu de l’offre (10).

Les critères de sélection mentionnés étaient :

-            créativité et innovation (projet dans sa globalité) ;

-            qualité des animations proposées ;

-            adhésion complète aux exigences de la Ville de Genève et à la réglementation en vigueur :

-            expérience dans le secteur d’activité ;

-            compétence, respectabilité et sérieux de l’entreprise ;

-            gestion durable (respect des exploitant-e-s et de l’environnement ;

-            diversité et complémentarité des exploitant-e-s.

Le budget devait impérativement s’en tenir à CHF 220'000.-, hors prestations fournies par la Ville de Genève. Tout dépassement serait à la charge du proposant. La Ville de Genève mettait à disposition le matériel courant (vaubans, tables, bancs, petites tentes) dans la mesure de ses disponibilités.

Parmi les renseignements à fournir dans l’offre de service, les soumissionnaires devaient remettre notamment leur chiffre d’affaires des trois dernières années.

4) Il ne ressort pas du dossier qu’un procès-verbal ait été tenu lors de la séance du 11 juin 2013. Il ressort cependant des écritures des parties qu’à la suggestion du représentant de Nepsa, il avait été retenu que les offres seraient anonymisées pour être soumises au jury.

5) Dans le délai imparti, cinq offres ont été déposées auprès de la Ville de Genève, dont celles de Nepsa et de B’Spoke. Seule la première présentait le concept de manière anonyme. Les autres offres ont dû être caviardées par la Ville de Genève avant d’être soumises au jury ;

a.              L’offre de Nepsa présentait un budget de CHF 230'000.-, les recettes étant assurées à raison de CHF 220'000.- par la Ville de Genève et de CHF 10'000.- par des sponsors.

b.             L’offre de B’Spoke prévoyait un budget de CHF 489'689.-, dont CHF 220'000.- de recettes de la Ville de Genève et un déficit de CHF 269'689.-. Pour sa compensation elle sollicitait un soutien en nature de l’autorité adjudicatrice à concurrence de CHF 74'290,80, notamment par la mise à disposition de services et ressources internes au sein des différents départements selon un plan de financement joint qui prévoyait entre autres la prise en charge d’une scène par la service « Nomades » de la direction des affaires culturelles de la Ville de Genève pour un montant de CHF 30'000.- et la fourniture de matériel par cette même direction pour un montant de CHF 7'500.-. B’Spoke prévoyait dans ce même plan financier des recettes de CHF 200'000.- provenant de la vente de nourriture et boissons, et parvenait à un résultat d’exploitation bénéficiaire de CHF 7'105,80, montant qui serait versé à une œuvre.

c.              Les trois autres sociétés ayant répondu à l’appel d’offres ont présenté des budgets de respectivement CHF 248'303.-, CHF 233'350.- et CHF 235'000.-, prévoyant tous que la différence entre le montant de cHF 220'000.- alloué par la Ville de Genève et le coût total serait couverte par des recettes des stands et/ou de sponsors.

6) Le 24 juillet 2013, la Ville de Genève a adressé au jury, par courriel expédié par Monsieur Flavien Rey, collaborateur scientifique au service des relations extérieures, les dossiers des offres reçues, le cahier des charges de l’appel d’offres et la grille d’évaluation. Le message d’accompagnement précisait que le choix de l’adjudicataire se ferait « sous couvert d’anonymat des sociétés proposantes ». Cela impliquait une modification des critères de sélection indiqués dans le cahier des charges. Les critères « expérience dans le secteur d’activité » et « compétence, respectabilité et sérieux de l’entreprise » avaient été retirés. Une partie des documents relatifs aux sociétés dont la production avait été demandée n’était pas jointe pour préserver l’anonymat.

7) Le jury se composait de cinq collaboratrices et collaborateurs de la Ville de Genève, Madame Anne Bonvin Bonfanti, conseillère à la direction des finances et du logement ; Madame Patrizia Gruosso, gestionnaire du domaine public au service de la sécurité et de l’espace publics ; Monsieur Félicien Mazzola, collaborateur personnel à la direction du département de la culture et du sport ; Monsieur Flavien Rey ; Monsieur Olivier Salamin, chef des ateliers en service logistique et manifestations.

8) Le jury s’est réuni le 13 août 2013 de 14h00 à 16h00 pour décider de l’adjudication. Chacun de ses membres a rempli pour chaque société soumissionnaire la grille comportant les critères suivants : faisabilité du projet dans sa globalité (technique et budget) ; forme du dossier soumis ; période d’exploitation ; emplacement ; répond à la définition du besoin d’intérêt général ; budget équilibré/réalisable ; créativité et innovation (projet dans sa globalité) ; qualité des animations proposées – diversité du programme ; prise en compte des familles dans le programme ; gestion durable (respect des exploitant-e-s et de l’environnement ; diversité et complémentarité des exploitant-e-s. La notation par critères se faisant de 1 à 5 points, multipliés cas échéant par la valeur de pondération. Cette dernière était de 2 pour chaque critère essentiel, soit la faisabilité du projet, la réponse à la définition du besoin général, l’équilibre du budget et le caractère réalisable, la créativité et l’innovation, la qualité des animations proposées et la diversité du programme, enfin la prise en compte des familles dans le programme.

B’Spoke a obtenu 69,6 points et Nepsa, 56,6. Les autres sociétés ont été notées respectivement 54,8, 53 et 39,9. Le jury a retenu le projet de B’Spoke.

9) Le 4 septembre 2013, la Ville de Genève a informé les soumissionnaires que le marché avait été attribué à B’Spoke, dont l’offre respectait les exigences du cahier des charges et présentait le meilleur rapport qualité/prix au regard des critères d’adjudication énoncés dans les documents d’appel d’offres remis lors de la séance du 11 juin 2013. Le concept d’animation présenté par cette entreprise avait su séduire le jury chargé de l’analyse des dossiers soumis.

10) Cette décision a été reçue le 6 septembre 2013 par Nepsa qui, le jour-même a demandé à la Ville de Genève de lui faire parvenir le procès-verbal des questions réponses, les critères d’évaluation, leur pondération et le barème de notation, le procès-verbal d’ouverture des offres, la grille d’analyse multicritères, la liste des personnes et services impliqués dans la rédaction du cahier des charges et de la sélection des candidats invités, ainsi que la liste des membres du jury.

Deux autres sociétés éliminées ont fait une démarche identique.

11) Le 10 septembre 2013, la Ville de Genève a transmis une partie des documents sollicités, soit le procès-verbal des questions réponses, celui de l’adjudication, y compris la grille récapitulative des soumissionnaires.

12) Le procès-verbal des questions-réponses faisait état :

-         d’un envoi d’un courriel de M. Rey à tous les soumissionnaires contenant un plan vierge de la plaine de Plainpalais et indiquant les contacts de Mme Gruosso pour toutes les questions relatives à l’implantation des fraises et du cirque de Noël. Mme Gruosso n’avait pas été contactée (12 juin 2013).

-         d’un courriel d’une société soumissionnaire à M. Rey s’enquérant de la possibilité d’inclure la patinoire des Vernets dans le concept proposé et de la réponse positive sous conditions de celui-ci (1er et 3 juillet 2013).

-         d’un contact téléphonique entre M. Rey et Madame Corinne Ruppert de B’Spoke, le premier demandant à la seconde de renvoyer une copie du budget pour le dossier, ce qui avait été aussitôt fait (22 juillet 2013).

13) Nepsa a recouru le 16 septembre 2013 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre l’adjudication du marché à B’Spoke, prenant les conclusions susmentionnées.

Elle disposait d’une expérience de plus de treize ans dans l’organisation de grandes manifestations publiques, privées et d’entreprises, d’événements de rue, de congrès et de séminaires, dans la production artistique ainsi que dans la gestion de projet et la préparation de concepts. En revanche, B’Spoke avait été fondée en décembre 2010 par Mme Ruppert et Monsieur Manuel Barros. Elle n’avait pas l’expérience et les compétences sérieuses et attestées dans l’organisation et dans la gestion de grands événements publics. Son site internet ne faisait mention que d’un événement, organisé par Timelab, à l’occasion des 125 ans du « Poinçon de Genève ».

Mme Ruppert avait travaillé dans le secteur bancaire comme gestionnaire jusqu’en mars 2008 et s’était ensuite occupée de l’événementiel au sein d’une banque privée genevoise, jusqu’à fin 2010. M. Barros avait travaillé en qualité de régisseur au service administratif et technique du département de la culture et des sports de la Ville de Genève pendant plus de six ans et avait quitté ses fonctions au plus tôt à la fin de l’été 2013. Il avait en effet collaboré à la « fête de la musique » organisée par la Ville de Genève en juin 2013, faisant partie de l’équipe « technique et régie ». Les fondateurs de B’Spoke ne disposaient pas de compétences sérieuses et attestées dans l’organisation et dans la gestion de grands événements publics.

Les critères d’adjudication appliqués par la Ville de Genève lors de l’évaluation étaient en partie différents de ceux énumérés dans le cahier des charges de l’appel d’offre. Seuls quatre des critères initiaux avaient été utilisés. Les critères de l’expérience dans le secteur d’activité, de la compétence, respectabilité et sérieux de l’entreprise et de l’adhésion complète aux exigences de la Ville de Genève et à la réglementation en vigueur, avaient été éliminés lors de l’appréciation finale des offres soumises. Sept critères avaient en revanche été rajoutés. Les soumissionnaires n’avaient pas été informés de ces modifications. La majorité de ces critères nouveaux bénéficiaient d’une pondération de 2.

Le jury qui avait évalué les offres ne comprenait aucune personne extérieure à la Ville de Genève et l’un de ses membres était un ancien collègue de M. Barros.

Les notes attribuées respectivement à B’Spoke et Nepsa étaient incohérentes en regard des projets soumis et des commentaires du jury.

La décision d’adjudication violait les principes de transparence, d’égalité et d’interdiction de l’arbitraire qui régissaient les procédures de passation des marchés publics. Le jury avait pris en compte des critères ne figurant pas dans le cahier des charges et avait omis de prendre en considération des critères figurant pourtant dans celui-ci. Ce faisant, B’Spoke, jeune société, avait été favorisée indûment car les critères écartés concernaient l’expérience et la compétence des entreprises soumissionnaires. Cela ajouté aux incohérences dans l’appréciation des offres de Nepsa et B’Spoke permettait de retenir que le marché aurait été attribué à la première si la procédure avait été respectée.

L’effet suspensif devait être restitué au recours, vu ses chances de succès et le fait qu’il n’y avait pas d’urgence absolue à attribuer le marché, Nepsa étant à même d’organiser la manifestation si le marché lui était adjugé d’ici au 15 novembre 2013.

14) Le 27 septembre 2013, la Ville de Genève a conclu au rejet de la demande d’octroi d’effet suspensif.

Aux fins d’organiser la fête du 31 décembre 2013, la Ville de Genève avait procédé à un appel d’offres sur invitation adressée à un choix de sociétés ayant soit organisé les précédentes éditions de cette fête, soit soumissionné pour l’organiser ou encore étant à même d’organiser un tel événement. Le jury avait été choisi après réception des offres et se composait de collaborateurs disposant de compétences et/ou de connaissances en matière de manifestations publiques et travaillant dans différents services.

 

En raison du choix des participants d’une évaluation à l’aveugle, la Ville de Genève n’avait plus été en mesure de maintenir deux des sept critères mentionnés dans le cahier des charges, à savoir, expérience dans le secteur « d’activité » et « compétence, respectabilité et sérieux de l’entreprise », sous peine de ne plus garantir l’anonymat des dossiers ». Ces deux critères avaient donc été supprimés de la grille d’évaluation.

Pour permettre aux jurés d’apprécier correctement la capacité des soumissionnaires à exécuter le marché, la grille d’évaluation avait été étoffée par l’ajout de sept sous-critères en remplacement (sic) du critère initial « adhésion complète aux exigences de la Ville de Genève et à la réglementation en vigueur ». Ces sous-critères reprennent les exigences mentionnées dans le cahier des charges.

Le jury a procédé à l’évaluation des offres anonymisées et a retenu celle de B’Spoke en raison de ses aspects innovants et créatifs.

La procédure suivie n’était pas viciée, même si elle s’était avérée inhabituelle en raison du souhait des participants au marché de soumettre au jury des offres anonymes, ce qui avait entraîné une modification des critères de sélection. Le principe de transparence exigeait que l’adjudication énumère par avance et dans l’ordre d’importance tous les critères d’adjudication pris en considération lors de l’évaluation mais il n’imposait pas de communiquer à l’avance des sous-critères ou catégories tendant à concrétiser les éléments inhérents aux critères publiés. Aucun nouveau critère n’avait été ajouté dans le cas particulier mais sept sous-critères avaient été spécifiés, dans l’intérêt des soumissionnaires. L’évaluation de l’offre de Nepsa avait été faite correctement sur la base de la grille d’évaluation que la Ville de Genève avait été contrainte de modifier pour que des offres anonymes puissent être soumises au jury.

Prima facie, le recours s’avérait ainsi mal fondé. Il y avait par ailleurs un intérêt public prépondérant à ce que la Ville de Genève puisse conclure rapidement le contrat de prestation avec B’Spoke, puisqu’il en allait de la tenue même d’un événement festif majeur pour la population genevoise et des alentours, ayant rassemblé près de 30'000 personnes lors de sa dernière édition. L’intérêt privé de Nepsa était purement financier.

15) Le 30 septembre 2013, B'Spoke a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

Elle exerçait son activité depuis bientôt trois ans et, bien qu'elle n'exposait pas sur la place publique tous les événements qu'elle avait déjà organisés, en particulier parce que certains étaient privés, elle avait à son actif plusieurs réalisations.

Mme Ruppert était au bénéfice d'une licence en relations internationales et d'un certificat de généraliste en communication. Elle avait plusieurs années d'expérience dans le domaine de la communication et l'organisation d'événements.

Quant à M. Barros, il avait développé des compétences dans les domaines techniques et logistiques ainsi qu'une expertise dans les domaines de la communication et du management. Il travaillait actuellement à 50 % au sein du département de la culture et du sport de la Ville de Genève et était rattaché à l'unité « Nomades » en qualité de régisseur lumière. Il exerçait principalement une activité sur le terrain et ne passait que très peu de temps dans les locaux de son service. Il n'avait quasiment pas de lien avec les collègues qui n'étaient pas rattachés à l'unité « Nomades » et, en particulier, il ne connaissait pas M. Mazzola.

La procédure d'adjudication n'avait pas été viciée. Aucun critère n'avait été éliminé mais, en raison de l'anonymisation des offres, certains avaient dû être pris en compte d'une autre manière et être adaptés à la situation nouvelle.

Le recours de Nepsa avait peu de chance de succès car, même en suivant son raisonnement, il était peu probable qu'elle obtienne un résultat lui permettant de combler le retard qu'elle avait sur B’Spoke. Il y avait un intérêt public important à ce que le marché public en cause soit exécuté, vu les contraintes de date et la nécessité de conclure les engagements avec les prestataires de service. B’Spoke avait par ailleurs déjà entamé des négociations et sa crédibilité était en jeu. Nepsa ne faisait valoir que son intérêt financier.

16) Le 15 octobre 2013, Nepsa a exercé spontanément son droit à la réplique, persistant dans son argumentation et ses conclusions.

Considérant en droit :

1) Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est recevable de ce point de vue (art. 15 al. 2 AIMP et 56 al. 1 RMP).

2) Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n’a pas d’effet suspensif. Toutefois, l’autorité de recours peut, d’office ou sur demande, restituer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose (art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP).

L’examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l’effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chances de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d’emblée à justifier l’octroi d’une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (B. BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat in J.-B. ZUFFEREY / H. STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341 n. 15, p. 317).

La restitution de l’effet suspensif constituant cependant une exception en matière de marchés publics, elle représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu’avec restriction (ATA/60/2013 du 30 janvier 2013 consid. 5 ; ATA/85/2012 du 7 février 2012 consid. 2 ; ATA/752/2011 du 8 décembre 2011 ; ATA/614/2011 du 28 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/214/2011 du 1er avril 2011 et la jurisprudence citée).

3) L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés ainsi qu’à transposer les obligations découlant de l’accord GATT/OMC ainsi que de l’accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment 11 let. a et b AIMP).

4) Dans le cas particulier, le cahier des charges de l’appel d’offres mentionnait que les soumissionnaires devaient fournir leur chiffre d’affaires des trois dernières années. Or, fondée en décembre 2010 et ayant commencé son activité en janvier 2011, B’Spoke n’était pas à même de transmettre ce renseignement, de sorte que son offre de service ne pouvait respecter cette exigence. La question du bien-fondé de sa participation à l’évaluation se pose compte tenu du formalisme des procédures de marchés publics.

5) L’autorité adjudicatrice a éliminé de la grille d’évaluation deux critères figurant dans le cahier des charges. Elle l’admet et cela ressort des pièces produites. A aucun moment elle n’en a informé les soumissionnaires. La pertinence du motif avancé pour éliminer ces deux critères – à savoir la volonté de garantir le caractère anonyme des offres, conformément au souhait des participants – ne s’impose pas d’emblée et, surtout, rien ne permet de comprendre pour quelle raison lesdits participants n’ont pas été consultés ni même avisés de ce qui constituait une modification du cahier des charges de l’appel d’offres. Cette modification ne portait pas sur les critères les moins importants puisque venant en quatrième et cinquième position des sept critères annoncés. La question de savoir si le critère de l’adhésion à toutes les exigences de la Ville de Genève a été remplacé ou précisé par les sept critères ou sous-critères nouveaux peut demeurer ouverte à ce stade.

6) Le budget annoncé par B’Spoke est deux fois plus élevé que celui de ses quatre concurrents et implique pour trouver son équilibre que la Ville de Genève fasse droit à sa demande de fournir gratuitement des prestations qu’elle ne s’engageait pas à fournir dans le cahier des charges et qui doivent parvenir en partie du service dans lequel travaille M. Barros. Outre l’interrogation que cela pose au sujet du respect des contraintes budgétaires imposées par la Ville de Genève, cette situation est clairement problématique en regard du principe de l’égalité entre concurrents, ce d’autant que l’un des membres du jury travaille dans le même département que M. Barros. Le fait allégué qu’ils ne se connaîtraient pas est à ce stade insuffisant pour écarter d’entrée de cause toute conséquence liée à ne serait-ce que l’apparence de proximité.

7) A cela s’ajoute que l’interlocuteur des participants à l’appel d’offres était M. Flavien Rey, par ailleurs membre du jury d’évaluation. On ne peut à ce stade déterminer quel a été son rôle une fois les offres reçues, en particulier savoir s’il en a pris connaissance avant leur soumission au jury, s’il a participé au processus d’anonymisation de celles qui étaient identifiables et s’il a contribué à l’élaboration de la nouvelle grille d’évaluation.

8) Dans ces circonstances, on peut envisager que la procédure d’adjudication puisse être annulée, voire même être entachée de nullité, de sorte que le recours n’est pas dénué de chances de succès.

9) L’intérêt public à l’organisation d’une manifestation festive de fin d’année n’est pas négligeable mais il ne saurait l’emporter sur le respect des règles fondamentales en matière de marché public que sont les principes de transparence et d’égalité entre concurrents, notamment.

10) Au vu de ce qui précède, l’effet suspensif sera restitué au recours de Nepsa.

Le sort des frais de la procédure sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

vu l’art. 66 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l’effet suspensif au recours interjeté le 16 septembre 2013 par la société New Events Production S.A. contre la décision de la Ville de Genève du 4 septembre 2013 ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Nicolas Wisard, avocat de la recourante, à la Ville de Genève, ainsi qu’à Me Benoît Merkt, avocat de B’Spoke S.A.

 

 

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :