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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/831/2010

ATA/504/2010 du 03.08.2010 ( PRISON ) , ADMIS

Descripteurs : ; CONTRÔLE DE LA DÉTENTION ; MESURE DISCIPLINAIRE ; DÉCISION ; INTÉRÊT ACTUEL ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : LPA.4; LPA.46; LPA.60.letb; RRIP.47
Résumé : Recourant placé en cellule forte pendant 10 jours. En omettant d'entendre l'intéressé avant le prononcé de la mesure et en rendant une décision contenant de nombreuses erreurs et inexactitudes, l'office pénitentiaire a violé le droit d'être entendu de celui-ci. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/831/2010-PRISON ATA/504/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 3 août 2010

2ème section

dans la cause

 

 

 

 

Monsieur C______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

OFFICE PÉNITENTIAIRE


EN FAIT

1. Monsieur C______, né le ______ 1990, est détenu à la prison de
Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 28 mars 2009.

2. Le 11 avril 2009, suite à la découverte d'un couteau dans la cellule de M. C______, un premier rapport a été établi par l'appointé A______.

3. Le 18 décembre 2009, la Cour correctionnelle sans jury a condamné l'intéressé à une peine privative de liberté de trois ans pour brigandage aggravé.

4. Un second rapport a été établi le 20 décembre 2009. M. C______ a été surpris en train de fumer dans le couloir. Il a refusé de retourner en cellule, transgressant ainsi l'ordre du gardien. Le chef d'étage lui a supprimé la possibilité de prendre ses repas en commun, du 20 au 28 décembre 2009.

5. Le 7 février 2010, un troisième rapport a été établi s'agissant d'un incident survenu le même jour.

M. C______ a été surpris par un gardien alors qu'il fumait dans un couloir. Prié de regagner sa cellule, l'intéressé a refusé d'obtempérer et contesté avoir fumé.

Ledit gardien a informé le sous-chef du jour de ces faits et lui a demandé la mise en cellule forte (ci-après : CF) du précité.

A 18 h. 30, le sous-chef du jour est arrivé sur place avec du renfort.

Le rapport se poursuit en ces termes :

« Je demande au détenu C______ de bien vouloir nous suivre, ce dernier refuse. Je m'aperçois qu'il tient ses services à la main, je lui demande de lâcher ses services, il refuse et commence à les agiter devant nous. Nous devons utiliser la force pour maîtriser puis menotter le détenu. A ce moment, le détenu, Monsieur D______ (qui partage la cellule de C______, ndr) s'énerve à son tour et devient agressif, les collègues présent(s) doivent également utiliser la force pour le conduire en CF 381 (fouillé par le gardien M______).

18 h. 34 l'alarme gardien est déclenchée.

Le détenu C______ est conduit à son tour en CF 183 par la force et est fouillé par le gardien K______.

Je tiens à préciser que j'ai une coupure à l'avant bras gauche et un hématome au biceps droit ».

Sur ce même document, figure sous la rubrique « décision de la direction » une annotation manuscrite, signée de manière illisible et rédigée ainsi :

« Entendu C______ à 09h45 (ndr : le 8 février 2010) et l'ai informé qu'après avoir visionné l'événement, je demande une sanction supérieure à 5 jours de CF pour refus d'obtempérer, avoir exercé des violences physiques à l'encontre du personnel de surveillance et indiscipline cellulaire en récidive ».

Ce rapport a été transmis par fax le 8 février 2010 à 09h45 à la direction générale de l'office pénitentiaire.

6. Selon les affirmations de l'autorité intimée, M. C______ a été entendu, le 8 février 2010, par le représentant du directeur général de l'office pénitentiaire (ci-après : OPEN). Il n'existe aucun procès-verbal de cet entretien. A cette occasion, le détenu n'aurait pas contesté avoir refusé de regagner sa cellule, tout en déclarant qu'il n'y avait pas été contraint sur le moment et qu'il aurait regagné celle-ci sans heurt plus tard. De plus, il aurait nié avoir menacé les agents de détention lors de sa conduite en CF.

7. Par décision exécutoire nonobstant recours du 8 février 2010, le directeur général de l'OPEN, se fondant sur les antécédents précités et sur les faits résultant du rapport établi le 7 février 2010, a ordonné le placement immédiat de M. C______ en CF pendant dix jours, à compter du 7 février 2010.

M. C______ avait menacé les agents avec son couteau et sa fourchette. Un agent de détention avait été coupé et il avait subi un hématome au biceps du bras droit. Le détenu avait par ailleurs déjà été surpris précédemment avec un couteau ne provenant pas « du set d'entrée ». Ce détenu avait enfreint les art. 42, 44 et 45 lit. a et h du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04). Par conséquent, les faits reprochés remplissaient le critère de gravité qualifiée. La sanction prononcée respectait le principe de proportionnalité. Enfin, les explications du recourant, lesquelles contredisaient les faits constatés par les agents de détention présents, n'étaient pas de nature à justifier les actes reprochés ni à faire baisser la quotité de ladite sanction.

Cette décision a été signifiée à M. C______ le 8 février 2010 mais il a refusé de la signer pour en accuser réception.

8. Le 15 février 2010, M. C______ a interjeté un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Cour correctionnelle du 18 décembre 2009.

9. Par acte déposé auprès du Tribunal administratif le 10 mars 2010, M. C______ a recouru contre la décision précitée, en concluant préalablement à ce que l'OPEN produise l'intégralité de son dossier et à ce qu'une audience de comparution personnelle des parties et d'enquêtes soit ordonnée. Sur le fond, la décision querellée devait être annulée : elle violait son droit d'être entendu ; sa motivation laissait à désirer ; elle était incompréhensible et contenait de nombreuses erreurs de fait. Elle n’indiquait au surplus pas le jour durant lequel les faits reprochés s'étaient produits et faisait référence à des « faits relatés ci-dessus » qui n'étaient pas explicités. Le principe in dubio pro reo était applicable aux sanctions administratives. L'autorité devait établir les faits d'office et elle n'avait pas démontré qu'il avait commis une infraction au règlement. Il n'avait jamais fait l'objet d'une telle mesure auparavant. En tout état, la sanction était disproportionnée puisqu'il s'agissait de la plus grave prévue par ledit règlement et l'autorité avait abusé de son pouvoir d'appréciation.

10. Le 15 avril 2010, le département de la sécurité, de la police et de l'environnement (ci-après : le département) a répondu au recours en concluant à son rejet.

L'erreur sur la quotité de la peine dont faisait mention le recourant était une simple erreur de plume qui n'intéressait en rien les motifs de la sanction ni n'en altérait la compréhension. Certains termes prétendument erronés, tels qu'« usage avec cruauté », ressortaient de l'extrait du jugement et ne constituaient par conséquent pas une méprise. Le pourvoi en cassation ayant été déposé le 15 février 2010 seulement, le détenu était bien en régime d'exécution de peine au moment de la notification de la sanction du 8 février 2010. S'il semblait effectivement manquer dans la décision attaquée « un considérant » entre les points 2 et 3, lequel aurait dû relater le premier incident survenu auquel se référaient "les faits relatés ci-dessus" force était de constater que le recourant avait été informé au point 10 des faits qui lui étaient reprochés. Par conséquent, la décision ainsi que les motifs qui la fondaient étaient parfaitement explicites. Les quelques erreurs dénoncées s'expliquaient par la brièveté des délais pour notifier une décision motivée à un détenu. Le recourant l'avait d'ailleurs parfaitement compris dans la mesure où lors de son audition par l'intimé, il avait pris position sur les deux incidents qui s'étaient produits. Les faits reprochés avaient été constatés par les gardiens et la seule conclusion possible était que le recourant en était bien l'auteur. La quotité de la sanction était justifiée par l'extrême gravité des actes dont celui-ci s'était rendu coupable, les violences physiques et le refus d'obtempérer étant au surplus de nature à compromettre gravement la tranquillité de l'établissement. En effet, les violences physiques envers le personnel ou les autres détenus faisaient partie des actes les plus graves qui donnaient lieu aux sanctions les plus sévères. Partant, la sanction était parfaitement justifiée.

11. Le juge délégué a procédé à une audience de comparution personnelle et d'enquêtes le 9 juillet 2010, au cours de laquelle il a entendu les parties, M. D______, codétenu du recourant et des témoins, soit Messieurs X______, gardien principal, P______, sous-chef, et N______, appointé, tous déliés du secret de fonction.

a. M. C______ reconnu avoir refusé de regagner sa cellule au moment où le gardien le lui avait demandé, mais contesté avoir fumé dans le couloir. Il s'apprêtait à prendre le repas en commun lorsque le gardien l'avait prié de retourner en cellule au motif qu'il avait fumé. Par la suite, il avait pris son repas avec les autres détenus dans le corridor. Une fois le repas terminé, il avait repris ses couverts puisque chaque détenu conservait avec lui en cellule, un couteau, une fourchette et deux cuillères. Il avait ainsi ses couverts à la main lorsque plusieurs gardiens l'avaient pris par le poignet, donné des coups de pied dans les mollets, mis au sol et menotté. Il n'avait jamais agité ses couverts devant les gardiens ni coupé quiconque. Il avait ensuite été conduit en CF.

b. M. D______, lequel partageait alors la même cellule que le recourant, a confirmé qu'à la fin de chaque repas, les détenus conservaient leurs couverts à la main afin de les laver en cellule. Il se trouvait aux côtés de M. C______ lorsque ce dernier avait été prié de retourner en cellule, ce qu'il avait refusé de faire. Ce n'était en effet pas lui qui avait fumé mais un Albanais. A la fin du repas en commun, alors que lui aussi tenait dans ses mains ses services de table, les gardiens avaient fait rentrer tous les détenus en cellule, excepté M. C______ et lui-même. Les employés de la prison s'étaient mis à trente pour maîtriser le premier. M. D______ avait trouvé que c'était injuste et avait prié les gardiens d'arrêter de frapper son codétenu. Celui-ci n'avait ni menacé les gardiens, ni blessé ces derniers. Il n'avait pas vu qu'un gardien avait été coupé. Il n'avait lui-même blessé personne. A la suite de ces faits, ils avaient tous les deux été placés en CF, lui-même pour cinq jours et son codétenu pour dix jours. M. C______ n'était pas violent et n'avait aucun problème avec ses codétenus.

c. M. X______ a confirmé être l'auteur du rapport du 7 février 2010. Il a expliqué que tous les détenus recevaient un jeu de couverts soit un couteau, une fourchette et deux cuillères métalliques qu'ils conservaient durant tout leur séjour à la prison, qu'ils sortaient de leur cellule pour aller manger et qu'ils reprenaient en partant. Les couteaux étaient munis de bouts arrondis. Monsieur W______, appointé, l'avait informé que M. C______ fumait dans les couloirs et refusait de regagner sa cellule, ce qu'il n'a pu constater personnellement, dans la mesure où il se trouvait dans un local vitré se situant au centre de l'unité. Il avait alors informé M. P______ de ces faits et requis le placement en CF de l'intéressé. A sa requête, M. P______ était venu dans l'unité avec ses collègues. Il avait demandé à M. C______ de le suivre pour le conduire en CF, ce que le détenu avait refusé de faire. Ce dernier n'avait pas voulu poser les couverts qu'il tenait dans ses mains. M. X______ avait alors saisi M. C______ par le poignet. C'était à ce moment que ce dernier s'était mis à agiter ses couverts et l'avait blessé. Il avait une éraflure au bras gauche qui saignait légèrement et un hématome au biceps droit parce que le détenu s'était débattu. Il n'avait pas fait établir de constat médical ni déposé plainte contre M. C______. En aucun cas M. D______ pouvait l'avoir blessé. Personnellement, il n'avait jusqu'ici jamais eu d'ennuis avec M. C______. Monsieur S______ était l'auteur des annotations manuscrites au bas du rapport du 7 février 2010. Il avait pu visionner l'événement puisque des caméras de surveillance filmaient les couloirs en permanence et que les enregistrements étaient conservés durant vingt-quatre heures.

d. M. P______ a précisé que c'était le refus de M. C______ de regagner sa cellule qui avait motivé le placement en CF. L'événement en cause s'était produit le 7 février 2010, jour durant lequel les détenus avaient la possibilité de sortir dans les corridors dès 16h00, avant de prendre le repas en commun de 17h00 à 18h30. Lorsqu'il était arrivé dans l'unité à 18h30, M. C______ était collé contre une paroi et tenait ses couverts à la main. Il avait indiqué à ce dernier qu'il était placé en CF. Le détenu avait refusé de le suivre. Avec l'aide de cinq ou six collègues, il avait voulu retirer à M. C______ ses couverts, mais celui-ci s'était débattu. Les gardiens avaient ainsi dû le maîtriser et le menotter. Ce dernier avait cependant réussi à blesser M. X______, ce qu'il n'avait pu constater sur le moment. Lorsqu'il avait informé M. C______ qu'il était placé en CF il ne l'avait pas entendu préalablement sur le déroulement des faits et n'a pas pu lui indiquer pour combien de jours cette mesure était prononcée. En général, le détenu faisant l'objet d'une sanction était mis à disposition de la direction. Si l'incident s'était produit avant 17h00, un membre de la direction aurait entendu le détenu le jour même, mais en l'occurrence, il avait été entendu par M. S______, gardien-chef, le lendemain, sauf erreur. Il avait pu visionner l'incident le lendemain avec M. S______ grâce à l'enregistrement fait par la caméra de surveillance, lequel était effacé après vingt-quatre heures.

e. M. N______ a indiqué avoir vu, par le biais d'une caméra de surveillance, que M. C______ fumait dans les couloirs. M. X______ qui se trouvait avec lui avait constaté la même chose. Si le détenu était entré dans sa cellule, comme cela lui avait été demandé, tout serait rentré dans l'ordre.

f. Monsieur L______, directeur général de l’OPEN, a déclaré que Monsieur Z______, adjoint de direction et avocat de formation avait procédé à l'audition de M. C______ le 8 février 2010 et rédigé la décision attaquée, faisant état des faits et de l'avis du recourant recueilli lors de cet entretien. Lui-même disposait d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer si les faits constatés méritaient une sanction de cinq à dix jours de placement en CF. Il existait une gradation dans l'intervention des gardiens. Un gardien seul faisait une remarque à un détenu. Si celui-ci n'obtempérait pas, les autres gardiens présents intervenaient. En cas d'agression comme en l'espèce, l'alarme-gardien était déclenchée, ce qui avait pour conséquence que tout le personnel disponible au sein de la prison était appelé en renfort.

12. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La qualité pour recourir de M. C______ résulte de l'art. 60 let. b LPA.

Quant à l'existence de l'intérêt actuel, il y sera renoncé vu la jurisprudence du Tribunal fédéral et celle, constante, du tribunal de céans, s'agissant plus particulièrement de la prison (ATF 135 I 79 consid. 1.1 p. 81 ; ATA/328/2009 du 30 juin 2009 et les réf. cit.).

3. Selon l'art. 47 al. 2 RRIP, avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu.

Les art. 4 et 46 al. 1 LPA disposent par ailleurs que toute décision doit être motivée.

4. a. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; Arrêts du Tribunal fédéral 5A.12/2006 du 23 août 2006 consid. 3.1 et les arrêts cités ; 1P.179/2002 du 2 septembre 2002 consid. 2.2 ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 consid. 5b). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2 et les arrêts cités ; A. AUER/G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2e éd., p. 603, n. 1315 ss ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 198). Quant à l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (Arrêt du Tribunal fédéral 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et arrêts cités).

Tel qu’il est garanti par cette dernière disposition, le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/415/2008 du 26 août 2008 consid. 6a et les arrêts cités).

b. La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 ; 133 II 235 consid. 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.571/2008 consid. 3.1 ; cf. aussi ACEDH Kraska c/Suisse du 19 avril 1993 ; ATA/ 429/2008 du 27 août 2008). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (Arrêts du Tribunal fédéral 1C.33/2008 du 20 mai 2008 consid. 2.1 ; 1B.255/2007 du 24 janvier 2008 consid. 2.1 et arrêts cités ; ATA/489 2008 du 23 septembre 2008 consid. 7).

c. Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est pas nulle, mais annulable (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.207/2001 du 12 novembre 2001 consid. 5a et les arrêts cités ; ATA/422/2010 du 22 juin 2010; ATA/452/2008 du 2 septembre 2008 consid. 2b).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATA/452/2008 du 2 septembre 2008 consid. 2b ;  ATA/430/2008 du 27 août 2008 consid. 2 ; P. MOOR, Droit administratif, Les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 2e éd., Berne 2002, ch. 2.2.7.4 p. 283). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 p. 72 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.63/2008 du 25 août 2008 consid. 2.1) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 133 I 201 consid. 2.2 p. 204). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/452/2008 du 2 septembre 2008 consid. 2b).

En l'espèce, il ressort du procès-verbal d'audience du 9 juillet 2010 que ni le gardien, ni le directeur de la prison n'ont entendu le recourant avant de lui infliger une sanction administrative, à savoir sa mise en CF. C'est en effet seulement le lendemain de la mise à exécution de la sanction, soit le 8 février 2010, que M. C______ a été entendu par l'adjoint de direction de l'OPEN sans toutefois qu'un procès-verbal n'ait été établi.

Par ailleurs, la décision attaquée contient de nombreuses erreurs. Celles relatives, d'une part, au régime d'exécution de peine et, d'autre part, à la peine prononcée par les autorités pénales n'ont cependant aucune incidence sur la décision attaquée. En revanche, l'absence dans la décision, de la date à laquelle les faits se sont produits, les termes incompréhensibles mentionnés tels que « pour voir à peine terminer son repas » et les imprécisions, voire les erreurs, concernant certains éléments retenus constituent pour le moins une motivation insatisfaisante. Tel est le cas notamment lorsque la décision n'indique pas qui est l'auteur des blessures portées au gardien. D'autres éléments sont clairement contraires aux faits et pièces du dossier sans qu'il soit possible de savoir comment ils ont été établis : il en est ainsi lorsqu'il est indiqué que l'intéressé détenait des « objets coupants et pointus » alors que les enquêtes ont établi que les couteaux en possession des détenus avaient des extrémités arrondies.

En conséquence, l'intimé n'a pas respecté le droit d'être entendu du recourant.

5. Reste encore à examiner si la violation du droit d'être entendu du recourant peut être réparée par le tribunal de céans.

A teneur de l'art. 47 al. 1 RRIP, si un détenu enfreint le règlement, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée. L'art. 47 al. 3 RRIP prévoit le catalogue des sanctions qui peuvent être prises, dans l'ordre de gravité suivant :

« Le directeur est compétent pour prononcer les sanctions suivantes :

a) suppression de visite pour quinze jours au plus ;

b) suppression des promenades collectives ;

c) suppression d'achat pour quinze jours au plus ;

d) suppression de l'usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus ;

e) privation de travail ;

f) placement en cellule forte pour cinq jours au plus ».

Le cumul des sanctions précitées est possible (art. 47 al. 4).

Le directeur de l'OPEN peut ordonner, sur proposition du directeur de la prison, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (art. 47 al. 5).

Il résulte de l'art. 47 al. 5 RRIP précité que le directeur de l'OPEN dispose d'un pouvoir d'appréciation quant à la quotité de la sanction lorsqu'il prononce la mise en CF d'un détenu. Dès lors que le tribunal de céans ne peut revoir l'opportunité des décisions prises par les autorités administratives (art. 61 al. 2 LPA), la violation du droit d'être entendu subie par le recourant ne peut être réparée, étant au surplus précisé que ce dernier a déjà subi la sanction administrative qui lui a été infligée.

6. Compte tenu de ce qui précède que la décision attaquée sera annulée.

7. Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

8. Une indemnité de procédure de CHF 1’500.-, à la charge de l’Etat de Genève, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 mars 2010 par Monsieur C______ contre la décision du 8 février 2010 de l’office pénitentiaire ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la sanction prononcée par décision de l'office pénitentiaire du 8 février 2010 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur C______ une indemnité de procédure de CHF 1’500.-, à charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à l'office pénitentiaire.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :