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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/61/2010

ATA/288/2010 du 27.04.2010 ( AIDSO ) , ADMIS

Descripteurs : ; PRESTATION D'ASSISTANCE ; SOINS MÉDICAUX ; FRAIS DE TRAITEMENT ; REMBOURSEMENT DE FRAIS(ASSURANCE)
Normes : LASI.21 ; RASI.9.al2
Résumé : L'Hospice général n'a pas la compétence d'imposer à l'administré d'autres conditions au remboursement des franchises minimales et des quotes-parts que celles prévues à l'art. 9 al 2 RASI.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/61/2010-AIDSO ATA/288/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 27 avril 2010

1ère section

dans la cause

 

Monsieur H______

contre

HOSPICE GENERAL

 



EN FAIT

1. Monsieur H______, né en 1969, célibataire, de nationalité suisse, a bénéficié de prestations d'assistance selon la loi sur l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LASI - J4 04) au cours des mois de janvier et de février 2009. Dès le 1er février 2009, il a travaillé pour un salaire mensuel brut de CHF 7'250.-.

2. En janvier et février 2009, l'intéressé a été suivi par un médecin généraliste, un dermatologue et un chirurgien orthopédique après avoir subi une intervention chirurgicale sur l'épaule gauche en septembre 2008. Le 28 janvier 2009, lors d'un entretien avec l'Hospice général (ci-après : l'hospice), M. H______ a informé l'assistante sociale de ses problèmes de santé et de son suivi médical. Il lui a par ailleurs indiqué qu'il n'avait pas changé de lunettes depuis plusieurs années.

3. M. H______ a sollicité à l'hospice, le 26 février 2009, la prise en charge de ses frais médicaux ainsi que des frais relatifs à ses lunettes.

4. Le 4 mars 2009, l'hospice, soit pour lui l'antenne des Caroubiers, a informé M. H______ de la procédure à entreprendre ; un décompte de son assurance était indispensable pour obtenir le remboursement de ses frais médicaux. L'assistante sociale a, par ailleurs, précisé à l'intéressé que l'hospice remboursait une somme maximale de CHF 1'000.- par personne et par année civile.

5. En date du 20 avril 2009, M. H______ a transmis à l'hospice les factures envoyées à Assura pour un montant de CHF 1'167,40, en indiquant qu'elles avaient été payées. Il a joint les factures suivantes ;

Une facture de CHF 88,50 établie par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 19 février 2009 pour une consultation le 29 janvier 2009 ;

Une facture de CHF 72.- établie par les HUG le 4 mars 2009 pour une consultation le 29 janvier 2009 ;

Une facture de CHF 114,10 établie par les HUG le 25 février 2009 pour une consultation le 20 février 2009 ;

Une facture de CHF 224,10 établie par la clinique ophtalmologique de Vermont le 17 février 2009. Assura a visé cette facture le 2 mars 2009 ;

Une facture de CHF 613.- du magasin Visilab pour une paire de lunettes achetée le 21 février 2009. Assura a visé cette facture le 2 mars 2009 ;

Un reçu de pharmacie du 29 janvier 2009 pour un montant de CHF 18,55 (ordonnance établie le 29 janvier 2009) ;

Un reçu de pharmacie du 26 février 2009 pour un montant de € 14.- (établie le 29 janvier 2009) ;

Un reçu de pharmacie du 28 février 2009 pour un montant de CHF 16,15 (ordonnance établie le 20 février 2009) ;

6. Par courrier du 29 avril 2009, l'hospice s'est adressé à M. H______. Assura apposait un tampon indiquant "Assura Franchise Retour" + la date de retour sur la facture, même si elle n'établissait pas de décompte tant que l'assuré n'avait pas atteint sa franchise. M. H______ devait donc demander à son assurance de viser toutes ses factures afin que l'hospice puisse prendre en charge le montant des franchises et des participations. De plus, un remboursement ne serait effectué que sur présentation de la preuve qu'Assura avait pris en compte les factures. Enfin, les médicaments achetés en France ne pouvaient pas faire l'objet d'un remboursement.

7. M. H______ a envoyé les factures et les ordonnances à Assura le 5 mai 2009 et a requis à l'assurance la mention "Assura Franchise Retour + date" pour ces documents.

8. Le 20 mai 2009, l'hospice a confirmé à M. H______ que les prestations de frais médicaux étaient remboursées pour autant que la date du décompte de l'assurance-maladie était incluse dans une période d'aide financière et si tous les décomptes, justificatifs et factures étaient présentés à l'hospice dans un délai de trente jours après la dernière intervention. Or, aucune des factures de M. H______ ne satisfaisait aux deux conditions.

9. Le 26 mai 2009, M. H______ a envoyé à l'hospice les factures visées par Assura en date du 15 mai 2009. Assura avait mis du temps pour traiter son dossier et il avait pu payer ces factures grâce à l'avance de tiers.

10. Par communication du 8 juin 2009, l'hospice a informé M. H______ du rejet de sa demande. En effet, M. H______ ayant été au bénéfice de prestations financières de l'hospice en janvier et en février 2009, la date de décompte, au 15 mai 2009, ne se situait pas dans la période d'aide financière. La voie d'opposition et le délai n'étaient pas indiqués.

11. Le 23 juin 2009, M. H______ a formé opposition au courrier précité. Il avait envoyé, à la demande de l'hospice, toutes les factures à Assura, qui les lui avait retournées, visées, trois semaines plus tard. La caisse maladie ne délivrait pas de décompte pour la franchise, tel qu'exigé par l'hospice. En outre, le service comptabilité des HUG n'établissait les factures que quelques semaines après la date de consultation. Il lui était dès lors impossible de recevoir, payer, transmettre à Assura et présenter les justificatifs à l'hospice dans un délai de trente jours. Enfin, la décision de l'hospice avait eu un effet négatif sur son moral et le mettait dans une situation financière difficile, car son salaire lui permettait à peine de subvenir à ses besoins et de rembourser ses dettes.

12. Par décision du 8 décembre 2009, le directeur de l’hospice a rejeté l’opposition et confirmé la décision attaquée.

M. H______ avait envoyé les factures à l'hospice une première fois le 26 février 2009 sans visa d'Assura; elles ne pouvaient donc pas être prises en charge par l'hospice.

Les factures avaient été visées par Assura en date du 2 mars 2009 et du 15 mai 2009. Or, tant en mars qu'en mai 2009, M. H______ n'était plus au bénéfice des prestations d'aide sociale. En effet, il avait un emploi et recevait un salaire mensuel brut de CHF 7'250.-.

De plus, les factures visées par Assura avaient été transmises à l'hospice par courrier le 26 mai 2009, soit plus de trente jours après la fin de l'aide.

Dite décision indiquait la voie et le délai de recours au Tribunal administratif.

13. M. H______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif à l’encontre de la décision précitée par courrier recommandé le 8 janvier 2010. La Permanence de l'Ordre des Avocats étant fermée lors de la période des fêtes de fin d'année, il a conclu, préalablement, à ce qu’un délai lui soit octroyé afin de compléter son recours avec l'aide d'un avocat.

14. Le 28 janvier 2009, M. H______ a complété son recours et a persisté dans ses précédentes explications. Il conclut à l'annulation de la décision du 8 décembre 2009 ainsi qu'au remboursement des frais médicaux exposés en janvier et en février 2009 pour un montant de CHF 1'167,40.

15. Dans sa réponse du 12 mars 2010, l'hospice a accepté de prendre en charge les frais des lunettes à hauteur de CHF 400.-. Pour le surplus, il a conclu au rejet du recours.

16. Le 18 mars 2010, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de al loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 LASI).

2. a. Selon l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence ; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d’adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l’art. 12 Cst. mais qui peuvent aller au-delà (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P.115/2001 du 11 septembre 2001, consid. 2a ; ATA/419/2009 du 25 août 2009).

b. En droit genevois, depuis le 19 juin 2007, la LASI concrétise l’art. 12 Cst.

3. Selon son art. 1 al. 1er, la LASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel. Ses prestations sont fournies sous forme d’accompagnement social et de prestations financières (art. 2 LASI). Ces dernières sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LASI) et leurs bénéficiaires doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels elle est subsidiaire (art. 9 al. 2 LASI) (ATA/440/2009 du 8 septembre 2009).

4. S'agissant des prestations financières, l'art. 21 al. 1 LASI stipule que les personnes, dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par le règlement d’exécution de la loi sur l’aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RASI - J 4 04.01), ont droit aux prestations d'aide financière. (ATA/295/2009 du 16 juin 2009).

5. Les besoins de base se déterminent exhaustivement selon l'art. 21 al. 2 LASI et sont complétés par le RASI. Ils comprennent, notamment, les prestations circonstancielles destinées à prendre en charge d'autres frais, définies par le RASI. Sont pertinents en l'espèce, les frais médicaux liés aux franchises et quotes-parts.

6. En vertu de l'art. 9 al. 2 RASI, le bénéficiaire de prestations d'aide financière peut obtenir, à titre de prestations circonstancielles, le remboursement des frais liés aux franchises minimales et quotes-parts prévues par la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) (art. 103 de l'ordonnance sur l’assurance-maladie du 27 juin 1995 - OAMA - 832.102) sur présentation du décompte établi par l'assureur et des preuves de paiement originaux.

En l'espèce, lesdits frais correspondent aux consultations médicales et aux ordonnances de janvier et février 2009 pour un montant de CHF 554,40, lesquels n'ont pas été remboursés au recourant, car le décompte de l'assurance a été présenté hors délai.

7. L'hospice allègue que, selon sa directive relative au traitement des franchises et participations, les factures doivent être présentées au plus tard trente jours après la fin de l'aide financière. En outre, la date de décompte ferait foi pour le remboursement et devrait se situer dans une période d'aide.

Or, ni l'art. 21 al. 2 let. d LASI, ni l'art. 9 RASI ne prévoient de délai pour présenter le décompte de l'assurance. Il ne résulte pas non plus de ces dispositions que le décompte doit dater d'une période d'aide financière. Ces exigences de l'hospice posent des conditions supplémentaires, non prévues par la loi, celle-ci ne prescrivant que la présentation dudit décompte et le paiement des factures.

En exigeant que le décompte de l'assurance soit transmis à l'hospice dans un délai de trente jours après la fin de l'aide et en prescrivant que la date de décompte soit comprise dans une période d'assistance financière, l'hospice pose une exigence nouvelle par rapport à la loi et a ainsi violé le principe de la légalité, garanti par l'art. 5 Cst.

Par conséquent, la décision litigieuse est dépourvue de base légale. Elle viole le principe de la légalité et sera déclarée nulle (ATA/117/2010 du 16 février 2010).

Le juge s'écartera donc de cette pratique de l'hospice pour admettre que les factures visées par Assura en date du 15 mai 2009 et envoyées à l'hospice le 26 mai 2009 ont été valablement présentées et que l'hospice aurait dû les prendre en charge.

8. L'intimé ayant partiellement admis les conclusions du recourant en ce qu'il conclut à la prise en charge des lunettes à concurrence de CHF 400.-, le tribunal de céans lui en donnera acte.

9. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. La décision sur opposition du 8 décembre 2009 sera déclarée nulle et la cause renvoyée à l'hospice pour l'examen du remboursement de la franchise et des quotes-parts.

10. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de l'hospice, qui succombe (art. 10 a contrario du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui n'a pas pris de conclusions dans ce sens et comparaît en personne (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 janvier 2010 par Monsieur H______ contre la décision du 8 décembre 2009 prise par l'Hospice général ;

au fond :

l'admet ;

constate la nullité de la décision de l'Hospice général du 8 décembre 2009 ;

renvoie le dossier à l'Hospice général pour nouvelle décision sur le remboursement des frais médicaux pour les mois de janvier et février 2009 ;

donne acte à l'Hospice général qu'il est d'accord de prendre en charge les frais de lunettes à hauteur de CHF 400.- ;

met à la charge de l'Hospice général en émolument de CHF 500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur H______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :