Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1240/2023

ATA/450/2023 du 28.04.2023 sur JTAPI/423/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1240/2023-MC ATA/450/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 avril 2023

 

dans la cause

 

M. A______ recourant
représenté par Me Dina Bazarbachi, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 avril 2023 (JTAPI/423/2023)


EN FAIT

A. a. M. A______, né le ______ 1971 - alias B______, né le ______ 1971 -, est originaire d'C______.

b. Arrivé en Suisse en 2019, il s'est présenté devant les autorités helvétiques sous son alias, M. B______.

c. Il est détenu en détention administrative depuis le 23 décembre 2022 à D______ et depuis le 24 avril 2023 à E______.

B. a. En date des 10 mars 2019, 8 juin 2019 et 1er avril 2020, M. A______ a été condamné - sous son nom d'alias - par ordonnances pénales du Ministère public (ci-après : MP) pour infractions au Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; dommages à la propriété - art 144 CP - et lésions corporelles simples - art. 123 al. 1 CP) et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; entrée et séjours illégaux - art 115 al. 1 LEI). À ces occasions, le MP a retenu que le prévenu était célibataire, sans domicile fixe, démuni de revenus et sans aucune attache avec la Suisse.

b. Le 16 juin 2020, les F______ ont rejeté la demande de reprise en charge de l'intéressé qui leur avait été soumise par la Suisse.

c. Par courriel du 29 juin 2020, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), a informé les services de police genevois que l'intéressé avait déclaré être retourné dans son pays d'origine à la fin de l'année 2017 et qu'il n'était dès lors pas possible d'envoyer une demande de réexamen aux autorités des F______. Le cas de M. A______ devait être traité par les autorités cantonales en vue d'un renvoi dans son pays d'origine.

d. Le 6 juillet 2020, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de Justice a ordonné l'expulsion judiciaire de l'intéressé du territoire suisse pour une durée de trois ans conformément à l'art. 66a bis CP.

e. Par jugement du 14 avril 2021, il a été condamné par le Tribunal de police pour rupture de ban (art. 291 CP), voies de fait (art. 126 al. 1 CP) et dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP).

f. Deux procédures pénales supplémentaires ont été ouvertes en 2021 par le MP à son encontre pour rupture de ban, violation de domicile et vol simple, lesquelles sont actuellement en cours.

g. Le 12 octobre 2021, le SEM a informé l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que l'intéressé avait été identifié par les autorités C______ sous le nom de M. A______, né le ______ 1971 à G______en C______. À l'issue d’entretien consulaire (Counseling), une place pourrait être réservée auprès de swissREPAT dont la date devait être communiquée trente jours ouvrables auparavant et, à réception du laissez-passer par le SEM, le document serait envoyé directement à swissREPAT.

h. Le 18 novembre 2022, M. A______, démuni de document d'identité, a été interpellé par la police genevoise à la rue des H______ ______ à I______, après qu'il se fut montré violent avec une employée de l'association « J______ » qui avait refusé de le laisser entrer dans les locaux.

Selon le rapport d’arrestation, M. A______ lui aurait craché dessus et un agent de sécurité aurait été très légèrement blessé après l’avoir expulsé des locaux. Les recherches dans les bases de données de la police ont révélé qu’il faisait l'objet de trois mandats d’arrêt pour une peine privative de liberté totale de quarante-sept jours ou CHF 1'010.-.

i. Entendu par la police le même jour, M. A______ a contesté s'être battu avec l'agent de sécurité et a déclaré qu'il voulait récupérer certaines de ses affaires restées dans l'association du temps où il y logeait. Il était démuni d'argent et ne pouvait pas payer la peine de jours-amende à laquelle il avait été condamné. Il n'était pas non plus au courant de l'expulsion judiciaire et des trois ordres d’exécution de peine dont il faisait objet. Il a refusé de répondre aux autres questions posées par la police.

j. Le 19 novembre 2022, M. A______ a été incarcéré à la prison de K______ pour purger ses condamnations.

k. Le 22 novembre 2022, l'OCPM a informé le SEM que M. A______ était en détention pénale et l’a prié de poursuivre le processus d'identification et d'obtention d'un document de voyage.

l. Par courriel du 29 novembre 2022, le SEM a proposé aux autorités genevoises de présenter l’intéressé aux auditions consulaires de l'C______ le 21 décembre 2022.

m. M. A______ n'a finalement pas pu être présenté mais demeurait sur la liste d'attente pour le canton de Genève.

n. Libéré de détention pénale le 23 décembre 2022, M. A______ a été remis aux services de police.

C. a. Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de quatre mois, en application des art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, précisant que les démarches relatives à l'organisation d'un entretien avec le Consulat d'C______ en vue de la délivrance d'un laissez-passer se poursuivaient.

Au commissaire de police, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en C______.

b. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

c. Le lieu de détention administrative de l’intéressé était l’établissement de détention administrative de D______ (ci-après : D______).

d. Par courriel du 26 décembre 2022, le commissaire de police a transmis au TAPI une copie d’une communication du même jour adressée au SEM, indiquant que M. A______ était détenu administrativement et que, dès lors, il demandait que son cas soit traité de manière prioritaire.

e. Entendu le 27 décembre 2022 par le TAPI, M. A______ a déclaré qu’il ne s’opposait plus à son renvoi en C______, ayant changé d’avis, et qu'il était d’accord d’être présenté aux autorités C______ afin qu'elles puissent délivrer un laissez-passer. Il n'avait pas de documents d'identité. Il avait été logé à Genève, soit chez une amie, soit dans un foyer de l'L______ et avait vécu grâce à des aides d'associations et d'amis. Depuis 2019, il n'avait jamais quitté Genève. Lors de son interrogatoire le 19 novembre 2022, c'était la police qui avait répondu à sa place et qui lui avait fait signer deux documents. Sur question de son conseil, il a indiqué avoir été auditionné par le MP le 5 décembre 2022 pour une procédure pénale concernant une rupture de ban et que cette procédure avait été renvoyée au Tribunal de police. Il avait également reçu un jugement du Tribunal de police le 30 juin 2022, pour des infractions de rupture de ban et de séjour illégal contre lequel son conseil avait fait appel.

La représentante du commissaire de police a indiqué qu’elle n’avait pas d'autres informations concernant le futur entretien avec les autorités consulaires C______ et, comme indiqué dans la dernière pièce produite, la police avait demandé à ce que M. A______ soit entendu prioritairement. Entre l'audition par les autorités C______, la délivrance du laissez-passer et la date d'un vol, il fallait compter en tous cas trente jours. Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention pour la durée requise.

Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client vu les procédures pénales en cours, subsidiairement à la réduction de la durée de la détention à un mois.

f. Par jugement du 27 décembre 2022 (JTAPI/1455/2022), le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de dix semaines, soit jusqu'au 2 mars 2023 inclus.

M. A______ faisait l’objet d’une décision d’expulsion judiciaire de Suisse prononcée le 6 juillet 2020 pour une durée de trois ans, qui était en force. Il avait fait l’objet de très nombreuses condamnations, notamment pour séjour illégal et rupture de ban, et n’avait jamais entrepris la moindre démarche en vue de se soumettre à la décision d’expulsion prononcée à son encontre le 6 juillet 2020. Il s’était présenté sous une fausse identité aux autorités suisses, ce qui avait rendu son identification plus difficile. Il avait indiqué devant le commissaire de police, notamment lors son audition du 23 décembre 2022, qu’il s’opposait à son renvoi de Suisse ; le fait qu'il avançât pour la première fois, manifestement pour les besoins de la cause, ne plus être opposé à retourner en C______, ne permettait certainement pas de considérer qu'il serait désormais disposé à collaborer à son départ. Il était enfin sans domicile fixe en Suisse, sans aucune source de revenu et sans attaches particulières, et ayant été totalement aidé financièrement depuis son arrivée en Suisse. Son comportement laissait donc apparaître qu’il n’avait pas l’intention de se soumettre aux décisions des autorités et le risque qu’il disparaisse dans la clandestinité était avéré, étant rappelé que seul un renvoi à destination de l’C______ était possible, puisqu’il s’agissait du seul pays dans lequel il était autorisé à se rendre. Les conditions de la détention administrative étaient donc remplies. Les autorités avaient par ailleurs agi avec diligence et célérité.

Concernant la durée de la détention de quatre mois, elle paraissait toutefois disproportionnée et serait réduite à dix semaines.

g. Par requête motivée du 17 février 2023, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de six mois, exposant que l'intéressé serait présenté à une prochaine audition consulaire de l'C______ qui devrait intervenir d'ici au mois de juin 2023. Un vol pourrait ensuite être organisé.

h. Devant le TAPI, lors de sa comparution du 28 février 2023, M. A______ a déclaré se nommer en réalité B______ et être né le 28 septembre 1978. Il n'avait toutefois en sa possession aucun document d'identité, bien qu’il ait essayé de joindre les autorités C______ pour en obtenir, par téléphone et par courrier (dont il n’avait pas de copie), sans obtenir de réponse. Il était encore d'accord de retourner en C______. Son avocate a précisé qu'elle avait également tenté de les contacter téléphoniquement mais qu'effectivement, on tombait sur une boîte vocale. Elle avait par ailleurs vérifié l'adresse à laquelle son client avait adressé le courrier, à l'Ambassade. Elle s'est toutefois engagée à effectuer elle-même des démarches auprès de l'Ambassade pour essayer de faire accélérer les choses.

Le représentant de l'OCPM s'est référé à un courrier du SEM du 12 octobre 2021, indiquant que l'intéressé avait été identifié par les autorités C______ en tant que M. A______, né le ______ 1971.

L'OCPM a précisé qu’il y avait audience consulaire chaque mois, mais que la liste d'attente était longue au vu du nombre de personnes devant y être présentées par les cantons. Il avait toutefois indiqué au SEM que le dossier était prioritaire. Quand la demande venait des autorités suisses, les autorités C______ ne faisaient pas de distinction entre le fait que leur ressortissant était volontaire ou pas, mais si M. A______ contactait lui-même son Ambassade pour attester du fait qu’il était volontaire, la procédure irait plus vite et les autorités C______ délivreraient immédiatement un laissez-passer.

Le conseil de M. A______ a remis ses extraits de compte au 1er novembre 2022, montrant qu'il avait travaillé à D______ et qu'il pouvait financer en partie son billet de retour. M. A______ a précisé avoir obtenu en totalité plus de CHF 1'000.-.

i. Par jugement du 28 février 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de cinq mois, soit jusqu'au 2 août 2023 inclus.

j. Par acte expédié le 6 mars 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______, agissant en personne, a recouru contre ce jugement. Malgré sa volonté de retourner en C______, l’OCPM lui demandait de se présenter au Consulat d’C______ pour obtenir un laissez-passer jusqu’au mois de juin 2023, ce qu’il trouvait « assez sévère ».

k. Par courrier du 10 mars 2023, l’avocate nommée d’office pour la défense de ses intérêts a confirmé la volonté de son client de recourir contre le jugement précité. Elle a conclu, au nom de celui-ci, à l’annulation du jugement et, principalement, à sa mise en liberté immédiate. Préalablement, son audition devait être ordonnée. Subsidiairement, le recourant a conclu qu’il soit enjoint à ne pas quitter le canton de Genève et, plus subsidiairement, à ce que sa détention administrative soit limitée au 30 juin 2023.

l. Le commissaire de police a conclu à la confirmation du jugement.

m. Dans sa réplique, le recourant a rajouté deux chefs de conclusions « plus subsidiaires », tendant à ce que sa détention administrative soit limitée au 31 mars 2023, respectivement au 30 avril 2023.

n. Par arrêt du 16 mars 2023 (ATA/268/2023), la chambre administrative a partiellement admis le recours en tant que la détention administrative était confirmée mais pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 2 juillet 2023.

Vu la décision d’expulsion le 6 juillet 2020, les condamnations dont il faisait l’objet, l’absence de toute démarche documentée en vue de quitter la Suisse et se conformer à ces décisions, le comportement adopté jusqu’ici et sa situation en Suisse, il n’apparaissait pas que le recourant avait l’intention de retourner dans son pays et le risque qu’il disparaisse dans la clandestinité était élevé. Les conditions de la détention administrative étaient donc remplies. L’intérêt public à l’exécution de son refoulement était certain et une mesure moins incisive, comme celle l’enjoignant à se présenter régulièrement à un poste de police jusqu’à sa présentation à l’Ambassade d’C______ et l’octroi d’un laissez-passer, ne paraissait pas apte à s’assurer de sa présence lors de cette présentation et au moment du départ de son vol pour l’C______. Cet intérêt public l’emportait également sur son intérêt privé à ne pas subir de détention administrative. Cela étant, dans la mesure où les présentations auprès de l’Ambassade d’C______ devaient en tout cas se faire d’ici à fin juin 2023, il n’y avait, en l’état, pas de motif justifiant que la détention administrative soit prononcée au-delà de cette date et la durée de celle-ci devait ainsi réduite à quatre mois, soit au 2 juillet 2023.

D. a. Le 8 avril 2023, un détenu placé en détention administrative a été retrouvé mort dans sa cellule de D______. Il s’agirait d’un suicide. Le même jour, un autre détenu aurait tenté de mettre fin à ses jours.

b. Par requête du 11 avril 2023 reçue par le TAPI le même jour, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté, exprimant qu’il se trouvait dans une réelle détresse en raison des conditions de sa détention. Il était détenu à D______ depuis le 23 décembre 2022. Il avait entamé une grève de la faim depuis cinquante-deux jours et ceci sans que personne ne s'en soucie. Il était par ailleurs détenu dans une infrastructure insalubre et dans des conditions totalement indignes. Le samedi 8 avril 2023 au matin, une personne détenue au sein du même établissement avait été retrouvée inanimée dans sa cellule. Ce R________ avait mis fin à ses jours en raison de ses conditions de détention et du fait qu'il devait être renvoyé en Autriche.

S'agissant de D______, depuis la réaffectation de cette prison pénale à la détention administrative en 2014, la Ligue suisse des Droits humains, section genevoise (ci-après : LSDH-GE) de même que d'autres associations et instances de contrôle comme la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT), dénonçaient les conditions de détention indignes qui y prévalaient, lesquelles ne répondaient même pas aux standards minimaux applicables à la détention administrative, et appelaient sans relâche à sa fermeture. Dans l'ensemble, l'infrastructure n'était pas adaptée à la détention administrative. En particulier, l'espace disponible ainsi que l'aménagement et la conception des pièces ne permettaient pas d'offrir aux détenus un régime de détention plus souple qui répondrait aux standards en matière de détention administrative. Ces associations avaient par ailleurs alerté les autorités sur les graves lacunes en termes d'accès aux soins des personnes placées en détention administrative, qui étaient dans leur immense majorité extrêmement vulnérables, tant sur le plan physique que psychique. Or, en application de l’art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), l'État devait s'assurer que tout prisonnier était détenu dans des conditions qui étaient compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d'exécution de la mesure ne soumettait pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excédait le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l'emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier étaient assurés de manière adéquate.

En l’espèce, dans la mesure où sa santé était clairement en danger et que D______ n'était pas à même de le protéger en respectant les standards minimaux en matière de détention, il y avait lieu de constater l'illégalité des conditions de sa détention et de le libérer avec effet immédiat.

c. Par courrier du 14 avril 2023, il a requis du TAPI qu’il procède à un transport sur place afin de constater l’illicéité des conditions de détention.

d. Le 18 avril 2023, le TAPI a procédé à une audience conjointe, d’entente entre les parties, dans les causes A/1240/2023, A/1262/2023 et A/1264/2023, ces deux dernières causes concernant M. M________. À cette occasion, il a entendu M. N________, membre du comité de la commission de détention administrative (CDA) de la LSDH-GE et Mme O________, directrice de D______, tous deux assermentés et pour la dernière, levée de son secret de fonction.

Le conseil de M. A______ a versé à la procédure un bordereau de titres, soit une « Notification de mise à l’isolement » du 13 avril 2023 de mise à l’isolement cellulaire de son client du 13 au 15 avril 2023, pour avoir proféré les menaces auto agressives suivantes : « Si c’est comme ça, je vais me pendre comme le R________ du 3ème », indiquant que cette mesure était ordonnée en raison des risques que l’intéressé faisait courir à lui-même et les inconvénients engendrés par le détenu envers la communauté des co-détenus, conformément à l’art. 48 du règlement de l'établissement de détention administrative de D______ du 1er novembre 2017 (RD______ - F 2 12.09) et que cette décision pouvait faire l’objet d’un recours dans un délai de trente jours à la chambre administrative, son courrier du 13 avril 2023 à la direction de D______ concernant cette mesure et la réponse du médecin généralise de son client à D______ du 17 avril 2023. Il ressort en particulier dudit courrier que M. A______ était suivi notamment en raison de sa grève de la faim. Il disait ne plus manger d’aliment solide et poursuivre une hydratation par l’eau et quelques substituts énergétiques avec boissons sucrées (café et tisane essentiellement). Dans ce contexte, l’équipe médico-soignante du service de médecine pénitentiaire l’avait vu régulièrement pour le suivi avec examen clinique et bilan biologique régulier, étant relevé que le dernier bilan biologique qu’il avait accepté de faire le 31 mars 2023 ne révélait pas de carence ni d’atteinte d’organe. À « J50 » de cette dernière, il était affaibli sur le plan somatique et mentale. À l’évaluation psychiatrique du 13 avril 2023, il n’avait pas d’idées noires ni suicidaires. Il avait été informé et était conscient des risques pour sa santé. Devant sa détermination l’équipe médico-soignante du service de médecine pénitentiaire était inquiète quant à l’issue de ce jeûne.

Le représentant de l’OCPM a versé à la procédure un courrier du SEM du 11 avril 2023, demandant la délivrance d’un laissez-passer au Consulat d’C______ en faveur de M. A______, vu la réservation d’un vol le 2 mai 2023, la réservation dudit vol ainsi que la demande d’asile déposée par l’intéressé le 5 avril 2023.

Le conseil de M. M________ a versé à la procédure un courrier du 17 avril 2023 adressé à la direction de D______ au sujet des fouilles intégrales subies par son client lors de chacun de ses déplacements en audiences et l’invitant à ne pas y procéder en vue de l’audience de ce jour ou, dans le cas contraire, à lui expliciter les motifs d’une telle mesure, ainsi que la réponse de la direction du 18 avril 2023.

M. N________ a expliqué visiter D______ depuis 2014, date de son affectation à la détention administrative. Il s’y rendait déjà quand cet établissement était affecté à la détention pénale. Il réalisait ces visites en sa qualité de membre de la LSDH-GE. À ce même titre, il visitait également E______. Il s’était rendu pour la dernière fois à D______ il y avait six mois. Lors de leurs visites, ils s’installaient dans un local dédié et les détenus venaient les voir, selon leurs besoins. Ils avaient également des échanges avec les gardiens et la direction, notamment quant à des besoins précis de détenus. Ils faisaient également un point de situation périodique avec la direction et les autorités sur les conditions de détention à D______ et E______. Dès 2014, il avait pu constater que les conditions de détention à D______ ne répondaient pas aux standards minimaux applicables à la détention administrative. Il n'y avait pas d'accès extérieur à D______, hormis une cour extrêmement petite (qui avait encore été restreinte suite à des évasions), bétonnée et entièrement grillagée. On lui avait rapporté que les détenus se plaignaient d'un manque d'activités au sein de l'établissement. Il n'y en avait pratiquement aucune. À titre d'activité, on avait par exemple proposé aux détenus de repeindre leur chambre. Il ignorait si c'était contre rémunération. Les détenus n'avaient rien à faire de toute la journée. La salle de sport était vétuste et les installations dangereuses, à tel point que les détenus renonçaient à s'y rendre. La communication avec l'extérieur posait également problème, les détenus n'ayant pas accès à des téléphones portables, à des ordinateurs et à internet. Les appels vers l'extérieur étaient payants, ce qui les limitait. Le cachot n'avait pas d’accès direct à la lumière, hormis une demi-lucarne. Il était régulièrement utilisé. Il n’avait jamais vu un cachot de ce type dans aucun lieu de détention qu’il avait visité en Suisse. La bibliothèque disposait d'un choix de livres très restreint et pas forcément dans des langues connues des détenus. L'accès aux soins était problématique. La prise en charge et le suivi étaient clairement insuffisants. Cela ressortait des doléances des détenus, mais également de leurs constats lors des visites. À sa connaissance, deux infirmières et un médecin se rendaient chaque semaine à D______. Les suivis psychiatriques n’étaient pas assurés, alors même que la plupart des détenus étaient atteints dans leur santé psychique. Il y avait de fréquentes tentatives de suicide et il avait pu constater de nombreuses automutilations chez les détenus. L’absence de présence médicale sur place leur faisait craindre que les situations d'urgence ne soient pas toujours diagnostiquées. Concernant les conditions d'hygiène, les visiteurs n’avaient pas accès aux cellules. On lui avait cependant indiqué qu'il y avait des nuisibles (cafards) dans l'établissement, ce qu’il avait personnellement pu constater. Les gardiens provenant en général d'établissement pénaux, les détenus leur avaient indiqué qu'ils avaient peu d'échanges avec ces derniers, ce qui participait à leur sentiment d'isolement. Ils leur avaient également fait part d'un manque de soutien et d'informations sur le plan juridique. Les détenus n'avaient souvent pas connaissance de leurs droits, particulièrement dans le cadre des procédures Dublin.

Mme O________ a expliqué que la circulation dans l'établissement ainsi que dans la cour sécurisée était libre de 7h30 à 21h45. En dehors de ces horaires, la circulation était libre dans les quartiers, au nombre de trois. Dans chacun des quartiers, les détenus avaient accès aux sanitaires, communs, ainsi qu'à une kitchenette avec micro-onde. L'établissement comptait sept demi-étages ; au rez, les détenus avaient accès à une salle de loisirs comportant une table de ping-pong, un babyfoot, une bibliothèque, des canapés, des jeux de société. Au demi-étage supérieur, ils avaient accès à une petite salle de sport. Ils avaient récemment acquis des nouveaux engins et des vélos pour cette salle, qu’ils comptaient encore améliorer prochainement. Sur cet étage, il y avait également la buanderie, qui était une activité proposée aux détenus. S'agissant des activités et ateliers occupationnels, le travail n'était pas obligatoire en détention administrative. La rémunération était de CHF 3.- de l'heure la semaine et de CHF 4.50 le week-end. Actuellement, en période de Ramadan, ils avaient peu de demandes pour les activités proposées. De manière générale, ils avaient toutefois plus de demandes que d'activités. Ils mettaient alors les détenus sur liste d'attente. Ils s’efforçaient, dans la mesure du possible de leur offrir une activité, parfois en dédoublant ces dernières. À titre d’activités, ils avaient actuellement une activité en collaboration avec le P________ (P________), qui leur fournissait en échange des livres et des vêtements, et une activité de tri des câbles de Q________. Sur le plan médical, les détenus faisaient l'objet d'une première évaluation à leur arrivée par l'équipe infirmière mobile. Ils avaient ensuite une consultation avec un médecin somatique et/ou psychiatrique dans les 48 voire 72 heures, en fonction de l'évaluation qui était faite. En cas d'urgence, ils faisaient appel au 144. L’équipe infirmière était présente à D______ les mercredis et vendredis matin ; le médecin somatique le mercredi après-midi et le médecin psychiatre le vendredi après-midi. La présence des médecins n’était pas systématique et dépendait de l'évaluation, en première ligne, de l’équipe infirmière, laquelle tournait entre les différents établissements de détention. Tous les détenus pouvaient la consulter. Il leur suffisait de déposer une demande de consultation dans la boîte aux lettres prévue à cet effet et strictement réservée aux aspects médicaux. La direction et les gardiens n'analysaient pas les demandes médicales, sauf les urgences. C’était le fait de l’équipe infirmière. Ils avaient un colloque tous les vendredis matins avec eux pour faire un point de situation. S'agissant de la communication avec l'extérieur, chaque étage disposait d'une cabine téléphonique, avec un cache garantissant la confidentialité des appels. Les détenus devaient disposer d'une carte téléphonique pour l'utiliser. S'ils n'avaient pas les moyens d’en acheter, ils avaient la possibilité de faire un appel vers l'extérieur depuis le téléphone du parloir. Ils avaient droit à un appel à l'arrivée et à un appel à la sortie. Ils avaient depuis peu la possibilité de faire des appels Skype. Un ordinateur avait été mis à la disposition des détenus pour ce faire, dans le parloir. Cette salle servant également pour les visites et les entretiens avec l'assistant social et les avocats, ils avaient dû mettre en place des horaires pour son utilisation. Pour tenter de résoudre cette problématique de salle, ils avaient élargi l'horaire des visites, qui étaient désormais possibles toute la semaine, les matins et après-midis. Les locaux étaient nettoyés tous les jours sous la surveillance des agents. Les détenus avaient la charge de l'entretien de leur cellule et disposaient à chaque étage du matériel nécessaire pour ce faire. L'entretien du reste du bâtiment était réparti entre plusieurs « activités » rémunérées. Elle prenait acte que des nuisibles avaient été vus dans l'établissement. Il y avait aujourd'hui dix détenus à D______, pour une capacité de vingt places. Les transferts étaient du ressort des autorités de placement. Les transferts à l'Unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire située dans le bâtiment de Curabilis, étaient effectués à la demande du médecin-psychiatre, ceux à l'Unité cellulaire hospitalière des Hôpitaux universitaires de Genève, à la demande du médecin somatique.

S'agissant des sanctions, la direction les examinait toutes pour validation ou non, après audition de la personne concernée et examen du rapport d'incident. La direction était composée de personnes émanant du milieu social. La mise au cachot était vraiment l'ultima ratio. Toute sanction était communiquée à la direction générale de l'office cantonal de la détention (ci-après : OCD). Les mises en cellule forte étaient en outre communiquées à l'autorité de placement et au service médical. La direction était consciente que les infrastructures de D______ n’étaient pas idéales, mais essayait de faire en sorte que la détention y soit aussi digne que possible et que les détenus puissent être renvoyés de la meilleure manière possible. Ils avaient des contacts réguliers avec un gestionnaire de l'OCPM qui se déplaçait fréquemment sur le site. Si un détenu souhaitait le rencontrer, ils faisaient le lien avec ce dernier. Elle-même travaillait à D______ depuis fin octobre 2016. Effectivement, à son arrivée, il y avait la volonté d’y privilégier des détentions courtes et ensuite, dès l'identification de la personne et les premières démarches effectuées, de la transférer à E______. Aujourd'hui, les placements à D______ ou E______ se faisaient surtout en fonction des places disponibles, cela à tout le moins depuis le début de la pandémie.

Elle n’était pas en mesure de donner la taille de la cour intérieure. Outre cette dernière, les détenus avaient également accès à la partie verte des extérieurs de D______, à condition qu'ils soient accompagnés d'un gardien. Cela dépendait des disponibilités de ces derniers. Ils y organisaient parfois des activités. Ils avaient beaucoup de demandes en été et en principe leurs effectifs leur permettaient d'y accéder.

L'activité proposée avec le P________ était destinée à être pérenne. Ils avaient installé Skype le 16 janvier 2023. À sa connaissance, cette application n'avait jamais été utilisée par les détenus. Ils les avaient pourtant informés de la possibilité de communiquer gratuitement par ce biais avec l'extérieur. Elle-même avait personnellement informé, pas plus tard que le 8 avril 2023, l'ensemble des détenus de cette possibilité. Elle savait que l'information avait été faite aux nouveaux arrivants à compter du 16 janvier 2023. Elle ne savait pas si M. M________ avait reçu l'information.

M. N________ a expliqué que l'OCD avait indiqué à son association que seul un accès à Skype et non pas à Internet (recte : au World Wide Web) serait proposé aux détenus. Lors de ses visites, ou de celles de visiteurs volontaires, ils avaient pu constater qu'aucun détenu n'était au courant de l'installation de cette application.

Mme O________ a expliqué que suite aux événements du 8 avril 2023, un médecin somatique était intervenu sur le site à 11h00. Il avait entendu, ensemble, les détenus, pour un débriefing. Ensuite, un médecin psychiatre était venu sur le site. Elle ne pouvait pas dire s'il avait vu tous les détenus mais il avait en tout cas rencontré ceux qui en avaient fait la demande.

Suite au rapport d'incident qui lui avait été transmis le 13 avril 2023 concernant M. A______, elle avait décidé de le placer à l'isolement après l'avoir entendu et après qu'il ait pu rencontrer le psychiatre de l'unité mobile. Le lendemain, il avait par ailleurs rencontré les infirmières de ladite unité. Elle ne pouvait pas dire pour quelle raison elle avait opté pour une sanction sur la base de l'art. 48 plutôt que 3 l. 2 du règlement de l'établissement de détention administrative de D______ du 1er novembre 2017 (RD______ - F 2 12.09). Elle avait placé M. A______ en cellule d'isolement pour le préserver et avait organisé des rondes toutes les deux heures pour s'assurer qu'il allait bien. Elle ne connaissait pas la teneur de l'art. 27 du concordat sur l’exécution de la détention administrative à l’égard des étrangers du 4 juillet 1996 (CEDA - F 2 12).

Il était procédé à la fouille des personnes détenues conformément aux modalités prévues dans le RD______. Les fouilles se faisaient en deux temps. Les personnes enlevaient le haut, le remettaient, puis enlevaient le bas. On leur demandait ensuite de faire une flexion. Elle a précisé avoir trente-quatre ans d'expérience dans les domaines de la détention pénale et pour mineurs.

M. A______ a expliqué que depuis qu’il était à D______, il avait pu exercer une activité rémunérée de nettoyage, à raison de quatre heures par jour, sept jours sur sept. Suite à sa grève de la faim entamée le 20 février 2023, il avait interrompu cette activité le 10 mars 2023 car il n’avait plus de forces. Il avait donné un préavis de deux jours. Il avait également fait une traduction contre rémunération. On ne lui avait pas proposé l'activité du P________. Les soutiens juridiques, sociaux et médicaux, étaient très limités. On ne répondait pas la plupart du temps à ses questions. Il était au courant que Skype avait été installé à D______ mais il ne l’avait jamais utilisé. Ce système de communication était démodé. Tout ce qu’il avait vu dans le parloir était un écran noir HP. Il avait fait deux jours d'isolement, du 13 au 15 avril 2023, après avoir dit « je vais faire comme le R________ », soit la personne qui s'était suicidée. Il n’avait pas demandé à rencontrer un psychiatre le jour en question, car il n’était pas fou.

M. M________ a indiqué qu’on lui avait proposé un travail à son arrivée. Il l’avait accepté afin notamment de pouvoir s'acheter une carte téléphonique. Il pensait avoir travaillé environ six mois depuis qu’il était à D______. Il n’avait pas poursuivi le travail du triage des câbles de Q________, car cela impliquait de toucher du matériel très sale. Même si on leur donnait des gants, il avait des irritations aux avant-bras. Il s’agissait d'un travail dangereux pour la santé. Il y avait des odeurs nauséabondes. Il avait également constaté que des câbles étaient dénudés. À chaque convocation au tribunal, sortie et parloir, on leur faisait une fouille à nu, avec deux flexions. Ce n’était pas être traité avec dignité. Il n’y avait pas de possibilité concrète de communiquer avec l'extérieur via Skype. Ils n’avaient reçu aucune information ni explication à ce sujet. Cas échéant, les détenus se bousculeraient pour utiliser cette application, plutôt que de payer leurs conversations téléphoniques. Il n’avait jamais rien entendu concernant Skype alors qu’il était le détenu le plus ancien et le plus proche des gardiens. Le matériel de la salle de gymnastique n'avait pas été remplacé par du matériel récent. Par ailleurs, depuis son arrivée et malgré quatre demandes, il n’avait jamais pu utiliser le 2ème terrain extérieur. Depuis dix mois, il n’avait jamais vu personne utiliser cet espace. Il y avait également un problème avec certains gardiens. L’un d’eux, qui s’occupait notamment de leur servir à manger, avait d'importants problèmes de peau, dont des morceaux tombaient parfois dans la nourriture. Lorsqu'il était au service, la plupart des détenus ne mangeaient pas. Ce problème avait été signalé, sans succès.

Mme O________ a indiqué ne pas pouvoir se déterminer quant au terrain extérieur et renvoyé à ses précédentes explications concernant son utilisation. L'été dernier, ils avaient ouvert cet espace tous les matins de bonne heure à l'ensemble des détenus. Elle était au courant de la situation du gardien et des mesures suffisantes avaient été prises, à savoir le port de gants et d’un uniforme à manches longues.

Concernant M. A______, le représentant de l’OCPM a expliqué qu’ils étaient désormais dans l'attente de la décision du SEM sur sa demande d'asile. Si cette dernière était refusée, ils reprendraient leurs démarches en vue de l'organisation d'un nouveau vol avec escorte et l’obtention d'un laissez-passer. La décision du SEM devrait leur parvenir rapidement car M. A______ faisait l'objet d'une expulsion pénale qui le rendait indigne à l'obtention de l'asile. Il n'aurait plus à être représenté au Consulat C________.

M. A______ a relevé que son expulsion prendrait fin le 6 juillet 2023. Il avait perdu dix-huit kilos en raison de sa grève de la faim et son moral était en berne. Il souffrait de problèmes dermatologiques, notamment en raison de la présence de calcaire dans l'eau de la douche. Il avait par ailleurs des crevasses au talon et la peau très sèche. Les infirmières lui avaient conseillé de mettre de la vaseline. Les douches étaient sales, insuffisantes et avaient des rideaux trop petits, voire, pour l’une, pas de rideau. Il fallait souvent déboucher les lavabos et il était difficile de se raser correctement car les miroirs étaient en métal, rayés et flous. Ils n’avaient pas de tondeuse à disposition, contrairement à K______, et la location de la télévision y était deux fois plus chère. Il n’avait pas parlé plus tôt de ses conditions de détention car ni les magistrats qui avaient examiné sa situation, ni ses précédents conseils, ne lui en avaient donné l'occasion. Si sa demande d'asile était refusée et si un nouveau vol était réservé, il s’y opposerait car il craignait pour sa vie en C______. Il devait en effet de l'argent à des personnes avec lesquelles il avait fait des affaires qui avaient mal marché en T________. Le représentant de l’OCPM a indiqué qu’ils n’envisageaient pas à ce stade pas le transfert de MM. A______ et M________ à E______ ou, notamment, S________. Le canton de Genève disposait en pratique de sept places à E______. Ils y privilégiaient la détention des personnes inscrites sur des vols spéciaux ou avec accompagnement policier. Les conditions de détention à S________ étaient à peu près les mêmes qu'à D______. La durée de la détention envisagée pouvait également être un critère pour une détention à E______ plutôt qu'à D______, et inversement. La personne de D______ récemment transférée à E______ l'avait été pour d'autres motifs, soit des motifs en lien avec sa sécurité et celle de l'établissement.

Entendu sur les conditions de sa détention, M. M________ a indiqué faire siennes les explications fournies par M. A______. Ce n'était pas sa détention qui importait mais ce qui était arrivé à son ami. Son décès lui avait cassé la tête. Il était d'accord de retourner en Afrique et participerait à d'autres auditions si besoin. Il avait déjà été entendu à sept reprises. Il n’était pas prêt à entreprendre des démarches en vue d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer auprès des autorités U______. Il avait déjà entrepris oralement de telles démarches. Il s’était même rendu sur place, à l'aéroport, avec l'OCPM, auprès d'une délégation U______. On ne lui avait pas laissé signer la demande de laissez-passer. Cela s'était passé en 2021, lorsqu’il était à K______. À D______, il avait développé plusieurs pathologies. Des examens de sa prostate étaient prévus le 26 avril 2023. La moitié des gardiens étaient gentils mais il y en avait un, surnommé « le nazi », qui était extrêmement sadique. Il y avait actuellement un détenu qui était suicidaire, il était gavé de médicaments, ce qu’a confirmé M. A______. Si on ne faisait rien, il y aurait d'autres morts. Il fallait être fort pour rester à D______. La détention à K______ était préférable car il y avait un accès à l'extérieur.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à la mise en liberté immédiate de MM. A______ et M________ et invité le TAPI à ordonner la fermeture de D______. Le conseil de M. M________, faisant sienne la plaidoirie du conseil de M. A______, a plaidé et conclu à son tour à la libération immédiate de MM. A______ et M________, la détention administrative dans son principe, et en particulier concernant les précités, ne respectant pas les règles du Conseil de l'Europe et les recommandations de différentes commissions actives en matière de protection des droits humains et de prévention de la torture. Il a renvoyé pour le surplus aux rapports de la CNPT. Il n'était pas admissible de permettre la détention administrative dans de telles conditions, à des fins politiques, à savoir pour justifier la construction de prisons plus grandes. Il a réfuté que des rafraîchissements auraient été entrepris à D______. Le projet de loi 1341 de juin 2022 faisait état de dégradations avancées (page 36 sur 167).

Le représentant de l’OCPM a conclu au rejet des demandes de mise en liberté formées par MM. A______ et M________. Si les conditions de la détention devaient en effet être améliorées au sein de D______, cela ne signifiait pas encore que leur détention était contraire à l'art. 3 CEDH. S'agissant des modalités de celle-ci, il a renvoyé aux explications de Mme O________ et au RD______. La détention administrative de M. M________ devait être prolongée pour la durée requise, au vu des démarches encore à effectuer.

Le représentant de M. M________ a plaidé et conclu au rejet de la demande de prolongation de la détention administrative de son client ainsi qu'à sa libération immédiate, en l'absence de nouvelles démarches concrètes et/ou justifiées de la part des autorités - son client persistant à dire qu'il était ressortissant tchadien - et vu les conditions illicites de sa détention.

e. Par jugement du 20 avril 2023, le TAPI a joint les causes A/1262/2023 et A/1264/2023 sous le n° de cause A/1262/2023, admis la demande de mise en liberté formée le 11 avril 2023, dans le sens des considérants, confirmé l’ordre de mise en détention jusqu’au 2 juillet 2023 inclus, à condition que les conditions de détention de M. A______ soient adaptées conformément aux considérants et ce, au plus tard le mardi 25 avril 2023 à 14h, et dit que si cette condition n’était pas respectée, ce dernier devait être libéré au plus tard à cette date et heure.

L’établissement D______, destiné à la détention administrative, satisfaisait aux exigences légales de l’art. 81 LEI, bénéficiant notamment d’un service médical approprié, pourvoyant aux soins ambulatoires et d’urgence. La décision de placer M. A______ ne contrevenait pas au droit à la vie garanti par l’art. 2 § 1 CEDH et à l’interdiction de la torture, des traitements inhumains ou dégradants garantie par l’art. 3 CEDH, puisqu’elle avait pour objectif de permettre l’exécution du renvoi. La grève de la faim qu’il avait entamée vraisemblablement avec l’imminence de son renvoi ne saurait faire obstacle à son maintien en détention administrative, l’équipe médicale de D______ étant informée de la situation et n’ayant émis aucune réserve à son maintien en détention. Si les carences liées à l’infrastructure, son manque d’hygiène, son inadéquation et sa vétusté ne sauraient en soi et individuellement amener à considérer que la détention administrative à D______ est incompatible avec la dignité humaine, leur cumul et l’exacerbation de leur impact du fait de l’écoulement du temps et/ou d’évènements externes, tels ceux du 8 avril 2023, étaient en revanche problématiques. Si rien n’indiquait qu’ils seraient liés aux conditions de détention au sein de l’établissement et qu’un soutien psychologique avait été proposé à M. A______, leur impact sur des personnes en détention et vivant en vase-clos ne devait pas être sous-estimé. Or, les conditions et modalités d’exécution de la détention de l’intéressé à D______ posaient problème et l’exposaient, en particulier, à des conditions dangereuses pour sa santé, et il était étonnant qu’en réponse à son désarroi, à la suite des évènements tragiques du 8 avril 2023, il ait été placé deux jours en isolement, alors même qu’il était attesté par le médecin de l’unité mobile qu’il était affaibli sur le plan somatique et mental en raison de sa grève de la faim. À cela s’ajoutait l’absence d’accès à Internet, puisque D______ n’avait pas donné suite à l’injonction de la chambre administrative en ce sens, ce qui violait sa liberté d’opinion et d’information et impliquait qu’il soit transféré dans un lieu satisfaisant à l’exigence précitée. L’installation de l’application Skype sur un ordinateur, dans les conditions telles que décrites lors de l’audience, si tant était qu’elle permît effectivement aux détenus de conserver des liens sociaux et des contacts avec leur pays d’origine, ne garantissait pas leur droit à la liberté d’opinion et d’information, tel que voulu par le Tribunal fédéral.

Les conditions et modalités d’exécution de la détention administrative de M. A______ à D______ n’étant plus conformes à l'art. 81 LEI, au CEDA et à l’art. 3 CEDH, le transfert de M. A______ dans un autre établissement de détention administrative s’imposait, celui de E______ devant être privilégié.

Conscient des difficultés logistiques d’un tel transfert, au vu du nombre restreint de places de détention attribuées au canton de Genève, le délai pour ce faire était fixé au mardi 25 avril 2023 14h. À défaut d’un tel transfert, l’intéressé devrait être libéré au plus tard à cette date.

E. a. Par acte déposé le 21 avril 2023, M. A______ a interjeté recours contre ce jugement par devant la chambre administrative de la Cour de justice. Il a conclu, sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, à la confirmation du constat du caractère illicite de ses conditions de détention et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement avec toute mesure de substitution jugée utile. Sur le fond, il a conclu à sa mise en liberté immédiate sans conditions et à lui permettre de compléter ses écritures et conclusions dans le délai légal.

Dans son argumentation sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, M. A______ a relevé que le TAPI avait constaté le caractère illicite des conditions de détention au sens des art. 81 LEI et 3 CEDH. Cette dernière disposition ne prévoyait aucune exception, si bien que la prolongation, même brève, d'un traitement inhumain ou dégradant contrevenait au noyau dur des droits humains. Cela signifiait qu'il devait être libéré immédiatement.

De plus, dans un arrêt rendu fin 2022, la chambre administrative avait considéré que les conditions de détention à D______ devaient être revues pour être licites, et avait fixé un délai au 16 janvier 2023 pour mettre à disposition des détenus un accès de base à Internet ; à défaut le détenu devait être libéré. Ce délai devait être compris comme s'appliquant à l'établissement et comme concernant tous les détenus. Cela aurait donc dû également conduire le TAPI à prononcer sa mise en liberté immédiate.

Il n’a développé aucune argumentation sur le fond.

b. Dans sa réponse du 24 avril 2023, l’OCPM a conclu à la radiation du recours du rôle de la chambre administrative. Il avait ordonné à D______ le transfert du recourant à E______ le même jour, établissement concordataire de détention administrative qui garantissait aux personnes détenues un accès internet pour la communication et l’information. L’OCPM avait donc donné suite aux injonctions contenues dans le jugement entrepris et dans la mesure où le recours ne concernait que cet aspect, le recours devait être déclaré sans objet et rayé du rôle. Il se réservait le droit de déposer à son tour, dans le délai légal, un recours contre le jugement entrepris et/ou de compléter ses observations.

c. Dans ses observations du 24 avril 2023, M. A______ a relevé être encore détenu à D______, dans des conditions illicites au sens de l’art. 3 CEDH, bien que de nouveaux rideaux de douche aient été installés. Ayant déposé une demande d’asile en Suisse, il ne pouvait être détenu plus longtemps. La prison de D______ détenant des personnes dans des conditions illicites, elle devait fermer ses portes.

d. Le 25 avril 2023, la chambre administrative a procédé à un transport sur place dans trois causes dont elle était saisie. Étaient notamment présents six juges de la chambre administrative, les avocats des trois détenus, l'un des trois détenus (soit le seul encore détenu à D______), un représentant de l'OCPM, un représentant du commissaire de police, la directrice ad interim de l'OCD, la directrice adjointe de D______ et le gardien-chef de l'établissement.

Les participants ont pu visiter l'intégralité de l'établissement de détention, tant l'intérieur que l'extérieur. Des clichés photographiques ont été pris.

Entre autres choses, il a été constaté qu'une seule pièce tenait lieu de parloir avec les avocats, les familles et les visiteurs et de lieu d'accès à Skype et au World Wide Web. L'accès à ce dernier était très récent.

L’existence d’un cachot de même que d’une cellule à aménagements réduits (cellule 11) ont été constatés.

Le bloc médical a été présenté et visité et le protocole spécifique lié aux cas de risques auto-agressifs a été exposé.

La chambre administrative s’est fait remettre divers formulaires, dont un « avertissement formel » et une « notification de sanction ».

Les parties ont été averties par le juge menant le transport sur place que le procès-verbal ne pourrait probablement pas être finalisé avant le délai de dix jours pour le prononcé de l'arrêt au fond.

e. Invité à faire parvenir ses observations après le transport sur place, M. A______ s’est référé 26 avril 2023, à deux courriers de la CNPT des 8 avril 2020 et 1er mars 2021, considérant que D______ n’était pas adapté à la détention administrative.

Le transport sur place avait en outre permis de constater que l'établissement avait été construit comme une infrastructure à vocation pénale, comme en témoignaient par exemple les barreaux à toutes les fenêtres. L'espace accessible aux détenus pendant la journée ne constituait pas un accès à l'air libre suffisant. L'espace appelé « terrain de football » par Mme O________ était extrêmement réduit, en pente, inapte à la pratique du sport et n'avait manifestement pas été utilisé depuis de nombreux mois au vu de la végétation. La salle commune était sous-équipée en table et assises, les deux canapés datant des années 70 et d’une saleté inouïe, et la bibliothèque ne contenait aucun livre en langue étrangère. Les installations de la salle de musculation étaient majoritairement dans un état de délabrement rendant leur utilisation dangereuse. La cellule forte, très petite et sans accès direct à l'eau potable, ne respectait pas les standards en la matière. Les ateliers étaient peu utilisés et vétustes et les salles de bains ne disposaient d’aucun miroir net. L’accès à internet avait été installé le 24 avril 2023 et situé dans la salle dédiée aux visites et donc d’un accès insuffisant. Le personnel ne semblait pas disposer d’une formation appropriée en matière de communication interpersonnelle et de sensibilité à différentes cultures, conformément aux normes CPT. La présence de personnel qualifié en soins infirmiers et le programme d'occupation étaient insuffisants. Il aurait été mis en cellule durant deux jours, alors qu’il avait émis des idées suicidaires et sans prise en charge sur le plan psychiatrique.

f. Dans ses écritures du même jour, l’OCPM a persisté dans ses conclusions. Le transport sur place était inutile vu le transfert de M. A______ à E______. Il avait néanmoins démontré que les conditions de détention à D______ n'étaient nullement contraires à la dignité humaine, l'établissement étant propre et bien tenu et mettait à disposition des détenus des équipements opérationnels et régulièrement remplacés. De nombreuses tâches et responsabilités – rémunérées – étaient offertes aux détenus qui le souhaitaient. La prise en charge médicale était garantie et assurée en tout temps en cas de besoin. La promenade grillagée mesurait 165.4 m2. L’établissement avait été fermé pendant trois mois durant l’été 2021 pour être lourdement rénové, adapté et rééquipé en fonction des critiques émises en 2020 par la CNPT, chiffrés en plusieurs centaines de milliers, voire millions, de francs. Aucun nuisible n’avait été constaté, les seuls manquements (une toile d’araignée à un luminaire de couloir, dans laquelle trois mouches étaient collées, deux cotons-tiges sur le sol d’une douche et un bouchon de bouteille en plastique derrière la chasse d’eau d’une toilette) relevant de manquements ponctuels dans l’exécution de leurs tâches par les détenus en charge du nettoyage, pour lesquelles ils étaient au demeurant rémunérés. Les miroirs de douche étaient utilisables, malgré quelques griffures à certains d’entre eux. La cuisine et le réfectoire étaient propres, bien tenus et rangés et la personne en charge du service des plateaux repas portait des gants de protection pour une parfaite hygiène dans la manipulation de la nourriture. Les détenus avaient accès dans leur chambre à plus de 80 chaines de télévision émises du monde entier et dans les principales langues parlées à travers le monde, dont l’arabe, et la V______ avait cessé ses prestations hebdomadaires liées à la fourniture de littérature en langues non disponibles à la bibliothèque de l’établissement, faute de demande des détenus. Ces derniers avaient accès à Internet dans les limites liées aux usages multiples de la salle où le matériel était installé. Les locaux satisfaisaient aux normes de taille et de dimensions minimales et les détenus, qui disposaient de la clé de leur chambre, pouvaient circuler librement à leur étage 24h sur 24 et accéder en tout temps à des toilettes et une kitchenette.

g. Le 27 avril 2023, M. A______ a persisté dans ses critiques envers l’établissement, concluant à ce que la chambre administrative constate que D______ détient des personnes dans des conditions illicites et devait ainsi fermer ses portes.

h. Le même jour, l’OCPM a persisté dans ses explications et conclusions.

b. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 21 avril 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             L'intimé soutient que le transfert du recourant dans un autre établissement de détention, à savoir E______, rend son recours sans objet dans la mesure où ce dernier n'aborde que la question de ses conditions de détention.

Or, la jurisprudence a notamment admis que l'autorité de recours doit entrer en matière même s'il n'existe plus d'intérêt actuel et pratique au recours lorsque la partie recourante invoque de manière défendable un grief fondé sur la CEDH (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1028/2021 du 16 novembre 2022 consid. 1.2 ; ATA/128/2019 du 7 février 2019 consid. 2).

Ainsi, quand bien même le recourant n’aurait plus d’intérêt actuel et pratique au recours, il y aurait lieu d’entrer en matière, dès lors qu’il invoque de manière défendable une violation de l’art. 3 CEDH.

4.             Dans la mesure où le recourant conclut à sa mise en liberté immédiate, il convient d'examiner en premier lieu si les conditions générales de la mise en détention administrative et de son éventuelle prolongation sont données.

4.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4.2 À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si celle-ci a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4). Selon la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice, pour qu'une personne puisse être mise en détention sur la base de cette disposition, elle doit avoir été condamnée par une juridiction pénale de première instance, sans qu'il soit nécessaire que le jugement soit définitif (ATA/127/2015 du 3 février 2015 consid. 6).

Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI).

4.3 En l’espèce, la chambre de céans a déjà admis, dans l’ATA/268/2023 du 16 mars 2023 que les conditions d’une mise en détention administrative étaient reconnues, vu notamment les condamnations dont il faisait l’objet, l’absence de toute démarche documentée en vue de quitter la Suisse et se conformer à ces décisions, le comportement adopté jusqu’ici et sa situation en Suisse.

Par ailleurs, sa mise en détention a été prononcée le 23 décembre 2022, soit il y a moins de six mois, les conditions d’une prolongation sont toujours réalisées au sens de l’art. 79 al. 2 LEI, comme examiné ci-après.

4.4 Le recourant ne soutient pas que l’exécution du renvoi s’avérerait impossible pour des raisons juridiques ou matérielles et que sa détention devrait pour ce motif être levée en application de l’art. 80 al. 6 let. a LEI, mais il fait valoir que son maintien en détention deviendrait disproportionné au vu de la demande d’asile qu’il a récemment déposée. L’OCPM objecte que le dépôt de la demande d’asile serait dénué de chances de succès au vu de l’expulsion pénale prononcée à l’égard du recourant qui le rendait indigne à l'obtention de l'asile.

Même si la réservation d’une place dans le vol du 2 mai 2023 a été annulée en raison du dépôt de la demande d’asile du recourant, le renvoi de ce dernier en C______ n’apparait pas impossible. Sa nationalité est établie et il ne serait pas nécessaire de le présenter à nouveau au Consulat C________. Mis à part l’acquisition d’un document de voyage ou, à défaut, d’un sauf-conduit, et si sa demande d’asile est rejetée, l’organisation de son retour en C______ pourrait être reprise, de sorte qu’aucun obstacle dirimant n’empêche le retour du recourant.

Le recourant fait également valoir qu’il devait de l’argent à des personnes avec lesquelles il avait fait des affaires qui avaient mal marché en T________ et craignait pour sa vie s’il rentrait en C______.

Il a allégué cette circonstance pour la première fois à l’audience du 18 avril 2023, sans toutefois l’étayer d’une quelconque manière ni le rendre vraisemblable.

C’est ainsi à bon droit que le TAPI n’a pas retenu que cette allégation constitue un cas de nullité ou d’impossibilité du renvoi.

4.5 Quant à la procédure d’asile, le recourant ne rend pas non plus vraisemblable que les chances de succès de sa demande seraient bonnes, à défaut d’avoir étayé les risques qu’il dit encourir.

Les chances de la demande d’asile du recourant n’apparaissent ainsi pas évidentes.

4.6 Il reste à examiner si la durée de la procédure d’asile rendrait quelle qu’en soit l’issue la durée de la détention disproportionnée.

Selon le site du SEM, consulté en ligne le 19 avril 2023 à l’adresse https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/asyl/asylverfahren.html, la plupart des procédures d’asile sont « menées et bouclées », dans un délai de cent quarante jours au plus. Selon un graphique accessible à la même adresse, la procédure accélérée, y compris la procédure de recours et l’exécution du renvoi en cas de rejet, durerait jusqu’à cent jours.

La détention du recourant a été prolongée pour la dernière fois jusqu’au 30 juin 2023 et les circonstances du cas d’espèce pourraient porter à conclure que la reprise de l’organisation de l’exécution du renvoi ne pourra être envisagée dans un délai raisonnable compte tenu de la durée prévisible de la procédure d’asile, de sorte que la mise en liberté devrait être envisagée.

Toutefois, à l’art. 75 al. 1 let. f LEI le législateur a expressément prévu pour assurer l’exécution d’une procédure de renvoi ou d’expulsion la possibilité pour l’autorité cantonale compétente d’ordonner la détention pendant la préparation de la décision sur le séjour, pour une durée de six mois au plus, d’une personne qui n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement, si elle séjourne illégalement en Suisse et dépose une demande d’asile dans le but manifeste d’empêcher l’exécution d’un renvoi ou d’une expulsion ; tel peut être le cas notamment lorsque le dépôt de la demande d’asile aurait été possible et raisonnablement exigible auparavant et que la demande est déposée en relation chronologique étroite avec une mesure de détention, une procédure pénale, l’exécution d’une peine ou la promulgation d’une décision de renvoi.

En l’occurrence, compte tenu de la chronologie, le dépôt de la demande d’asile du recourant apparait destiné à retarder l’exécution du renvoi – ce qu’elle a d’ailleurs provoqué, puisque le vol a été annulé sur instructions du SEM. Le recourant n’explique pas pour quelle raison il n’aurait pas auparavant exposé ses craintes, en sorte que son allégation apparait circonstancielle et dépourvue de toute crédibilité. Ainsi la détention administrative du recourant est-elle également fondée sous l’angle de l’art. 75 al. 1 let. f LEI, ce que la chambre de céans constatera.

Le grief sera écarté.

5.             Le grief principal du recourant tient au fait que le TAPI, bien qu'il ait admis que ses conditions de détention violaient l'art. 3 CEDH, n'a pas prononcé sa libération immédiate.

5.1 Au niveau conventionnel, l'art. 3 CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Suisse a également ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (RS 0.105), édictée sous l'égide des Nations Unies. Au plan constitutionnel, l'art. 7 Cst. prescrit de son côté que la dignité humaine doit être respectée et protégée. À teneur de l'art. 10 al. 3 Cst., la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits. La Constitution genevoise prévoit aussi que la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits (art. 18 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00) et que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1 Cst-GE).

Selon le Tribunal fédéral, les garanties de la CEDH relatives aux conditions de détention n'offrent pas une protection plus étendue que celles garanties par la Constitution fédérale (ATF 145 I 318 consid. 2.1 ; 143 I 241 consid. 3.4).

5.2 La Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : CourEDH) a admis à de nombreuses reprises que les conditions de détention d'un individu pouvaient représenter un traitement dégradant voire inhumain, y compris en matière de détention administrative (voir p. ex. ACEDH M.S.S. c. Belgique et Grèce du 21 janvier 2011, req. 30696/09, § 230-234 ainsi que § 222 pour la jurisprudence antérieure de la CourEDH). La CourEDH a toujours souligné que, pour relever de l’art. 3 CEDH, la souffrance et l’humiliation infligées doivent en tout cas aller au-delà de celles que comporte inévitablement la privation de liberté. L’État doit s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (ACEDH Kuda c. Pologne, Grande Chambre, Recueil 2000-XI , req. 30210/96, § 92-94 ; ACEDH Popov c. Russie du 13 juillet 2006, req. 26853/04, § 208). L'accès à l'air libre, notamment sous forme de promenade, doit être pris en compte (ACEDH Zuyev c. Russie du 19 février 2013, req. 16262/05, § 58).

Lorsqu’on évalue les conditions de détention, il y a lieu de tenir compte de leurs effets cumulatifs ainsi que des allégations spécifiques du requérant (ACEDH Dougoz c. Grèce, Recueil 2001-II, req. 40907/98, § 46). La durée de détention d’une personne dans des conditions particulières doit elle aussi être prise en considération (ACEDH Géorgie c. Russie du 21 janvier 2021, Grande Chambre, req. 38263/08, § 240 ; Alver c. Estonie du 8 novembre 2005, req. 64812/01, § 50).

5.3 Pour le domaine spécifique de la détention, la Suisse a ratifié, le 7 octobre 1988, la Convention européenne de 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (RS 0.106). L'art. 1 de cette Convention institue un Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après : CPT) ; ce comité est habilité à examiner le traitement des détenus dans les États contractants (art. 2) ; après chaque visite, il établit un rapport sur les faits constatés à l'occasion de celle-ci et transmet son rapport qui contient les recommandations qu'il juge nécessaires (art. 10 ch. 1).

5.4 Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, en application de l'art. 15 (b) du Statut du Conseil de l'Europe (RS 0.192.030), a adopté le 11 janvier 2006 la Recommandation Rec(2006)2 sur les Règles pénitentiaires européennes (ci-après: RPE), lesquelles s'inscrivent dans la lignée des précédentes recommandations établies dès 1989. Elles ont été révisées et modifiées par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 1er juillet 2020. Ces règles prennent notamment en compte le travail mené par le CPT ainsi que les normes qu'il a développées dans ses rapports généraux, et visent à garantir des conditions de détention qui ne portent pas atteinte à la dignité humaine. L'art. 1 RPE pose que les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l'homme. Les art. 17 à 22 RPE traitent des locaux de détention, de l'hygiène, de la literie et du régime alimentaire: ainsi, les locaux de détention doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage et l'aération (art. 18.1) ; les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que les détenus puissent lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales, et pour permettre l'entrée d'air frais, sauf s'il existe un système de climatisation approprié (art. 18.2.a) ; la lumière artificielle doit être conforme aux normes techniques reconnues en la matière (art. 18.2.b) ; les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment (art. 19.1) ; les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité (art. 19.3) ; les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse les utiliser à une température adaptée au climat (art. 19.4) ; chaque détenu doit disposer d'un lit séparé et d'une literie individuelle convenable, entretenue correctement et renouvelée à des intervalles suffisamment rapprochés pour en assurer la propreté (art. 21) ; la nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques (art. 22.3) et les détenus doivent avoir accès à tout moment à l'eau potable (art. 22.5). Tout détenu doit avoir l'opportunité, si le temps le permet, d'effectuer au moins une heure par jour d'exercice en plein air (art. 27.1).

Ces règles ont été encore précisées dans un Commentaire établi par le CPT. S'agissant des conditions de logement, le CPT a arrêté quelques standards minimaux : l'espace au sol disponible est estimé à 4 m2 par détenu dans un dortoir et à 6 m2 dans une cellule (individuelle) ; ces conditions d'hébergement doivent cependant être modulées en fonction des résultats d'analyses plus approfondies du système pénitentiaire ; le nombre d'heures passées en dehors de la cellule doit être pris en compte; en tout état, ces chiffres ne doivent pas être considérés comme la norme. À titre d'exemple, le CPT considère comme étant souhaitable pour une cellule individuelle une taille de 9 à 10 m2. S'agissant de la literie, le CPT précise que celle-ci comprend tout l'équipement standard d'un lit (sommier, matelas et couverture).

Les RPE – et a fortiori leur commentaire – ont le caractère de simples directives à l'intention des Etats membres du Conseil de l'Europe ; cependant, en tant que reflet des traditions juridiques communes à ces États, le Tribunal fédéral en tient compte de longue date dans la concrétisation de la liberté personnelle et des autres droits fondamentaux garantis par la Cst. et par la CEDH (ATF 123 I 112 consid. 4d/cc et la jurisprudence citée ; en dernier lieu : ATF 140 I 125 consid. 3.2 ; 139 IV 41 consid. 3.2). On parle à leur propos de « code de la détention pénitentiaire » (PIQUEREZ/MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd. 2011, n. 1265) ou de « soft law », néanmoins relativement contraignante pour les autorités. Contrairement au droit fédéral ou cantonal pertinent, ce corpus de normes juridiques a le mérite de donner des précisions concernant l'aménagement, l'équipement, la dimension des cellules ou la surface souhaitables dont doit bénéficier chaque détenu à l'intérieur de celles-ci.

5.5 Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

A teneur de l’art. 81 al. 2 LEI, la détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission. Si ce n’est exceptionnellement pas possible, notamment pour des raisons de capacités, les étrangers doivent être détenus séparément des personnes en détention préventive ou purgeant une peine. La forme de la détention doit tenir compte des besoins des personnes à protéger, des mineurs non accompagnés et des familles accompagnées d’enfants (al. 3). En outre, les conditions de détention sont régies : a. pour les cas de renvois à destination d’un pays tiers: par les art. 16, al. 3, et 17 de la directive 2008/115/CE240 ; b. pour les cas liés à un transfert Dublin : par l’art. 28, al. 4, du règlement (UE) no 604/2013241 ( ) (al. 4).

5.6 La Suisse a instauré une commission nationale de prévention de la torture (ci-après : CNPT ; art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur la Commission de prévention de la torture du 20 mars 2009 – LCPT – RS 150.1). Parmi d'autres missions, la CNPT examine régulièrement la situation des personnes qui sont privées de liberté et inspecte régulièrement les lieux où ces personnes se trouvent ou pourraient se trouver, et formule des recommandations à l’intention des autorités compétentes afin d’améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté et de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 2 let. a et b LCPT).

La CNPT s’acquitte de ses tâches en toute indépendance (art. 4 al. 1 LCPT). Elle a accès à tous les lieux de privation de liberté ainsi qu’à leurs installations et équipements, et peut visiter ces lieux sans préavis (art. 8 al. 2 LCPT). Les autorités compétentes examinent les propositions que la commission leur a adressées et émettent un avis sur leur réalisation (art. 9 al. 2 LCPT).

Les trois dernières visites de D______ documentées sur le site de la CNPT (https://www.nkvf.admin.ch/nkvf/fr/home/publikationen/berichte-der-kontroll besuche/nach-kanton.html > GE) ont eu lieu les 13 février 2017, 28 octobre 2019 et 17 décembre 2020.

Dans ses lettres au Conseil d'État consécutives aux deux dernières visites, la CNPT a constaté que l'infrastructure existante de D______ et le régime de détention n'étaient pas adaptés à la détention administrative ; la CNPT a enjoint aux autorités genevoises de ne plus utiliser l’établissement de D______ pour la détention administrative et à transférer les détenus administratifs dans un établissement destiné à cet effet (ibid.). Dans sa réponse à la CNPT consécutive à la visite de 2019, le conseiller d'État a indiqué qu'en cas de vote favorable du parlement sur le projet de nouvelle prison W______, X______ pourrait être convertie en établissement de détention administrative et D______ serait abandonné ; toutefois, dans la réponse consécutive à la visite de 2020, il est seulement question – dès lors que le Grand Conseil genevois avait entretemps refusé le projet W______ –, outre les problématiques liées à la pandémie de Covid-19, de l'office cantonal de la détention a initié dans le courant de l'année 2020 des démarches en vue de la réalisation de travaux destinés à remédier à la situation en matière d'accès aux espaces extérieurs – une demande d’autorisation de construire serait déposée au printemps 2021 et les travaux devraient être achevés durant la première partie de l'année 2022 au plus tard (ibid.).

5.7 La rétention et la détention sont exécutées dans un établissement fermé, à l'intérieur duquel la liberté de circulation est garantie dans les limites imposées par la gestion d'une structure communautaire. Selon l'art. 12a LaLEtr, les conditions d’exécution de la détention sont régies par le chapitre troisième du concordat sur l’exécution de la détention administrative à l’égard des étrangers du 4 juillet 1996 (CEDA - F 2 12).

Le détenu a droit au respect et à la protection de sa dignité, de son intégrité physique et psychique et de ses convictions religieuses (art. 14 al. 1 CEDA) et l’exercice de ses droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté, par les exigences de la vie collective dans l’établissement ou par le fonctionnement normal de l’établissement (al. 2).

Conformément à l’art. 18 CEDA, dès que possible et au plus tard le quatrième jour qui suit son entrée dans l’établissement, le détenu passe une visite médicale (al. 1). L’établissement organise un service médical qui pourvoit aux soins ambulatoires et aux soins d’urgence (al. 2).

Des occupations et activités, promenade, correspondance et visites sont possibles, selon les modalités définies aux art. 19 ss CEDA.

5.8 Selon l’art. 1 RD______, l'établissement de détention administrative de D______ est affecté exclusivement à l'exécution de la rétention et de la détention administrative des étrangers, telle que prévue par les art. 73 et 75 à 78 de la LEI (al. 1). L'établissement est reconnu par la Conférence romande des chefs de département compétents en matière de police des étrangers au sens de l'art. 30 al. 1 let. b CEDA (al. 2). Le régime de la détention est réglé aux art. 4 ss RD______, l’art. 7 reprenant les principes fixés à l’art. 14 CEDA. L’assistance médicale, les activités et la communication au sein de l’établissement sont réglés aux art. 20 ss RD______.

Selon l’art. 20 RD______, dès que possible, mais au plus tard le quatrième jour qui suit son entrée dans l'établissement, la personne détenue passe une visite médicale (al. 1), l'établissement organise un service médical qui pourvoit aux soins ambulatoires et aux soins d'urgence (al. 2), le service médical consiste en une unité médicale mobile, laquelle se compose d'un médecin et de personnel infirmier (al. 3), en principe, la personne détenue est prise en charge par l’équipe médicale, rattachée aux Hôpitaux universitaires de Genève. La personne détenue a le droit de contacter son médecin personnel, à savoir celui qui s’occupait d'elle avant sa mise en détention, pour autant qu’elle puisse invoquer des circonstances exceptionnelles et qu’elle puisse apporter la preuve qu’elle a les moyens de le rémunérer. Mesures de contrôle (al. 4). Le directeur de l’établissement, ou son suppléant en son absence, peut inviter le service médical à soumettre une personne détenue à un contrôle médical, dans l'intérêt de celle-ci, des autres personnes détenues et du personnel de l'établissement (al. 5), les personnes détenues qui sont malades ou blessées doivent à bref délai s’annoncer au service médical afin de recevoir le traitement approprié (al. 6), les médicaments ne peuvent être conservés en cellule, mais sont préparés par le personnel médical (al. 7). Le directeur de l’établissement, son suppléant, ainsi que tout membre du personnel pénitentiaire, peut inviter le service médical à soumettre une personne détenue à l'examen d'un psychiatre ou d'un psychologue (al. 8). En cas d’urgence, le médecin est appelé et, en cas de nécessité, la personne détenue est transférée dans un établissement hospitalier, en principe à l'unité cellulaire hospitalière des Hôpitaux universitaires de Genève ou, si sa pathologie l'exige, à l'unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire de Curabilis. Toutefois, la personne détenue doit être séparée des détenus en détention provisoire ou condamnés (al. 9).

Des promenades et exercices physiques, visites ainsi qu’une assistance spirituelle et sociale sont notamment possibles (art. 33 ss RD______). Les art. 44 et suivants RD______ traitent des fouilles, procédures disciplinaires et voie de recours.

5.9 La légalité de la détention administrative au sein de l’établissement de D______ a été régulièrement confirmée par la chambre administrative, la dernière fois le 16 mars 2023 (ATA/268/2023 concernant M. A______, lequel avait alors déjà entamé sa grève de la faim et indiquait vivre très mal sa détention).

Cela étant, D______ s’est vu impartir par la chambre de céans un délai au 16 janvier 2023 pour installer une connexion internet (ATA/1218/2022 du 6 décembre 2022), étant rappelé qu’un tel accès pouvait être limité (ATA/83/2023 du 26 janvier 2023 consid. 9.4). Cet arrêt faisait suite à un arrêt récent du Tribunal fédéral, destiné à publication, dans lequel ce dernier avait analysé les conditions de détention administrative d’une personne étrangère détenue dans l’établissement de Moutier et considéré qu’il était important que les personnes en détention administrative puissent conserver des liens sociaux et des contacts avec leur pays d’origine, et par voie de conséquence qu’elles devraient avoir accès à internet. Un refus généralisé à un accès internet dans le cadre de la détention administrative, contraire aux recommandations internationales, ne se justifiait pas et constituait une restriction de la liberté d’opinion et d’information qui n’était pas imposée par le but de la détention et n’était pas proportionnée. En l’occurrence, l’absence d’accès à internet violait la liberté d’opinion et d’information du recourant et allait au-delà de ce qui paraissait nécessaire pour le but de détention des mesures de contrainte relevant du droit des étrangers. La restriction n’était justifiée ni par les exigences du fonctionnement de l’établissement ni pour des raisons de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_765/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.2 et 5.4 et les références citées).

Dans l'ATA/1218/2022, la chambre de céans a retenu qu’à D______, les détenus pouvaient notamment circuler librement, avaient un accès 24h/24h à un appareil téléphonique, pouvaient accéder à une salle de sport, bénéficier d’une promenade extérieure de 7h30 à 19h et recevoir des visites « librement et sans surveillance » à raison de deux heures par semaine, leur permettant une vie sociale beaucoup plus étendue que celle des personnes en détention dans l’établissement de Moutier, qui subissaient un enfermement en cellule dix-huit heures par jour (consid. 8f).

5.10 Si les conditions de détention ne respectent pas les exigences légales, il appartient au juge d'ordonner les mesures qui s'imposent ou – s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention préventive – de faire transférer à bref délai le recourant dans d'autres locaux. Si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable, le recourant doit être libéré (ATF 122 II 299 consid. 8a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2022 précité consid. 6.1 ; 2C_662/2022 du 8 septembre 2022 consid. 3.3 et les références citées ; ATA/1218/2022 précité consid. 8e).

5.11 En l'espèce, le TAPI a retenu que D______ satisfaisait aux exigences légales de l'art. 81 LEI en matière de respect des personnes détenues administrativement, bénéficiant notamment d'un service médical approprié, pourvoyant aux soins ambulatoires et d'urgence. Les problèmes dont se plaignaient le recourant ne pouvaient a priori conduire à sa mise en liberté : la grève de la faim qu’il avait entamée l’avait été vraisemblablement en relation avec l’imminence de son renvoi et était suivie avec régularité par l’équipe médicale ; s’agissant des critiques liées à l’infrastructure, les carences relevées ne pouvaient en effet, en soi et prises individuellement, amener à considérer que sa détention administrative à D______ était incompatible avec la dignité humaine. Leur cumul et l’exacerbation de leur impact du fait de l’écoulement du temps et/ou d’événements externes, tels ceux du 8 avril 2023, étaient en revanche problématiques, notamment dans la mesure où l’impact de ce décès sur des personnes en détention et vivant en vase-clos ne devait pas être sous-estimé, ce d’autant que M. A______ en paraissait très affecté. Ainsi, force était de retenir que les conditions et modalités de la détention de M. A______ à D______ posaient problème et l’exposeraient à une détresse d’une intensité excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention si elles devaient perdurer. À cela s’ajoutait l’absence d’accès à Internet, puisque D______ n’avait pas donné suite à l’injonction de la chambre administrative et impliquait qu’il soit transféré dans un lieu qui satisfait à l’exigence précitée.

Ce raisonnement ne prête globalement pas le flanc à la critique.

Quand bien même la CNPT enjoint depuis 2019 aux autorités genevoises de ne plus utiliser D______ comme établissement de détention administrative, la chambre de céans a admis encore récemment la légalité de la détention administrative au sein de cet établissement.

S'agissant des conditions de détention proprement dites, à l'évidence D______ ne peut être comparé à certains lieux de détention décrits dans certains arrêts de la CourEDH. Les constats effectués lors du transport sur place montrent que l'établissement est globalement propre, l'hygiène des détenus y est garantie, ainsi que les soins médicaux même en l'absence d'une équipe médicale à demeure. Certaines conditions posent néanmoins problème. La cellule forte apparaît trop exiguë, pas assez lumineuse et le détenu n'y a pas accès à l'eau courante ; cela étant, ce problème n'est pas directement pertinent en l'espèce, aucun élément ne démontrant que le protocole de prise en charge du cas de risque auto-agressif n’avait pas été appliqué au recourant, ni qu’il aurait été enfermé en cellule forte, dès lors que le formulaire joint au dossier s’intitule « Notification de mise à l’isolement », ce qui correspond à un isolement en cellule 11. Le second problème concerne l'installation seulement très récente – voire postérieure au jugement attaqué – d'un accès au World Wide Web, alors que la chambre de céans avait fixé un délai au 16 janvier 2023 pour ce faire, sur la base de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Cet accès, de même que celui à l'application Skype, se fait dans la même pièce que les parloirs avec les avocats et les familles ainsi que les fouilles corporelles, ce qui diminue considérablement les possibilités pour les détenus d'y avoir accès. En outre, pour l'accès au World Wide Web et à Skype, mais aussi au programme d'activités occupationnelles, les détenus sont visiblement mal informés malgré la pose d'affichettes, ce qui ajoute au problème. Enfin, l'accès à l'air libre pourrait être amélioré. L'aménagement décrit par le Conseil d'État dans sa dernière prise de position auprès de la CNPT ne semble pas avoir avancé, un an après la date prévue. La promenade de 165 m2 est certes accessible une grande partie de la journée, mais elle est grillagée de toutes parts. Quant à la petite prairie à l'air libre décrite devant le TAPI comme terrain de football, la chambre de céans prend acte de ce que la direction de l'établissement s'engage à la mettre à disposition des détenus sur simple demande ; il semble toutefois que tel ne soit pas le cas. Il résulte de ce qui précède que si les carences qui viennent d'être évoquées ne rendent pas, prises individuellement, les conditions de détention illicites – sauf peut-être le défaut d'accès au Web, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, mais l'OCD vient d'y remédier –, prises dans leur ensemble elles peuvent s'avérer problématiques en fonction de la durée du séjour d'un détenu.

En effet, il convient de prendre en compte la durée des séjours dans l'établissement, comme le prévoit la jurisprudence de la CourEDH. Ainsi, des conditions qui peuvent être acceptables pendant quelques jours ne le sont plus forcément lorsqu'un détenu passe une année dans l'établissement. À cet égard, force est de constater que si D______ était il y a quelques années avant tout utilisé pour des détentions administratives de courte durée, lesdits séjours y sont désormais parfois beaucoup plus long. Ainsi le recourant, lorsqu'il a été transféré à E______ le 24 avril 2023, y était détenu depuis le 23 décembre 2022, soit quatre mois.

Les circonstances personnelles retenues par le TAPI, à savoir que le recourant était fragile tant sur le plan somatique que mental en raison de sa grève de la faim, dans un contexte où l’un des autres détenus avait été retrouvé mort le 8 avril 2023, et que ce décès l'avait fortement ébranlé au point qu’il avait proféré des menaces auto-agressives, méritent également d'être prises en compte.

Dans le cas du recourant, la combinaison des éléments qui précèdent conduisent à confirmer l'illégalité des conditions de sa détention au moment du jugement du TAPI.

S'agissant de la remise en liberté du recourant, que celui-ci réclame, la jurisprudence précitée du Tribunal fédéral, encore très récemment confirmée, est très claire, à savoir que s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention, il appartient au juge de faire transférer à bref délai le détenu dans d'autres locaux ; ce n'est que si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable que le détenu doit être libéré. La détention conforme à la loi du recourant pouvant être assurée à E______, c'est légitimement que le TAPI a fixé un délai à cinq jours (incluant un week-end) pour son transfert. Ledit délai a par ailleurs été respecté par l'OCD, le transfert ayant eu lieu deux jours après le prononcé du jugement.

Il s'ensuit que le jugement attaqué et conforme au droit. Le recours sera dès lors rejeté.

Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la requête en mesures provisionnelles.

6.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA cum art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 avril 2023 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dina Bazarbachi, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre E______, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :