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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3242/2008

ATA/434/2010 du 22.06.2010 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3242/2008-LCR ATA/434/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 22 juin 2010

2ème section

dans la cause

 

 

 

 

Monsieur A______
représenté par Assista TCS S.A., soit pour elle, Monsieur Yves Mabillard, titulaire du brevet d’avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

OFFICE CANTONAL DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION



EN FAIT

1. Monsieur A______, domicilié à Genève, a obtenu un permis de conduire de catégorie B le 6 avril 2001, à Genève.

2. Le vendredi 11 juillet 2008 à 16h40, il circulait au volant d’une voiture appartenant à GPA Guardian Protection S.A. sur la voie de circulation de gauche du pont de Saint-Georges en direction de la route de Chancy, venant de la rue des Deux-Ponts. Il lui est reproché, selon le rapport d’accident du 12 juillet 2008, d’avoir fait preuve d’inattention en s’engageant sur le carrefour avec la route des Péniches, d’avoir franchi la signalisation lumineuse alors qu’elle était à la phase rouge pour son sens de marche et d’avoir percuté l’aile avant gauche de la voiture d’une autre automobiliste qui survenait de sa droite et bénéficiait de la phase verte.

3. M. A______ a été déclaré en contravention pour avoir violé les art. 26, 27, 31 et 90 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01 ; 3 de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 - OCR - RS 741.11 ; 68 et 69 de l’ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 - OSR - RS 741.21).

4. Par décision du 3 septembre 2008, le service des automobiles et de la navigation, devenu depuis lors l’office cantonal des automobiles et de la navigation (ci-après : OCAN), a retiré le permis de conduire de l’intéressé pour une durée de trois mois, considérant que l’inattention et la non-observation de la signalisation lumineuse constituaient une infraction grave aux règles de la circulation routière. Cette mesure était conforme au minimum légal prévu par l’art. 16c al. 2 let. a LCR. Dans ses observations du 19 août 2008, l’intéressé n’avait pas justifié d’un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles. L’accident était survenu « à la suite d’une demande d’intervention de notre centrale d’alarme » et pendant l’exercice de son activité avec un véhicule professionnel. S’il faisait l’objet d’un retrait de permis, il perdrait son emploi. Par ailleurs, il contestait avoir franchi la signalisation alors qu’elle était à la phase rouge, le feu étant orange à ce moment.

5. Le 9 septembre 2008, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif. Il ne contestait pas le retrait de permis prononcé le 3 septembre 2008 (sic). Il réitérait le fait qu’il avait passé alors que les feux étaient à l’orange. Il invoquait ses besoins professionnels et joignait un courrier de son employeur, soit GPA Guardian Protection S.A., daté du 8 septembre 2008, selon lequel il était employé en qualité de patrouilleur, agent de sécurité privé. A ce titre, il était amené à utiliser des véhicules pour son travail et « un retrait de permis handicaperait non seulement M. A______, excellent élément de notre brigade mais aussi de notre société qui a besoin de toutes ses compétences ». L’employeur faisait appel à la clémence du tribunal de céans pour que l’intéressé soit autorisé à conduire un véhicule professionnel durant la période de retrait de permis. M. A______ ajoutait qu’il avait une épouse et deux enfants, de onze et quinze ans, aux besoins desquels il devait pouvoir subvenir.

6. Le juge délégué a procédé à l’audition des parties lors d’une audience de comparution personnelle le 26 septembre 2008. M. A______ a répété qu’il était convaincu d’avoir passé alors que les feux étaient oranges. Il n’avait pas encore reçu de contravention. Il contesterait celle qui lui serait adressée. Sur quoi, l’instruction de la cause a été suspendue dans l’attente de l’issue du jugement du Tribunal de Police.

7. Le 18 décembre 2008, M. A______ a informé le juge délégué qu’il avait reçu la contravention à laquelle il avait fait opposition.

8. Par jugement du 27 août 2009, le Tribunal de Police, après avoir entendu plusieurs témoins, dont l’autre automobiliste, le chauffeur du bus des transports publics genevois (ci-après : TPG) ainsi qu’un employé de GPA Guardian Protection S.A. qui circulait à moto derrière le véhicule conduit par le recourant, a reconnu ce dernier coupable de violations des règles de la circulation routière au sens des art. 26, 27, 31 et 90 LCR, 3 OCR, 68 et 69 OSR et l’a condamné à une amende de CHF 600.- ainsi qu’à une peine privative de liberté de substitution de six jours au cas où, de manière fautive, il ne paierait pas l’amende. Ce faisant, le tribunal a retenu que les versions des témoins et du recourant divergeaient, que l’accusé reconnaissait lui-même avoir passé au feu à la phase orange et n’avoir pas été en mesure de s’arrêter à l’intersection. Le tribunal n’a pas statué sur la gravité de la faute, ni spécifié s’il retenait le ch. 1 ou le ch. 2 de l’art. 90 LCR. La question de savoir si l’intéressé avait passé à l’orange ou au rouge pouvait demeurer ouverte. L’intéressé s’était certes engagé dans l’intersection lorsque le feu de signalisation était à la phase orange et non pas rouge, mais il aurait dû pouvoir s’arrêter, de sorte qu’il était coupable des infractions qui lui étaient reprochées.

9. Le 28 avril 2010, Assista TCS S.A. (ci-après : Assista), constituée pour M. A______, a sollicité la reprise de la procédure et transmis au juge délégué l’arrêt rendu le 22 mars 2010 par la Chambre pénale de la Cour de Justice. Cette dernière avait confirmé le jugement du Tribunal de Police par substitution de motifs en retenant que M. A______ avait franchi le carrefour alors que le feu le concernant était déjà rouge.

Revenant sur la qualification de la faute, Assista a relevé que l’inobservation d’une signalisation lumineuse ne constituait pas systématiquement une infraction grave au sens de l’art. 16c LCR, mais que l’autorité devait examiner la situation au cas par cas. Selon les jugements pénaux susmentionnés, liant le Tribunal administratif, M. A______ s’était engagé sur le carrefour de la route des Péniches lorsque la signalisation lumineuse était à la phase orange et non pas rouge pour lui. Toute violation grossière d’une règle de la circulation de même qu’une négligence grave ou un comportement sans scrupule devaient être exclus. Cependant, une mise en danger était avérée puisqu’un accident s’était produit, ce qui permettait d’exclure la commission d’une faute légère. Cette faute devait être considérée comme moyennement grave au sens de l’art. 16b LCR. Au vu des besoins professionnels du recourant et de l’absence d’antécédents de celui-ci, un retrait de permis d’une durée d’un mois apparaissait suffisante. Par ailleurs, une indemnité de procédure était sollicitée.

10. Le 30 avril 2010, le juge délégué a sollicité de la Cour de Justice la production de l’intégralité de son dossier. Il en résulte que la Chambre pénale n’a procédé à aucune audition, mais le dossier comporte les témoignages des différentes personnes entendues par le Tribunal de Police ainsi que l’audition du recourant. Toutes ces personnes ont maintenu ce qu’elles avaient déclaré à la police sitôt après l’accident. Le bus à l’arrêt près du carrefour en cause était conduit par Monsieur S______. Celui-ci a déclaré que le feu situé sur sa droite était forcément masqué à la vue des recourants par la présence du trolleybus. Par ailleurs, ce dernier ne bénéficiait d’aucune signalisation spécifique. Quant à l’autre automobiliste, elle a certifié que le feu était vert pour elle. Elle avait récupéré sa voiture dans le parking extérieur situé à la route des Péniches puis s’était dirigée vers le carrefour de la route de Chancy. A cet endroit, la signalisation était rouge pour son sens de marche. Lorsque le feu était passé au vert, elle s’était engagée sur cette intersection dans le but d’obliquer à gauche en direction de la rue des Deux-Ponts. A cet instant, le bus des TPG était à l’arrêt sur sa gauche. Soudain, l’aile avant-gauche de sa voiture avait été percutée par un véhicule qui survenait de sa gauche. Quant à M. S______, il a confirmé qu’il avait remarqué la voiture de l’intéressée à l’arrêt au débouché de la route des Péniches. Cette voiture avait été heurtée par un véhicule qui circulait sur sa gauche. Le recourant s’était engagé sur ce carrefour alors que la signalisation lumineuse était toujours à la phase rouge pour son sens de marche.

11. Cet arrêt a été transmis à l’OCAN qui s’est déterminé à son sujet le 18 mai 2010. L’arrêt de la Cour avait retenu que M. A______ avait franchi le carrefour alors que le feu le concernant était déjà rouge. Il s’agissait d’une faute grave au sens de l’art. 90 ch. 2 LCR, ce d’autant que cette faute avait été suivie d’un accident. L’OCAN persistait dans sa décision initiale.

12. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la loi d’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05), notamment en créant une commission de recours administrative compétente pour connaître, en première instance, des décisions prises par l’OCAN en application de la LCR ; art. 56Y LOJ et 17 de la loi d’application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 (LaLCR - H 1 05). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009. Toutefois, selon la disposition transitoire adoptée par le législateur (art. 162 al. 4 LOJ), le Tribunal administratif reste compétent pour trancher les recours dont il a été saisi contre les décisions rendues par l'OCAN avant le 31 décembre 2008.

Dès lors, interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) (ATA/378/2009 du 29 juillet 2009).

2. Chacun doit se conformer aux signaux (art. 27 al. 1 LCR) et en particulier à la signalisation lumineuse, le feu rouge signifiant arrêt (art. 68 al. 1bis OSR). De plus et selon un principe général résultant de l’art. 26 LCR, tout conducteur doit se comporter dans la circulation de manière à ne pas gêner, ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.

3. En l’espèce, le recourant a toujours affirmé qu’il avait passé alors que les feux étaient oranges pour son sens de marche. Or, si le Tribunal de Police a laissé la question ouverte, la Cour de Justice l’a tranchée en retenant de manière explicite que M. A______ avait « franchi le carrefour alors que le feu le concernant était déjà rouge ». Cet arrêt est définitif. De jurisprudence constante, l’autorité administrative ne peut s’écarter d’un jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de faits inconnues du juge pénal ou qui n’ont pas été prises en considération par celui-ci, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés ou si le juge pénal n’a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (Arrêt du Tribunal fédéral 6A.21/2006 du 15 juin 2006 consid. 3.1 ; ATA/138/2010 du 2 mars 2010 ; ATA/44/2010 du 26 janvier 2010).

4. Le tribunal de céans ne dispose pas d’autres éléments que les pièces figurant au dossier et le recourant n’a pas allégué des faits qui auraient été inconnus du juge pénal, de sorte qu’il n’existe aucune raison de s’écarter de l’appréciation faite par la Cour de Justice.

5. Reste à déterminer si, compte tenu des circonstances du cas d’espèce, le recourant a commis une infraction grave au sens de l’art. 16c al. 1 let. a LCR, comme l’affirme l’OCAN, entraînant le prononcé d’un retrait de permis pour trois mois au minimum selon l’art. 16c al. 2 let. a LCR, ou si l’intéressé a commis une infraction moyennement grave (art. 16b al. 1 let. a LCR) au motif qu’il aurait passé alors que les feux étaient à l’orange entraînant un retrait de permis d’un mois au moins (art. 16b al. 2 let. a LCR) comme son mandataire l’affirme.

6. Pour les raisons énoncées ci-dessus, il sera retenu que la signalisation lumineuse était rouge pour le sens de marche du recourant. Celui-ci aurait dû redoubler de prudence puisqu’un bus était à l’arrêt sur sa droite et pouvait lui masquer en partie tout au moins la visibilité sur les véhicules venant de la route des Péniches. Selon les déclarations concordantes des témoins, le feu était vert pour le sens de marche de l’autre automobiliste et force est d’admettre que dans ces conditions, M. A______ a fait preuve d’inattention et commis une faute grave puisque la sécurité de la route et celle des autres usagers a été compromise par la collision qu’il a provoquée (ATA/378/2009 du 29 juillet 2009 ; ATA/260/2009 du 19 mai 2009).

7. Quant aux besoins professionnels invoqués par le recourant, il n’est pas nécessaire d’examiner s’ils sont fondés puisque le retrait de permis de trois mois correspond au minimum légal prescrit par l’art. 16c al. 2 let. a LCR, de sorte que le tribunal de céans ne peut réduire cette durée (ATA/136/2009 du 17 mars 2009).

8. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de M. A______ auquel il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2008 par Monsieur A______ contre la décision du 3 septembre 2008 du service des automobiles et de la navigation lui retirant son permis de conduire pour une durée de trois mois ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'office cantonal des automobiles et de la navigation ainsi qu’à l’office fédéral des routes.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni et M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

F. Glauser

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :