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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1949/2008

ATA/110/2009 du 03.03.2009 ( FIN ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1949/2008-FIN ATA/110/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 3 mars 2009

 

2ème section

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame et Monsieur R______
représentés par la fiduciaire Patrick Tritten, mandataire

et

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIèRE ADMINISTRATIVE

et

ADMINISTRATION FéDéRALE DES CONTRIBUTIONS


EN FAIT

1. Le litige concerne l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 1999 et 2000 de Madame et Monsieur R______ (ci-après : les époux R______ ou les contribuables), domiciliés dans le canton de Genève.

2. Dans le cadre de son activité d'architecte indépendant, M. R______ a participé à deux promotions immobilières, Le V______ I et Le V______ II, en consortium avec d'autres personnes.

a. La convention de société simple fondant l'opération de promotion Le V______ I, signée le 17 mai 1989, indiquait notamment que M. R______ et deux autres associés avaient acquis pour le compte de la société simple qui était constituée de sept personnes, trois parcelles, nos ______, ______ et ______, feuille 1 de la commune de Le Vaud. La société avait pour but la mise en valeur des bâtiments existants sur les parcelles et la construction d'un immeuble neuf avec garage souterrain sur l'une d'elles.

Les associés faisaient apport à la société des fonds propres nécessaires à la réalisation du but. La part de quatre d'entre eux, dont M. R______ était de CHF 125'000.-. Une cinquième part équivalente revenait à Messieurs L______, P______ et C______. Il était prévu qu'après remboursement des apports et des dettes, le bénéfice ou la perte de l'opération soit supporté par les associés dans les proportions de leurs apports.

b. Le 7 août 1990, M. R______ a signé une convention de société simple, Le V______ II, avec quatre autres associés. L'opération de promotion consistait en l'acquisition d'une parcelle n° ______, feuille 9 en la commune de Le Vaud, au lieu dit Proz-en-Ban et en la réalisation de quatre villas jumelles. Les associés apportait à la société, des fonds pour un total de CHF 350'000.-, dont une part d'un vingtième pour M. R______. Le but de la société était la réalisation et la vente des villas et après remboursement des apports et des dettes, le bénéfice ou la part de l'opération appartiendrait ou serait supportée par les associés dans les proportions de leurs apports.

3. Dans le cadre de ces promotions immobilière, l'UBS S.A. (ci-après : UBS) a octroyé plusieurs crédits à M. R______ et ses associés, dont ils étaient codébiteurs solidaires.

Le 13 mars 1998, suite à des difficultés de trésorerie rencontrées par les promoteurs, une convention de remboursement a été conclue entre M. R______ et la banque. La convention indiquait que plusieurs crédits étaient échus et présentaient des arriérés d'intérêts et d'amortissement. Parallèlement, la valeur actuelle des gages immobiliers remis en garantie des facilités accordées dans le cadre des deux promotions ne couvrait de loin plus l'endettement.

M. R______ reconnaissait les créances suivantes :

Le V______ I :

1.1.1 Un crédit de CHF 11'010'000.-, échéance au 31 décembre 1998, au nom des sept associés codébiteurs solidaires, intérêts et frais arriérés de CHF 234'979.55. Ces créances étaient garanties par la remise en pleine propriété d'une cédule hypothécaire en 1er rang de CHF 6'250'000.- et d'une cédule hypothécaire en 2ème rang de CHF 4'060'000.- grevant les parcelles nos ______, ______, ______ et ______ de le Vaud, et celle n______, feuille 2 de la commune de Marchissy.

1.1.2. Un crédit échu de CHF 100'000.- accordé en compte au nom des sept associés. Créance de CHF 110'899.90, intérêts et frais réservés depuis le
1er janvier 1998, garantie par la remise en pleine propriété d'une cédule hypothécaire en 1er rang de CHF 100'000.-, dont les sept associés étaient débiteurs, grevant la parcelle no ______, feuille 2 de la commune de Marchissy, propriété des précités.

Le V______ II

1.2. Un crédit échu de CHF 560'000.- accordé en compte au nom de CVI SA Compagnie de Ventes Immobilières S.A. et quatre associés, débiteurs de CHF 614'408.05, intérêts et frais réservés depuis le 1er janvier 1998, garantie par le nantissement par les précités, d'une cédule hypothécaire en 1er rang de CHF 460'000.- et d'une cédule hypothécaire en 2ème rang de CHF 100'000.- dont les précités étaient débiteurs, grevant la parcelle no ______, commune de le Vaud.

En contrepartie de cette reconnaissance de dette, l'UBS abandonnait toute créance à l'égard de M. R______ contre paiement de CHF 30'000.- en trois versements de CHF 10'000.- au 30 avril, 31 décembre 1998 et 31 décembre 1999 et de l'engagement pris par celui-ci de signer tout acte notarié de mutation, dégrèvement et/ou aliénation en relation avec les opérations Le V______ I et Le V______ II, en fonction des indications fournies par la banque.

L'article 2 de la convention était rédigé de la façon suivante : "L'abandon de créance consenti par l'UBS au débiteur et à lui seul se chiffrera ainsi à CHF 11'940'277.50, intérêts arrêtés dès signature de la présente convention."

Une remarque manuscrite de M. R______, ajoutée sous sa signature, indiquait que les paiements n'interviendraient qu'après la signature de toutes les parties.

4. Le 6 mai 1998, M. R______ et ses associés ont signé un acte de vente à terme et droit d'emption devant notaire, concernant les parcelles nos ______, ______, ______ et les parcelles nos ______, ______, ______, ______, ______, ______, ______, ______, ______ et ______, de la commune de le Vaud, constituant la propriété par étage réalisée sur la parcelle no ______.

Ces parcelles étaient vendues à Messieurs L______ et P______ pour un montant de CHF 7'000'000.-. Deux cédules hypothécaires au porteur grevaient collectivement tous les immeubles, l'une au capital nominal de CHF 6'250'000.- en premier rang et l'autre au porteur au capital nominal de CHF 4'060'000.- en 2ème rang. La dette résultant de ces deux cédules était due à l'UBS. Au premier janvier 1998, elle s'élevait à CHF 11'010'000.-. Les intérêts et frais arriérés s'élevaient à CHF 234'979.55 à la même date. L'UBS ayant constaté que la valeur des immeubles était largement inférieure au montant dû avait accepté d'assainir le compte hypothécaire de CHF 11'010'00.- et de le réduire à CHF 7'000'000.- correspondant à la valeur actuelle des immeubles. Les intérêts de CHF 234'979.55 devaient être payés par les acheteurs pour le jour de la signature de la réquisition de transfert. Les vendeurs remettaient gratuitement aux acheteurs les cédules hypothécaires à la condition que les acheteurs transforment par novation lesdites cédules. Dès la signature de la réquisition de transfert le 15 décembre 1998, Messieurs L______ et P______ deviendraient propriétaires et codébiteurs solidaires de ces cédules. Les comparants constataient que la société simple qu'ils formaient entre eux et avec deux autres associés intervenants, pour la propriété des immeubles, serait dissoute et liquidée le jour de la signature de la réquisition de transfert.

5. a. Les comptes de l'exercice 1998 produits pour le résultat de l'activité indépendante de M. R______ indiquaient une perte de CHF 527'479.- pour la promotion le V______ I et II selon le détail suivant :

- coût de construction CHF 10'810'171.-
- intérêts intercalaires CHF 2'229'745.-
- total coût 1998 CHF 13'039'916.-
- vente aux partenaires CHF 7'000'000.-
- perte totale CHF 6'039'916.-
- part M. R______ - 25% CHF 1'509'070.-
- abandon de créance - 25% de
11'010'000.- ./. 7'000'000 = 4'010'000 CHF 1'002'500.-
- perte semi-nette CHF 507'479.-
- paiement UBS 1998 CHF 20'000.-
- perte nette totale pour 1998 CHF 527'479.-

b. Le résultat des autres activités de promotion présentait une perte de CHF 395'606.-, l'activité du bureau d'architecte un bénéfice de CHF 311'200.-, compte tenu d'une correction effectuée par l'administration cantonale de l'impôt fédéral direct (ci-après : l'AFC-GE) et qui n'est pas contestée ici, soit une perte nette de CHF 84'406.-.

6. Le 24 octobre 2003, l'AFC-GE a notifié aux contribuables un bordereau de taxation IFD 1999-2000 d'un montant de CHF 335'202.- par année calculé sur la base d'un revenu imposable de CHF 2'914'800.-.

Les comptes produits pour l'exercice 1998 indiquaient une perte commerciale que l'AFC-GE avait rectifiée en un bénéfice de CHF 1'370'684.-.

7. Le 28 octobre 2003, les contribuables ont élevé réclamation à l'encontre du bordereau en contestant le revenu imposable retenu par l'AFC-GE. Rien ne permettait de comprendre les chiffres retenus qui étaient "diamétralement opposés" à ceux figurant dans la déclaration.

8. Le 4 mai 2004, l'AFC-GE a remis aux contribuables des informations complémentaires dont il ressort notamment que l'abandon de créance concernait uniquement le contribuable et que de ce fait, la totalité de la promotion lui avait été attribuée. La reprise des autres partenaires représentait un produit; elle n'était pas déduite de l'abandon de créance.

9. Le 10 juin 2004, l'AFC-GE a admis partiellement la réclamation du contribuable. Le résultat de l'opération immobilière le V______ était retenu comme suit :

- vente CHF 7'000'000.-
- prix de revient CHF 13'039'919.-
- perte CHF 6'039'916.-
- dont 25% CHF 1'509'979.-
- abandon de créance CHF 11'940'277.-
- dont 25% CHF 2'985'069.-
- paiement à l'UBS CHF 20'000.-
- bénéfice CHF 1'455'090.-

Le revenu imposable était de CHF 702'200.- et l'impôt pour une année de CHF 80'553.-

La taxation était confirmée pour le surplus.

10. Le 29 juin 2004, les époux R______ ont recouru contre la décision de l'administration auprès de la commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct, remplacée depuis par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA) en concluant à la rectification de la taxation.

L'abandon de créance ne pouvait pas être considéré indépendamment du rachat des immeubles. Aussi, il devait être pris en compte à hauteur de CHF 4'010'000.- en raison de la reprise de la dette restante par l'acquéreur des immeubles. Le fisc vaudois avait pris en compte ce montant dans sa taxation des gains immobiliers.

Ils ont également recouru contre un autre point de la taxation qui n'est aujourd'hui plus litigieux.

11. Le 31 octobre 2007, en réponse au recours, l'AFC-GE a confirmé les termes de sa décision et conclu au rejet de celui-ci.

12. Le 20 novembre 2007, les époux R______ ont répliqué.

L'AFC-GE n'avait pas pris en compte le fait qu'une convention d'abandon de créance avait été rédigée et signée pour chaque associé et que le crédit total de CHF 11'010'000.- avait été accordé à tous les associé et non uniquement à M. R______.

13. Le 12 décembre 2007, l'AFC-GE a renoncé à dupliquer.

14. Le 23 avril 2008, la commission a partiellement admis le recours.

L'abandon de créance constituait un accroissement de patrimoine qui était imposable au titre de revenu ou de rendement. L'UBS n'avait consenti à un abandon de créance qu'à condition que le prix d'une éventuelle réalisation des parcelles lui revienne. Or, celles-ci avaient été vendues pour CHF 7'000'000.- ainsi qu'il ressortait de l'acte authentique du 6 mai 1998. Compte tenu du fait que le contribuable participait aux deux promotions à raison de 25%, l'abandon consenti en sa faveur s'élevait à CHF 1'002'500.-. La perte globale s'élevait à CHF 527'479.- selon le décompte fourni par le contribuable.

L'exercice ne s'était pas soldé par un bénéfice et le recours était admis sur ce point.

15. Le 3 juin 2008, l'AFC-GE a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision de la commission en concluant à son annulation.

Selon la convention de remboursement entre l'UBS et M. R______, l'abandon de créance consenti au débiteur et à lui seul se chiffrait à
CHF 11'940'277.50, intérêts arrêtés à la signature de la convention. Du moment que l'UBS s'était contentée du paiement de CHF 30'000.- dont CHF 20'000.- en 1998, il n'y avait pas lieu de déduire un montant supplémentaire de
CHF 7'000'000.- et le bénéfice de l'opération s'élevait à CHF 1'455'090.- selon le calcul déjà développé.

16. Le 18 juin 2008, les époux R______ ont répondu au recours en concluant à son rejet avec suite de frais et dépens.

Comme ils l'avaient déjà exposé, l'abandon de créance était le résultat de la dette totale sans les intérêts (CHF 11'010'000.-) moins le montant récupéré par l'UBS après l'achat de l'immeuble par l'un des associés (CHF 7'000'000.-), soit un abandon net de CHF 4'010'000.-. La part d'abandon de créance dont M. R______ avait pu bénéficier était de 25%, soit CHF 1'002'500.-. Il était évident que lorsqu'une promotion immobilière "capotait", il ne pouvait y avoir de bénéfice mais bien une perte. Dans ce cas, la perte était du 25% de la perte totale, moins l'abandon de créance, soit 25% de CHF 6'039'916.- moins CHF 1'002'500.-, soit CHF 507'479.-.

17. Invitée à se déterminer, l'administration fédérale des contributions
(ci-après : AFC-CH) a indiqué le 15 juillet 2008 qu'elle faisait siennes les considérations et conclusions de l'AFC-GE.

18. Entendus en audience par le Tribunal administratif, le 10 octobre 2008, les parties ont persisté dans leur argumentation.

M. R______ a indiqué que Monsieur F. B______, associé dans les mêmes proportions que lui dans la promotion avait pu faire admettre par l'AFC le point de vue qu'il soutenait. M. L______ et son groupe avait acheté la totalité des immeubles mentionnés dans la convention du 13 mars 1998 pour un montant de CHF 7'000'000.-. Il n'avait lui même pris aucun engagement vis-à-vis de M. L______. La convention avait été prévue sous condition que toutes les parties acceptent l'arrangement, soit le rachat par M. L______ contre un abandon du solde de la créance vis-à-vis de tous les associés et le paiement d'un petit montant, selon des conventions identiques passées avec chaque associé.

L'AFC-GE a précisé qu'elle ne tenait pas compte des CHF 7'000'000.- versés par M. L______ en déduction des CHF 11'940'277.- car elle considérait qu'il s'agissait d'un montant versé par un tiers. M. R______ n'avait pas participé au versement des CHF 7'000'000.- et l'abandon de créance le concernant, selon le texte de la convention, était de CHF 11'940'277.-.

19. Invités à déposer des observations, l'AFC-GE et les époux R______ ont confirmé leur point de vue, en insistant sur le fait que les autres personnes associées à la promotion avait vu la perte résultant de la promotion admise dans leur taxation selon le calcul produit devant l'administration genevoise et vaudoise.

20. Lors d'une nouvelle audience tenue le 16 janvier 2009 par le Tribunal administratif, M. R______ a précisé qu'il était partenaire à 20% dans l'opération qui avait fait l'objet du crédit de CHF 11'010'000.- visé sous chiffes 1.1 de la convention UBS et à 5% dans celle ayant fait l'objet des crédits de CHF 100'000.- et de CHF 560'000.-. visés sous chiffres 1.2 et 2 de la convention UBS.

21. Un délai au 3 février 2009 a été fixé aux parties pour présenter des observations écrites, notamment sur la façon dont avaient été traités les autres associés sur le plan fiscal. Celles-ci ont toutefois renoncé à s'exprimer.

22. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Le 1er janvier 2009 sont entrées en vigueur des modifications de la loi d'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05) et de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), créant notamment la CCRA, compétente pour connaître, en première instance, des décisions sur réclamation prises par l'administration fiscale cantonale. Ces dispositions prévoient également la compétence du Tribunal administratif pour connaître, en deuxième instance, des décisions prises par la CCRA (art. 56Y LOJ et 7 LPFisc). Selon la disposition transitoire adoptée par le législateur (art. 162 al. 4 LOJ), le Tribunal administratif reste toutefois compétent pour trancher les recours dont il a été saisi contre les décisions rendues par la commission cantonale de recours en matière d'impôts avant le 1er janvier 2009.

Dès lors, interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, applicable par renvoi de l'art. 53 al. 4 LPFisc ; art. 53 al. 1 et art. 86 LPFisc).

2. Le recours porte sur la question de savoir pour quel montant l'abandon de créance de la banque au profit du contribuable doit être pris en compte pour son revenu imposable 1998 (IFD 1999-2000).

3. Selon l'article 16 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (al. 1).

Tout revenu que la loi n'exclut pas expressément de son champ d'application est considéré comme faisant partie du revenu imposable. Celui-ci comprend l'ensemble des revenus du contribuable, quelle qu'en soit leur nature ou leur forme ; l'impôt frappe le revenu global (ATA/545/2006 du 10 octobre 2006 et les références citées).

Il résulte de ce qui précède que le droit positif suisse a généralement adopté la théorie de l'accroissement de la fortune nette, c'est-à-dire une conception extensive de la notion de revenu, défini comme l'ensemble des biens économiques qui entrent dans le patrimoine d'un contribuable pendant une période donnée et dont il peut disposer pour satisfaire ses besoins, sans diminuer le patrimoine qu'il avait au début de la période (RDAF 1993 p. 28 ; J.-M. RIVIER, Introduction à la fiscalité de l'entreprise, Lausanne 1990, p. 44, n° 9.4.2).

4. Le revenu imposable peut prendre la forme d'un abandon de créance, en ce sens que la diminution du passif du contribuable peut constituer un revenu si elle provient d'une remise de dette (J.-M. RIVIER, op. cit. p. 45 n. 9.5.4).

Le Tribunal fédéral précise que lorsqu'une personne physique ou morale qui tient une comptabilité contracte une dette, elle doit la reporter dans son bilan. Doit également y apparaître la contrepartie. Le montant de la dette est ainsi comptabilisé dans le compte correspondant au passif alors que la contrepartie est passée dans le poste concerné à l'actif du bilan. Si le débiteur se voit remettre une partie de sa dette, il enregistre un bénéfice qui sera comptabilisé comme produit. Un abandon de créance signifie qu'un poste passif diminue sans que le débiteur soit contraint à un versement prélevé sur les actifs. La contrepartie reçue initialement, n'est pas touchée par l'opération. Une remise de dette pour un débiteur principal correspond donc à un bénéfice imposable (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.112/2004 du 7 avril 2005 consid. 2.1). Ainsi, selon la jurisprudence, il résulte de l'extinction totale ou partielle d'une dette en vertu d'un abandon de créance, un produit qui affecte le compte de pertes et profits dans la mesure où l'extinction de la dette n'entraîne pas une diminution correspondante, aux actifs (ATA/956/2004 du 7 décembre 2004 et les références citées).

5. L'article 24 LIFD précise les revenus exonérés. L'abandon de créance n'y figure pas.

L’article 10 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) énumère les frais qui peuvent être déduits de l’activité lucrative indépendante. L’abandon de créance n’y figure pas non plus.

Le principe de la prise en compte à titre de revenu de l'abandon de créance consenti par la banque est ainsi acquis.

6. Les parties divergent quant au montant de l'abandon de créance.

Il résulte des pièces au dossier que les parcelles de la promotion Le V______ I et Le V______ II, ainsi que d'autres parcelles dont le recourant était copropriétaire, ont été vendues à deux des associés, contre la reprise de la dette de CHF 7'000'000.- et du paiement des intérêts dus à la banque. C'est ainsi que l'on peut interpréter la clause figurant dans le contrat de vente à MM. L______ et P______.

Figure également au dossier, une autre convention, signée par le contribuable et la banque, qui prévoit l'abandon de la totalité de la créance due à l'égard du contribuable, sous la condition de la signature d'actes relatifs aux promotions de Le V______.

Il convient de retenir que, s'agissant de débiteurs solidaires, la convention d'abandon de créance ne peut porter que sur l'entier du montant dû par tous les associés et non seulement sur la quote-part de l'un des associés (art. 70 al. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). L'AFC-GE ne conteste d'ailleurs pas que seule une partie, qu'elle fixe à 25%, du montant total doive être prise en compte au titre de l'abandon de créance.

En revanche, l'AFC omet de tenir compte de l'autre acte, soit la vente des parcelles, du paiement des intérêts échus et de la reprise de dettes par les acheteurs. Or, la convention d'abandon de créance est conditionnée par la signature de cet acte (art. 3 et 4 convention UBS).

Ainsi, contrairement à ce que retient l'AFC-GE, le montant de la dette reprise par les acheteurs ne correspond pas à un abandon de créance au sens défini ci-dessus, car il convient de tenir compte de la vente des immeubles qui, en contrepartie, représente une diminution des actifs.

En conséquence, c'est bien la différence entre le montant de l'abandon de créance figurant dans la convention bancaire et le montant de la dette reprise qui doit être pris en compte, pour cette opération. En effet, en se fondant conjointement sur la convention et sur l'acte de vente, il apparaît qu'une partie de la dette totale a été reprise par les associés, soit CHF 7'000'000.- ainsi que les intérêts de CHF 234'979.55 qui ont été payés. C'est donc uniquement la part restante de la dette qui été abandonnée par la banque en faveur de tous les associés.

Partant, seul ce dernier montant doit être pris en compte dans la fixation de l'abandon de créance qui concerne le revenu des intimés en proportion de leur participation, comme l'a retenu à juste titre la commission dans sa décision.

7. En l'espèce, le montant de l'abandon de créance total correspond ainsi à CHF 4'705'298.- (CHF 11'940'277.50 - [CHF 7'000'000.- + CHF 234'979.55]).

La part qui revient à M. R______ doit tenir compte de sa participation dans les différentes opérations. Selon les déclarations faites en cours l'instruction, celle-ci est d'1/5 dans le premier crédit (ch. 1.1.1 de la convention UBS) représentant 94% de l'ensemble des crédits et d'1/20 dans les autres crédits (ch. 1.1.2 et ch. 1.2 de la convention UBS) représentants les 6% restants. En conséquence, c'est un montant de CHF 898'711.90 qui représente la parte de revenu devant lui être attribué (1/5 de 94% de 4'705'297.95 = 884'596.- + 1/20 de 6% de 4'705'297.95 = 14'115.90).

Quant à la part de la perte globale de CHF 6'039'916.- résultant des opérations de promotion qui doit être prise en compte pour M. R______, elle suit les mêmes proportions, soit CHF 1'153'623.90 (1/5 du 94% de 6'039'016 = 1'135'504.20 + 1/20 du 6%, soit, 18'119.75).

Le compte résultat de l'exercice 1998, concernant les promotions de le V______, présente ainsi corrigé, une perte de CHF 274'912.10 (898'711.85 -1'153'623.90 + 20'000.- payés à l'UBS en 1998).

Compte tenu également de la perte commerciale existante pour les autres opérations immobilières (CHF 395'606.-) et du résultat de l'activité du bureau d'architecte (CHF 311'200.-), une perte commerciale de CHF 359'318.10 (395'606 + 274'912.10 - 311'200) clôt l'exercice 1998, selon les comptes produits à l'AFC.

En conséquence, aucun revenu provenant de l'activité indépendante ne peut être retenu.

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. La décision de la commission doit être confirmée et la taxation, qui prend en compte un revenu de CHF 1'455'090.- pour l'exercice 1998, sera annulée et le dossier renvoyé à l'AFC-GE pour nouvelle taxation au sens des considérants.

9. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l'AFC-GE qui succombe et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée aux intimés à la charge de l'Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2008 par l'administration fiscale cantonale contre la décision du 23 avril 2008 de la commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct ;

au fond :

le rejette ;

confirme la décision de la commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct ;

renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour nouvelle taxation au sens des considérants ;

met à la charge de l'administration fiscale cantonale un émolument de CHF 1'000.-;

alloue à Madame et Monsieur R______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge de l'Etat de Genève;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'à la fiduciaire Patrick Tritten, mandataire de Madame et Monsieur R______.

 

 

 

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :