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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3140/2021

ATA/383/2023 du 18.04.2023 sur JTAPI/548/2022 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3140/2021-LCI ATA/383/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 avril 2023

 

dans la cause

Mme A______

Mme B______

Mme C______

M. D______

M. E______

M. F______ recourants
représentés par Me Lucien Lazzarotto, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

CONSEIL D’ÉTAT

Mme H______ intimés

représentée par Me Michel Schmidt, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 mai 2022 (JTAPI/548/2022) et l'arrêté du Conseil d'État du 17 août 2022


EN FAIT

I. La procédure A/3140/2021

A. a. La parcelle n° 1'427, située sur la commune de I______ (ci-après : la commune) en 5ème zone de construction à l’adresse route de J______ ______, appartient à Mme H______. D’une surface totale de 7'677 m2, elle abrite, à teneur du registre foncier, deux habitations à un logement (nos 1'064 et 71) une habitation à deux logements (n° 189) et trois bâtiments annexes (nos 1'065, 1'266 et 814).

Mme H______ est également propriétaire de la parcelle n° 1'200, d’une surface de 252 m2, vierge de toute construction. Cette parcelle, adjacente à la parcelle n° 1'427, est sise en zone agricole.

b. Dans cette même commune, sises chemin des K______, se trouvent notamment les parcelles : nos 1'679 et 1'681, propriétés de Mme A______ ; n° 2'434 appartenant à Mme B______ ; n° 2'016, propriété de Mme C______ ; nos 776 et 1572, dont M. D______ est copropriétaire ; nos 1'101, dont sont copropriétaires MM. E______ et F______ ; nos 1'506 et 1'777, dont Mme et M. L______ sont propriétaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


c. Par arrêté n° 1______-2017 du 21 juin 2017 (MS-c2______), le Conseil d’État a déclaré monuments classés plusieurs bâtiments et parcelles composant l’ancien domaine M______, conformément à un périmètre défini dans le plan n° 3______, qui faisait partie intégrante de cet arrêté, notamment les bâtiments nos 71, 189, 814, 1’064, 1’065 et 1’266 sis sur la parcelle n° 1'427, ainsi qu’une partie de cette parcelle n° 1'427, parmi d’autres parcelles environnantes (pt. 1). Il en allait de même des aménagements non cadastrés, tels que les cheminements, les murs, les jardins aménagés au sud-ouest de la maison de maître et ornés d’un bassin ainsi que les « grottes » (voûtes en éventail) situées sous l’extrémité est de la terrasse (pt. 2).

Les six parcelles – dont la parcelle n° 1'427 – qui formaient, avec les bâtiments précités, ce domaine historique, constituaient un véritable parc d’agrément, présentant des aménagements dignes d’intérêt, des qualités paysagères indéniables, des parties boisées et des vues remarquables (p. 4). Retenant qu’il convenait de limiter l’assiette de classement de l’ancien domaine à un périmètre défini dans le plan n° 3______, cet arrêté précisait que ce périmètre de classement défini n’intégrait pas certaines parties des parcelles concernées, situées à l’est du domaine à partir de la seconde rupture de pente de la terrasse, ce périmètre ayant été avalisé par la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS). Pour tenir compte des intérêts respectifs des propriétaires et des potentiels de densification restant à déterminer sur les parcelles ou parties de parcelles incluses dans le périmètre de classement, le plan n° 3______ ne fixait aucune aire libre de construction ni aucune aire d’implantation de nouvelles constructions, tout projet envisagé à l’intérieur du périmètre délimité par le plan précité devant être examiné au cas par cas et dans le respect des contraintes patrimoniales du site. Cette option était conforme à la jurisprudence constante, qui prévoyait qu’une mesure de classement d’un bien-fonds n’était pas de nature à faire obstacle à tout projet de construction, pour autant que les éléments dignes de protection soient préservés (pp. 5-6).

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le recours interjeté par Mme H______ et MM. M______ et N______ contre l’arrêté n° 1______-2017 du 21 juin 2017 a été rejeté par arrêt ATA/7/2019 de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) du 8 janvier 2019, entré en force.

B. a. Par courrier adressé le 9 octobre 2018 à Mme H______, l’office de protection des sites (ci-après : OPS), se référant à une séance qui s’était déroulée le 26 septembre 2018 en présence notamment des conseils de la précitée, de O______, architecte, pour le compte de P______ Sàrl, et du conseil de l’État de Genève et se félicitant des échanges constructifs dans la recherche des possibilités de construction de qualité sur la parcelle n° 1’427, a confirmé qu’il ne serait pas opposé au principe du développement d’un projet de construction dans la pente de la parcelle précitée. Cet accord de principe, qui ne préjugeait en rien la décision de l’autorité compétente, se fondait sur plusieurs éléments, notamment la préservation des vues depuis et sur le domaine M______ compte tenu de l’implantation des futures constructions projetées en contrebas du muret de la piscine, qui ne devraient pas constituer un front trop massif, la limitation de l’impact visuel des futures constructions par un traitement végétalisé des dalles sur toitures, l’insertion en sous-sol des parkings sans impliquer de mouvements de terrain significatifs et l’aménagement des accès carrossables au parking sur une parcelle située en dehors du périmètre de classement. Le dossier devrait être soumis à la CMNS pour examen.

b. Par requête enregistrée par l’office des autorisations de construire du département du territoire (ci-après : le département) le 7 août 2020, Mme H______ a sollicité la délivrance d’une autorisation définitive en vue de construire, sur les parcelles nos 1'427 et 1’200, trois villas jumelles de deux logements (29,7 % THPE) et un garage souterrain, avec abattage d’arbres.

Plusieurs documents étaient joints, notamment un courrier explicatif de P______ Sàrl du 7 août 2020, précisant que le projet respectait les demandes formulées par la CMNS dans son préavis du 17 octobre 2018. L’accès à la parcelle n° 1'427, plus particulièrement au bâtiment n° 71, se ferait depuis la parcelle n° 1'200, qui avait été achetée en 1977 par le père de Mme H______ afin de l’utiliser comme voie d’accès et de parking. Cette parcelle avait été utilisée à cette fin depuis son achat, comme le démontraient les attestations jointes, établies par Mme H______, son époux, ses enfants et l’ami d’enfance de l’un de ses fils, M. Q______, à teneur de laquelle, dès le début des années 90, il passait par la maison sise route de J______ ______ afin d’accéder à la piscine en contrebas de la propriété. La parcelle n° 1'200 était alors utilisée comme parking et il y avait parqué, dès 1996, son scooter, puis sa voiture.

c. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, enregistrée sous le n° DD 4______, diverses instances de préavis ont été consultées par le département du territoire (ci-après : DT ou le département) et la requérante a produit plusieurs versions modifiées de son projet les 17 décembre 2020, 3 mars et 1er juin 2021.

Ainsi :

-          après avoir sollicité la production de pièces complémentaires et/ou la modification du projet par préavis des 25 août et 18 septembre 2020, l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a rendu un préavis défavorable le 2 février 2021, au motif que les aménagements projetés, soit la construction d’un accès au garage souterrain de trois villas jumelles, n’étaient pas conformes à la zone. La rubrique « Remarques » de ce préavis précisait, sous la mention « Instructions à l’OAC », que, « vu l’historique de la parcelle, qui est en partie recouverte d’un revêtement en gravillons depuis plus de 30 ans et qu’il n’y a aucun impact sur la surface agricole utile ni sur les surfaces d’assolement, nous laissons le soin à l’autorité compétente de procéder à une pesée des intérêts en présence et d’octroyer, le cas échéant, une autorisation exceptionnelle en application du régime dérogatoire pour répondre aux besoins objectifs de l’habitation ». Dans l’hypothèse où l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) écarterait la valeur défavorable de ce préavis, la réalisation du projet nécessiterait l’abattage d’arbres hors forêt et, partant, l’établissement d’un préavis liant, que l’OCAN a émis, le 16 avril 2021, sous conditions ;

-          l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) et l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEn), après avoir requis la production de pièces complémentaires, ont respectivement rendu un préavis favorable sous conditions le 28 janvier et le 2 février 2021 ;

-          après avoir requis, les 24 septembre 2020 et 4 février 2021, un plan des aménagements extérieurs plus détaillé comprenant notamment l’accessibilité à la parcelle n° 1'427, un plan complet des canalisations et une synthèse de l’ensemble des servitudes grevant ces parcelles, la commune a émis un préavis favorable sans remarque le 25 mars 2021 ;

-          la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), après avoir émis un préavis favorable sous conditions le 11 août 2020 puis requis la modification du projet s’agissant de la surface des constructions de peu d’importance (ci-après : CDPI) prise en compte le 21 avril 2021, a rendu, le 3 juin 2021, un préavis favorable sous conditions d'une dérogation à l’art. 59 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), retenant notamment que le gabarit théorique du bâtiment était respecté, que les CDPI existantes avaient été érigées avant 1919 et que le projet ne prévoyait aucune nouvelle CDPI ;

-          par préavis respectifs des 12 août, 19 août, 27 août, 11 septembre, 16 septembre et 8 octobre 2020, la direction de l’information du territoire (ci-après : DIT), la police du feu, l’office de l’urbanisme (ci-après : SPI), l’office cantonal de l’environnement (ci-après : GESDEC), le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) et l’office cantonal des transports (ci-après : OCT) se sont prononcés favorablement sous conditions, avec souhaits s’agissant de l’OCT et sans observations quant au SPI ;

-          le 8 septembre 2020, la CMNS a requis la production de pièces complémentaires et la modification du projet. Cette requête s’inscrivait dans « une sorte de continuité » avec la demande informelle analysée le 17 octobre 2018 sous forme de consultation. À l’époque, le préavis de consultation avait admis la densification de cette partie du terrain et avait donné quelques directives de principes (gabarit, implantation, volume et accès), sans toutefois entrer en matière sur les questions d’expression, de typologie ou de matérialité. Au regard de ce préavis, la requête, nonobstant des points positifs (réduction du nombre de niveaux habitables ; suppression du parking initialement prévu trop près des bâtiments anciens, l’accès principal n’étant pas remis en question ; volumétrie affirmant une certaine contemporanéité avec des toitures plates et de grandes baies vitrées ; pas de dérogations nécessaires selon le préavis de la DAC du 11 août 2020), diverses options importantes demeuraient problématiques compte tenu des enjeux paysagers de ce site classé et certains points devaient être éclaircis. Même si le nouveau gabarit proposé de deux niveaux d’habitation sur la longue façade était apprécié, la masse formée par ces volumes n’était pas admissible et il était demandé de diminuer fortement cette volumétrie afin de revenir à une échelle plus adéquate avec deux niveaux, le rééquilibrage des hauteurs sous plafond et la réduction des épaisseurs des dalles végétalisées. L’affinage des acrotères était éventuellement préconisé. Il était suggéré de limiter l’épaisseur de terre végétale sur les dalles au minimum pour recevoir une simple prairie extensive, la présence de haies n’étant pas nécessaire sur ces terrasses. Au vu des qualités paysagères du périmètre, le traitement des aménagements extérieurs devait faire l’objet d’un vrai plan complet et précis, tout comme la question du traitement général de l’enveloppe des trois volumes projetés. Le feuillu existant entre les deux volumes projetés le plus au sud de la parcelle devait être maintenu et les capteurs solaires devaient être posés à plat. Une erreur de dessin devait être corrigée quant à la profondeur des terrasses latérales au rez-de-chaussée supérieur, le mur existant devait être mieux documenté et les interventions qui y étaient prévues devaient être clairement explicitées ;

-          le 28 janvier 2021, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a rendu un préavis favorable sous conditions. L’essentiel des modifications effectuées dans la version du projet déposée le 17 décembre 2020 et transmise à l’OPS le 23 décembre 2020 répondait aux requêtes figurant dans le préavis de la CMNS du 8 septembre 2020. Les « grottes » étaient suffisamment éloignées pour ne pas être affectées par le projet. La diminution de la hauteur générale des bâtiments projetés était appréciée, tout comme le traitement plutôt sobre de l’enveloppe des villas ; les principes généraux retenus pour les aménagements extérieurs n’étaient pas remis en question. Toutefois, les « très importantes réserves » suivantes étaient émises : les engagements peu clairs relatifs au traitement réservé au grand mur ancien existant étaient regrettés, le maintien de cet élément inscrit dans le périmètre classé étant attendu et les travaux envisagés devant être présentés pour approbation. La présence de pierre pour les aménagements paysagers (murs et murets) était admise mais les murs, les têtes de dalles et les acrotères des trois villas devaient recevoir une finition enduite au lieu d’un placage minéral.

d. Se sont par ailleurs opposés à la requête auprès du DT :

-          le 16 septembre 2020, Mmes A______, B______ et C______, Mme et M.  D______, M. E______ ainsi que Mme R______ et M. L______, au motif que le garage souterrain serait implanté dans le périmètre du classement, que les constructions projetées nuiraient au caractère du site et que d’éventuels problèmes hydrologiques ne pouvaient être exclus, au vu de l’imperméabilisation du terrain que provoquerait la construction projetée ;

-          par pli du 9 novembre 2020, Pro Natura Genève a requis des mesures complémentaires, en lien avec la protection de la faune et de la flore locales.

e. Par résolution du 26 janvier 2021, le conseil municipal de la commune a proposé l’inscription de la commune dans l’inventaire fédéral des sites d’importance nationale à protéger en Suisse (ci-après : ISOS). À teneur des plans y relatifs établis le 22 janvier 2020, le périmètre en consultation englobait les deux parcelles de Mme H______, l’objectif étant notamment la sauvegarde de tous les espaces libres inclus dans ce périmètre.

f. Par décision du ______ 2021, se référant à la version du projet n° 4 du 1er juin 2021, au préavis liant de l’OCAN du 16 avril 2021 et à l’art. 27 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), le DT a délivré l’autorisation DD 4______, qui a été publiée dans la feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

Les conditions figurant dans les préavis de l’OCAN du 2 février 2021, de l’OCEn du 2 février 2021, du SMS du 28 janvier 2021, de l’OCT du 8 octobre 2020, du SABRA du 16 septembre 2020, du GESDEC du 11 septembre 2020, de la police du feu du 19 août 2020, de la DIT du 12 août 2020 et dans le préavis liant de l’OCAN devraient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation, étant précisé que les réserves qui y figuraient primaient les plans visés ne varietur.

Par courriers du 21 juillet 2021, le département a informé les personnes qui avaient présenté des observations ainsi que Pro Natura Genève de la délivrance de cette autorisation.

C. a. Par acte du 14 septembre 2021, Mme A______, Mme B______, Mme C______, M. D______, M. E______, Mme G______, M. F______, Mme R______ et M. L______ (ci-après : les voisins) ont interjeté recours, sous la plume de leur conseil, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l’encontre de la décision d’autorisation de construire DD 4______, concluant, principalement, à la constatation de sa nullité et, subsidiairement, à son annulation.

La procédure s’est vu attribuer la référence A/3140/2021.

La décision attaquée avait été prise par une autorité incompétente, au vu de l’art. 15 al. 1 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), de sorte que sa nullité devait être constatée. Le Conseil d’État, compétent pour prononcer le classement, l’était également pour rendre une autorisation de construire requise sur un immeuble classé, sauf à annihiler son pouvoir de décision au profit d’un rôle de simple exécutant. La construction massive d’un garage souterrain de plus de 400 m2 à l’intérieur d’un périmètre de classement, qui devait être qualifiée de transformation importante au sens de la disposition légale précitée, viderait de son sens la mesure de classement des abords de la parcelle n° 1'427, dont l’intérêt résidait précisément dans la préservation de ces derniers.

Une violation de l’art. 22 de de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT - 700) était également à déplorer. La parcelle n° 1'200 supportait un parking dans sa partie haute et un chemin d’accès piétonnier dans sa partie basse. La construction sur cette parcelle d’un chemin d’accès au parking souterrain constituait un aménagement non conforme à la zone agricole, non-conformité ressortant d’ailleurs du préavis négatif de l’OCAN, qui avait toutefois laissé le soin au DT de procéder à une pesée des intérêts en vue de l’éventuel octroi d’une autorisation exceptionnelle dérogatoire. Toutefois, il n’était fait mention du respect des conditions d’une telle autorisation exceptionnelle ni dans l’autorisation de construire, ni dans les pièces au dossier. Les conditions dérogatoires posées par les art. 24, 24a et 24c LAT n’étaient pas remplies. L’accès par la parcelle n° 1'200 se justifiait uniquement afin d’optimiser les possibilités de densifier le bas de la parcelle n° 1'427, soit dans un but de valorisation des terrains et non en raison d’exigences techniques relatives à la nature du sol ou à l’exploitation de la parcelle en cause. La parcelle n° 1'200 se situait dans la pénétrante de verdure du coteau de T______, qui avait une importance sur le plan de la préservation de la nature, du paysage et de la biodiversité, ces motifs ayant été retenus à titre d’intérêt prépondérant par la jurisprudence. Les plans produits à l'appui du calcul IVER envisageaient une modification du tracé et du revêtement du chemin d’accès sur la parcelle n° 1'200, étant précisé que, contrairement à ce que soutenait l'architecte du projet en indiquant que la parcelle continuerait à être utilisée en la maintenant à l'identique, il apparaissait peu probable que ces éléments demeurent inchangés, vu l’accès prévu à un parking souterrain pour douze véhicules. La condition de l’absence d’incidence sur le territoire, l’équipement et l’environnement n’était pas remplie, dès lors que le trafic sur la parcelle sise en zone agricole serait manifestement plus intense. La requérante ne pouvait se prévaloir d’une quelconque garantie de la situation acquise, la parcelle n° 1'200 ayant été acquise par M. M______ en 1977 et l’aménagement d’un parking dans la partie haute de celle-ci n’ayant jamais été autorisé. En outre, la dérogation prévue à l’art. 24c LAT ne trouvait pas application, l’utilisation actuelle de la partie haute de la parcelle n° 1'200 comme parking n’équivalant pas à l’aménagement d’un accès à la rampe d’un parking souterrain. En effet, cette parcelle n’était pas utilisée comme voie d’accès, au vu de l’existence d’un muret partant du bâtiment n° 71 et encerclant partiellement les autres bâtiments, avec pour conséquence que les voitures empruntant ce chemin ne pouvaient accéder qu’à la piscine, comme le confirmaient l’attestation établie par M. Q______ et le plan IVER, qui indiquait que le bas de la parcelle était utilisé comme accès « depuis moins de 30 ans selon orthophoto SITG ». Aucune prescription trentenaire ne pouvait être invoquée, en l’absence de statu quo et au vu de la jurisprudence fédérale selon laquelle l’obligation de rétablir un état conforme au droit ne s’éteignait pas après trente ans en zone agricole.

Enfin, l’autorisation querellée violait l’art. 15 LCI. La construction d’un garage souterrain à l’intérieur du périmètre de classement était en contradiction avec les principes de protection énoncés dans la fiche de bonnes pratiques « Travaux d’excavations en sous-œuvre sous des bâtiments et des sites protégés » édictée le 26 novembre 2018 par la CMNS (ci-après : fiche de bonnes pratiques. La création de sept places de stationnement pour deux-roues en toiture de ce garage enlaidirait les vues que le classement visait à maintenir. Les préavis de la CMNS et du SMS n’examinaient pas la problématique de la construction souterraine à l’intérieur du périmètre classé et se limitaient à traiter de l’emplacement, de l’architecture et de la volumétrie des bâtiments hors sol. Les constructions projetées hors du périmètre de classement mais dans le voisinage direct de ce dernier nuiraient au caractère du site, un bétonnage massif étant prévu dans les pentes de la parcelle, alors même que l’OPS avait insisté, dans son courrier du 9 octobre 2018, sur l’importance de la préservation des vues depuis et sur le domaine M______. Si la hauteur des constructions semblait avoir été discutée afin de préserver les vues depuis les hauts de la parcelle n° 1'427, il n’en allait pas de même des vues sur le domaine, qui seraient enlaidies. Les parcelles concernées, sises sur le coteau de T______, étaient situées à l’intérieur d’une pénétrante de verdure identifiée comme telle par le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCant 2030). La fiche A11 du PDCant 2030 retenait en outre qu’un projet « Parcs de la pénétrante de I______ » était en cours et le bas de la parcelle n° 1'427 destiné à accueillir les constructions querellées était référencé, selon le Système d’Information du Territoire à Genève (ci-après : SITG), comme un milieu de « prairies artificielles intensives », en continuité avec les parcelles contiguës. Le plan directeur communal (ci-après : PDCom) approuvé par le Conseil d’État le 25 juillet 2007 précisait, s’agissant du secteur dans lequel était situé la parcelle n° 1'427, « pas de densification » et « qualités paysagères du site à préserver ». Enfin, les parcelles avoisinantes présentaient toutes une faible densité – le PDCom limitant du reste la densité à un indice de 0,2 pour la parcelle n° 1'427, lequel était dépassé in casu – et le territoire était fortement cloisonné par la présence de grands axes de communication qui limitaient les liaisons avec les milieux naturels voisins. Ainsi, le bétonnage et la pollution lumineuse découlant du projet porteraient atteinte à la faune (blaireaux, hérissons, renards, orvets, hiboux, faucons, etc.) présente en nombre dans ce périmètre.

b. Le 19 novembre 2021, le département a conclu, à la forme, à l’irrecevabilité du recours et, sur le fond, à son rejet.

Tous les griefs étant irrecevables, le recours l’était également. La violation alléguée de l’art. 15 al. 1 LPMNS en lien avec la construction du garage souterrain, portait sur un ouvrage réalisé exclusivement en sous-sol. Quant à l’utilisation de la parcelle sise en zone agricole comme chemin d’accès au garage souterrain, les parcelles des recourants se situaient toutes de 40 à plus de 80 m du projet, hormis la parcelle n° 2'434, qui était cependant vide de toute construction, de sorte que les distances, les dénivelés et la présence des constructions futures impliqueraient que les recourants n’auraient pas de vue sur la parcelle n° 1'200. S'agissant de la prétendue atteinte au caractère du site, les recourants ne prétendaient pas être touchés plus intensément que n’importe quel habitant des environs, l’invocation de ce grief s’apparentant ainsi à une action populaire.

En tout état, le recours devait être rejeté sur le fond. La construction projetée dans le périmètre classé, qui se trouvait exclusivement en sous-sol, ne prétéritait pas les vues depuis et sur les objets classés, de sorte qu’il n’était pas certain qu’un accord du Conseil d’État soit nécessaire. En tout état, conformément à la jurisprudence, l’obtention d’une telle autorisation pouvait intervenir postérieurement à l’obtention de l’autorisation de construire, jusqu’à l’ouverture du chantier.

Les conditions d’octroi d’une dérogation au sens des art. 24 LAT et 27 LaLAT étaient réunies. Il ressortait du préavis de l’OCAN que le projet n’avait aucun impact sur la surface agricole utile, la parcelle n° 1'200 ne se prêtant pas, pour le surplus, à l’agriculture et étant recouverte de gravillons depuis plus de trente ans. Le projet visait à utiliser cette parcelle sans autres travaux que l’abattage de haies demandé par l’OCAN. L’utilisation du parking actuel comme chemin d’accès sur cette parcelle était imposée par sa destination. Compte tenu de la déclivité du terrain et du classement de la partie de la parcelle n° 1'427 longeant la route de J______, un nouveau chemin d’accès situé hors du périmètre de classement était nécessaire, comme exigé par l’OPS le 9 octobre 2018. La solution projetée, qui préservait la valeur patrimoniale du site en ne lésant pas la surface agricole utile, était la seule envisageable et n’avait aucun impact sur de prétendus intérêts opposés, notamment du point de vue de la protection de la nature et des sites et du maintien de la surface agricole utile.

Le grief relatif à la prétendue violation de l’art. 15 LCI devait être écarté, le parking étant situé intégralement en sous-sol et les dimensions des trois bâtiments projetés ayant été revues à la baisse.

c. Le 19 novembre 2021, Mme H______ a conclu au rejet du recours et a requis l’audition de M. O______.

La parcelle n° 1'200 avait été acquise par son père en 1977 afin de servir de parking et de seconde voie d’accès à la parcelle n° 1'427 depuis la route de J______, plus particulièrement pour les habitants du bâtiment n° 71, sis route de J______ ______, soit actuellement la famille de son fils, M. S______, laquelle bénéficiait d’une entrée et d’un parking différent de ceux desservant le bâtiment principal sis route de J______ ______, habité par elle-même. Le chemin en prolongation de la parcelle n° 1'200, situé en partie sur cette parcelle et en partie sur la parcelle n° 1'427, permettait également de desservir le contrebas de la parcelle n° 1'427, notamment la piscine. Profondément attachée à la parcelle n° 1'427 et à la vue dégagée qu’elle offrait, son but n’était pas de porter atteinte à la beauté du site mais de permettre à d’autres habitants d’en profiter, tout en préservant l’esprit de l’arrêté de classement.

L’approbation du Conseil d’État n’était pas nécessaire s’agissant de l’essentiel du projet, qui se situait en dehors du périmètre classé. Ainsi, la décision du DT et la position de la CMNS étaient suffisantes. Ce projet avait fait l’objet d’une analyse minutieuse, notamment par la CMNS et le SMS, qui l’avaient autorisé, considérant de ce fait que l’implantation prévue pour le garage souterrain ne mettait pas en danger les objets classés. L’aval du Conseil d’État, s’il devait être nécessaire, pourrait en tout état être obtenu avant que les travaux ne débutent, étant précisé que le représentant du Conseil d´État avait participé en 2018 aux réunions lors desquelles le principe du projet de construction querellé avait été admis, marquant ainsi l’approbation de ce dernier pour ce projet.

L'autorisation querellée n'entraînait aucune violation de l’art. 22 LAT. La parcelle n° 1'200 bénéficiait de la prescription trentenaire, laquelle permettait de continuer à l'utiliser comme accès à la parcelle n° 1'427 et comme parking. La jurisprudence fédérale récente qui retenait que l’obligation de rétablir un état conforme au droit en zone agricole ne s’éteignait pas après trente ans était un arrêt isolé ou un revirement de jurisprudence et concernait, en tout état, plusieurs constructions illicites sises en zone agricole, de sorte qu’elle n’était pas comparable avec l’autorisation de laisser perdurer un chemin recouvert de gravillons depuis plus de trente ans qui n’avait jamais été exploité à des fins agricoles. Le projet querellé ne modifierait en rien la situation existante, dès lors que tant la pente que le revêtement de la parcelle seraient strictement conservés. En tout état, les conditions de dérogation pour une construction hors de la zone à bâtir étaient remplies. Conformément à une jurisprudence de la chambre administrative, l’accès à de nouvelles habitations par une zone agricole remplissait les conditions posées par l’art. 24 LAT et pouvait être autorisé à titre dérogatoire. Aucun autre accès aux constructions prévues n’était possible en zone constructible. L’assiette de la servitude de passage au bénéfice de la parcelle n° 1'427 n’était pas suffisante pour permettre un accès au projet par le chemin des K______, la seconde partie de ce chemin était de plus une dépendance sur laquelle elle ne disposait d’aucun droit de passage et l’accès depuis la route de J______ était impossible.

L’autorisation querellée ne violait pas l’art. 15 LCI. La CMNS avait analysé avec attention les enjeux relatifs à l’implantation du garage souterrain en partie dans le périmètre classé ainsi que la volumétrie et les aménagements extérieurs du projet. Les indications générales du PDCant 2030 et du PDCom ainsi que la proposition d’inscription à l’ISOS, non validée à ce stade, ne prévalaient pas sur l’examen du projet par les instances spécialisées.

d. Le 16 décembre 2021, les voisins ont persisté dans leurs conclusions.

Leurs parcelles se situaient à proximité immédiate de celles destinées à accueillir le projet litigieux. Ils auraient théoriquement vue sur les constructions projetées par le haut, par le bas et latéralement. Les photographies – jointes –, prises notamment depuis l’une de ces parcelles et depuis le chemin des K______, démontraient que les constructions projetées dégraderaient la vue et la tranquillité des lieux. Le garage ne serait pas invisible, au vu des places de stationnement pour deux-roues prévues en toiture. L’admission de leurs griefs était susceptible de leur procurer un avantage pratique, soit la non-réalisation du projet contesté dans sa globalité.

L’argument de la prescription trentenaire tombait à faux, au vu de la jurisprudence et de l’absence d’usage trentenaire de la parcelle n° 1'200 en tant que voie d’accès. Celle-ci n’accueillait pas de voie d’accès motorisée et les photographies aériennes historiques issues du SITG – jointes – démontraient que l’accès, à l’exclusion du parking, avait été créé entre mars 2005 et juin 2009, de sorte qu’il existait, au jour du dépôt de la demande d’autorisation de construire, depuis quinze ans au plus. La pesée des intérêts prétendument effectuée par le DT était erronée dans son principe, puisque fondée sur un usage de plus de trente ans de la parcelle concernée comme voie d’accès, alors même qu’une telle pesée des intérêts n’avait pas lieu d’être, la condition relative à l’existence d’une utilisation imposée par sa destination n’étant pas remplie. Il ressortait des observations du DT du 19 novembre 2021 qu’il avait fait application de l’art. 24 LAT, nonobstant le fait que le terrain visé ne disposait pas d’un accès suffisant et que les aménagements sur la parcelle n° 1'200 étaient manifestement non conformes à la zone agricole. L’art. 24 LAT pourrait éventuellement s’appliquer pour justifier la présence d’un parking et d’un accès au bâtiment n° 71 limité au haut de la parcelle n° 1’200, mais non pour créer un accès à de nouvelles constructions en violation de la zone de fond. Par conséquent, la parcelle n° 1'427 n’était pas équipée. L’argument selon lequel le terrain visé ne se prêtait pas à l’agriculture devrait être étayé, ce d’autant que la parcelle contiguë n° 1'773 était également sise en zone agricole et qu’une parcelle en zone agricole n’avait pas nécessairement vocation à être cultivée, mais pouvait servir à sauvegarder le paysage et à assurer l’équilibre écologique, ce qui était le cas ici. Le préavis de l’OCAN, fondé sur des faits inexacts, n’entravait en rien le pouvoir d’appréciation du TAPI.

e. Le 14 janvier 2022, le département a persisté dans ses conclusions et arguments.

Aucune des habitations des recourants n’était réellement proche de la parcelle n° 1'427 et la proximité avec la parcelle n° 1'200 – sur laquelle portait une partie importante de leurs griefs – n’était pas invoquée. S’il était exact que le chemin situé après le parking sur la parcelle n° 1'200 se limitait, selon le SITG, à un chemin piéton jusqu’à 2005-2009, il s’agissait néanmoins depuis lors d’une voie carrossable de plus de 15 m de long et de 3 m de large.

f. Le 14 janvier 2022, Mme H______ a persisté dans ses conclusions.

Les photographies historiques démontraient bien une utilisation supérieure à trente ans de la quasi-totalité du chemin d’accès sis sur la parcelle n° 1'200. La mention, sur le plan IVER, selon laquelle le bas de la parcelle n° 1'200 était utilisé « comme accès depuis moins de 30 ans selon orthophoto SITG » prouvait qu’elle avait attiré l’attention du DT sur le revêtement de la totalité du chemin d’accès permettant de desservir le parking souterrain des constructions projetées. Comme cela ressortait des plans, une grande partie de ce chemin se trouvait sur la parcelle n° 1'427. Il était exact que des gravillons avaient été rajoutés plus récemment sur une petite partie du chemin sur la parcelle n° 1'200. Toutefois, ce périmètre était très restreint par rapport aux deux autres périmètres, le premier bénéficiant de la prescription trentenaire et le second étant situé en zone 5. La parcelle n° 1'200 serait maintenue à l’identique, comme cela ressortait du nouveau plan d’ensemble modifié le 2 mars 2021, même s’il avait été envisagé, avant d’y renoncer, de changer le revêtement, comme cela apparaissait sur le plan IVER.

Elle s’engageait, une fois l’autorisation de construire litigieuse entrée en force, à solliciter l’acceptation du Conseil d’État préalablement à l’ouverture du chantier.

g. Par jugement du 24 mai 2022, le TAPI a rejeté la demande d’audition de M. O______, déclaré irrecevable le recours en tant qu’il émanait de Mme G______, Mme R______ et M. L______ et l’a très partiellement admis pour le surplus, réformant l’autorisation de construire DD 4______ en y ajoutant la condition que l’ouverture du chantier ne pourrait avoir lieu qu’après l’obtention de l’autorisation du Conseil d’État de construire sur un site classé.

Le département était compétent pour délivrer l’autorisation, distincte de celle du Conseil d’État. Elle n’était pas illégale du fait que l’autorisation du Conseil d’État n’était pas encore délivrée. Il n’y avait pas d’indice que le Conseil d’État était a priori opposé à la délivrance d’une autorisation.

La voie d’accès, située en zone agricole, avait été construire sans autorisation en temps non prescrit. Elle était toutefois imposée, positivement et négativement, par la destination de la construction querellée, au sens de l’art. 24 let. a LAT. La voie d’accès prévue n’entraînerait aucune modification du terrain par rapport à la situation de la parcelle n° 1'200. Les voisins n’étaient nullement touchés par l’augmentation potentielle du trafic. Aucune des instances spécialisées consultées n’avait soulevé de problème. Il n’existait pas d’intérêt public à empêcher l’utilisation de la parcelle comme voie d’accès et l’annulation de l’autorisation ne changerait rien à son utilisation, étant observé qu’elle était soustraite de fait à l’agriculture.

La CMNS et le SMS avaient examiné de manière complète et circonstanciée les critères d’octroi de l’autorisation, en particulier l’intégration du projet dans l’environnement spécifique destiné à l’accueillir. On pouvait déduire de leur silence qu’elles avaient implicitement approuvé le garage souterrain, dont l’impact était moindre sur l’environnement. Les constructions ne nuiraient pas au caractère classé du site. Le PDCom ne pouvait être invoqué à ce propos. L’inscription ISOS de la commune poursuivait un objectif de sauvegarde mais n’introduisait pas une stricte interdiction et était entrée en vigueur après la délivrance de l’autorisation. Tous les préavis étaient favorables à l’exception du cas particulier de celui de l’OCAN.

D. a. Par acte remis à la poste le 27 juin 2022, Mmes A______ et B______ et C______ ainsi que MM. D______ et E______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant au constat de la nullité de l’autorisation délivrée le 21 juillet 2021, subsidiairement à son annulation.

Le TAPI ne disait rien sur leur droit de recourir contre la future décision du Conseil d’État. Or, il avait subordonné l’octroi de l’autorisation de construire à la réalisation d’une condition échappant à leur sphère d’influence. Le principe de coordination formelle imposait de prendre une seule décision, ou du moins de notifier ensemble toutes les décisions avec une seule voie de recours auprès de la même instance. Devoir mener deux procédures distinctes leur coûterait du temps et de l’argent. Il aurait fallu mener parallèlement les deux procédures.

La décision violait les art. 22 et 24 LAT. La création de toute pièce d’un accès à de nouvelles constructions ne pouvait justifier une dérogation selon l’art. 24 LAT. L’usage de la parcelle n° 1'200 était uniquement motivé par l’optimisation des possibilités de densifier le bas de la parcelle n° 1'427 et de permettre l’accès à un grand parking souterrain. L’hypothèse de la réduction du nombre de logements et du parking n’avait pas été examinée. Or, elle permettrait de maintenir l’accès en l’état en se limitant à utiliser le parking sur le haut de la parcelle et le chemin piéton conduisant aux habitations. La voie d’accès n’avait jamais été utilisée comme un accès motorisé. L’autorisation avait été délivrée sans obtenir l’autorisation du Conseil d’État. La parcelle n° 1'200 se situait dans la pénétrante de verdure du coteau de T______, dont l’importance pour la préservation de la nature et du paysage avait été relevée dans le PDCant 2030 et le PDCom de I______. Il n’était pas établi que la parcelle ne se prêtait pas à l’agriculture et elle pouvait être servie à sauvegarder le paysage ou à assurer l’équilibre écologique.

La décision violait l’art. 15 LCI. Le projet prévoyait la construction d’un parking souterrain de plus de 400 m2 à l’intérieur du périmètre de classement et la création de sept places de stationnement pour deux-roues en toiture du garage, et la construction impliquait l’abattage de nombreux arbres et haies. Le projet était contraire aux bonnes pratiques de la CMNS. Ni la CMNS ni le SMS n’avaient examiné, même sommairement, cette problématique. Le caractère particulier du site n’avait pas été pris en compte, notamment les effets sur les vues sur le lac depuis la parcelle n° 1'427 et depuis le lac vers celle-ci. Les vues sur le coteau de T______ étaient enlaidies, ce qui était regrettable s’agissant d’un coteau abritant les grands domaines de plaisance situés face au Mont-Blanc et au lac. Enfin, le bétonnage et la pollution lumineuse que le projet impliquerait porteraient nécessairement atteinte à la faune (blaireaux, hérissons, renards, orvets, hiboux, faucons, etc.) présente en nombre dans ce périmètre peu densifié, largement arborisé et faiblement illuminé.

b. Le 29 août 2022, le département a conclu au rejet du recours.

Il avait considéré que des travaux exclusivement en sous-sol dans le périmètre classé ne nécessitaient pas d’autorisation du Conseil d’État. Le TAPI en avait décidé autrement et le Conseil d’État avait adopté le 17 août 2022 un arrêté favorable aux travaux litigieux, qui était produit. Les griefs en lien avec cette autorisation devenaient sans objet.

Il découlait du classement que l’accès au projet ne pouvait se faire autrement que par la parcelle n° 1'200. Le chemin en gravier existant constituait un équipement au sens de l’art. 22 LAT. L’accès était garanti tant pour les piétons que pour les voitures. Des travaux ne s’avéraient pas nécessaires sur cette parcelle.

Le parking n’était pas prévu sous un bâtiment classé mais dans ses abords immédiats, de sorte que les bonnes pratiques invoquées par les recourants ne s’y appliquaient pas. Vu l’emplacement du parking souterrain et la configuration des lieux, rien ne permettait de remettre en cause l’appréciation favorable du SMS.

c. Le 29 août 2022, Mme H______ a conclu au rejet du recours.

Le chemin, à cheval sur les parcelles nos 1'200 et 1'427, était bien utilisé pour accéder à la piscine et au jardin depuis plus de trente ans, soit avant d’être recouvert de graviers. Elle avait renoncé au revêtement initialement prévu sur demande de l’OAC pour ne pas affecter le revêtement existant. La parcelle n° 1'427 et ses bâtiments ne pouvaient être desservis que par la route de J______, car ils ne bénéficiaient pas d’une servitude de passage sur tout le chemin privé des K______ situé en contrebas, mais uniquement sur la parcelle n° 1'136, dont l’assiette était toutefois trop étroite pour déboucher sur la parcelle n° 1'427.

Elle avait négocié avec le département et l’avocat du Conseil d’État l’intégration du projet compte tenu de la zone classée. Le département avait conclu que la limite du périmètre de classement ne porterait pas préjudice au projet mais suggéré une réduction du nombre des maisons, à laquelle elle avait donné suite. L’OCAN avait certes préavisé défavorablement au motif que l’accès au parking souterrain n’était pas conforme à la zone agricole, mais s’en était remis à l’OAC pour la pesée des intérêts.

Le département était compétent pour délivrer l’autorisation. L’autorisation du Conseil d’État devait être obtenue avant l’ouverture du chantier. L’essentiel du projet se situait en-dehors du périmètre protégé. Le Conseil d’État avait approuvé le projet le 17 août 2022.

L’art. 22 LAT n’avait pas été violé. Une partie du chemin descendant de la parcelle n° 1'200, sur laquelle des gravillons avaient effectivement été répandus récemment, se trouvait en zone 5 villas et avait toujours été utilisé depuis l’acquisition de la parcelle pour accéder au contrebas de la parcelle n° 1'427. La dérogation était justifiée. Il n’était simplement pas possible de trouver un autre accès au projet et ce indépendamment de sa densité. Le revêtement du chemin d’accès, suffisant pour accueillir le trafic résultant de la densification, ne connaîtrait aucune modification, quelle qu’elle soit.

L’art. 15 LCI n’avait pas été violé. La CMNS avait examiné les enjeux relatifs à l’implantation du garage et porté une attention particulière au projet de construction notamment quant à sa volumétrie et ses aménagements extérieurs en sollicitant des modifications, auxquelles elle avait procédé. Le fait que la parcelle s’inscrivait dans une pénétrante de verdure richement arborée ne la rendait pas inconstructible. Ni le PDCant 2030 ni le PDCom n’excluaient la construction sur le coteau de T______. La commune avait d’ailleurs préavisé favorablement le projet.

d. Le 29 septembre 2022, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

Ils avaient formé recours contre l’arrêté du Conseil d’État du 17 août 2022. La rapidité avec laquelle le Conseil d’État l’avait adopté et l’absence de toute motivation attestaient du fait qu’il n’avait effectué aucune analyse complète de la situation sous l’angle de la protection du patrimoine. La seule référence au préavis rendu par le SMS dans la procédure d’autorisation de construire était manifestement insuffisante.

Le 11 mars 2022, le Conseil fédéral avait mis à jour l’ISOS. La fiche concernant la commune et notamment sa 5ème section concernant les parcs et domaine du coteau de T______ retenait un objectif de sauvegarde A, portant sur la substance de l’état existant en tant qu’espace agricole ou libre, vu la très haute signification de l’espace aux fortes qualités paysagères.

Contrairement à ce qui avait été retenu par l’OCAN et l’OAC, la partie inférieure du chemin n’était pas et n’avait jamais été utilisée comme voie d’accès motorisée – elle longeait un muret et conduisait à la piscine. Le projet impliquait la création d’une nouvelle voie d’accès motorisée, ce qui était passé sous silence par les parties intimées mais était fondamental compte tenu de l’application restrictive d’un régime transitoire.

La problématique de l’implantation du garage dans le périmètre du classement avait été totalement éludée durant l’instruction, alors même que la fiche de bonnes pratiques portait également sur les excavations sous les sites protégés.

e. Le 13 octobre 2022, Mme H______ a dupliqué.

Elle contestait le bien-fondé du recours contre l’arrêté du Conseil d’État et avait demandé son appel en cause. Les recourants omettaient de préciser que le Conseil d’État avait participé aux discussions avec l’OPS dans le cadre du classement de sa parcelle.

Aucune des recommandations ISOS ne s’opposait à la réalisation du projet. La pondération suggérée avait précisément été observée lors des discussions avec la CMNS et l’OPS et des suites données à leurs préavis.

Elle avait documenté au stade de la demande d’autorisation de construire l’évolution du parcage et du chemin sur la parcelle n° 1'200. C’était l’OPS qui, lors des discussions, avait recommandé l’accès au projet par la parcelle n° 1'200.

Tant le Conseil d’État que l’OPS avaient maintenu la limite du classement initialement envisagée mais en autorisant l’implantation du parking souterrain à l’intérieur de ce périmètre, cela pour ne pas devoir modifier le périmètre de classement alors qu’il existait une procédure de recours contre celui-ci devant la chambre administrative.

f. Les recourants ne se sont pas déterminés dans le délai au 1er décembre 2022 qui leur avait été imparti.

g. Le 12 décembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

II. La procédure A/2782/2022

E. a. Par arrêté n° 1______-2017 du 21 juin 2017 (MS-c2______), le Conseil d’État a déclaré monuments classés plusieurs bâtiments et parcelles composant l’ancien domaine M______ (cf. supra A.c).

b. Les recours formés par Mme H______ et MM. M______ et N______ contre cet arrêté ont été rejetés par la chambre administrative (arrêt ATA/7/2019 du 8 janvier 2019) puis le Tribunal fédéral (arrêt 1C_104/2019 du 21 avril 2019).

c. Par arrêté du 17 août 2022, le Conseil d’État a autorisé la construction de trois villas jumelles de deux logements et d’un garage souterrain sur la parcelle n° 1'427 de la commune, conformément aux plans déposés le 1er juin 2021.

L’exécution des travaux était soumise à une autorisation du Conseil d’État vu l’arrêté n° 1______-2017 du 21 janvier 2017. Celle-ci était octroyée compte tenu des préavis recueillis en cours d’enquête, notamment celui du SMS du 28 janvier 2021 (cf. supra B.c).

F. a. Par acte remis à la poste le 31 août 2022, Mmes A______ et B______ et C______ ainsi que MM. D______ et E______ ont recouru auprès de la chambre administrative contre cet arrêté, concluant au constat de sa nullité, subsidiairement à son annulation. Préalablement, la procédure, qui s’est vu attribuer la référence A/2782/2022, devait être jointe à la procédure A/3140/2021.

Leur droit d’être entendus avait été violé. Ils n’avaient pas été invités à prendre part à la procédure qui avait conduit à l’adoption de l’arrêté ni à se déterminer. L’OAC avait prétendu dans le courriel communiquant l’arrêté qu’aucun droit d’être entendu particulier n’était prévu « (LCI, RCI, LPMNS, RPMNS a contrario) ». La procédure devant le Conseil d’État était indépendante et avait pour objet de trancher des questions liées à la protection du patrimoine. Or, aucune procédure n’avait été menée et l’arrêté se lisait comme une simple validation a posteriori d’une décision prise par l’OAC, sans mentionner aucune demande d’autorisation particulière. La nullité de la décision devait être constatée.

Les art. 15 LPMNS et 24 du règlement d’exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 (RPMNS - L 4 05.01) avaient été violés et l’arrêté consacrait un abus négatif du pouvoir d’appréciation de l’autorité. Le Conseil d’État était compétent pour prononcer le classement et il l’était également pour prononcer une autorisation de construire requise sur un immeuble classé. Or l’arrêté se lisait comme une validation de l’autorisation de construire « prise à la va-vite suite au jugement du TAPI du 24 mai 2022 ». L’absence de coordination ne pouvait être corrigée sans aucune instruction propre sur les enjeux patrimoniaux. À aucun moment le Conseil d’État n’avait effectué une analyse complète de la situation sous l’angle de la protection du patrimoine. La seule référence au prévis du SMS rendu dans le cadre de l’autorisation DD 4______ était insuffisante.

b. Le 30 septembre 2022, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours. Préalablement, les procédures A/2782/2022 et A/3140/2021 devaient être jointes.

Les recourants avaient pu s’exprimer dans le cadre de la procédure d’autorisation de construire A/3140/2021, notamment au sujet de l’application de l’art. 15 LPMNS. Ils souhaitaient en réalité s’exprimer une nouvelle fois, mais reconnaissaient qu’aucune base légale ne prévoyait cette possibilité. Si le département avait d’emblée considéré qu’un arrêté était nécessaire, il serait « allé le chercher » déjà durant l’instruction de la requête DD 4______, de sorte que les recourants n’auraient également eu qu’une occasion de s’exprimer. Le droit d’être entendu ne portait pas sur la décision projetée.

L’arrêté litigieux mentionnait l’ensemble des préavis rendus et évoquait expressément celui du SMS.

Déjà lors du classement, le Conseil d’État avait relevé que le plan ne fixait aucune aire libre de constructions ni aucune aire d’implantation de nouvelles constructions, tout projet devant être examiné au cas par cas et dans le respect des contraintes patrimoniales du site. Ainsi, il avait relevé que des potentiels de densification à l’intérieur du périmètre de classement restaient existants. La chambre administrative et le Tribunal fédéral avaient relevé ce raisonnement en rejetant les recours des propriétaires contre le classement. La DD 4______ venait précisément mettre en œuvre ce constat quant au potentiel constructible.

Le Conseil d’État, qui avait arrêté le classement, connaissait les subtilités des parcelles concernées par le projet avant même que le DD 4______ ne lui soit soumise. C’était sans grande difficulté qu’il avait pu statuer en connaissance de cause le 17 août 2022, en se fondant principalement sur la position du SMS.

c. Le 20 octobre 2022, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

L’ISOS avait été mis à jour, notamment en ce qui concernait le coteau de T______.

Le département et ses services spécialisés n’étaient pas au bénéfice d’une délégation de compétence. Le pouvoir décisionnaire revenait au Conseil d’État et celui-ci n’avait manifestement mené aucune analyse propre, ce qu’il confirmait dans ses observations. La problématique du garage avait été totalement éludée. La fiche de bonnes pratiques n’avait pas fait l’objet d’une remarque des instances spécialisées. Enfin, la décision du Conseil d’État aurait dû prendre en considération la nouvelle fiche ISOS.

d. Le 27 octobre 2022, Mme H______ a demandé à être appelée en cause.

Les recourants se sont rapportés à justice. Le département a appuyé la demande.

Le 2 décembre 2022, le juge délégué a appelé Madame H______ en cause.

e. Le 15 décembre 2022, Mme H______ a conclu au rejet du recours. Préalablement, les causes A/2782/2022 et A/3140/2021 devaient être jointes.

Elle avait eu comme volonté d’impliquer le Conseil d’État dès le début de ses réflexions sur son projet de construire, en amont de son dépôt devant l’OPS, dans le cadre des discussions sur le classement du site. Les discussions avaient conduit à une convergence de prises de position avec le Conseil d’État, l’OPS et la CMNS. Lors de ces discussions, il lui avait été demandé de réduire la densité initialement prévue de son projet, ce qu’elle avait fait. Le Conseil d’État avait donc procédé à une analyse minutieuse.

f. Le 16 janvier 2023, le département s’est déclaré favorable à la jonction des causes A/2782/2022 et A/3140/2021.

Le Conseil d’État s’était prononcé sur un projet abstrait lors de la procédure de classement. Seul son avocat le représentait lors du transport sur place du 26 septembre 2018. Il n’était pas signataire du courrier du 9 octobre 2018, qui émanait du seul OPS, et ne constituait pas un blanc-seing mais un accord de principe sur le développement d’un projet dans la pente de la parcelle. Les discussions informelles s’étaient tenues après la prise de la décision de classement.

g. Le 10 janvier 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. Préalablement, les causes A/2782/2022 et A/3140/2021 devaient être jointes.

h. Le 17 janvier 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur demande de jonction et sur le fond.

EN DROIT

1.             Les parties concluent préalablement à la jonction des causes A/2782/2022 et A/3140/2021.

1.1 Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

1.2 En l'espèce, les procédures A/2782/2022 et A/3140/2021 concernent les mêmes parties – sous réserve de la distinction entre le Conseil d’État et le département, dont la portée est cependant relativisée par le fait que le département assiste à tout le moins le Conseil d’État dans la préparation de ses décisions – et le même complexe de faits et soulèvent des questions juridiques semblables. Il se justifie ainsi de joindre ces causes sous le numéro de cause A/3140/2021.

2.             Il y a lieu d’examiner préalablement la recevabilité des recours.

2.1 Ceux-ci ont été interjetés en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 62 al. 3 LPMNS).

2.2 La qualité pour recourir des recourants contre l’arrêté octroyant l’autorisation de construire du Conseil d’État paraît cependant douteuse. La qualité pour recourir contre l’autorisation de construire du département n’est plus contestée devant la chambre de céans.

2.2.1 L’art. 60 al. 1 let. b LPA pose, en matière de qualité pour recourir, l’exigence d’être touché directement par l’acte attaqué concerné (ici une décision) et d’avoir un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié. Cette exigence correspond à celle prévue à l’art. 89 al. 1 LTF (arrêts du Tribunal fédéral 1C_554/2019 du 5 mai 2020 consid. 3.1, qui confirme l’ATA/1337/2019 du 3 septembre 2019 consid. 3a ; 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1 s’agissant de la qualité pour recourir du voisin).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour satisfaire aux critères de l'art. 89 al. 1 LTF, le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. Le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse, s'il a en principe la qualité pour recourir, doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_554/2019 du 5 mai 2020 consid. 3.1). Le voisin ne peut ainsi pas présenter n'importe quel grief ; il ne se prévaut d'un intérêt digne de protection, lorsqu'il invoque des dispositions édictées dans l'intérêt général ou dans l'intérêt de tiers, que si ces normes peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3). Tel est souvent le cas lorsqu'il est certain ou très vraisemblable que l'installation ou la construction litigieuse sera à l'origine d'immissions – bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée – atteignant spécialement les voisins. À défaut, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le grief soulevé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1 et les arrêts cités). Ainsi, la jurisprudence a considéré que des voisins, situés à environ 100 mètres de la construction projetée, ne sont pas particulièrement atteints par ce projet s'ils ne voient pas depuis leur propriété la toiture qu'ils critiquent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_338/2011 du 30 janvier 2012 consid. 3, publié in SJ 2012 I 422).

Lorsque des immissions de nature purement idéale ou immatérielle sont invoquées, les conditions de la qualité pour recourir doivent être remplies de manière plus stricte que pour les immissions matérielles (ATF 112 Ib 154 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.98/1994 du 28 mars 1995 consid. 2c). Les immissions ou les risques justifiant l'intervention d'un cercle élargi de personnes doivent présenter un certain degré d'évidence, sous peine d'admettre l'action populaire que la loi a précisément voulu exclure (ATF 121 II 176 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_343/2014 du 21 juillet 2014 consid. 2.5). Il incombe au recourant d'alléguer, sous peine d'irrecevabilité, les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir, lorsqu'ils ne ressortent pas de façon évidente de la décision attaquée ou du dossier (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_554/2019 du 5 mai 2020 consid. 3.1).

2.2.2 En l’espèce, il n’est pas douteux que les recourants possèdent un intérêt à l’annulation de l’autorisation de construire dans la mesure où ils critiquent les immissions provoquées par la disposition, le gabarit et l’apparence extérieure des bâtiments projetés et de leur accès, et que leurs parcelles sont situées à proximité immédiate du projet de construction querellé.

Toutefois, cet intérêt apparaît adéquatement protégé par la procédure portant sur l’autorisation de construire délivrée par le département, dans laquelle le TAPI a reconnu aux recourants la qualité pour recourir et où ceux-ci ont pu faire valoir leurs griefs.

Certes, les recourants soulèvent dans leur recours contre l’arrêté du Conseil d’État des griefs fondés sur la LPMNS, soit l’absence d’une instruction appropriée permettant d’appliquer correctement cette loi, qu’ils n’ont pas soumis au TAPI. Ils n’exposent cependant pas – et la chambre de céans ne discerne pas – quel préjudice spécifique leur causerait l’autorisation délivrée par le Conseil d’État en application de la LPMNS, qui ne pourrait être examiné sous l’angle de la clause d’esthétique de l’art. 15 LCI et notamment de l’intégration du projet au site, dont le classement et la valeur patrimoniale constituent forcément des paramètres à prendre en compte et qui l’ont été ainsi qu’il sera vu, successivement par la CMNS, le SMS, l’OAC et le TAPI.

La question de la qualité pour recourir des recourants contre l’arrêté du Conseil d’État pourra cependant demeurer ouverte, vu l’issue du litige.

3.             Sans y conclure formellement, Mme H______ propose dans ses écritures l’audition des parties.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, les parties ont eu plusieurs fois l’occasion de développer leur argumentation et de produire toute pièce utile, devant le TAPI et la chambre de céans. Mme H______ n’explique pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige que les parties n’auraient pu alléguer et établir par pièces leur comparution personnelle permettrait d’apporter.

Il ne sera pas ordonné de comparution personnelle des parties.

4.             Dans un premier grief contre l’autorisation de construire délivrée par le département, les recourants invoquent l’incompétence de ce dernier, qui entraînerait la nullité de l’autorisation. Le département aurait par ailleurs violé le principe de coordination.

4.1.1 Sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (art. 1 al. 1 let. a LCI).

Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).

4.1.2 Pour assurer la protection d’un monument ou d’une antiquité, le Conseil d’État peut procéder à son classement par voie d’arrêté assorti, au besoin, d’un plan approprié (art. 4 al. 1 LPMNS). L’immeuble classé ne peut, sans l’autorisation du Conseil d’État, être démoli, faire l’objet de transformations importantes ou d’un changement dans sa destination (art. 15 al. 1 LPMNS). Sont assimilés à la démolition le déplacement et l’enlèvement de parties de l’immeuble (art. 15 al. 2 LPMNS). Les simples travaux ordinaires d’entretien et les transformations de peu d’importance peuvent être autorisés par l’autorité compétente, pour autant qu’ils aient fait l’objet d’un préavis favorable de la part de la CMNS et d’une demande d’autorisation ordinaire au sens de l’art. 3 al. 1 LCI, à l’exclusion des procédures accélérées prévues à l’art. 3 al. 7 et 8 LCI (art. 15 al. 3 LPMNS). Le Conseil d’État peut interdire de modifier les abords immédiats de l’immeuble, jusqu’à une distance déterminée dans chaque cas (art. 15 al. 4 LPMNS).

4.1.3 Dans un précédent où l’autorisation de construire avait été délivrée par le département avant le classement de l’immeuble, la chambre de céans a jugé qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir l’autorisation du Conseil d’État pour délivrer l’autorisation de construire querellée (ATA/18/2019 du 8 janvier 2019 consid. 4). Dans le cas d’un immeuble classé, la chambre de céans a retenu que l’arrêté du Conseil d’État ordonnant le classement faisait mention tant du projet de rénovation que de l’autorisation du département autorisant les travaux, de sorte qu’on pouvait légitimement retenir que par cet arrêté, le Conseil d’État autorisait implicitement la propriétaire à réaliser les travaux – la question pouvant toutefois rester indécise dans la mesure où la propriétaire s’était engagée, une fois l’autorisation de construire en force, à solliciter, préalablement à l’ouverture du chantier, l’autorisation du Conseil d’État (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 10). Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral a jugé que cette manière de raisonner n’avait rien d’arbitraire, le classement étant postérieur à la délivrance de l’autorisation de construire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_279/2016 du 27 février 2017 consid. 8.6). Enfin, dans une espèce plus ancienne, concernant déjà le périmètre de l’ancien domaine M______ objet de la présente procédure, et alors qu’une procédure de classement était pendante, la chambre de céans a déclaré l’art. 15 al. 1 LPMNS inapplicable et admis la délivrance par le département d’une autorisation de construire aux conditions de l’art. 13 al. 1 LPMNS compte tenu de la conclusion par ce dernier que le projet ne mettait pas en péril les objectifs de la demande de classement (ATA/276/2008 du 27 mai 2008 consid. 5).

4.1.4 Selon un principe général, la nullité d'un acte adopté en violation de la loi doit résulter ou bien d'une disposition légale expresse, ou bien du sens et du but de la norme en question (ATF 122 I 97 consid. 3 et les arrêts cités). En d'autres termes, il n'y a lieu d'admettre la nullité, hormis les cas expressément prévus par la loi, qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_111/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5 ; ATA/795/2018 du 7 août 2018 consid. 8a et les arrêts cités). Ainsi, d'après la jurisprudence, la nullité d'une décision n'est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision ; en revanche, de graves vices de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_120/2018, 6B_136/2018 du 31 juillet 2018 consid. 2.2 ; ATA/547/2021 du 25 mai 2021 consid. 6a et l'arrêt cité).

4.1.5 Le principe de coordination formelle et matérielle est ancré à l'art. 25a LAT. Selon cet article, une autorité chargée de la coordination est désignée lorsque l'implantation ou la transformation d'une construction ou d'une installation nécessite des décisions émanant de plusieurs autorités (al. 1). L'autorité chargée de la coordination peut prendre les dispositions nécessaires pour conduire les procédures (let. a), veille à ce que toutes les pièces du dossier de requête soient mises en même temps à l'enquête publique (let. b), recueille les avis circonstanciés relatifs au projet auprès de toutes les autorités cantonales et fédérales concernées par la procédure (let. c) et veille à la concordance matérielle ainsi que, en règle générale, à une notification commune ou simultanée des décisions (let. d ; al. 2). Les décisions ne doivent pas être contradictoires (al. 3). Ces principes sont applicables par analogie à la procédure des plans d'affectation (al. 4). Le principe de la coordination est également applicable lorsque plusieurs décisions émanent d'une même autorité (arrêt du Tribunal 1C_536/2019 et 1C_537/2019 du 16 septembre 2020 consid. 7 et la référence citée). La loi ne tend pas à une coordination maximale, mais doit assurer une coordination suffisante, ce que précisent les textes allemand et italien de l'art. 25a al. 1 LAT. Le contenu ou l'ampleur d'une coordination « suffisante » ressort des principes généraux (notamment de la nécessité d'effectuer une pesée globale des intérêts, dans la mesure où elle est exigée dans le droit de la construction et de l'aménagement) ou de prescriptions spéciales (arrêt du Tribunal fédéral 1C_242/2019 du 7 avril 2020 consid. 2.1 et les références citées).

Le principe de coordination est également prévu en droit cantonal à l'art. 12A LPA, lequel rappelle le principe général selon lequel les procédures doivent être coordonnées lorsque plusieurs législations ayant entre elles un lien matériel étroit sont applicables à un projet.

L’art. 3A LCI prévoit que lorsque plusieurs législations ayant entre elles un lien matériel étroit sont applicables à un projet de construction, la procédure directrice est celle relative aux autorisations de construire, à moins qu’une loi n’en dispose autrement ou sauf disposition contraire du Conseil d’État (al. 1). En sa qualité d’autorité directrice, le département coordonne les diverses procédures relatives aux différentes autorisations et approbations requises. Sauf exception expressément prévue par la loi, celles-ci sont émises par les autorités compétentes sous la forme d'un préavis liant le département et font partie intégrante de la décision globale d'autorisation de construire. La publication de l'autorisation de construire vaut publication des préavis liants qui l'accompagnent. Seule la décision globale est sujette à recours (al. 2). L’arrêté du Conseil d’État appliquant les normes d’une zone de développement fait partie intégrante de l’autorisation définitive. Le recours contre cette dernière emporte recours contre ledit arrêté (al. 3).

4.2 En l’espèce, il ressort sans ambigüité de l’art. 1 LCI non seulement que le département est compétent pour délivrer les autorisations de construire mais encore que son autorisation est nécessaire pour toute construction au sens de la loi. Les recourants ne sauraient donc être suivis lorsqu’ils soutiennent que le département était incompétent pour délivrer l’autorisation de construire. Délivrée par une autorité compétente, l’autorisation n’est pas nulle, ce que le TAPI a constaté à bon droit.

Il n’est par ailleurs pas contesté que l’autorisation de l’art. 15 al. LPMNS ne peut être délivrée que par le Conseil d’État.

Les recourants font grief au jugement du TAPI de consacrer une violation du principe de coordination. Les deux procédures auraient selon eux dû être menées en parallèle.

Une seule procédure était en cours jusqu’au jugement du TAPI. Le département a expliqué sans être contredit qu’il avait délivré l’autorisation litigieuse convaincu que les travaux – en sous-sol dans l’aire classée – ne nécessitaient pas d’autorisation du Conseil d’État, qu’il avait sollicité celle-ci dès le jugement du TAPI et qu’il l’aurait « cherchée » d’emblée s’il avait su qu’elle était nécessaire. Le département était convaincu que l’autorisation du Conseil d’État n’était pas nécessaire et personne ne soutient que le Conseil d’État ou Mme H______ auraient adopté une position différente. On ne saurait dans ces circonstances reprocher au département un défaut de coordination.

Le TAPI a ensuite jugé qu’en application de l’art. 15 al. 1 LPMNS, le projet devait faire l’objet d’une autorisation du Conseil d’État parallèlement à celle que le département avait délivrée sous l’angle de la LCI, tout en retenant que l’art. 15 LPMNS n’avait pas été violé. Il a ajouté dans le dispositif de son jugement une condition suspensive à l’ouverture du chantier.

Depuis le jugement du TAPI, le Conseil d’État a octroyé son autorisation, laquelle a été portée devant la chambre de céans, qui joint les deux procédures par le présent arrêt.

Les deux procédures n’ont ainsi coexisté que devant la chambre de céans, le temps pour celle-ci d’instruire, de joindre et de juger les deux recours dans le même arrêt, par économie de procédure.

Le principe de coordination n’a ainsi pas été violé.

La solution préconisée par les recourants – renvoyer la procédure au département pour nouvel examen dans le respect du principe de coordination – ne répondrait pas forcément au principe de coordination et en aucun cas au principe d’économie de procédure. En effet, si l’instruction conjointe des deux décisions ne paraît a priori pas exclue, les décisions elles-mêmes devraient être rendues par des autorités distinctes et seraient justiciables de juridictions différentes, soit le TAPI pour la décision du département et la chambre de céans pour celle du Conseil d’État. Elles pourraient en outre diverger.

En l’espèce, le département avait recueilli, entre autres préavis, ceux de la CMNS et du SMS, et le Conseil d’État, dans la suite du classement, a été associé aux discussions préalables sur le projet de Mme H______, et notamment sa compatibilité avec l’arrêté de classement. La solution retenue par le TAPI dans le cas concret ne prête pas le flanc à la critique. Les reproches des recourants relatifs à la possibilité de subordonner une autorisation à une condition échappant à la sphère d’influence du requérant tombent à faux : l’autorisation du Conseil d’État est en l’espèce une composante de la double autorisation nécessaire et non un rapport de droit tiers échappant à Mme H______ ; elle est fondée sur la LPMNS, sujette à recours, à tout le moins par la requérante de l’autorisation et ne ressortit pas au libre arbitre du Conseil d’État contrairement à ce que soutiennent les recourants.

Le projet de construction nécessitant deux décisions distinctes, les recourants ne sauraient se plaindre des efforts procéduraux supplémentaires qu’auraient entraîné pour eux les deux procédures jointes dans le présent arrêt – en admettant qu’ils possèdent la qualité pour recourir contre l’arrêté du Conseil d’État.

Les griefs seront écartés.

5.             Dans un second grief contre l’autorisation de construire délivrée par le département, les recourants se plaignent de la violation de l’art. 22 LAT. L’autorisation de construire une voie d’accès au projet sur la parcelle n° 1'200 située en zone agricole ne répondrait pas aux conditions d’une dérogation de l’art. 24 LAT.

La question de la recevabilité de ce grief souffrira de rester indécise, dès lors qu’il devra être écarté comme il sera vu.

5.1.1 Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 1 et al. 2
let. a LAT).

5.1.2 Les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique ; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole et comprennent : les terrains qui se prêtent à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice et sont nécessaires à l'accomplissement des différentes tâches dévolues à l'agriculture (let. a) ; les terrains qui, dans l'intérêt général, doivent être exploités par l'agriculture (let. b, art. 16 al. 1 LAT). Il importe, dans la mesure du possible, de délimiter des surfaces continues d'une certaine étendue (art. 16 al. 2 LAT). Dans leurs plans d'aménagement, les cantons tiennent compte de façon adéquate des différentes fonctions des zones agricoles (art. 16 al. 3 LAT).

Sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice (art. 16a al. 1 LAT) et qui servent au développement interne d'une exploitation agricole ou d'une exploitation pratiquant l'horticulture productrice sont conformes à l'affectation de la zone (art. 16a al. 2 LAT

Aux termes de l'art. 20 LaLAT, la zone agricole est destinée à l'exploitation agricole ou horticole. Ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l'exerçant à titre principal (let. a) ; respectent la nature et le paysage (let. b) ; respectent les conditions fixées par les art. 34 ss de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) (let. c).

5.1.3 Les conditions de dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont prévues par le droit fédéral (art. 24 à 24d LAT). Ces dispositions sont complétées ou reprises par les art. 26, 26A et 27 LaLAT.

En vertu de l’art. 24 LAT, des autorisations peuvent être délivrées pour des nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d’affectation si l’implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination et si aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose. Ces conditions cumulatives sont reprises par l’art. 27 LaLAT.

L'implantation d'une construction est imposée positivement par sa destination au sens de l'art. 24 let. a LAT, lorsqu'un emplacement hors de la zone à bâtir est dicté par des motifs techniques, des impératifs liés à l'exploitation d'une entreprise, la nature du sol (arrêt du Tribunal fédéral 1C_383/2010 du 11 avril 2011 consid. 4.1) ou négativement lorsque l'ouvrage est exclu de la zone à bâtir pour des motifs particuliers. Il suffit que l'emplacement soit relativement imposé par la destination. Il n'est pas nécessaire qu'aucun autre emplacement n'entre en considération. Il doit toutefois exister des motifs particulièrement importants et objectifs qui laissent apparaître l'emplacement prévu plus avantageux que d'autres endroits situés à l'intérieur de la zone à bâtir (ATF 136 II 214 consid. 2.1 ; 129 II 63 consid. 3.1). Seuls des critères objectifs sont déterminants, à l'exclusion des préférences dictées par des raisons de commodité ou d'agrément (ATF 129 II 63 consid. 3.1 p. 68 ; 124 II 252 consid. 4a ; 123 II 499 consid. 3b/cc). L'examen du lieu de situation imposé par la destination apparaît incomplet lorsqu'aucune solution alternative ni aucun emplacement alternatif n'ont été débattus (ATF 136 II 214 consid. 2.2). L'application du critère de l'art. 24 let. a LAT doit être stricte, dès lors que cette disposition contribue à l'objectif de séparation du bâti et du non-bâti (ATF 124 II 252 consid. 4a ; 117 Ib 270 consid. 3a et 4a). Compte tenu des dimensions souvent généreuses et des multiples possibilités d’utilisation des zones à bâtir existantes, ainsi que l’obligation de planifier au sens de l’art. 2 LAT, on ne saurait admettre que dans des cas tout à fait exceptionnels que l’implantation d’une construction est imposée négativement par sa destination du fait de l’absence d’une zone à bâtir appropriée. Ainsi convient-il auparavant d’examiner s’il n’existe pas de zone à bâtir adéquate dans un périmètre régional élargi (Rudolf MUGLI, Commentaire pratique LAT : Construire hors zone à bâtir, 2017, p. 180).

La chambre de céans a admis en 2017, dans une espèce similaire portant sur un chemin d’accès (à un projet de construction, dont un parking) existant en zone agricole à Collex-Bossy, une exception approuvée notamment par la DGA au motif que l’aménagement n’aurait pas d’impact sur les vignes attenantes à l’agrandissement du chemin. Une emprise sur la zone agricole de 800 m2 ne pouvait être considérée comme généreuse, l’accès à la zone à bâtir devait nécessairement se situer à côté de celle-ci, aucune autre possibilité d’utilisation des zones à bâtir existantes n’était ébauchée dans le dossier ni dans les multiples préavis des nombreux services consultés et la commune de Collex-Bossy avait délivré un préavis pleinement favorable en tenant compte de la meilleure solution pour la circulation au sens de la commune (ATA/1638/2017 du 19 décembre 2017 consid. 7b). Le Tribunal fédéral a annulé cet arrêt au motif que les alternatives à l’agrandissement du chemin existant n’avaient pas été suffisamment instruites, de sorte que la pesée des intérêts était impossible, sans toutefois exclure la possibilité que l’accès par un chemin en zone agricole soit imposé par les circonstances (arrêt du Tribunal fédéral 1C_74/2018 du 12 avril 2010 consid. 2.2).

5.2 En l’espèce, il a été retenu par le TAPI, et il n’est pas contesté, que la parcelle n° 1'200 a été acquise par le père de Mme H______ pour servir de parking en 1977, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la LAT, et par ailleurs que les aménagements non conformes à la zone agricole ne peuvent pas bénéficier de la prescription trentenaire.

Les recourants critiquent cependant les constatations relatives à l’aménagement de la voie d’accès existante.

Il ressort des orthophotos disponibles sur le SITG et versées à la procédure qu’une aire apparemment couverte de gravier occupait une part importante de la parcelle n° 1'200, attenante à la route, au plus tard en 1983. Sur le reste de la parcelle n° 1'200, les traces d’un sentier sont visibles dès 2001, quelques dalles dès 2005 et, dès 2009, un chemin apparemment couvert de gravier – et se prolongeant sur sa seconde moitié sur la parcelle n° 1'427 avant de déboucher sur une aire désherbée non loin de la piscine.

Le 2 février 2021, l’OCAN a préavisé défavorablement le projet au motif que les aménagements projetés ne sont pas conformes à la zone, mais a, « vu l’historique de la parcelle, qui est en partie recouverte d’un revêtement en gravillons depuis plus de 30 ans et qu’il n’y a aucun impact sur la zone agricole utile ni sur les surfaces d’assolement, [laissé] le soin à l’autorité compétente de procéder à une pesée des intérêts en présence et d’octroyer, le cas échéant, une autorisation exceptionnelle en application du régime dérogatoire pour répondre aux besoins de l’habitation ».

Contrairement à ce que semblent considérer les recourants, la voie d’accès aboutissant sur la parcelle n° 1'427 et aménagée entre 2005 et 2009 apparaît dès son origine carrossable. L’OCAN ne s’est par ailleurs pas trompé en retenant qu’une partie – seulement – de la parcelle n° 1'200 – soit celle adjacente à la route – était recouverte de gravier depuis plus de trente ans.

Les recourants ne peuvent être suivis lorsqu’ils soutiennent que l’art. 24 LAT pourrait éventuellement trouver application pour justifier la présence d’un parking et d’un accès à un bâtiment déjà construit, mais non pour la création de toute pièce d’un accès à de nouvelles constructions. Le texte de l’art. 24 LAT envisage de nouvelles constructions et le principe de l’agrandissement d’un chemin en zone agricole pour accéder à un projet de nouvelle construction n’a été exclu ni par la chambre de céans ni par le Tribunal fédéral (arrêts ATA/1638/2017 et 1C_74/2018 précités).

Les recourants critiquent la pesée des intérêts effectuée en l’espèce. Le TAPI, se référant aux exigences du SMS et de la CMNS, a examiné – contrairement à ce qu’affirment les recourants – et exclu que l’accès au projet puisse se faire par le haut de la parcelle n° 1'427, protégé par le classement. Il a pareillement exclu qu’il soit possible par le chemin des K______ au bas de la parcelle, l’assiette de la servitude dont bénéficie celle-ci sur cet accès ne le permettant pas et aucun droit ne portant sur la dernière portion du chemin (parcelle n° 318), ce que les recourants ne contestent d’ailleurs pas. Au terme de la pesée d’intérêts à laquelle il s’est livré, le TAPI a conclu que le passage par la parcelle n° 1'200 était le seul envisageable et qu’il était le moins dommageable tant pour la zone classée que la zone agricole. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et répond notamment aux exigences posées par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_74/2018 précité, étant observé que la parcelle n° 1'200 ne possède qu’une superficie, très modeste, de 252 m2 – la parcelle concernée dans l’ATA/1638/2017 précité était de 1'602 m2 –, n’est plus exploitée pour l’agriculture depuis 1977 au moins et était selon les orthophotos séparées, probablement à la suite de son acquisition en 1977 et jusqu’en 2016 en tout cas, de la parcelle voisine n° 1'173 en zone agricole par des arbres et une haie.

Les recourants se plaignent encore que l’hypothèse d’une réduction du projet, qui permettrait « vraisemblablement » de maintenir l’accès en l’état et de se limiter à utiliser le parking existant sur la parcelle n° 1'200, n’ait pas été examinée. De fait, le projet originel avait déjà été considérablement redimensionné pour se conformer aux exigences de la CMNS : il est passé de huit à six logements et a changé de gabarit. Cela étant, les recourants ne soutiennent pas que, dans l’hypothèse alternative qu’ils évoquent, le chemin existant ne serait plus utilisé pour l’accès aux logements, ni qu’il ne serait pas compatible avec les exigences d’accessibilité posées par les art. 109 LCI et 2 al. 1 du règlement en matière d’accessibilité des constructions et installations diverses du 29 janvier 2020 (RACI - L 5 05.06) ou encore en matière de police du feu. Il s’ensuit que le seul gain de l’hypothèse alternative consisterait en l’absence de trafic motorisé sur une vingtaine de mètres, mais que le chemin carrossable existant serait conservé, ce qui maintiendrait l’utilisation non conforme à la zone agricole de la parcelle et ne saurait constituer une alternative à instruire au sens de l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_74/2018 précité.

Les griefs seront écartés.

5.3 Dans un troisième grief contre l’autorisation de construire délivrée par le département, les recourants se plaignent de la violation de l’art. 15 LCI.

5.3.1 À teneur de l'art. 15 LCI, le département peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, d’un site naturel ou de points de vue accessibles au public (al. 1). La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la commission d’architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la CMNS. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (al. 2).

La clause d'esthétique de l'art. 15 LCI fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6 et la jurisprudence citée).

L'art. 15 LCI reconnaît au département un large pouvoir d'appréciation. Ce dernier n'est limité que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/1065/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3e et la référence citée). Constitue un abus du pouvoir d'appréciation le cas où l'autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 précité ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 179).

5.3.2 Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid.18 et les références citées).

Les préavis recueillis au cours de la procédure d'autorisation ne lient ni l'autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires. Ils sont en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative, étant précisé que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi (Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2008, in RDAF 2009, n° 2, p. 130).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7c ; ATA/109/2008 du 11 mars 2008 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 176 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/284/2016 précité consid. 7c ; ATA/51/2013 du 29 janvier 2013 consid. 5d).

5.3.3 La CMNS est une commission consultative nommée au début de chaque législature par le Conseil d'État, composée d'un membre de chaque parti représenté au Grand Conseil et désignée par ce dernier, de trois membres sur proportion de l'association des communes genevoise, dont un désigné par la ville et d'un maximum de onze membres titulaires et trois suppléants, dont une majorité délégués d'associations d'importance cantonale poursuivant les buts énumérés à l'art. 1 LPMNS.

Elle donne son préavis notamment sur tout projet de travaux concernant un immeuble porté à l'inventaire, classé ou situé en zone protégée (art. 47 LPMNS et art. 5 al. 2 let. c, e et f RPMNS).

La CMNS comporte trois sous-commissions (architecture, monuments et antiquités, nature et sites) dont la compétence est codifiée dans le RPMNS (art. 3 al. 1 RPMNS). Il s'agit d'une commission consultative (art. 47 al. 1 1ère phr. LPMNS), qui a pour mission de conseiller l’autorité compétente (art. 5 al. 1 RPMNS). Aux termes des art. 47 al. 1 2ème phr. LPMNS et 5 al. 2 let. e et f RMPNS, il lui revient en particulier de donner son préavis, conformément à la LCI, sur tout projet de travaux concernant un immeuble classé et/ou situé en zone protégée.

5.3.4 La fiche de bonne pratiques de la CMNS concernant les travaux d’excavation en sous-œuvre sous des bâtiments et des sites protégés, établie le 26 novembre 2018 et accessible en ligne à l’adresse https://www.ge.ch/document/17267/telecharger, indique entre autres qu’« en zone protégée, la construction d’un parking souterrain sous une place historique, sous un jardin ou un terre-plein bordant un bâtiment historique, réduit un site enraciné dans la pleine terre de son histoire à l’état de toit plat végétalisé, de plaque drainante et étanchéifiée (exemple : la plaine de Plainpalais). Les jardins et terrasses des zones protégées doivent impérativement conserver leur caractère d’espace de verdure en pleine terre avec leurs dégagements, leurs arbres et leurs haies et ne peuvent donc être excavés. [ ] La construction de sous-sols en sous-œuvre de bâtiments, d’espaces et de sites protégés requiert dès lors une démarche de pesée d’intérêts, incluant une évaluation de la proportionnalité de l’intervention. [ ] Par ailleurs, le risque d’un affaiblissement de la structure ne doit pas être négligé et doit être mis en rapport avec les bénéfices escomptés. [ ] Toute démarche d’excavation sous un bâtiment ou site protégé, sous des places et jardins historiques, est en principe proscrite. Une appréciation de la proportionnalité est effectuée par la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) au cas par cas sur la base d’expertises démontrant clairement la maîtrise des risques évoqués. »

Les fiches de bonnes pratiques ne constituent que des recommandations n’ayant pas force de loi, ainsi par exemple en matière d’IVER (ATA/130/2023 du 7 février 2023 consid. 4.2). Elles sont assimilables à des ordonnances administratives, qui ne lient ni le juge, ni l’administration ni l’administré (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 115 n° 331). Toutefois, du moment qu'elles tendent à une application uniforme et égale du droit, les tribunaux ne s'en écartent que dans la mesure où elles ne restitueraient pas le sens exact de la loi (ATF 133 II 305 consid. 8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_95/2011 du 11 octobre 2011 consid. 2.3 ; ATA/1160/2021 du 2 novembre 2021 consid. 6b ; ATA/648/2020 du 7 juillet 2020 consid. 5b).

5.4 En l’espèce, les recourants font valoir que la construction du parking en sous-sol dans la zone protégée serait contraire aux bonnes pratiques, que ni la CMNS ni le SMS n’auraient prises en compte pour leurs préavis.

Dans un préavis circonstancié et détaillé du 8 septembre 2020, la CMNS avait exigé la modification du projet. Celui-ci s’inscrivait dans la continuité de la demande informelle analysée le 17 octobre 2018, laquelle admettait la densification et donnait quelques directives de principe sur le gabarit, l’implantation, le volume et l’accès. La réduction de huit à six unités d’habitation, la diminution du nombre des niveaux habitables et la suppression du parking initialement prévu trop près des bâtiments anciens emportaient une amélioration du projet, l’accès principal n’étant pas remis en question. Cependant, une forte diminution de la volumétrie était notamment exigée, de même que la réduction de l’épaisseur des dalles et de leur végétalisation.

Dans un préavis également fouillé du 28 janvier 2021, favorable sous conditions, le SMS a relevé que l’essentiel des modifications apportées au nouveau projet répondaient aux directives du premier préavis. Des couleurs et finitions en harmonie avec le site devaient lui être présentées pour approbation avant commande et le mur ancien bordant la parcelle n° 1'200 devait être préservé.

Bien que le garage souterrain n’ait pas été expressément mentionné, il apparaît que les instances spécialisées ont examiné de manière exhaustive l’intégration du projet à son environnement bâti et non bâti, de sorte que leur silence à son sujet ne pouvait être compris que comme une approbation faute de problème, les instances appelées à préaviser n’ayant au demeurant pas à aborder et commenter expressément tous les aspects ou éléments d’un projet. Les recourants ne sauraient par ailleurs inférer de l’absence de référence aux bonnes pratiques que celles-ci auraient été ignorées. Il peut au contraire être déduit du caractère minutieux de l’examen du projet en trois étapes en 2018, 2020 et 2021 que l’excavation du parking n’est pas apparue incompatible avec les bonnes pratiques. L’emplacement initialement envisagé du garage avait en effet été jugé trop proche des habitations et a finalement été disposé dans l’alignement de la piscine, en lisière de la limite de protection et à bonne distance des bâtiments, et n’a alors plus suscité de critique. Enfin, les bonnes pratiques, qui n’ont pas d’effet obligatoire, prévoient que toute démarche d’excavation sous un bâtiment ou site protégé ou sous des places et jardins historiques est « en principe » proscrite, ce qui réserve des exceptions. Le TAPI pouvait ainsi à bon droit considérer que l’art. 15 LCI n’avait pas été violé.

Les mêmes considérations s’appliquent au grief des recourants selon lequel le caractère du site n’aurait pas été pris en compte et le « bétonnage massif » enlaidirait les vues sur le coteau de T______. Le projet a été examiné de façon approfondie par la CMNS puis le SMS. La CMNS a exigé et obtenu de nombreuses et importantes modifications du projet initial, ayant toutes trait à son volume, ses revêtements et son intégration dans le site. Les instances spécialisées ont posé des exigences en matière de gabarits, d’espacement entre les unités, d’épaisseur de la toiture, de choix des teintes et de matériaux non miroitants et de préservations des « grottes » caractéristiques du domaine ainsi que d’un mur du domaine et d’un végétal. Les recourants n’exposent pas en quoi la version finale et profondément remaniée du projet constituerait un « bétonnage massif » ou encore compromettrait les vues sur le coteau, ni en quoi le « bétonnage et la pollution lumineuse » que le projet impliquerait porteraient « nécessairement » atteinte à la faune dans une mesure supérieure à toute construction d’habitation nouvelle.

Enfin, les recourants mentionnent le PDCom mais sans exposer en quoi la délivrance de l’autorisation y serait contraire, étant rappelé que selon la jurisprudence, un projet de construction conforme au droit cantonal ne peut être refusé au seul motif qu'il contreviendrait à un PDCom (arrêt du Tribunal fédéral 1C_257/2013 du 13 janvier 2014 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.154/2002 du 22 janvier 2003).

Le TAPI pouvait ainsi conclure à bon droit que les recourants se contentaient de substituer leur appréciation à celle des instances spécialisées.

Les griefs seront écartés.

Entièrement mal fondé, le recours contre la délivrance de l’autorisation de construire par le département sera rejeté.

6.             Dans un premier grief contre l’autorisation de construire délivrée par le Conseil d’État, les recourants se plaignent de la violation de leur droit d’être entendus.

6.1 Le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). Le droit d'être entendu ne porte en principe pas sur la décision projetée. L'autorité n'a donc pas à soumettre par avance aux parties, pour prise de position, le raisonnement qu'elle entend tenir (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées).

6.2 En l’espèce, ainsi que l’a relevé le département, la LPMNS ne prévoit pas de procédure d’instruction spécifique au cours de laquelle les tiers éventuellement touchés dans leurs droits se verraient reconnaître le droit de se déterminer avant que ne soit délivrée une autorisation de construire en application de l’art. 15 LPMNS.

L’autorisation de l’art. 15 LPMNS doit, certes, ainsi qu’il a été vu, être délivrée en plus de celle du département pour que les travaux puissent commencer. Toutefois, l’art. 23 du règlement pour l’organisation du Conseil d’État du 25 août 2005 (RCE - B 1 15.03) prévoit que chaque objet soumis au Conseil d’État est présenté par un département rapporteur, lequel peut aussi être désigné en cours de séance ; lorsque l’importance ou la nature de l’objet le justifie, le département rapporteur veille à mettre en co-rapport les départements concernés et leur avis est requis et figure dans le rapport ; en cas de divergence, le Conseil d’État tranche. Il suit de là que la décision du Conseil d’État a été préparée par le département.

Les faits pertinents pour l’examen de la réalisation des conditions à la délivrance de l’autorisation du département incluent ceux propres à la délivrance de l’autorisation du Conseil d’État, savoir le périmètre de la protection, l’étendue et la nature du projet et son intégration dans le site. Ces faits ont été intégralement instruits par le département, et avant lui par les instances spécialisées. La CMNS s’est déterminée sur le classement dans la procédure de classement puis sur les mérites du projet avant même le dépôt de la demande d’autorisation de construire.

Aussi, en se voyant offrir la possibilité de participer à l’instruction des faits de l’autorisation du département, les recourants ont, de fait, également pu participer à l’instruction des faits pertinents pour l’autorisation du Conseil d’État, et ce indépendamment de savoir s’ils ont qualité de partie dans cette seconde procédure. Ils ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, puisqu’ils ont fait valoir dans l’instruction puis dans leurs recours contre la décision du département et le jugement du TAPI la contrariété du projet avec le classement ainsi que le défaut d’autorisation du Conseil d’État.

Ainsi, et pour peu que la qualité de partie doive leur être reconnue, ce qui souffrira de rester indécis ainsi qu’il a été vu, les recourants n’ont pas vu leur droit d’être entendus violé.

Le grief sera écarté.

7.             Dans un second grief contre l’autorisation de construire délivrée par le Conseil d’État, les recourants se plaignent de la violation des art. 15 LPMNS et 24 RPMNS, faute pour la conformité de l’autorisation à la LPMNS d’avoir été correctement instruite.

Les recourants ne peuvent être suivis. Le Conseil d’État s’appuie sur l’instruction menée par le département. Or, dans cette dernière, tous les préavis nécessaires selon la LPMNS ont été recueillis, dont celui de la commune, de la CMNS et du SMS. La CMNS et le SMS, qui avaient déjà instruit le classement pour le compte du Conseil d’État, ont examiné ainsi qu’il a été vu, de manière exhaustive la question de l’intégration du projet au site classé, et exigé des modifications et des adaptations du projet ayant trait à son intégration au site, et portant tant sur la construction elle-même que sur la préservation d’éléments patrimoniaux comme par exemple le muret menant à la piscine le long du chemin d’accès ou encore les « grottes » caractéristiques.

L’instruction a ainsi été conduite de manière complète, quand bien même elle a servi à la prise de deux décisions distinctes.

La décision du Conseil d’État se réfère explicitement aux préavis, par quoi il faut comprendre qu’elle les fait siens, ce qui tient lieu d’argumentation. Elle ne saurait être considérée comme une « validation [ ] prise à la va-vite » de l’autorisation du département.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 3’000.- sera mis solidairement à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 3’000.- sera allouée à Mme H______, qui y a conclu et qui a recouru au service d’un avocat pour la défense de ses intérêts, à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

ordonne la jonction des causes A/3140/2021 et A/2782/2022 sous le numéro de cause A/3140/2021 ;

cela fait :

déclare recevable le recours interjeté le 27 juin 2022 par Mmes A______, B______ et C______ ainsi que MM. D______, E______ et F______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 mai 2022 ;

le rejette ;

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 31 août 2022 par Mmes A______, B______ et C______ ainsi que MM. D______, E______ et F______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 17 août 2022 ;

met un émolument de CHF 3’000.- à la charge solidaire de Mmes A______, B______ et C______ ainsi que MM. D______, E______ et F______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 3'000.- à Mme H______, à la charge solidaire de Mmes A______, B______ et C______ ainsi que MM. D______, E______ et F______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lucien Lazzarotto, avocat des recourants, à Me Michel Schmidt, avocat de l'intimée, au département du territoire - OAC, au Conseil d'État ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges, M. Hofmann, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :