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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3774/2014

ATA/1638/2017 du 19.12.2017 sur JTAPI/1467/2015 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.02.2018, rendu le 12.04.2019, ADMIS, 1C_74/2018
Parties : HUBMANN Isabelle / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE, ENGTECHMA SA, MAJOR Brigitte, GUGLIELMETTI Roberto
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3774/2014-LCI ATA/1638/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2017

3ème section

 

dans la cause

 

Madame Isabelle HUBMANN
représentée par Me Nicolas Wisard, avocat

contre

Madame Brigitte MAYOR

et

Monsieur Roberto GUGLIELMETTI

et

ENGTECHMA SA

représentée par Me Patrick Malek-Asghar, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 décembre 2015 (JTAPI/1467/2015)


EN FAIT

1) a. Madame Isabelle HUBMANN est propriétaire de la parcelle n° 473, de 1'775 m2, feuille 11 de la commune de Collex-Bossy, sise en zone 4B protégée.

L’intéressée est aussi propriétaire de la parcelle n° 954, même feuille, même commune, de 7'273 m2. Cette parcelle, qui jouxte au sud-est la parcelle n° 473, est sise en zone agricole. Elle est exploitée par Monsieur Sylvain GIROD, vigneron, au bénéfice d’un bail à ferme.

b. La parcelle n° 996, propriété d’Engtechma SA (ci-après : la société), de 2'334 m2, à l’adresse route de Collex 269, sise en zone 4B protégée, se situe au nord-est de la parcelle n° 473. Elle comprend un bâtiment d’habitation à un logement, de 179 m2 de surface au sol et de trois niveaux hors sol ainsi qu’un petit bâtiment inférieur à 20 m2. Une simple haie sépare les parcelles nos 473 et 996.

c. La parcelle n° 997, propriété de Messieurs David Robert SCHURMANN et Eric Stuart SCHURMANN, de 1'602 m2, est sise en zone agricole. Elle longe la route de Collex. Un chemin reliant la parcelle n° 996 à la route de Collex traverse la parcelle. Cette parcelle est recensée dans le cadastre viticole, avec la mention vignes protégées.

Cette parcelle est actuellement exploitée par M. GIROD.

d. La configuration desdites parcelles se présente comme suit :

 

 

 

 

 

 

 

 


2) a. Le 23 janvier 1996, le département des travaux publics et de l’énergie, devenu aujourd’hui le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : le DALE ou le département), a autorisé la création d’un chemin d’accès au n° 269 route de Collex, sur la parcelle n° 997 (APA 11’576).

Le préavis du département de l’agriculture du 19 décembre 1995 avait été favorable. Il constatait que le requérant souhaitait créer un chemin d’accès à la dépendance située en zone 4B protégée, que ce projet se réalisait sur un terrain constituant une chute dès lors que celui-ci subissait une forte dénivellation entre les premiers ceps de vigne et la route de Collex et qu’aucun intérêt prépondérant de l’agriculture n’était lésé.

À l’époque M. Eric SCHURMANN était propriétaire des parcelles équivalentes aujourd’hui aux nos 996 et 997.

Selon les plans annexés à ladite APA, le chemin « d’accès tout-venant » devait avoir moins de 3 m de largeur, à l’exception du débouché sur la route de Collex.

b. Mme HUBMANN s’y était opposée.

c. M. SCHURMANN avait détaillé devant la commission de recours les motifs justifiant sa demande tout en s’étonnant de la réaction de sa voisine à qui ses parents avaient accordé « à titre gracieux et de bon voisinage, l’autorisation de construire en-deçà des limites légales », soit en limite de propriété de la parcelle n° 996, nonobstant la surface de la parcelle.

3) La question de savoir s’il existait un chemin sur la parcelle no 997 avant la construction de celui autorisé le 23 janvier 1996, à l’issue de la procédure de recours, est litigieuse.

4) Par décision du 20 novembre 2012, la commission foncière agricole a autorisé la création d’une servitude de passage à pied et à véhicules sur la parcelle n° 997. Celle-là devait s’exercer dans les limites de l’assiette figurée sous le symbole n° C2 sur le plan de servitude annexé. Cette servitude comprenait l’interdiction de stationner sur ladite assiette. Le plan attestait d’un chemin de 0,8 cm soit de 4 m à l’échelle 1 : 500.

5) À une date non précisée dans le dossier, entre 1996 et 2014, le chemin d’accès a été goudronné.

6) Engtechma SA est devenue propriétaire de la parcelle n° 996 à une date non précisée dans le dossier.

Selon Engtechma SA le chemin d’accès était déjà goudronné.

7) Les parties divergent sur la largeur actuelle du chemin. Selon Mme HUBMANN, celle-ci est de 2,6 m alors que selon Engtechma SA, elle serait de 4 m.

8) a. Le 17 avril 2013, Engtechma SA a déposé une requête en autorisation de construire portant sur la construction, sur la parcelle n° 996, d’un immeuble villageois de neuf logements avec parking souterrain et installation, en toiture, de panneaux solaires ainsi que de pompes à chaleur avec sondes géothermiques. Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 105'900.

Cette requête en autorisation fait partie du projet « Les portes de Bossy ». L’autre partie du projet a été construite, sur la parcelle n° 105, compte tenu d’une autorisation de construire en force.

b. La réalisation du projet en question (DD 105'900) implique également l’agrandissement du chemin d’accès autorisé par l’APA 11'576.

Il s’agit de l’objet du présent litige.

Il ressort d’un plan intitulé « travaux géométriques » de novembre 2012 que les points d’altitude du terrain naturel relevés sont de 459,1 m à l’actuelle limite de propriété entre les parcelles nos 996 et 997 et 455 m environ au débouché du chemin sur la route de Collex, sur la parcelle n° 997.

Les plans du sous-sol de la construction projetée, décrivant la rampe d’accès au garage, mentionnent « accès pompier » et font état d’une pente de 6 à 7,5 %.

9) Dans le cadre de l’instruction de la requête, le DALE a recueilli divers préavis.

a. Les préavis, favorables sous conditions, étaient les suivants :

- de la police du feu du 23 septembre 2014,

- de la direction générale du génie civil du 16 avril 2014,

- de la direction générale de la nature et du paysage du 15 avril 2014,

- de la direction générale de l’eau des 8 juillet 2013 et 11 avril 2014,

- du service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants du 4 novembre 2013,

- du service de géologie, sols et déchets des 29 avril 2013 et 2 juillet 2013,

- du service de la mensuration officielle du 29 avril 2013,

- de l’office cantonal de l’énergie, formulaire standard EN-GE1,

- du service des monuments et des sites (ci-après : SMS) du 2 juin 2014, lequel faisait suite aux préavis des 11 juin 2013, 17 septembre 2013, 4 février 2014, 4 mars 2014, 15 avril 2014 et 27 mai 2014 de la sous-commission architecture (ci-après : SCA) de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS). Contrairement à ce qui avait été précédemment indiqué, la nouvelle image ne nécessitait plus aucune dérogation particulière. La position du SMS annulait et remplaçait le préavis de la CMNS.

- de la direction générale de l’agriculture (ci-après : DGA) du 24 juin 2014, dès lors que le projet consistait en l’agrandissement d’un chemin d’accès dans le cadre d’une construction d’immeubles de logement et que le mandataire du projet lui avait affirmé, par téléphone, que cet aménagement n’aurait pas d’impact sur les vignes cultivées sur la même parcelle cadastrale. De ce fait, aucun intérêt prépondérant de l’agriculture n’était lésé. Elle exigeait que tout soit mis en œuvre dans le cadre des travaux pour ne pas « impacter » les vignes attenantes à l’agrandissement du chemin.

b. Les préavis de la commune de Collex-Bossy, du 22 avril 2014, et de la direction générale de la mobilité du 25 avril 2014 étaient favorables au projet, sans observations.

10) Le 6 novembre 2014, le DALE a délivré l’autorisation de construire, laquelle a été publiée le 14 novembre 2014 dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève.

11) Les parties s’accordent sur le fait que le chemin projeté devrait avoir 6 m de large, qu’il reliera la route de Collex à un parking souterrain de vingt places, situé sur la parcelle n° 996.

Elles divergent sur la hauteur de l’excavation nécessaire pour permettre l’accès audit parking. Selon la société, elle serait de 2,9 m de hauteur à la limite entre les parcelles nos 996 et 997. Selon Mme HUBMANN, au même endroit, elle serait de 4 m.

La société estime que huit à douze véhicules emprunteront quotidiennement ledit chemin, alors que Mme HUBMANN évalue le passage à vingt véhicules.

12) Mme HUBMANN a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre ladite autorisation le 4 décembre 2014.

Le DALE avait autorisé la reconstruction d’un chemin d’accès situé en zone agricole en violation des normes régissant ladite zone. Les conditions à l’octroi d’une dérogation n’étaient pas remplies. Aucune autre dérogation n’était envisageable.

13) Deux autres recours ont été interjetés contre l’autorisation précitée par des voisins, respectivement par Madame Brigitte MAYOR et Monsieur Roberto GUGLIELMETTI.

14) Dans le cadre des écritures échangées devant le TAPI, Mme HUBMANN s’est opposée au transport sur place proposé par la société.

15) Par jugement du 13 mai 2015 (JTAPI/1467/2015), le TAPI a déclaré irrecevables les recours interjetés par Mme MAYOR et M. GUGLIELMETTI et a rejeté le recours de Mme HUBMANN.

L’agrandissement du chemin d’accès n’était pas conforme à la zone agricole. Il ne pouvait pas être autorisé sur la base de l’art. 22 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Aucune pièce du dossier ne permettait d’établir, conformément à ce que soutenait le DALE, qu’un tel chemin aurait existé avant le 1er janvier 1972. Le chemin bénéficiait d’une affectation agricole avant l’entrée en vigueur de la LAT. C’était en conséquence à tort que le DALE avait délivré l’autorisation de construire sur la base de
l’art. 24c LAT, respectivement 27C LaLAT.

La condition de « l’implantation imposée par sa destination » au sens de l’art. 24 LAT était remplie car l’APA 11'576 avait été délivrée pour sa construction, ce qui signifiait que le DALE avait, à l’époque, considéré que l’implantation du chemin d’accès en zone agricole était imposée par sa destination. L’autorisation était conforme à la loi.

16) Par acte du 28 janvier 2016, Mme HUBMANN a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation du jugement du TAPI et de l’autorisation querellée, « sous suite de frais et dépens ».

Le TAPI avait commis une confusion dans la dernière étape de son raisonnement, à savoir l’analyse des conditions de l’art. 24 LAT. Il avait perdu de vue qu’il ne s’agissait pas du même chemin que celui sis actuellement sur la parcelle. Il s’agirait d’un nouvel ouvrage vu la reconfiguration très large qu’il subirait. Le TAPI n’avait pas examiné ce point. Or, prévu pour une largeur de 6 m, il serait deux fois et demie plus large que le chemin existant, aujourd’hui d’une largeur d’environ 2,6 m.

Par ailleurs, deux conditions cumulatives étaient nécessaires. À tort, le TAPI avait considéré que la première condition était remplie soit que le projet s’imposait dans la zone agricole par sa destination (« Standortgebundenheit »). L’analyse devait se faire sous deux angles : positif, à savoir qu’il n’était pas possible d’implanter la construction en zone à bâtir, et négatif, à savoir que la destination de la construction imposait que celle-ci soit hors zone à bâtir dès lors qu’aucune autre ne s’y prêtait, en particulier en raison de son ampleur ou d’immissions générées par elle-même.

En l’espèce, le chemin litigieux ne s’imposait pas en zone agricole, sous aucun des deux angles précités. Il n’y avait aucune nécessité de créer un accès passant par la zone agricole pour desservir un futur bâtiment d’habitations. La société aurait pu proposer de passer par la parcelle n° 105, dont elle était propriétaire, située en amont de la parcelle litigieuse. Il n’existait aucun motif de sécurité lié à la protection contre les incendies. Rien n’empêchait en conséquence d’implanter le chemin d’accès projeté dans la zone à bâtir.

Enfin, la pesée des intérêts en présence excluait l’octroi d’une autorisation dérogatoire. L’intérêt public lié à la préservation du paysage postulait de réserver à l’agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables, en particulier les surfaces d’assolement. La conservation de la zone viticole protégée était garantie par la loi sur la viticulture du 17 mars 2000 (LVit - M 2 50). Le projet imposait une excavation de 3 m de hauteur pour permettre au chemin projeté de relier le niveau du terrain naturel, d’une altitude de 459 m au garage souterrain, sis à 455,66 m. Une vingtaine de véhicules emprunterait cet accès au garage alors que seuls deux y circulaient aujourd’hui. Le préavis de la DGA ne comportait aucune pesée globale des intérêts et n’indiquait pas les motifs pour lesquels l’octroi d’une autorisation dérogatoire serait justifié. La DGA s’était fondée sur le contenu d’un entretien téléphonique avec le mandataire des requérants, lequel avait assuré que le projet n’avait aucun impact sur les vignes cultivées. Or, la construction de la route litigieuse impliquait l’arrachage définitif de pieds de vigne.

17) Par réponse du 1er mars 2016, le DALE a conclu au rejet du recours.

Il s’agissait clairement d’un cas particulier. Un chemin agricole existait déjà avant 1995 et aboutissait au fond du jardin, selon le courrier du 27 février 1996. L’APA 11'576 avait autorisé un chemin d’accès qui s’était juxtaposé sur le chemin agricole préexistant. Dite autorisation avait été justifiée par des raisons de sécurité, à savoir l’amélioration des entrées et sorties sur la route de Collex. Aucune solution alternative ne s’offrait alors, la maison d’habitation existante étant placée à ras la chaussée, sans trottoir, ce qu’indiquait un préavis de l’époque. Le chemin avait alors été réalisé sur un terrain constituant une chute au vu de sa forte dénivellation entre les premiers ceps de vigne et la route de Collex.

Le projet n’aurait aucun impact sur les vignes cultivées sur la parcelle n° 997, conformément au préavis de la DGA. Cette parcelle n’était pas comptabilisée dans les surfaces d’assolement. Une photo satellite démontrait que le terrain entre le chemin d’accès actuel et la route de Collex ne consistait qu’en une bande herbeuse.

Il était exact que le chemin n’était pas une construction conforme à la zone agricole. Les conditions permettant l’octroi d’une autorisation dérogatoire étaient remplies, s’agissant clairement d’un cas particulier. Des raisons objectives pouvaient justifier l’implantation d’une construction telle que des exigences techniques liées à la nature du sol ou liées à l’exploitation. En l’espèce, il avait pu être constaté que, de par la déclivité du terrain, la création d’un accès plus direct, ne suscitant pas de passer par la zone agricole, paraissait impossible techniquement ou du moins fortement déconseillée vu les problèmes de sécurité liés au trafic routier existant. La direction générale des transports (ci-après : DGT) évitait, autant que possible, de créer des solutions à risque telles que l’introduction d’accès sur des carrefours. Elle évitait également de créer de nouveaux accès sur la voie publique et favorisait ainsi l’utilisation de ceux existants. Or, le chemin actuel offrait une grande sécurité d’accès, vu l’îlot qui protégeait les sorties de véhicules et vu le dégagement existant, ce qui ne serait pas le cas plus en amont, vu la présence du chemin de Martenant, à l’est, débouchant sur la route de Collex.

La protection contre les incendies rendait indispensable un accès, par la façade, à chaque appartement. Le chemin était ainsi obligatoire pour l’accès pompiers aux logements du rez-de-chaussée sis au sud-est du bâtiment. La largeur du chemin était ainsi imposée dans ce contexte.

Aucun intérêt prépondérant, que cela soit la protection de l’environnement, la préservation de la zone agricole ou autre, ne s’opposait en conséquence aux impératifs de sécurité rendant nécessaires tant le passage que l’agrandissement de l’accès en zone agricole. De même, la DGA, instance de préavis spécialisée, avait précisé qu’aucun intérêt prépondérant de l’agriculture n’était lésé. Contrairement à la recourante, elle avait constaté que le projet consistait en un agrandissement et non en un nouvel ouvrage. Elle avait retenu que l’aménagement n’aurait pas d’impact sur les vignes cultivées sur la même parcelle cadastrale et avait exigé que tout soit mis en œuvre dans le cadre des travaux pour ne pas impacter les vignes attenantes à l’agrandissement du chemin, lequel devait s’effectuer à teneur de l’autorisation, sur la partie du terrain vierge de vignes.

L’autorisation APA 11'576 étant en force, elle liait tant le tribunal que le département. L’ancien département des travaux publics avait déjà considéré que la condition relative à l’art. 26 LaLAT était remplie et que l’implantation du chemin d’accès en zone agricole était imposée par sa destination.

La pesée des intérêts aboutissait également au fait que la solution adoptée était la plus adéquate. Contrairement à ce que soutenait la recourante, la DGA avait effectué une pesée globale des intérêts. La recourante essayait plutôt de substituer son intérêt privé aux intérêts publics.

Les conditions permettant l’application de l’art. 24 LAT étaient remplies.

18) Par réponse du 2 mars 2016, Engtechma SA a conclu au rejet du recours.

L’excavation serait de 2,9 m. Le nombre de véhicules à venir était contesté. L’immeuble contiendrait huit appartements. Le nombre de véhicules devait être évalué entre huit et douze par jour, quand bien même il existerait vingt places de stationnement. Seul un des deux plans datant de 1995 faisait mention d’un « chemin en tout-venant ». Il n’était dès lors pas possible d’indiquer s’il y avait ou non une restriction quant à une construction en dur. Étant en pente, un chemin en tout-venant présenterait le risque de ruisseler vers la route de Collex lors de temps pluvieux, rendant celle-ci glissante et l’entrée sur la route boueuse. Le processus d’autorisation avait duré environ seize mois. Il s’agissait de plans étudiés et remaniés à plusieurs reprises. Une modification du tracé initial affectant quelques pieds de vigne avait été refusée par la CMNS, et un accès perpendiculaire sur la route de Collex avait quant à lui été refusé pour des raisons de sécurité par la police du feu et écarté lors des entretiens avec la DGT. Aucun pied de vigne ne serait arraché. Au contraire, quelques pieds de vigne supplémentaires seraient plantés par la société entre la rampe d’accès et la route de Collex. Le viticulteur en charge de l’exploitation des vignes sises sur les parcelles nos 954 appartenant à Mme HUBMANN et 997 s’était déjà dit d’accord d’exploiter également cette partie du terrain. Le chemin projeté pourrait être construit en un revêtement perméable, drainant au centre, ou avec grilles Ritter en périphérie afin de respecter au maximum le confort du voisinage. Ces matériaux écologiquement appropriés amélioreraient de fait la situation actuelle, l’ancien goudron étant enlevé. Le parking souterrain était une plus-value urbanistique, puisqu’il permettrait de conserver un aménagement extérieur arborisé en lieu et place de parkings extérieurs, ce que la commune avait fortement apprécié.

La recevabilité du recours de Mme HUBMANN était contestable. Aucune fenêtre de son logement ne donnait sur le chemin d’accès au projet en construction, situé en diagonale à plus d’une trentaine de mètres.

Tous les préavis avaient été favorables. De même, le TAPI, juridiction spécialisée, avait rendu un jugement confirmant le bien-fondé de l’autorisation querellée. Compte tenu du pouvoir d’appréciation restreint de la chambre administrative, l’autorisation devait être confirmée.

Les conditions de l’art. 24 LAT étaient remplies. L’évolution du trafic automobile et les règles de sécurité imposaient d’autant plus l’accès par la parcelle n° 997 et non par la n° 996. La route était un axe fortement desservi entre la douane française et Genève. Aucun autre accès n’offrait une visibilité suffisante. Pas un seul centimètre de terre agricole cultivée n’était soustrait à l’agriculture par le projet.

19) Par réponse du 23 février 2016, Mme MAYOR a contesté le raisonnement du TAPI quant à l’irrecevabilité de son propre recours. Elle ne contestait pas ne pas être domiciliée dans la maison située sur la parcelle n° 772, mais en était la nue-propriétaire et s’y rendait plusieurs fois par semaine.

Les autorités des années 1950 avaient autorisé la construction d’une maison au ras de la route de Collex, sans se préoccuper de créer un chemin d’accès sur la parcelle n° 996. Une place de parking extérieure, derrière la maison, permettait de garer une voiture. Le chemin d’accès projeté serait une véritable balafre sur le coteau viticole. Les visiteurs de l’habitation actuelle parquaient leurs véhicules en haut du vignoble faute de places de parking prévues à cet effet. Il était en conséquence fort probable que les visiteurs des futurs logements parqueraient aussi leurs voitures le long de la nouvelle route d’accès. Le village de Bossy était déjà saturé par le parking sauvage. Elle joignait deux photos en témoignant.

La densification de la parcelle n° 105 ainsi que de la parcelle n° 996 n’avaient jamais été étudiées ensemble par les autorités compétentes. Or, elles appartenaient toutes deux au même promoteur et formaient un tout. Il aurait été judicieux de créer un cheminement commun aux deux parcelles partant de la route d’Ornex, comme c’était le cas pour toutes les autres maisons de Bossy.

Elle concluait à l’admission du recours de Mme HUBMANN.

20) Par réponse du 25 février 2016, M. GUGLIELMETTI a conclu à l’admission du recours de Mme HUBMANN.

Tant lui-même que sa famille avaient toujours favorisé la mobilité douce pour leurs déplacements. Il était usager de la piste cyclable reliant Bossy à Collex. Il était choqué par l’autorisation délivrée pour l’agrandissement du chemin en provenance de la parcelle n° 996. Lors de la création de la piste cyclable à double sens le long de la route de Collex, notamment à côté de la parcelle n° 997, les propriétaires en avaient profité pour faire goudronner discrètement leur chemin d’accès situé en zone agricole. Ledit chemin goudronné traversait la piste cyclable.

La dangerosité de l’intersection de ce chemin avec la piste cyclable et la route cantonale mettrait en péril tout l’agencement routier de l’entrée du village et compromettrait gravement la sécurité des enfants, piétons, cyclistes et automobilistes. Cette piste cyclable constituait précisément l’accès à pied et à vélo pour l’école de Collex. Il était évident que les visiteurs des futurs logements parqueraient leurs véhicules le long de cette nouvelle route, le long de la route cantonale de Collex, à proximité de la piste cyclable ainsi que sur les chemins agricoles adjacents en contrebas, Bossy étant déjà saturé par les voitures.

Des pieds de vigne devraient être arrachés, contrairement à ce que soutenait la société.

Était joint le préavis de la sous-commission architecture (ci-après : SCA) de la CMNS du 11 juin 2013, lequel mentionnait, sous « particularité du contexte », « grand et beau dégagement sur la campagne dû à la situation en crête, surplombant le coteau sud-est qui rejoint Collex. Selon l’ISOS, le périmètre forme une silhouette homogène de grande valeur, se détachant nettement des terrains agricoles environnants ». La commission émettait des doutes quant à la légalité d’un garage souterrain accessible uniquement par la zone agricole.

21) a. Après que la cause ait été gardée à juger, les parties ont été convoquées à un transport sur place qui s’est tenu le 23 février 2017. À cette occasion, il a été constaté que la largeur de la route goudronnée en bas du chemin était de 4,80 m, à mi-hauteur de 2,60 m et de 4,06 m sur le haut, à la limite entre les parcelles nos 996 et 997.

b. M. GIROD, entendu en qualité de témoin, exploitait la vigne depuis 2002. Pour tourner avec son engin agricole dans les vignes, il avait besoin d’environ 10 m au-delà du dernier pied de vigne. En l’état, la distance entre la haie existante, délimitant la frontière entre les parcelles nos 473 et 996, et les pieds de vigne était limite. Il devait s’y reprendre à deux ou trois fois. Il conviendrait d’arracher une surface équivalente à 72 m2 représentant soixante pieds de vigne.

c. Le représentant du département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (ci-après : le DETA) a relevé que la vigne était actuellement plantée sur la parcelle no 997 jusqu’à la limite de la parcelle no 996. Les manœuvres avec les machines agricoles étaient effectuées sur la parcelle no 996, soit en zone 4B protégée, et non plus en zone agricole. Il appartenait au propriétaire des vignes et à l’exploitant de développer leur activité dans la zone agricole sans devoir compter sur la zone à bâtir pour pouvoir manœuvrer. Il était évident que des pieds de vigne devraient être arrachés et que l’activité viticole devrait s’adapter à la nouvelle situation. Actuellement, l’activité viticole bénéficiait d’un avantage qu’elle ne pouvait pas revendiquer. Le potentiel de production ne serait pas modifié, celui-ci étant calculé en fonction de la superficie de la parcelle.

d. Le représentant de la police du feu a indiqué que, dès lors que le bâtiment avait plus de quatre niveaux, tous les logements devaient être accessibles aux services de secours. Il existait une place de travail pour les sapeurs-pompiers à la route de Collex. Le service du feu n’avait pas nécessairement besoin d’avoir accès aux quatre façades, mais à toutes les cellules de logement depuis une place de travail ou plusieurs. Même sans garage souterrain, un accès du côté de la zone agricole était indispensable au service du feu pour les logements au sud-est du bâtiment.

e. Mme MAYOR a relevé que les deux projets de construction (parcelles nos 996 et 105) avaient été scindés. Il n’y avait pas eu de vision globale entre la construction des deux bâtiments, y compris pour les questions de parking et de service du feu. L’intimée a démenti cette allégation.

22) Les parties ont produit des observations finales.

23) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) a. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ce point (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

b. La qualité pour recourir de la recourante peut souffrir de demeurer indécise compte tenu de ce qui suit.

2) La recourante a sollicité qu’un délai soit imparti à la société pour verser à la procédure un plan de géomètre indiquant clairement l’assiette au sol du chemin actuel, celle de la partie carrossable du nouveau chemin d’accès et l’emprise totale du remodèlement du terrain (y compris les murets et/ou talus qui bordent la rampe d’accès) menant au parking souterrain du bâtiment projeté.

La recourante allègue que les pièces au dossier ne permettent pas en l’état de prendre la mesure de l’impact de la construction sur la zone agricole, non seulement de l’emprise goudronnée, mais du remodèlement important de toute cette partie de la parcelle par la création notamment d’un talus impliquant l’excavation au minimum de 250 m3 de terre de zone agricole, nécessitant au moins quarante trajets de camion de 8 m3 pour l’évacuation de la terre et 50 à 60 m3 de gravats et de goudron étant nécessaires à la stabilité de l’ouvrage.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1060/2016 du 13 juin 2017 consid. 3.1 ; 2C_848/2016 du 26 septembre 2016 consid. 6 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_980/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.2.1. ; 1C_520/2016 du 16 février 2017 consid. 3.4. ; 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1 ; ATA/1111/2017 du 18 juillet 2017). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_983/2016 du 20 février 2017 consid. 2.2 ; 2C_835/2014 du 22 janvier 2015 consid. 3.1).

b. En l’espèce, la projection de l’accès prévu produit par la société et sur lequel la recourante appuie son argumentation permet, aux dires de la recourante elle-même, de « [voir] clairement sur la vue 3D proposée par Engtechma SA » l’importance de la différence de niveaux entre le terrain naturel adjacent et le nouveau chemin d’accès. L’absence d’indications précises sur le muret qui borderait la rampe d’accès du côté de la route de Collex ou le talus qui devrait nécessairement border la rampe d’accès du côté des vignes n’est toutefois pas de nature à modifier l’issue de la présente procédure, compte tenu de ce qui suit. Il sera en conséquence renoncé à ordonner cette mesure d’instruction.

3) a. Il n’est pas contesté que le projet litigieux de reconstruction d’un chemin d’accès à un nouveau bâtiment de logement n’est pas conforme à l’affectation de ladite zone et ne peut être autorisé en vertu de l’art. 22 LAT.

b. Il n’apparaît plus vraiment contesté que les transformations litigieuses ne remplissent pas les conditions posées par les art. 24c LAT et 41 et 42 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000
(OAT - RS 700.1) pour être autorisées à titre dérogatoire (art. 27C LaLAT). Selon l’art. 41 al. 1 OAT, qui précise l’art. 24c LAT, les constructions et installations «érigées selon l’ancien droit» sont celles qui ont été érigées ou transformées légalement avant l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral, la date déterminante étant donc ici le 1er juillet 1972 (Rudolf MUGGLI : Commentaire pratique LAT: Construire hors zone à bâtir, 2017, p. 360). Outre qu’aucune pièce au dossier ne prouve l’existence, ne serait-ce que d’un chemin, avant le 1er janvier 1972, celui-ci, de l’aveu même du département aurait été construit à des fins agricoles, donc conforme à la destination de la zone. Les conditions d’application de l’art. 24c LAT ne sont pas remplies.

c. L’objet principal du présent litige porte donc sur la question de savoir si les transformations litigieuses remplissent les conditions posées par les art. 24 LAT pour être autorisées à titre dérogatoire (art. 27C LaLAT), la recourante se plaignant d’une violation de ces articles.

4) Aux termes de l’art. 24 LAT, en dérogation à l'art. 22 al. 2 let. a LAT des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si : l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination (let. a), aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (let. b).

5) Dans un argument qu’elle a développé après le transport sur place, la recourante invoque que le chemin d’accès projeté constitue un nouvel ouvrage et non l’agrandissement d’un chemin agricole préexistant. Cet élément souffrira de rester indécis dès lors que même à considérer qu’il s’agisse d’une construction nouvelle au sens de l’art. 24 LAT, l’issue de la présente procédure n’en serait pas modifiée.

6) La recourante indique que la condition d’une implantation imposée positivement par la destination de la construction ne serait pas remplie.

a. Contrairement à ce qu’elle soutient, « la jurisprudence n’exige pas la démonstration que l’emplacement choisi soit le seul possible ; en effet, une telle démonstration, dans bien des cas, n’est tout simplement pas possible ou alors au prix d’efforts disproportionnés, qui ne correspondraient pas au but de la loi. Il suffit donc que la condition de l’implantation imposée par la destination de la construction soit remplie de façon relative : est exigée une évaluation qui, du point de vue du périmètre considéré et de l’investissement requis, soit en adéquation avec l’importance concrète du cas d’espèce et montre que des raisons objectives et particulièrement importantes font paraître le site hors zone à bâtir retenu beaucoup plus favorable qu’un site en zone à bâtir » (Rudolf MUGGELI, op. cit. p. 174).

Des exigences techniques, à l’instar d’une aire de stationnement pour un espace de détente proche de l’agglomération (arrêt du Tribunal fédéral 1C_36/2009 du 14 juillet 2009 consid. 3.2, cité in Rudolf MUGGELI, op. cit. p. 176) sont considérées comme des motifs objectifs.

b. En l’espèce, le dossier d’autorisation de construire a fait l’objet de nombreux préavis. Tous ont été favorables, certains conditionnellement. Aucun n’a relevé de problématique relative à l’accès, par la zone agricole, aux nouvelles habitations. Seul le premier préavis de la SCA, du 11 juin 2013, a posé la question de la légalité d’un garage souterrain accessible uniquement par la zone agricole, soit précisément l’objet de ce litige. Pour le surplus, cette question n’a plus été évoquée par le SCA par la suite dans ses préavis des 17 septembre 2013, 4 février 2014, 4 mars 2014, 15 avril 2014 et 27 mai 2014 et n’est pas abordée dans le préavis du 2 juin 2014 du SMS. La situation est identique pour l’évocation de la protection de la beauté du coteau, le département ayant largement pris en compte le besoin de protection de celui-ci à travers les multiples préavis sollicités, notamment ceux précités et par un examen attentif du projet (arrêt du Tribunal fédéral 1C_226/2016 du 28 juin 2017 consid. 4.3.2 ; ATA/1294/2017 du 19 septembre 2017). Enfin, même le DETA s’est prononcé favorablement.

Il ressort par ailleurs des préavis et de l’audition des responsables de la police du feu qu’il leur est nécessaire d’avoir une place de travail pour pouvoir accéder à toutes les cellules de logement au sud-est du bâtiment aux fins de répondre aux exigences de la directive n° 7 relative à la prévention et sécurité incendie, annexée au règlement d’application de la loi sur la prévention des sinistres, l’organisation et l’intervention des sapeurs-pompiers du 25 juillet 1990 (RPSSP - F 4 05.01). Or, le préavis du service du feu a fait l’objet d’une analyse attentive et fouillée, ledit service ayant exigé de multiples modifications et s’étant penché de façon détaillée sur le dossier, respectivement les 18 juin 2013, 16 septembre 2013, 8 mai 2014, 7 juillet 2014, 12 septembre 2014 avant de préaviser favorablement sous conditions le 23 septembre 2014.

De surcroît, les préavis ont été remaniés à plusieurs reprises. L’accès aux nouveaux bâtiments, par la route de Collex, doit être optimisé en matière de sécurité afin de limiter sa dangerosité tant avec le croisement de la piste cyclable qu’avec son débouché sur la route de Collex. À ce titre, un des intimés a relevé que la seule construction de la maison sur la parcelle no 996 avait créé un goulet d’étranglement qui était dangereux pour le trafic. Le débouché sur la route de Collex du chemin de Martenand complique encore la configuration des lieux et plaide en faveur de la solution actuellement contestée.

L’une des intimées regrette que les dossiers des constructions sur les parcelles nos 105 et 996 n’aient pas été conçus en même temps et coordonnés, ce qui aurait, de son point de vue, permis d’envisager un accès par la parcelle no 105. Outre que cette allégation n’est en rien prouvée, elle impliquerait une recrudescence du trafic dans le rond-point à la hauteur de la bifurcation des routes de Collex et d’Ornex, où circulent aussi les transports publics, lesquels bénéficient d’un arrêt où ils stationnent dans le rond-point situé à droite de la parcelle n° 105. Par ailleurs, s’il est exact que la future construction est projetée en limite des parcelles nos 996 et 997, pour ce qui concerne son sous-sol, le projet autorisé et préavisé unanimement favorablement ne comprend pas la destruction du bâtiment actuellement sis sur la parcelle no 996, ce qui limite les possibilités d’accéder au bâtiment projeté.

Le service des plans d’affection et des requêtes a préavisé favorablement le dossier en date du 29 avril 2013. De même après avoir analysé la situation, la DGT a aussi émis un préavis favorable le 25 avril 2014 sans aucune observation.

Compte tenu du pouvoir d’appréciation restreint de la chambre de céans, il doit être considéré que la première condition de l’art. 24 LAT est remplie.

7) La recourante conteste que la condition d’une implantation imposée négativement par la destination de la construction soit remplie.

a. L’implantation d’un projet de construction est imposée négativement par sa destination lorsqu’aucune zone à bâtir existante ne s’y prête et qu’il ne peut donc être réalisé à l’intérieur de la zone à bâtir. « Compte tenu des dimensions souvent généreuses et des multiples possibilités d’utilisation des zones à bâtir existantes, ainsi que l’obligation de planifier au sens de l’art. 2 LAT, on ne saurait admettre que dans des cas tout à fait exceptionnels que l’implantation d’une construction est imposée négativement par sa destination du fait de l’absence d’une zone à bâtir appropriée. Ainsi convient-il auparavant d’examiner s’il n’existe pas de zone à bâtir adéquate dans un périmètre régional élargi » (Rudolf MUGGELI, op. cit. p. 180).

b. En l’espèce, la totalité de la parcelle no 997 est de 1'602 m2. Même à considérer que l’emprise sur la zone agricole aux fins de construction représente la moitié de celle-ci, elle consisterait en 800 m2. Il ne peut être considéré qu’il s’agit d’une surface « généreuse » selon les termes précités.

S’agissant d’un accès à la zone à bâtir, elle doit nécessairement se situer à côté de celle-ci. Il n’est pas possible d’examiner le « périmètre régional élargi » dans le cas d’espèce. Aucune autre possibilité d’utilisation des zones à bâtir existantes n’est ébauchée dans le dossier dans les multiples préavis des nombreux services consultés. Par ailleurs, la commune de Collex-Bossy avait délivré un préavis pleinement favorable en tenant compte de la meilleure solution pour la circulation au sens de la commune, y compris la coordination avec les lignes de transports publics stationnant dans le rond-point situé à droite de la parcelle n° 105.

La recourante ne fait que substituer sa propre pesée des intérêts à celle dûment effectuée tant par les instances de préavis, singulièrement par la DGA, que par le DALE et par le TAPI.

Enfin, il apparaîtrait disproportionné d’entamer une procédure de modification de zone pour la seule emprise précitée.

Dans ces conditions, il doit être retenu, comme le mentionne d’ailleurs le département, que de façon tout à fait exceptionnelle la seconde condition de l’art. 24 LAT est remplie.

8) La recourante conteste que la décision querellée soit commandée par l’intérêt public ou par un intérêt privé auquel ne s’oppose pas un intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants.

La recourante insiste sur l’intérêt public lié à la préservation du paysage lequel postule de réserver à l’agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables ainsi que la conservation de la zone viticole protégée et garantie par la LVit. Il n’est pas contestable que l’intérêt public à la préservation du paysage, certains intimés parlant de balafre qui porterait atteinte à l’aspect pittoresque de l’entrée du village, doit être pris en compte. De même, la conservation de la zone viticole et la préservation de la qualité des terres cultivables doivent être prises en compte.

Il convient toutefois de relever que, s’il est exact que le préavis du DETA ne détaille que peu sa prise de position, celui-ci a toujours été favorable. Il a par ailleurs précisé sa détermination lors du transport sur place, insistant sur l’absence d’impact sur l’activité agricole du futur projet. Il est vrai que l’exploitation des vignes actuellement proches du chemin sis sur la parcelle no 997 se verra compliquée, voire réduite par la construction projetée. La perte des avantages dont bénéficie actuellement l’exploitant qui peut manœuvrer sur la zone à bâtir, en l’occurrence sur la parcelle no 996, ne peut être retenue comme étant un droit. L’argument du DETA selon lequel la vigne actuelle devra se retirer d’environ 10 m, ce qui va changer le nombre de pieds sans changer le potentiel de production, est fondé, l’activité viticole bénéficiant actuellement d’un avantage qu’elle ne peut pas revendiquer vouloir conserver.

En conséquence, l’arrachage de pieds est inéluctable. Il est toutefois sans grande pertinence dans le cadre de la pesée des intérêts pour autant qu’il doive être pris en compte. La très forte dénivellation de la zone est de la parcelle no 997, sur laquelle est prévu l’accès au parking souterrain, est prouvée par les relevés du SITG. Elle a été constatée lors du transport sur place. Elle n’est de surcroît pas contestée. Elle avait été déjà prise en compte dans les préavis émis en 1995 lesquels évoquaient une « chute dès lors que [le terrain] subissait une forte dénivellation entre les premiers ceps de vigne et la route de Collex ». Cet élément relativise fortement le potentiel agricole de la surface concernée, et, en l’occurrence, la perte de cette surface pour les besoins de la viticulture.

La parcelle n° 997 n’est, par ailleurs, pas comptabilisée dans les surfaces d’assolement.

Enfin, l’intérêt public à la préservation du paysage est en tous les cas pondéré par l’existence d’un chemin depuis 1995, concrétisé en l’état par une servitude de passage à pied et pour tout véhicule autorisée par la commission foncière agricole par décision du 20 novembre 2012. De surcroît, l’autorisation APA 11'576 étant en force, elle lie tant les autorités judiciaires que le département. Or, il découle de celle-ci que l’ancien département des travaux publics avait déjà considéré que la condition relative à l’art. 26 LaLAT était remplie et que l’implantation du chemin d’accès en zone agricole était imposée par sa destination. La direction générale de l’agriculture avait d’ailleurs, dans son préavis du 24 juin 2014, considéré que le projet consistait en l’agrandissement d’un chemin d’accès dans le cadre d’une construction d’immeubles pour immeubles de logement qui avait déjà pour vocation l’accès au bâtiment existant.

L’intérêt public à la construction de logements, à ce que l’accès à ceux-ci puisse être au mieux sécurisé, à ce que les consignes en cas de feu puissent être respectées, prime sur l’intérêt public à réserver de bonnes terres cultivables, à la protection de la zone viticole et à la préservation du paysage sur les mètres carrés concernés par le projet ainsi que sur tout autre intérêt privé éventuel.

En conséquence, compte tenu du pouvoir d’examen limité de la chambre administrative et du fait que la totalité des préavis a été favorable, c’est à bon droit et sans abuser de son pouvoir d’appréciation que le département a considéré que les conditions d’une dérogation au sens de l’art. 24 LAT étaient exceptionnellement remplies et a accordé l’autorisation de construire litigieuse.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87
al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la société qui y a conclu et qui a été assistée par un avocat. L’indemnité de procédure sera à la charge de la recourante. Aucun émolument ne sera mis à la charge des deux intimés intervenant en personne, lesquels avaient renoncé à recourir. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée, ceux-ci n’alléguant pas avoir eu de frais à leur charge pour leur défense. Les frais de transport sur place de CHF 95.- sont compris dans l’émolument.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu’il est recevable le recours interjeté le 28 janvier 2016 par Madame Isabelle HUBMANN contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 décembre 2015 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame Isabelle HUBMANN ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Engtechma SA, à la charge de Madame Isabelle HUBMANN ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Wisard, avocat de la recourante, à Madame Brigitte MAYOR, à Monsieur Roberto GUGLIELMETTI, à Me Patrick
Malek-Asghar, avocat d’Engtechma SA, au département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeants : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :