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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/846/2018

ATA/367/2018 du 18.04.2018 ( FORMA ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/846/2018-FORMA ATA/367/2018

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 18 avril 2018

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

FACULTÉ DE DROIT

 



Attendu, en fait, que :

1) Madame A______, née le ______ 1964, est originaire du Cameroun et titulaire d'un permis d'établissement.

2) Mme A______ s'est inscrite en faculté de droit (ci-après : la faculté) à l'Université de Genève (ci-après : l'université), pour suivre le cursus de baccalauréat universitaire en droit.

3) Son relevé de notes pour la session d'examens d'août/septembre 2017 est le suivant : Introduction au droit 2,50 ; Droit pénal général 1,25 ; Droit des personnes et de la famille 2,50 ; Droit constitutionnel 2,50 ; Fondements romains du droit privé 3,25 ; et Histoire du droit 3,00. Sa moyenne finale étant de 2,50, elle avait échoué à sa première série et était éliminée de la faculté.

4) Le 24 octobre 2017, Mme A______ a formé opposition aux notes obtenues dans ces six matières.

Elle avait été intentionnellement mal notée à cause de son sexe, de son origine africaine et de l'engagement politique de son mari. Ses feuilles avaient été mal ou pas du tout corrigées, et ce de manière arbitraire.

5) Le 6 décembre 2017, la faculté a transmis au président de sa commission des oppositions le dossier d'opposition de Mme A______, qui comprenait la copie des énoncés, les copies d'examens de l'intéressée, ainsi que les préavis des professeurs responsables de chaque enseignement.

6) Par décision du 26 janvier 2018, déclarée exécutoire nonobstant recours, le doyen de la faculté a rejeté l'opposition dans la mesure de sa recevabilité.

L'idée que Mme A______ eût pu faire l'objet de discrimination en raison de son sexe et de son origine était une pétition de principe, rien ne venant étayer ses affirmations. L'intéressée n'avait pas expliqué en quoi la correction ne résistait pas à l'examen. Les préavis fournis par les différents professeurs explicitaient les notes obtenues, qui étaient dénuées d'arbitraires.

7) Par acte posté le 8 mars 2018, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant principalement à son annulation et au droit de poursuivre ses études à la faculté, et préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours.

Le relevé de notes n'avait pas retiré l'effet suspensif, et aucune norme ne prévoyait la possibilité de retirer cet effet suspensif au stade de l'opposition. Aucun intérêt public ne s'opposait par ailleurs à ce qu'elle continue ses études à la faculté. Son intérêt à réussir ses examens de baccalauréat universitaire en droit était gravement menacé par son élimination, raison pour laquelle l'effet suspensif devait être restitué.

Sur le fond, Mme A______ a maintenu l'argumentation contenue dans son opposition, ajoutant qu'elle était en train de recueillir des témoignages d'autres étudiants au sujet de la légèreté avec laquelle les notes étaient attribuées.

8) Le 22 mars 2018, la faculté a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

Le règlement d'études de la faculté, du 15 octobre 2004 (ci-après : RE) prévoyait que l'étudiant dont la moyenne était inférieure à 3 à l'échéance de la session d'août-septembre était éliminé. Cela impliquait une application immédiate ; à défaut, il suffirait à l'étudiant dans cette situation de former opposition pour obtenir une tentative supplémentaire.

Il fallait donc des raisons très sérieuses de douter de la régularité de la décision entreprise pour que l'effet suspensif soit restitué, ce qui n'était pas le cas, Mme A______ se contentant d'allégations générales et non étayées, dont la réalité était au surplus expressément contestée.

9) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) La compétence pour ordonner la restitution de l'effet suspensif au recours appartient au président de la chambre administrative, respectivement au vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, à un juge (art. 7 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010, entré en vigueur le 1er janvier 2011).

2) Aux termes de l'art. 21 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) - loi applicable par renvoi des art. 35 et 37 du règlement relatif à la procédure d’opposition au sein de l’Université de Genève du 16 mars 2009 (RIO-UNIGE) -, l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (al. 1) ; ces mesures sont ordonnées par le président s’il s’agit d’une autorité collégiale ou d’une juridiction administrative (al. 2).

3) En vertu de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités).

Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

5) S'agissant du problème de compétence de la faculté pour prononcer le retrait de l'effet suspensif, son grief se heurte au texte clair de l'art. 66 al. 1 LPA, qui prévoit que cette compétence appartient à l’autorité qui a pris la décision attaquée. Or la décision attaquée est précisément la décision sur opposition, laquelle est du reste adoptée – il s'agit là d'un des aspects de la définition même de l'opposition – par la même autorité qui a statué au départ.

Le grief sera dès lors écarté.

6) Au regard des principes rappelés plus haut, admettre en l’espèce la restitution de l’effet suspensif aurait pour effet que la recourante serait encore étudiante de la faculté et qu’il serait fait droit, de manière provisoire, aux conclusions de celle-ci sur le fond, ce qui est en principe prohibé (ATA/448/2016 du 31 mai 2016 consid. 4 ; ATA/156/2015 du 9 février 2015 consid. 3 ; ATA/893/2014 du 17 novembre 2014 consid. 4). Il n’y a en l’occurrence aucune circonstance exceptionnelle qui justifierait une exception à cette règle (ATA/90/2012 du 16 février 2012).

L’intimée fait pour le reste valoir un intérêt public – légitime – à ce qu’elle n’accueille que des étudiants ayant rempli les critères académiques de sélection (ATA/263/2018 du 20 mars 2018 consid. 7 ; ATA/74/2015 du 20 janvier 2015 consid. 4). Cet intérêt prime l’intérêt privé de la recourante à continuer de bénéficier du statut d’étudiante pour suivre des cours de la faculté alors qu’elle n’en remplit plus les conditions selon l’université, ce d'autant plus que les chances de succès du recours n'apparaissent, prima facie, pas suffisantes pour contrebalancer cet intérêt, la recourante faisant valoir des discriminations à son égard sans guère apporter d'éléments concrets pour étayer ses thèses.

7) La restitution de l'effet suspensif sera donc refusée, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Vu le recours interjeté le 8 mars 2018 par Madame A______ contre la décision de la faculté de droit du 26 janvier 2018 ;

vu les art. 21 et 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 septembre 2017 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Madame A______ ainsi qu'à la faculté de droit.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

Ch. Junod

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :