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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/297/2012

ATA/90/2012 du 16.02.2012 ( FORMA ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/297/2012-FORMA ATA/90/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 16 février 2012

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame V______
représentée par Me Pascal Junod, avocat

contre

FACULTÉ DES SCIENCES éCONOMIQUES ET SOCIALES

et

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 


attendu, en fait, que :

1. Madame V______ a été inscrite à la faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté) de l’Université de Genève (ci-après : l’université) pour poursuivre des études en vue d’obtenir un baccalauréat universitaire en gestion d’entreprise.

2. Le 8 décembre 2011, le doyen de la faculté a rejeté l’opposition formée par Mme V______ contre une décision prononçant son élimination. La commission instaurée par le règlement relatif à la procédure d’opposition au sein de l’université du 16 mars 2009 (RIO-UNIGE) avait émis un préavis négatif. L’élimination de l’étudiante était justifiée au regard de l’art. 24 al. 1 du règlement d’études de la faculté, et ne constituait pas une sanction liées au fait que l’intéressée avait été surprise pendant un examen en possession de documents prohibés.

3. Par acte posté le 30 janvier 2012, Mme V______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours, concluant sur le fond à l’annulation de la décision sur opposition du 8 décembre 2011 et à ce qu’elle soit autorisée à repasser son années académique. Préalablement, elle concluait à la restitution de l’effet suspensif..

4. L’université conclut au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif le 18 janvier 2012.

 

considérant, en droit, que :

1. La recevabilité du recours sera laissée ouverte en l’état.

2. Selon l’art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le recours a effet suspensif. A teneur de cette même disposition, l’autorité décisionnaire peut retirer l’effet suspensif au recours, lequel peut être restitué par la juridiction de recours sur requête de la partie dont les intérêts sont gravement menacés (art. 66 al. 2 LPA).

3. Il est conforme à l’institution de l’effet suspensif que celui-ci empêche ou paralyse l’exécution d’une décision sujette à un recours jusqu’à droit connu, c’est-à-dire jusqu’au moment où l’autorité de recours se sera prononcée sur le fond de la cause. Selon la doctrine et la jurisprudence du Tribunal fédéral, une ordonnance d’effet suspensif peut avoir pour objet une décision positive, qui confère un droit à l’administré ou lui impose une obligation, ou encore qui constate l’existence de l’un ou de l’autre. Il est exclu en revanche d’attribuer un effet suspensif à une décision négative qui écarte une demande ; la suspension des effets de cette décision, faute d’impliquer l’admission de la demande repoussée, ne rimerait à rien (T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n° 1394, p. 458  ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, 1984, p. 923 ; F. GYGI, L’effet suspensif et les mesures provisionnelles en procédure administrative, in RDAF 1976, n° 4 pp. 217 ss ; RDAF, 1994, p. 320). Dans un tel cas, la voie à suivre pour l’obtention de mesures provisoires pendant la durée de la procédure de recours est celle de mesures provisionnelles au sens de l’art. 21 al. 1 LPA (ATF 117 V 185 ss ; ACOM/21/2008 du 20 février 2008, et les références citées).

4. En l’espèce, la question de savoir si la décision d’élimination constitue une décision à caractère négatif peut être laissée ouverte. L’élimination de la recourante constitue la conséquence de la note attribuée dans un enseignement obligatoire. Cette note étant contestée, cette question sera traitée avec le fond du recours. Dans l’intervalle, l’intérêt public à ce que l’université n’accueille que des étudiants ayant rempli les critères de sélection prime à l’intérêt privé de la recourante à poursuivre ses études. C’est à juste titre que la faculté a déclaré sa décision initiale exécutoire nonobstant recours et l’examen prima facie des circonstances de la présente cause n’autorise pas à restituer l’effet suspensif au recours.

5. A teneur de l’art. 21 LPA, auquel renvoie l’art. 35 RIO-UNIGE, l’autorité administrative peut ordonner, d’office ou sur requête, des mesures provisionnelles lorsqu’il est nécessaire de régler provisoirement la situation en cause, jusqu’au prononcé de la décision finale. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, de telles mesures ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis, et elles ne peuvent anticiper le jugement définitif (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper sur le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (I. HAENER, Vorsogliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

Des exceptions sont concevables, notamment lorsque l’effet suspensif ne peut être envisagé, parce que la décision contestée constitue une décision négative. Il est alors possible d’ordonner une mesure provisionnelle correspondant - hormis son caractère provisoire - à ce qui est demandé au fond (ATF 116 Ib 344 consid. 3 ; X. BAUMBERGER, Aufschiebende Wirkung bundesrechtlicher Rechtsmittel im öffentlichen Recht, Zurich 2006, n. 103 ; déjà A. KÖLZ, VRG - Kommentar zum Verwaltungsrechtspflegegesetz des Kantons Zürich, Zurich 1978, n. 21 ad art. 6), mais le prononcé de telles mesures provisionnelles présuppose une urgence de la situation, de même qu’un inconvénient difficile à réparer pour le requérant, et nécessite une pesée des intérêts en présence (ATF 117 V 185 consid. 2b ; A. SCHWANK, Das verwaltungsinterne Rekursverfahren des Kantons Basel-Stadt, in D. BUSER [éd.], Neues Handbuch des Staats - und Verwaltungsrecht des Kantons Basel-Stadt, Bâle 2008, pp. 435-475, 459). En d’autres termes, il faut que l’absence de mesures provisionnelles rende illusoire le bénéfice de l’admission du recours, ou place manifestement l’intéressé dans une situation excessivement rigoureuse, sans qu’un intérêt public exige d’attendre la décision au fond (ATA/601/2011 du 21 septembre 2011; P. MOOR/E. POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., Berne 2011, p. 307 note 619).

6. En l’espèce, les conclusions préalables prises par la recourante, au-delà de la restitution de l’effet suspensif, visent à être autorisée à repasser son année académique malgré la décision d’élimination. De telles conclusions doivent être interprétées comme une requête de mesures provisionnelles. Celle-ci doit cependant être rejetée car ces conclusions se confondent avec celles que la recourante prend sur le fond de son recours. Or, le juge ne saurait, par le biais d’une décision sur mesures provisionnelles, rendre une décision qui équivaudrait précisément à l’admission du recours sur le fond (ATA/29/2011 du 18 janvier 2011 ; ATA/155/2009 du 27 mars 2009) et il n’y a aucune circonstance exceptionnelle qui justifie une exception à cette règle.

7. Au vu de ce qui précède, la requête en restitution de l’effet suspensif et en ordonnance de mesures provisionnelles sera rejetée.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de restitution de l’effet suspensif au recours, respectivement de mesures provisionnelles, formée par Madame V______ ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Pascal Junod, avocat de la recourante, à la faculté des sciences économiques et sociales ainsi qu'à l'Université de Genève.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :