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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2782/2017

ATA/263/2018 du 20.03.2018 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2782/2017-FORMA ATA/263/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 mars 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1985, ressortissant syrien, a sollicité le 24 novembre 2014, son admission au cursus de maîtrise (master) en biologie chimique de la faculté des sciences (ci-après : la faculté) de l'Université de Genève (ci-après : l'université).

Il était au bénéfice d'un baccalauréat universitaire (bachelor) en pharmacie, obtenu en Syrie en 2008, et a dès lors déposé une demande d'équivalence auprès de la faculté.

2) Le 22 janvier 2015, le conseiller aux études de la faculté a informé M. A______ que les études qu'il avait effectuées antérieurement ne lui permettaient pas d'entreprendre la maîtrise universitaire (master) en biologie chimique.

Il serait toutefois admissible, sous réserve de son immatriculation au semestre d'automne 2015, à un complément de baccalauréat universitaire en sciences, avec un plan d'études à définir. La réussite de ce prérequis lui permettrait d'entrer, au semestre d'automne 2016, dans le cursus de maîtrise en biochimie.

3) M. A______ s'est inscrit, le 1er avril 2015, à ce complément, mais n'en a pas suivi les cours.

4) Le 27 janvier 2016, M. A______ a sollicité son admission à la fois au cursus du master en pharmacie, à celui du Master of Science in global Health, ainsi qu'à celui du baccalauréat universitaire en économie et gestion d'entreprise (management), les trois formations commençant au semestre d'automne 2016.

5) Le 4 avril 2016, le conseiller aux études de la faculté a informé M. A______ que les études qu'il avait effectuées antérieurement ne lui permettaient pas d'entreprendre le master en pharmacie.

Il serait toutefois admissible, sous réserve de son immatriculation au semestre d'automne 2016, dans les cursus de certificat complémentaire théorique en sciences pharmaceutiques et de certificat complémentaire pratique en sciences pharmaceutiques. La réussite de ces deux certificats, valant trente crédits ECTS (European Credits Transfer System) chacun, lui permettrait d'être ensuite admis en 1ère année de la maîtrise en pharmacie. Il devait en outre remplir les conditions d'immatriculation et se soumettre aux procédures de l'administration centrale de l'université.

6) Le 28 avril 2016, le Global Studies Institute de l'université a indiqué que sa demande d'admission au Master of Science in global Health – formulée à une date indéterminée – avait été rejetée.

7) À une date indéterminée en 2016, M. A______ a en revanche été admis au cursus de baccalauréat universitaire en économie et management de la faculté d'économie et de management (ci-après : FEM), d'une durée de six semestres au minimum, cursus qu'il a entamé au semestre d'automne 2016-2017.

8) Le 20 février 2017, M. A______ a demandé son admission à la maîtrise en management de la FEM.

Il était titulaire d'un baccalauréat universitaire en pharmacie et possédait cinq ans d'expérience dans la vente et le marketing de produits pharmaceutiques. Il allait obtenir d'ici la rentrée universitaire 2017-2018 60 crédits ECTS en économie et management.

9) Le 29 mars 2017, le doyen de la FEM a communiqué à M. A______ que sa candidature à la maîtrise en management, après examen des dossiers par le comité scientifique, n'avait pas été retenue. En raison du grand nombre de candidatures, le choix avait porté sur les dossiers comportant les meilleurs « backgrounds » et résultats lors du dernier diplôme acquis.

10) Le 4 avril 2017, M. A______ a formé opposition contre la décision précitée, en concluant à ce que la FEM revienne sur son refus.

Il remplissait les conditions d'inscription à la maîtrise, en particulier du point de vue des prérequis académiques. La décision était basée sur une explication très irrationnelle et sur une discrimination entre les candidats, les critères mentionnés n'étant ni mesurables, ni mentionnés dans le règlement d'études de la maîtrise universitaire de la FEM (entré en vigueur le 15 septembre 2014 ; ci-après RE). L'art. 16 de la loi sur l'université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30) prévoyait que l'université était ouverte à toute personne remplissant les conditions d'immatriculation et d'inscription.

11) Par décision du 16 juin 2017, le doyen, sur préavis du comité scientifique, a rejeté l'opposition.

La FEM avait reçu plus de 200 candidatures externes, sans compter celles d'étudiants issus de l'université. Dès lors, elle avait dû procéder à une sélection drastique, et le dossier de M. A______, bien que très bon, n'avait pas été retenu dans la sélection finale. Seuls les meilleurs dix pour cent des candidatures avaient été retenus.

12) Par acte déposé le 28 juin 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée.

Les conditions prévues par le RE étaient seulement d'être titulaire d'un baccalauréat universitaire ou d'un titre jugé équivalent. Si le baccalauréat universitaire n'était pas dans la même branche d'études que la maîtrise, il fallait avoir fait un complément de 60 crédits ECTS, complément qu'il avait précisément effectué en 2017. La FEM admettait par ailleurs que son dossier était très bon, mais rejetait sa candidature sans aucun motif valable et de manière irrationnelle. Or l'université était, de par la loi, ouverte à toute personne remplissant les conditions d'inscription.

L'art. 17 al. 1 LU prévoyait certes la possibilité d'une restriction d'accès en raison du nombre limité de places, mais cela supposait que l'université en fît la demande au Conseil d'État, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence.

13) Le 4 août 2017, l'université a conclu au rejet du recours.

L'admission à la maîtrise était ouverte aux titulaires d'un baccalauréat dans l'une des branches d'études correspondantes ou associées à la maîtrise en question, soit en l'occurrence un baccalauréat en économie et management avec pour majeure ou mineure la gestion d'entreprise et, pour la branche associée, un baccalauréat en marketing par exemple. La maîtrise en gestion d'entreprise ne disposant pas de programme complémentaire, les possibilités d'admission basées sur l'art. 6 al. 3 let. b et al. 7 RE ne s'appliquaient pas à ce cursus. Tous les candidats intéressés ayant contacté par courriel la coordinatrice de programme avaient reçu la même réponse, à savoir que la maîtrise ne proposait pas de programme complémentaire.

Pour la rentrée académique 2017-2018, la FEM avait reçu 250 candidatures et avait admis environ 70 candidats, lesquels étaient tous porteurs d'un baccalauréat de la branche d'études correspondante (gestion d'entreprise), ou associée (tel le marketing). Ainsi, indépendamment du nombre d'étudiants que le cursus pouvait accueillir, si M. A______ avait pu se prévaloir d'un baccalauréat universitaire dans une branche d'études correspondante ou associée, il aurait été donné suite à sa demande d'admission.

Le recours confondait au demeurant conditions générales d'immatriculation à l'université et conditions particulières d'admission à un cursus donné.

Quant à la remarque qu'il s'agissait d'un très bon dossier, cela signifiait que le dossier était intéressant mais pour d'autres types de formation.

14) Le 8 août 2017, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 25 août 2017 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

15) Le 10 août 2017, M. A______ a persisté dans ses conclusions, demandant au surplus à la chambre administrative d'octroyer l'effet suspensif à son recours.

16) L'université ne s'est quant à elle pas manifestée.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 43 al. 2 de la loi sur l’université du 13 juin 2008 - LU - C 1 30 ; art. 18 al. 1, 19 al. 2 et 36 al. 1 du règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'université du 16 mars 2009 - RIO-UNIGE ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige porte sur le refus d'admission du recourant au cursus de maîtrise en management commençant au semestre d'automne 2017-2018.

3) La décision de refus d'admission à l’origine de la décision attaquée du 16 juin 2017 ayant été prise le 21 mars 2017, le litige est soumis aux dispositions de la LU, du statut de l’université, approuvé par le Conseil d'État le 27 juillet 2011 et entré en vigueur le lendemain (ci-après : le statut), du RIO-UNIGE et du RE.

4) a. L’université est ouverte à toute personne remplissant les conditions d’immatriculation et d’inscription (art. 16 al. 1 LU). Les conditions d’inscription sont fixées dans les règlements des unités principales d’enseignement et de recherche ou des autres unités d’enseignement et de recherche (16 al. 6 LU).

b. En cas de nécessité, lorsque le nombre de places l’exige, le Conseil d’État peut limiter, à la demande de l’université, par un arrêté valable pour une seule rentrée universitaire, l’accès aux études dans une unité principale d’enseignement et de recherche, sous réserve de l’al. 2 ; dans ce cas, le Conseil d’État et l’université veillent à atténuer dans toute la mesure du possible les conséquences de cette limitation, notamment dans le cadre de l’espace suisse de formation et en tenant compte des modalités d’accès fixées d’un commun accord sur le plan suisse (art. 17 al. 1 LU).

Selon l’exposé des motifs du projet de loi (ci-après : PL) 10’103 déposé le 30 août 2007, l’art. 17 al. 1 LU résulte du principe de la réserve de la loi tel que découlant de la jurisprudence du Tribunal fédéral exigeant que des restrictions exceptionnelles au libre accès à l'université, soient prévues dans la loi (MGC 2006-2007/XI A 10360).

c. Selon l'art. 56 du statut, des conditions d'admissions particulières peuvent être prévues par les règlements d'études.

d. Le RE régit les programmes de maîtrise que propose la FEM, à savoir celles en sciences économiques, en gestion d'entreprise, et en statistique, ainsi que la maîtrise universitaire spécialisée en commerce international, financement des matières premières/marchandises et transport maritime (art. 2 RE).

Selon l'art. 6 RE, sont admissibles les titulaires d'un baccalauréat universitaire (180 crédits au moins) ou d'un titre jugé équivalent par le doyen (art. 6 al. 1 RE). L'admission à une maîtrise universitaire consécutive (c'est-à-dire dont les études se situent dans le prolongement disciplinaire des études du baccalauréat universitaire précédent, art. 3 al. 1 RE) ou non consécutive est directe et sans condition supplémentaire, selon la maîtrise, pour le titulaire d'un baccalauréat universitaire dans l'une des branches d'études correspondantes ou associées à la maîtrise universitaire (art. 6 al. 3 let. a RE), ou le candidat qui peut justifier dans son dossier de candidature des connaissances minimales définies par le programme complémentaire donnant accès à la maîtrise, selon l'art. 6 al. 7 let. a RE (art. 6 al. 3 let. b RE). L'admission dans une maîtrise universitaire, pour le candidat dont les connaissances minimales ne seraient pas jugées suffisantes par le comité scientifique institué par l'art. 9 RE, ou dont le baccalauréat universitaire ne fait pas partie de la ou des branches d'études correspondantes ou associées à la maîtrise universitaire, peut être subordonnée à la réussite d'un programme complémentaire (art. 6 al. 7 let. a RE).

5) En l'espèce, le recourant invoque une violation de l'art. 17 al. 1 LU, qui met en place une procédure spécifique en cas de numerus clausus. Même s'il est vrai que la décision et la décision sur opposition donnent à croire qu'il pourrait y avoir eu une limitation des places en programme de maîtrise en gestion d'entreprise – et qu'il est regrettable que l'université ait attendu le stade de la réponse au recours par-devant la chambre de céans pour clarifier la situation et préciser que le refus d'admission était en lien avec le manque de qualifications académiques du recourant –, tel n'est pas le cas. En effet, tous les titulaires d'un baccalauréat universitaire en économie et management avec une majeure ou une mineure en gestion d'entreprise, notamment, devaient être acceptés sans que l'on puisse leur opposer un numerus clausus.

L'art. 17 al. 1 LU n'était ainsi pas applicable à la présente procédure, si bien que le grief y relatif sera écarté.

6) Quant aux qualifications académiques requises, il est constant que le recourant est titulaire d'un baccalauréat universitaire en pharmacie, obtenu à l'étranger, et qu'au moment de sa postulation au programme de maîtrise il était en train d'effectuer son cursus de baccalauréat universitaire en économie et management, sans l'avoir cependant achevé.

Par ailleurs, il n'était prévu aucun programme complémentaire à la maîtrise en gestion d'entreprise au sens de l'art. 6 al. 7 RE, étant précisé qu'il découle de la formule « selon la maîtrise » utilisée à l'art. 6 al. 3 RE, que la possibilité de bénéficier d'un tel programme complémentaire, prévue à l'art. 6 al. 3 let. b RE, n'est pas forcément offerte pour tous les programmes de maîtrise. En outre, les 60 crédits ECTS acquis par hypothèse par le recourant dans le cadre d'un baccalauréat universitaire ne correspondent à l'évidence pas aux 60 crédits d'un programme complémentaire tel que prévu par les dispositions précitées.

Enfin, lorsqu'il invoque l'art. 16 al. 1 LU, le recourant perd de vue que cette disposition prévoit justement que le candidat à un programme universitaire doit remplir à la fois les conditions (générales) d'immatriculation et les conditions (spéciales) d'inscription au programme universitaire considéré – si seules les premières étaient pertinentes, le titulaire d'une maturité suisse pourrait directement s'inscrire en vue d'obtenir un diplôme avancé tel qu'un doctorat, ce qui serait dénué de sens.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7) Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la demande d'effet suspensif contenue dans les dernières écritures du recourant. Il sera au surplus rappelé que la décision attaquée était négative, et donc non susceptible d'être dotée d'un quelconque effet suspensif. Par ailleurs, que la chambre de céans a déjà reconnu dans ce cadre que l'université disposait d'un intérêt public légitime à n’accueillir que des étudiants remplissant les critères académiques de sélection (ATA/74/2015 du 20 janvier 2015 consid. 4).

8) Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant, qui a prouvé être dispensé du paiement des taxes universitaires (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Au vu de l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu'à l'université, qui dispose d'un service juridique compétent pour traiter ce type de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2017 par Monsieur A______ contre la décision sur opposition de l'Université de Genève du 16 juin 2017 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :