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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1134/2017

ATA/350/2018 du 17.04.2018 sur JTAPI/934/2017 ( LDTR ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.05.2018, rendu le 18.10.2019, REJETE, 1C_250/2018
Parties : CAP FONDATION DE PREVOYANCE INT DE DROIT PUBLIC DE LA VILLE DE GENEVE DES SIG ET COMMUNES GENEVOISES AFF / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1134/2017-LDTR ATA/350/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 avril 2018

 

dans la cause

 

CAP, FONDATION DE PRÉVOYANCE INTERCOMMUNALE DE DROIT PUBLIC DE LA VILLE DE GENÈVE, DES SERVICES INDUSTRIELS ET COMMUNES GENEVOISES AFFILIÉES
représentée par Me Andreas Fabjan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 septembre 2017 (JTAPI/934/2017)


EN FAIT

1) En 1963, la société immobilière Parc-Voirons (ci-après : SI Parc-Voirons), propriétaire de la parcelle n° 3’621 de la commune de Genève – Petit-Saconnex, sise 12B route de Meyrin, a construit un immeuble destiné à l’habitation
(ci-après : l’immeuble).

2) Par arrêté du 31 mai 1968, le Conseil d’État a limité, pour une durée de quinze ans, dès le 1er juillet 1966, les loyers que la SI Parc-Voirons était autorisée à percevoir pour l’immeuble. En application de la loi du 8 février 1964 autorisant le Conseil d’État à octroyer des exemptions fiscales en vue d’encourager la construction de logements à loyer réduit, la société était exemptée de certains impôts, listés, pendant la même durée.

Par le même arrêté, le Conseil d’État a validé le plan financier de l’immeuble, en fonction du nombre total de pièces de l’immeuble, soit
cent quarante-trois pièces réparties dans trente-trois logements (onze logements de trois pièces, onze de quatre pièces et demie, et onze de cinq pièces et demie).

3) L’immeuble a été acquis par la Caisse d’assurance du personnel de la Ville de Genève, des Services industriels et du personnel communal transféré dans l’administration communale le 29 décembre 1970.

L’ensemble des actifs et passifs de cette caisse ont été transférés par succession universelle à la CAP, Fondation de prévoyance intercommunale de droit public de la Ville de Genève, des Services industriels de Genève et des communes genevoises affiliées ainsi que d’autres employeurs affiliés conventionnellement (ci-après : CAP Prévoyance ou la caisse) le 1er janvier 2014.

4) Le 10 février 2017, la caisse a déposé une demande d’autorisation de construire portant sur la rénovation d’un appartement de quatre pièces et demie au 1er étage de l’immeuble, d’une surface de 69 m2, dossier enregistré sous les références APA 46'990. Le coût estimé des travaux s’élevait à CHF 80'000.-.

5) Le 14 février 2017, le « service LDTR » a émis un préavis favorable, sous conditions.

Les dispositions de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) devaient être respectées. « Le loyer de l’appartement de quatre pièces situé au premier étage n’excéder[ait] pas après travaux son niveau actuel soit CHF 13’620.- l’an, soit CHF 3’405.- la pièce l’an. Ce loyer ser[ait] appliqué pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux ».

Le comptage des pièces suivait le règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01). Il s’agissait d’un appartement de quatre pièces et non de quatre pièces et demie. L’espace communautaire regroupait la cuisine de 7,4 m2 et le séjour de 23,3 m2, ce qui totalisait 30,7 m2. La surface d’espace communautaire était suffisante pour un appartement de quatre pièces et comptait pour deux pièces RGL. Les deux chambres comptaient pour une pièce chacune. Il n’y avait pas de demi-pièce supplémentaire.

6) L’autorisation de construire a été délivrée le 23 février 2017.

Les conditions figurant dans le préavis du service LDTR du 14 février 2017 devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation.

7) Par acte du 29 mars 2017, CAP Prévoyance a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant principalement à ce qu’il soit dit et constaté que l’appartement concerné comportait quatre pièces et demie, que l’autorisation de construire soit modifiée en fixant le loyer après travaux à CHF 15’323.- par an au maximum (soit 4,5 x CHF 3’405.-/pièce/an) pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux, confirmer l’autorisation pour le surplus, sous suite de « frais et dépens ». Subsidiairement, elle demandait l’annulation de la décision litigieuse et le renvoi du dossier au DALE pour nouvelle décision fondée sur un nombre de quatre pièces et demi pour l’appartement en question.

L’état locatif de l’immeuble de la caisse avait été approuvé par arrêté du Conseil d’État du 31 mai 1968. Un contrat de droit administratif liait ainsi l’État à la caisse, le premier s’engageant à accorder son aide à certaines conditions et la seconde à ne pas exiger des habitants de l’immeuble de loyers supérieurs à l’état locatif autorisé. Si les demi-pièces n’avaient pas été retenues, le bâtiment aurait disposé au total de onze pièces en moins, soit cent trente-deux au lieu de
cent quarante-trois. Le loyer par pièce aurait à l’évidence été plus élevé que celui retenu dans l’arrêté. L’arrêté du Conseil d’État constituait en conséquence un droit acquis puisqu’il avait été accordé en échange d’une contre-prestation, soit le contrôle d’un rendement et des loyers, et la constatation d’un état locatif. En vertu de la règle pacta sunt servanda, l’État ne pouvait modifier à sa guise les conditions accompagnant le contrôle officiel des loyers.

L’application du principe de la bonne foi conduisait au même résultat.

8) Après un double échange d’écritures, le TAPI a, le 5 septembre 2017, rejeté le recours.

9) Par acte du 13 octobre 2017, CAP Prévoyance a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Le TAPI avait constaté de façon inexacte et incomplète les faits. L’arrêté du Conseil d’État du 31 mai 1968 ainsi que le plan financier auquel il se référait et qu’il validait expressément mentionnaient non seulement le nombre de pièces total de l’immeuble ainsi que le rendement locatif maximum admissible, mais définissaient et validaient de manière précise le nombre de pièces de chaque appartement ainsi que le loyer maximum admissible pour chacun d’eux.

Le TAPI n’avait pas traité, conformément aux exigences légales, le grief de la recourante de violation des droits acquis. Il s’était limité à renvoyer à un autre de ses jugements. L’argumentation juridique de la recourante n’avait fait l’objet d’aucune discussion, ni analyse de la part du TAPI. La motivation était insuffisante. Cela était constitutif à la fois d’un déni de justice et d’une violation du droit d’être entendu. Par ailleurs, le cas d’espèce différait du jugement auquel le TAPI se référait en ce sens que l’arrêté du Conseil d’État et le plan financier y relatif mentionnaient la fixation des loyers non pas pour l’immeuble dans son ensemble, mais de manière individualisée.

L’art. 88 RGL avait été violé. Les dispositions transitoires du règlement réservaient expressément les dispositions particulières prises par le Conseil d’État pour les immeubles concernés, comme en l’espèce.

La recourante persistait dans son argumentation relative au grief de violation des droit acquis. La décision de l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) de supprimer une demi-pièce revenait à diminuer le loyer maximum admissible de plus de 11 %. En transposant ce résultat à l’ensemble de l’immeuble, il en résulterait une diminution de sa valeur, déterminée pour les immeubles locatifs par capitalisation des revenus, de près de deux millions, soit une perte de valeur de plus de 10 %. Transposé à l’ensemble du parc immobilier de la recourante, cela se chiffrerait à plusieurs dizaines de millions de francs. Le patrimoine immobilier de la recourante était une part d’investissement essentielle de son patrimoine et contribuait à son équilibre financier de caisse de pension publique et poursuivait un but d’assurance sociale. De surcroît, une telle décision déploierait également des conséquences sur le plan fiscal, la valeur de l’immeuble en étant diminuée. Il n’existait aucun intérêt public majeur qui justifierait de revenir sur les garanties accordées par l’arrêté du Conseil d’État en 1968. Contrairement à ce que soutenait le TAPI, le département n’était pas la seule autorité compétente pour rendre ce type de décision. Le Conseil d’État l’était également tant à l’époque en application de la loi du 8 février 1964 mentionnée dans l’arrêté qu’actuellement en application de son droit d’évocation.

10) Le 14 novembre 2017, le département a conclu au rejet du recours.

11) La recourante a persisté dans ses conclusions dans sa réplique datée du 12 décembre 2017.

12) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le calcul du nombre de pièces de l’appartement faisant l’objet de l’autorisation de construire APA 46'990 du 10 février 2017.

3) Dans un premier grief, la recourante se plaint d’une constatation incomplète, voire inexacte des faits. Selon elle, l’arrêté du Conseil d’État du 31 mai 1968 ainsi que le plan financier auquel il se réfère mentionne non seulement le nombre de pièces total de l’immeuble ainsi que le rendement locatif maximum admissible, mais valide aussi le nombre de pièces et le loyer de chaque appartement pris individuellement.

a. L’arrêté précité du 31 mai 1968 stipule que la SI Parc-Voirons est autorisée à percevoir des locataires de l’immeuble concerné les loyers « conformément au plan financier du 11 juillet 1963 et à l’état locatif du 9 avril 1968 visé plus haut ». Dans les considérants qui précèdent, il est retenu un prix de revient total de l’immeuble de CHF 3'041'325.- selon le plan financier du 11 juillet 1963. Le rendement locatif annuel total mentionné est de CHF 207'744.- « soit pour
cent quarante-trois pièces, dont nonante et une à CHF 1'566.15 l’an et
cinquante-deux à CHF 1'032.75 l’an ainsi que pour un certain nombre de box et d’emplacements de parking ». Était joint un document de huit pages comprenant outre des plans, la description et des données générales relatives à l’immeuble tel que le cube de construction (12’435 m3), un plan financier sur une page et un état locatif sur deux pages. Ce dernier détaille les appartements se trouvant sur chaque étage, leur nombre de pièces, le nom des locataires, l’échéance des baux et le loyer y relatif. Il ressort dès lors de l’état locatif que l’appartement concerné de quatre pièces et demie au premier étage avait, à l’époque, pour locataire une personne nommée « HOSPITAL », dont le bail arrivait à échéance le 28 février 1971 pour un loyer de CHF 5'040.-. En conséquence, l’arrêté du 31 mai 1968 valide le nombre de pièces et le loyer de chaque appartement pris individuellement.

b. Le département oppose le fait que le dispositif de l’arrêté dont se prévaut la recourante ne fait que se référer à l’état locatif produit sans pour autant valider ou confirmer l’exactitude du contenu de celui-ci.

c. L’arrêté reprenant le nombre de cent quarante-trois pièces détaillées dans l’état locatif, cet argument ne résiste pas à l’examen. Le grief de constatation inexacte des faits est fondé.

4) Dans un second grief, la recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue en raison d’une insuffisance de motivation du jugement, lequel se limiterait à renvoyer à un autre jugement du TAPI.

a. La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1).

b. En l’espèce, la recourante a pu se rendre compte de la portée du jugement à son égard et recourir en connaissance de cause. Même à considérer qu’il y ait eu une violation de son droit d’être entendue, celle-ci serait réparée compte tenu des développements qui suivent, la chambre de céans disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 138 I 97 consid. 4.1.6.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2.).

5) a. L’art. 1 RGL définit la façon de calculer le nombre de pièces des logements soumis à la LGL, sauf des logements d’utilité publique.

b. Le RGL est applicable aux immeubles admis au bénéfice de la loi du 28 juin 1974 ainsi que l’une des lois abrogées en application de l’article 33 de ladite loi, sous réserve des dispositions particulières fixées par le Conseil d’État pour chacun de ces immeubles (art. 88 RGL).

c. En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que le RGL est applicable.

Se pose la question de savoir si, comme le soutient la recourante, les éléments qui figurent dans l’arrêté du Conseil d’État, dont elle considère que le nombre de pièces pour l’appartement concerné fait partie, bénéficie d’une garantie de stabilité particulière et prévalent sur les éventuelles dispositions divergentes du RGL.

6) La recourante se prévaut d’un contrat de droit administratif.

a. Le contrat de droit administratif est un acte régi par le droit public qui résulte de la concordance de deux ou plusieurs manifestations de volonté concrétisant la loi dans un cas d’espèce, ayant pour objet l’exécution d’une tâche publique et visant à produire des effets bilatéraux obligatoires (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 331 n. 970).

b. En l’espèce, la question de la qualification du document souffrira de rester indécise dès lors qu’en tous les cas, le contrat serait échu depuis 1981. Le document date d’il y a cinquante ans et prévoyait des modalités pour quinze ans. 

Par ailleurs, le contrat n’est pas pertinent pour le présent litige. Celui-ci porte sur la fixation du loyer d’un appartement après rénovation alors que le contrat allégué concernait les loyers que la société immobilière était autorisée à percevoir de 1966 à 1981 suite à la construction de l’immeuble, et les exemptions fiscales consenties à ladite société pour la même période.

La recourante ne peut se prévaloir d’un contrat de droit administratif.

7) La recourante se prévaut de la dérogation de l’art. 88 RGL selon laquelle l’immeuble bénéficierait de dispositions particulières du Conseil d’État, à savoir que le nombre de pièces, tel que validé et arrêté par le Conseil d’État en 1968 serait expressément réservé par le RGL et devrait prévaloir sur la LGL et son règlement d’application.

Conformément au considérant qui précède, il ne peut être retenu que la mention « les loyers que la SI Parc-Voirons est autorisée à percevoir des locataires de l’immeuble sis route de Meyrin n° 12 B sont limités, pour une durée de quinze ans dès le 1er juillet 1966, conformément au plan financier du 11 juillet 1963 et à l’état locatif du 9 avril 1968, visés ci-dessus » réponde à la définition de « dispositions particulières fixées par le Conseil d’État pour [l’]immeuble ». En tout état, et même à considérer que tel serait le cas, les « dispositions particulières fixées par le Conseil d’État » l’étaient pour quinze ans, soit jusqu’au 30 juin 1981.

La recourante ne peut se prévaloir de la dérogation de l’art. 88 RGL.

8) La recourante invoque une violation de ses droits acquis.

a. Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice (ATF 129 II 361 consid. 7.1) et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite
(ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; ATA/17/2017 précité). Le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), n’empêche pas ainsi les changements de loi ; il lie également le législateur, en particulier s’il a promis dans la loi que celle-ci ne serait pas modifiée ou serait maintenue telle quelle pendant un certain temps, créant ainsi un droit acquis (ATF 128 II 112 consid. 10b/aa ; ATA/509/2006 du 19 septembre 2006).

À cet égard, les droits acquis ne peuvent se fonder que sur une loi, un acte administratif ou un contrat de droit administratif ; l’autorité doit avoir voulu exclure toute suppression ou restriction ultérieure du droit par une modification législative (ATA/509/2016 précité ; SJ 1999 I 129, p. 141).

b. En l’espèce, il ne ressort pas du dossier que l’État ait donné des garanties à la recourante que le décompte du nombre de pièces ne serait jamais modifié. La recourante ne le prétend d’ailleurs pas.

En particulier, force est de constater que la loi a changé depuis l'édification du bâtiment concerné et que la recourante n'a jamais reçu l'assurance que l'appartement concerné serait toujours considéré comme un quatre pièces et demi (ATA/673/2017 précité consid. 9b). Celle-ci ne peut ainsi pas faire valoir de droits acquis, les conditions précitées, nécessaires et cumulatives, n'étant pas remplies.

L’argument de la recourante selon lequel « il est dans le cours ordinaire des choses qu’un appartement dont le Conseil d’État a constaté qu’il dispose de 4,5 pièces, soit considéré pendant toute son existence comme un 4,5 pièces, en tous les cas dans la mesure où la disposition intérieure de pièces n’est pas modifiée » fait fi des principes susmentionnés et ne peut être suivi. L’argument financier n’est pas de nature à modifier les conclusions qui précèdent, étant rappelé que, selon l’autorisation querellée, le loyer n’a pas à être diminué et peut demeurer inchangé.

Le grief est infondé.

9) a. En règle générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/1097/2017 du 18 juillet 2017 ; ATA/412/2017 du 11 avril 2017 consid. 6 et les références citées ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, 3ème éd., 2012, vol. 1, p. 184).

Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de l'art. 8 Cst., ainsi que de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi garanties par les art. 5 et 9 Cst.

L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n'est possible qu'à des conditions strictes, soit en présence d'une base légale suffisamment claire, d'un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l'égalité de traitement et des droits acquis (ATF 138 I 189 consid. 3.4 ; 119 Ia 254 consid. 3b et la jurisprudence citée). La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (ATF 125 I 182 consid. 2b/cc ; ATF 122 V 405 consid. 3b/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_366/2016 du 13 février 2017 consid. 2.1 ; 2C_273/2014 du 23 juillet 2014 consid. 4.1 ; ATA/412/2017 précité consid. 6).

b. De jurisprudence déjà ancienne et constante, appliquée également dans des cas d’immeubles anciens (ATA/645/2012 du 25 septembre 2012 consid. 7, concernant un immeuble construit en 1964-1965 ; ATA/567/2005 du 16 août 2005 consid. 21, relatif à un immeuble datant de 1962), la chambre de céans a toujours considéré qu’il était possible d’appliquer l’art. 1 RGL, par analogie, au calcul du nombre de pièces selon la LDTR, les buts poursuivis par la LDTR et la LGL relevant d’un même souci de préserver l’habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève (ATA/334/2014 du 13 mai 2014 consid. 7c ; ATA/641/2013 du 1er octobre 2013 consid. 5c ; ATA/826/2012 du 11 décembre 2012 consid. 4c ; ATA/322/2008 du 17 juin 2008 consid. 3).

Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2014 du 10 octobre 2014 consid. 7.2) et a encore été appliquée dans des arrêts récents de la chambre de céans dans des cas d’immeubles construits respectivement en 1898 (ATA/673/2017 du 20 juin 2017 consid. 3 et 4), en 1974 (ATA/1097/2017 du 18 juillet 2017 consid. 3) et en 1976 (ATA/1440/2017 du 31 octobre 2017).

Le fait que l’immeuble ait été construit dans les années 1970-1980, soit avant l’entrée en vigueur tant de la LDTR que du RGL, n’empêche aucunement l’application analogique de l’art. 1 RGL, conformément à la jurisprudence susmentionnée. En effet, il ne s'agit pas d'appliquer rétroactivement la LGL et le RGL, mais d'utiliser, par analogie, les règles prévues par ces textes pour fixer le nombre de pièces du logement concerné. Le résultat obtenu ne saurait dès lors violer d'une quelconque manière le principe susrappelé (ATA/1097/2017 précité consid. 6b).

10) Finalement, comme l’a déjà retenu la chambre de céans, il ne peut non plus être considéré que le DALE a procédé à un changement de pratique administrative inadmissible.

a. La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l’application d’une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d’interpréter la loi ou de faire usage d’une liberté d’appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d’opportunité ou d’efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l’égalité de traitement (ATA/596/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/20/2015 du 6 janvier 2015).

b. En l’espèce, le DALE n’a pas procédé à un changement de pratique. Ainsi que rappelé ci-dessus, les règles de calcul du nombre de pièces prévues par la LGL et le RGL sont régulièrement utilisées dans le cadre de la LDTR à tous le moins depuis dix ans (ATA/567/2005 du 16 août 2005).

11) Pour le surplus, le calcul des surfaces, tel qu’effectué par l’intimé pour parvenir aux quatre pièces n’est pas contesté.

Tant l’autorité intimée que le TAPI ont par conséquent appliqué à bon droit les dispositions susmentionnées en se référant à la jurisprudence pertinente.

12) En conséquence, le fait établi de façon inexacte par le TAPI, à savoir que l’arrêté du 31 mai 1968 validait le nombre de pièces et le loyer de chaque appartement pris individuellement, est, compte tenu de ce qui précède, sans incidence sur l’issue du présent litige.

Le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 octobre 2017 par la CAP, fondation de prévoyance intercommunale de droit public de la Ville de Genève, des services industriels et communes genevoises affiliées contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 septembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la CAP, fondation de prévoyance intercommunale de droit public de la Ville de Genève, des services industriels et communes genevoises affiliées un émolument de CHF 800.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andreas Fabjan, avocat de la recourante, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie - oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :