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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/589/2017

ATA/336/2017 du 22.03.2017 sur JTAPI/231/2017 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS ; MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS) ; DÉTENTION POUR INSOUMISSION ; RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS) ; INTERDICTION DES TRAITEMENTS INHUMAINS ; INTERDICTION DE LA TORTURE
Normes : LaLETr.10.al2 ; LaLETr.10.al3 ; LEtr.76 ; LEtr.77 ; LEtr.78.al1 ; LEtr.78.al6 ; LEtr.78.al2 ; LEtr.79.al1 ; LEtr.79.al2.leta ; LEtr.80.al6.leta ; LEtr.83.al4 ; CEDH.3
Résumé : Prolongation de la détention administrative pour insoumission confirmée. La détention administrative pour insoumission vise également les situations dans lesquelles un État refuse de reprendre ses citoyens, renvoyés sous la contrainte, afin d'obtenir la collaboration de l'étranger à son retour. Renvoi vers l'Irak pas contraire à l'art. 3 CEDH si rien ne laisse à penser que l'intégrité physique de l'intéressé serait réellement et concrètement compromise en cas de renvoi.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/589/2017-MC ATA/336/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 mars 2017

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michael Mitzicos-Giogios, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er mars 2017 (JTAPI/231/2017)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1965, est ressortissant d'Irak. Il est arrivé en Suisse le 27 juin 1996.

2) Sa demande d'asile a été rejetée par décision du 25 juin 1997 de l'office fédéral des réfugiés, devenu depuis lors l'office fédéral des migrations, puis le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).

Bien que son renvoi ait été prononcé, il a été admis provisoirement en Suisse, l'exécution de cette mesure n'étant pas raisonnablement exigible.

3) Entre septembre 1997 et décembre 2016, M. A______ a fait l'objet de trente condamnations pénales à Genève pour infractions à la législation sur les stupéfiants, recel, dommage à la propriété, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, lésions corporelles simples, lésions corporelles simples avec du poison, une arme ou un objet dangereux, vol, escroquerie, violation de domicile, injures, voies de fait et séjour illégal. Il a été sanctionné par des peines privatives de liberté allant de quinze jours à huit mois, parfois assorties de sursis et/ou d'amendes.

4) Le 11 mars 2005, le SEM a levé son admission provisoire au motif qu'il avait été reconnu coupable de nombreuses infractions pénales.

Cette décision lui a été notifiée par l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 15 février 2006.

5) Entre 2007 et mars 2011, plusieurs démarches ont été entreprises par l'OCPM et le SEM en vue de l'organisation du renvoi de M. A______ à Bagdad.

Ce dernier a notamment été entendu à plusieurs reprises par une délégation de l'ambassade d'Irak à Berne. Des démarches devaient être effectuées à Bagdad en vue de son identification et pour étudier les possibilités de rapatriement.

6) Le 27 mars 2011, M. A______ a été placé en détention administrative en vue de son renvoi pour une durée de trois mois.

7) Le 28 mars 2011, le Tribunal administratif de première instance
(ci-après : TAPI) a confirmé l'ordre de mise en détention, mais a réduit la durée de la détention à un mois (
JTAPI/189/2011).

8) Par arrêt du 14 avril 2011, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a ordonné la mise en liberté immédiate de M. A______, son renvoi dans un délai raisonnable étant trop improbable pour autoriser son maintien en détention (ATA/249/2011).

9) Le 21 mai 2015, le SEM a indiqué à l'OCPM qu'il avait transmis le cas de M. A______ aux autorités irakiennes compétentes à Bagdad en vue d'une identification. Celles-ci n'avaient toutefois pas répondu à ses requêtes. Les renvois par vol de ligne non accompagné (ci-après : vol DEPU) n'étaient possibles qu'avec un passeport irakien ou un laissez-passer irakien établi par l'ambassade d'Irak à Berne. Exceptionnellement, le département fédéral de justice et police 
(ci-après : DFJP) était disposé à établir un laissez-passer permettant aux autorités genevoises d'organiser un vol de ligne ordinaire à destination de Bagdad en vue du renvoi de l'intéressé. Cela étant, il existait un risque que les autorités irakiennes à Bagdad refusent l'entrée de M. A______ et la Suisse serait alors obligée de le reprendre. Par ailleurs, il n'était pas possible d'organiser un vol régulier accompagné (ci-après : vol DEPA) avec un laissez-passer du DFJP.

10) Le 3 juillet 2015, M. A______ a été placé en détention administrative en vue de son renvoi pour une durée de trente jours.

11) Par arrêt du 27 juillet 2015 (ATA/749/2015), la chambre administrative a confirmé le jugement du TAPI du 6 juillet 2015 (JTAPI/814/2015) ordonnant la mise en liberté immédiate de M. A______. La situation n'avait que peu changé depuis 2011, de sorte que son renvoi dans un délai raisonnable était toujours trop improbable pour autoriser son maintien en détention. Pour le surplus, l'impossibilité d'organiser des vols spéciaux, aussi bien que des vols avec escorte, n'avait pas changé depuis 2011.

Le 8 décembre 2015, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt précité de la chambre administrative. En présence d'un projet concret de renvoi organisé par les autorités et qui avait été mis en place à la suite de nombreuses démarches, les juges genevois ne pouvaient en anticiper l'issue et libérer l'intéressé deux jours avant le vol. Le renvoi ne pouvait être qualifié d'impossible et la libération de l'intéressé était contraire au droit (2C_700/2015).

12) Le 23 octobre 2015, le SEM a indiqué à l'OCPM que l'un de ses représentants avait rencontré, le 22 octobre 2015, l'ambassadeur d'Irak en Suisse lequel était prêt à soutenir les autorités helvétiques en vue du retour de
M. A______ à Bagdad. Le SEM devait soumettre une demande écrite d'identification à l'ambassade d'Irak à Berne et présenter M. A______ à cette dernière. Il était supposé que l'ambassadeur délivrerait le laissez-passer irakien nécessaire. Durant la période de validité du laissez-passer, le SEM réserverait un vol DEPU et, en cas de refus de celui-ci par l'intéressé, un rapatriement par vol DEPA.

13) Le 24 octobre 2015, l'officier de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quarante-deux jours.

14) Par jugement du 26 octobre 2015 (JTAPI/1244/2015), le TAPI a annulé l'ordre de mise en détention et ordonné la mise en liberté immédiate de M. A______.

15) Le 21 décembre 2015, le SEM a informé l'OCPM que M. A______ avait été identifié par l'ambassade d'Irak à Berne, laquelle lui avait remis un laissez-passer irakien et l'avait invité à réserver un vol DEPA à destination de Bagdad.

16) Le 5 décembre 2016, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois.

17) Le 7 décembre 2016, le commissaire de police a transmis au TAPI un courriel du même jour du SEM, indiquant qu'il avait reçu confirmation que l'ambassade d'Irak à Berne allait lui faire parvenir un nouveau laissez-passer irakien, le précédent étant arrivé à échéance. Idéalement, M. A______ devrait quitter la Suisse volontairement par un vol DEPU. Au cas où il refuserait, un vol DEPA serait organisé, les autorités irakiennes ayant accepté un rapatriement par vol avec escorte policière. Les vols spéciaux pour Bagdad n'étaient toujours pas possibles.

18) Par jugement du 8 décembre 2016 (JTAPI/1287/2016), le TAPI a confirmé la mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 5 février 2017.

Depuis sa dernière détention administrative, des faits nouveaux étaient survenus, lesquels permettaient une nouvelle mise en détention administrative. Les autorités irakiennes avaient indiqué oralement être disposées à délivrer un nouveau laissez-passer et à permettre l'organisation d'un vol simple ou avec escorte policière.

19) Par courrier du 18 janvier 2017, le SEM a informé l'OCPM que M. A______ devait apposer l'empreinte de son pouce gauche sur le laissez-passer irakien, pour qu'il soit valide, et signer le formulaire de l'ambassade d'Irak à Berne. Le laissez-passer et le formulaire étaient annexés audit courrier.

20) Le 24 janvier 2017, l'OCPM a requis la réservation d'un vol DEPA à destination de Bagdad pour le 15 février 2017.

21) Le 2 février 2017, swissREPAT a confirmé la réservation d'un vol pour le refoulement de M. A______ à destination de Bagdad pour le 15 février 2017.

22) Par note du 2 février 2017, un gestionnaire expert de l'OCPM a indiqué avoir rencontré M. A______ le 26 janvier 2017 pour que celui-ci appose son empreinte sur le laissez-passer irakien et signe le formulaire de l'ambassade.
M. A______ avait toutefois refusé catégoriquement, celui-ci étant clairement opposé à son retour dans son pays d'origine.

23) Le 3 février 2017, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention pour insoumission à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois.

Au commissaire de police, M. A______ a renouvelé son refus de retourner en Irak, la situation y étant trop dangereuse. Il était par ailleurs en Suisse depuis vingt-deux ans. Il n'était pas en bonne santé puisqu'il avait des douleurs à l'épaule suite à une chute et suivait actuellement un traitement médical pour ce problème.

24) Entendu le 6 février 2017 par le TAPI, M. A______ a déclaré qu'il refusait toujours de rentrer en Irak et de signer un quelconque formulaire en vue de son renvoi. Il avait formé le 20 janvier 2017 une demande de réexamen auprès du SEM afin de suspendre son renvoi. Il avait fait valoir la situation en Irak, son âge, le fait qu'il était en Suisse depuis plus de vingt ans et que cela lui serait très difficile de se réintégrer dans son pays.

25) Par jugement du 6 février 2017 (JTAPI/129/2017), le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pour insoumission pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 3 mars 2017.

26) Le 13 février 2017, le SEM a rejeté la demande de reconsidération formée par M. A______ à l'encontre de sa décision du 11 mars 2005 d'exécution du renvoi de l'intéressé.

Ladite décision relevait notamment que l'allégation, selon laquelle
M. A______ était un yézidi de Mossoul, n'était pas vraisemblable puisque l'intéressé avait toujours soutenu, depuis le dépôt de sa demande d'asile en 1996, être un ressortissant irakien de confession sunnite, d'ethnie arabe et originaire de Bagdad.

27) Le 20 février 2017, le SEM a informé l'OCPM que l'ambassadeur d'Irak en Suisse souhaitait rencontrer M. A______ le 23 février 2017 afin de lui présenter les avantages d'un retour volontaire en Irak et de le persuader de coopérer étroitement avec les autorités suisses.

28) Le 21 février 2017, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative pour insoumission de M. A______ pour une durée de deux mois.

29) Lors de l'audience par-devant le TAPI du 28 février 2017, M. A______ a confirmé son opposition à son renvoi en Irak, relevant notamment que la guerre qui y régnait entraînait la mort de dizaine de personnes chaque jour.

La représentante de l'OCPM a indiqué que, malgré l'entretien entre l'ambassadeur d'Irak en Suisse et M. A______, au cours duquel une aide financière au retour avait été proposée, ce dernier refusait toujours de quitter la Suisse. Les renvois par vol spécial ou sous escorte policière à destination de l'Irak n'étaient pas autorisés. Les autorités irakiennes avaient admis exceptionnellement des renvois sous escorte policière dans quatre cas, dont notamment celui de
M. A______. En revanche, elles exigeaient toujours les empreintes de l'intéressé sur le laissez-passer ainsi que la signature d'un formulaire pour permettre son renvoi.

30) Par jugement du 1er mars 2017, le TAPI a confirmé la prolongation de la détention administrative pour insoumission de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 3 mai 2017.

Les conditions d'une détention pour insoumission avaient été dûment analysées par le TAPI dans son jugement du 6 février 2017. La situation ne s'étant pas modifiée depuis, elles étaient toujours remplies, le délai maximal de détention n'étant par ailleurs de loin pas atteint. La persistance de son refus de collaborer ne permettait en particulier pas de mettre fin à la détention pour insoumission.

Son renvoi était par ailleurs possible et exigible. Ses problèmes de santé (luxation claviculaire et entorse du pied) n'étaient pas d'une gravité empêchant son renvoi en Irak. Il ne démontrait par ailleurs pas qu'il risquait d'être concrètement et sérieusement victime de torture en cas de renvoi dans son pays. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : Cour EDH) avait précisé que le renvoi vers Bagdad, ville d'origine de l'intéressé, ne constituait pas en soi une violation de l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

31) Le 13 mars 2017, M. A______ a interjeté un recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité en concluant à son annulation et à sa libération immédiate.

Il appartenait à la minorité confessionnelle des yézidis en Irak, lesquels faisaient l'objet de persécutions violentes de la part des islamistes du groupe « état islamique » (ci-après : EI). Trois de ses soeurs avaient été tuées par l'EI tandis que deux d'entre elles avaient été enlevées. Lors de l'entretien avec l'ambassadeur d'Irak en Suisse, il lui avait expliqué sa situation personnelle et les raisons pour lesquelles il s'opposait à son renvoi. Alors que les précédents laissez-passer avaient été établis sans son consentement, l'ambassadeur lui avait indiqué, après avoir écouté ses explications, que le nouveau laissez-passer serait établi uniquement avec son consentement écrit. Les exigences liées à son empreinte sur le laissez-passer et à sa signature devaient permettre de prouver aux autorités irakiennes son consentement au renvoi. En l'occurrence, il refusait catégoriquement d'être renvoyé en Irak où il risquait sa vie. En refusant d'apposer son empreinte et sa signature, il ne refusait pas de collaborer mais d'être renvoyé, refus qu'il avait le droit d'exprimer, la décision du SEM n'étant pas définitive. Par ailleurs, dans la mesure où les vols DEPA et les vols spéciaux étant impossibles vers l'Irak, son renvoi était impossible. Aucune pièce au dossier ne prouvait que les autorités irakiennes aient accepté l'organisation d'un vol avec escorte policière.

32) Le 15 mars 2016, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

33) Dans sa réponse du 16 mars 2017, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

M. A______ faisait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire prononcée le 11 mars 2005 et confirmée par le SEM le 17 (recte : 13) février 2017. Contrairement à ce qu'il prétendait, cette dernière décision était définitive, dès lors que ni l'OCPM ni le SEM n'avaient connaissance d'un recours déposé contre cette dernière, lequel ne déploierait de toute façon pas d'effet suspensif. L'audition de M. A______ par l'ambassadeur avait eu pour but de l'inciter à collaborer avec les autorités chargées de son renvoi. L'appréciation de M. A______ sur l'impossibilité des vols DEPA était erronée puisqu'un vol avait été réservé et confirmé pour le 15 février 2017. Le vol avait toutefois dû être annulé, l'intéressé refusant d'effectuer les dernières formalités nécessaires à la validation de son document de voyage. C'était d'ailleurs ce qui avait amené les autorités à convertir le régime de sa détention en détention pour insoumission. Son renvoi était donc possible, son exécution étant seulement empêchée par son attitude non coopérative. La question de la licéité de son renvoi avait par ailleurs déjà été analysée par le SEM dans sa décision du 13 février 2017.

Étaient notamment joints la preuve de la réservation et de la confirmation du vol DEPA du 15 février 2017 ainsi qu'un courriel adressé par le SEM à l'OCPM le 16 mars 2017 relevant que l'ambassadeur d'Irak en Suisse avait confirmé son soutien pour rendre possible le départ de M. A______, que l'établissement d'un laissez-passer irakien valable jusqu'en juillet 2017 était le signe fort d'une bonne collaboration, qu'un vol DEPA à destination de Bagdad était possible et que
M. A______ devait être en détention afin d'être à disposition des autorités.

34) Le 17 mars 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté le 13 mars 2017 contre le jugement du TAPI prononcé et communiqué aux parties le 1er mars 2017, le recours l'a été en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 14 mars 2017 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) La chambre administrative est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 107) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale.

5) a. Selon l'art. 78 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision entrée en force de renvoi ou d'expulsion au sens de la LEtr ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autre mesure moins contraignante permettant d'atteindre l'objectif visé.

b. Selon la jurisprudence, le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger, tenu de quitter la Suisse, à changer de comportement, lorsqu'à l'échéance du délai de départ, l'exécution de la décision de renvoi, entrée en force, ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 106 et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2010 du 19 juillet 2010). La détention pour insoumission constitue une ultima ratio, dans la mesure où il n'existe plus d'autres mesures permettant d'aboutir à ce que l'étranger se trouvant illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays. La prise d'une telle mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d'examiner l'ensemble des circonstances pour déterminer si elle apparaît appropriée et nécessaire. Le seul refus explicite de collaborer de la personne concernée ne constitue qu'un indice parmi d'autres éléments à prendre en considération dans cette appréciation (ATF 135 II 105 et la jurisprudence citée ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 ; 2C_538/2010 précité ; ATA/349/2013 du 4 juin 2013 ; ATA/512/2011 du 16 août 2011, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_624/2011 du 12 septembre 2011). Ainsi, le comportement de l'intéressé, la possibilité qui lui est offerte de mettre concrètement lui-même fin à sa détention s'il coopère, ses relations familiales ou le fait qu'en raison de son âge, son état de santé ou son sexe, il mérite une protection particulière, peuvent aussi jouer un rôle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 consid. 3.1 ; 2C_624/2011 précité consid. 2.1).

c. La cause pour l'inexécution du renvoi ou de l'expulsion doit résider dans le comportement de l'étranger. Cela peut être son manque de collaboration ou son refus de quitter sans force le pays (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations - vol. II : LEtr, Berne, 2017,
p. 834).

d. Conformément à l'art. 78 al. 6 LEtr, la détention pour insoumission est levée dans les cas suivants : un départ de Suisse volontaire et dans les délais prescrits n'est pas possible, bien que l'étranger se soit soumis à l'obligation de collaborer avec les autorités (let. a), le départ de Suisse a lieu dans les délais prescrits (let. b), la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion est ordonnée (let. c), une demande de levée de la détention est déposée et approuvée (let. d).

Tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut pas s'en prévaloir (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 précité ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 ; ATA/2/2016 du 4 janvier 2016). Le refus constant de collaborer du détenu ne permet à lui seul pas d'en déduire que la détention pour insoumission n'est plus propre à atteindre son but ; il ne s'agit que d'un élément à prendre en considération parmi l'ensemble des circonstances, sous peine d'aboutir au résultat que le maintien en détention serait d'autant moins justifié que la personne refuse avec force son renvoi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/226/2014 du 8 avril 2014).

De plus, tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut pas se prévaloir de l'art. 80 al. 6 let. a LEtr en cas de détention pour insoumission. Il ne peut faire valoir l'impossibilité du renvoi pour justifier sa libération que si cette situation n'est pas en lien avec son obligation de collaborer en application de l'art. 78 al. 6 let. a LEtr (arrêts du Tribunal fédéral 2C_639/2011 précité consid. 4.1 ; 2C_624/2011 précité consid. 3).

e. Contrairement à l'art. 76 LEtr et, partiellement, à l'art. 77 LEtr, il est nécessaire, pour la mise en détention en vertu de l'art. 78 LEtr, que la décision de renvoi ou d'expulsion soit entrée en force et pas seulement exécutoire (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 833).

6) La détention peut être ordonnée pour une période d'un mois et prolongée de deux mois en deux mois (art. 78 al. 2 LEtr).

Aux termes de l'art. 79 al. 1 et al. 2 let. a LEtr, si la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente, la durée maximale de la détention, qui comprend notamment la détention en vue du renvoi et la détention pour insoumission, ne peut excéder au total dix-huit mois.

7) En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi définitive et exécutoire. Le fait qu'il ait sollicité la reconsidération de ladite décision n'y change rien puisque le SEM a rejeté sa demande le 13 février 2017 et qu'un éventuel recours n'aurait pas d'effet suspensif.

La décision de renvoi ne peut être exécutée, dans la mesure où, d'une part, son retour dans son pays par vol spécial n'est pas envisageable, ce qui implique que seule sa coopération pourrait permettre son départ de Suisse, et, d'autre part,
il refuse d'entreprendre les démarches qui permettraient d'exécuter son renvoi, soit d'apposer son empreinte sur le laissez-passer et de signer le formulaire remis par l'ambassade d'Irak en Suisse. Si M. A______ exprime certes son refus d'être renvoyé, son comportement dénote surtout son refus de collaborer à son renvoi. Ce faisant, les conditions relatives à la prolongation de la détention administrative pour insoumission sont incontestablement remplies. Les allégations du recourant sur le fait que l'ambassadeur d'Irak en Suisse aurait imposé la présence de son empreinte sur le laissez-passer suite à leur discussion est inexacte, dans la mesure où cette condition avait été imposée avant même leur entrevue du 23 février 2017, et est sans incidence sur ce qui précède.

Le recourant expose encore que le renvoi en Irak serait impossible, puisque les renvois par vol spécial et par vol DEPA ne sont pas autorisés. Or, il ne peut tirer de cela aucun argument en sa faveur, dans la mesure où la détention administrative pour insoumission vise aussi les situations dans lesquelles un État refuse de reprendre ses citoyens, renvoyés sous la contrainte. L'art. 78 LEtr vise ainsi à obtenir la collaboration de l'étranger à son retour (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 832-833 et p. 844). De plus, il ressort du dossier que, contrairement à ce que prétend le recourant, les autorités irakiennes ne sont pas opposées, dans son cas, à un renvoi par vol DEPA puisque ces dernières ont délivré un laissez-passer. Cet élément est d'ailleurs confirmé par le SEM qui a indiqué que le cas de M. A______ et trois autres avaient fait l'objet d'un accord express. Par ailleurs, dans la mesure où seul son comportement empêche à présent son renvoi, il ne peut se prévaloir de l'impossibilité de son renvoi pour solliciter la levée de sa détention pour insoumission.

Conformément à l'art. 78 al. 2 LEtr, la prolongation de ladite détention a été ordonnée pour deux mois, soit jusqu'au 3 mai 2017. M. A______ a été placé en détention administrative le 5 décembre 2016 et se trouve en détention pour insoumission depuis le 3 février 2017. La détention pour insoumission prononcée respecte la durée maximale admissible en vertu de l'art. 79 LEtr.

8) a. Le renvoi ne peut être raisonnablement exigé si l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, ou de nécessité médicale, sa vie étant mise en danger du fait de l'impossibilité de poursuivre dans son pays un traitement médical indispensable (art. 83 al. 4 LEtr ; ATA/244/2012 du 24 avril 2012 ; ATA/159/2011 du 8 mars 2011).

b. La Cour EDH a relevé dans un arrêt du 23 août 2016 que, bien que la situation en matière de sécurité se soit dégradée dans la ville de Bagdad, l'intensité de la violence n'avait pas atteint un niveau qui présenterait en soi un risque réel que des individus subissent, de manière générale, de la torture ou des peines et traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 CEDH. Se référant à une autre affaire, elle a toutefois rappelé que, dans les affaires où un requérant allègue faire partie d'un groupe systématiquement exposé à une pratique de mauvais traitements, la Cour EDH considère que la protection de
l'art. 3 CEDH entre en jeu lorsque l'intéressé démontre qu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire à l'existence de la pratique en question et à son appartenance au groupe visé (ACEDH J.K. et autres c. Suède [Grande Chambre] du 23 août 2016, req. 59166/12).

c. En l'espèce, M. A______ invoque son appartenance à la communauté des yézidis, lesquels sont persécutés par les djihadistes de l'EI en Irak.

Or, il ressort de la décision du SEM du 13 février 2017 que ses allégations ne seraient pas vraisemblables puisque le recourant a toujours soutenu, depuis le dépôt de sa demande d'asile en 1996, être un ressortissant irakien de confession sunnite, d'ethnie arabe et originaire de Bagdad.

Sans autre élément de preuve, rien ne laisse à penser que l'intégrité physique de M. A______ serait réellement et concrètement compromise en cas d'exécution du renvoi en Irak.

9) Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l'issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2017 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er mars 2017 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas prélevé d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michael Mitzicos-Giogios, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : Mme Junod, présidente, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :