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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4726/2008

ATA/294/2010 du 04.05.2010 sur DCCR/744/2009 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; CHANGEMENT D'AFFECTATION ; BRUIT ; IMMISSION ; AUTRE ZONE CANTONALE D'AFFECTATION
Normes : LaLAT.19 ; LCI.14
Parties : GLOBAL BRANDS S.A. / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, COMMUNE D'ONEX
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4726/2008-LCI ATA/294/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 4 mai 2010

 

en section

dans la cause

 

 

GLOBAL BRANDS S.A.

représentée par Me Pierre-Alain Killias, avocat

 

 

 

contre

 

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION

 

et

COMMUNE D’ONEX


EN FAIT

1. Global Brands S.A. (ci-après : la société ou la recourante) est une société domiciliée au Luxembourg, qui possède une succursale à Zurich. Elle a pour but social le développement et l’administration de commerces de livraison à l’enseigne « Domino’s Pizza », la concession de sous-licences des droits de développement et de gestion des commerces de livraison « Domino’s Pizza », ainsi que toute activité commerciale s’y rapportant.

2. La société exploite plusieurs points de vente « Domino’s Pizza » à Genève, dont l’un est situé au 143, route de Chancy, sur le territoire de la commune d’Onex. L’activité de ce magasin est vouée à la fabrication de pizzas pour la vente à l’emporter et les livraisons à domicile.

La parcelle sur laquelle est situé le magasin se trouve en zone 4B protégée. A l’avant, elle donne sur la route de Chancy et à l’arrière sur le chemin de la Vi-Longe, qui traverse le vieux village d’Onex.

3. Le 30 novembre 2007, la société a déposé auprès du département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département) une requête en changement d’affectation du magasin d’Onex en restaurant. Le coût total des travaux, portant sur l’installation de quatre places de restauration occupant une surface de 8m2, était estimé à CHF 15’000.-.

Par courrier du 30 janvier 2008, la société a joint à sa requête la formule « type de restauration ». A teneur de ce document, environ quatre-vingt repas par jour seraient préparés par le futur restaurant, environ 10 % des pizzas fabriquées étant destinés à la consommation sur place.

4. Le 15 janvier 2008, la commune d’Onex a préavisé négativement la requête. L’arcade « Domino’s Pizza » d’Onex était située en zone 4B protégée, principalement destinée aux maisons d’habitation. A l’évidence, la transformation du magasin en restaurant ne remplissait pas les conditions d’un changement d’affectation.

Sous le régime actuel, les voisins étaient gravement importunés par le comportement bruyant des employés et des clients aux abords immédiats du magasin. Cet inconvénient serait fortement amplifié si la société venait à offrir de la restauration sur place ainsi que des ventes à l’emporter jusqu’à minuit, voire 02h00 du matin. Le changement d’affectation constituait un moyen de contourner les restrictions légales d’exploitation d’un magasin, restrictions d’exploitation que la société avait vainement tenté de contester.

La restauration sur place n’était qu’un prétexte, au vu de son caractère marginal évident lié à l’exiguïté des lieux pour obtenir l’autorisation de vendre des pizzas à l’emporter après 19h00. L’extension des heures d’ouverture aurait pour conséquence un accroissement de production et donc une amplification des livraisons créant un danger important pour la sécurité routière.

5. Le service cantonal de la protection de la consommation, la commission des monuments et des sites, la direction générale de l’eau et la police du feu ont préavisé favorablement le changement d’affectation.

6. Le 5 juin 2008, trois familles domiciliées à proximité du magasin de la société ainsi que les membres de l’association Onex Village et autres habitants du village et environs ont fait part au département de leur opposition au changement d’affectation.

Il avait fallu beaucoup de patience et de persévérance pour que la société respecte les horaires de fermeture pour la vente au comptoir. Vu l’exiguïté des locaux, il était évident qu’elle n’envisageait pas d’ouvrir un restaurant. Le changement d’affectation lui permettrait de continuer la vente au comptoir jusqu’à 02h00 du matin, cela sept jours sur sept, 365 jours par an. Ce changement entraînerait des conséquences graves pour les habitants du village et des abords, en particulier un accroissement et une prolongation des bruits très tard dans la nuit. Dans la situation actuelle, les nuisances sonores liées au bruit de la vaisselle, au chahut des livreurs et au bruit des véhicules de livraison persistaient jusque vers 01h00 du matin, raison pour laquelle le préavis négatif de la mairie d’Onex devait être confirmé.

7. Le 19 novembre 2008, le département a refusé l’autorisation. La situation actuelle occasionnait déjà des nuisances pour le voisinage. Le changement d’affectation était susceptible d’aggraver la situation en raison d’horaires d’ouverture plus larges et, partant, d’un débit de consommation accru. Le département faisait à cet égard sien le préavis défavorable de la commune.

8. La société a saisi la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) le 22 décembre 2008 en concluant à l’annulation de la décision et à l’octroi de l’autorisation sollicitée.

L’exploitation d’un établissement similaire à l’enseigne « Domino’s Pizza » à Renens (VD) avait révélé que seuls dix à douze clients par jour s’y rendaient pour acquérir des pizzas à l’emporter après 19h00, contre deux à trois clients durant les heures d’ouverture du magasin d’Onex. Le changement d’affectation n’était pas de nature à accroître les nuisances sonores et olfactives, vu le faible nombre de clients supplémentaires attendus. La circulation de quelques scooters de livraison au chemin de la Vi-Longe représentait un accroissement mineur de bruit et du trafic routier.

9. Après avoir demandé d’intervenir dans la procédure, la commune d’Onex a conclu, le 29 mai 2009, au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite de frais et dépens.

10. La commission a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 3 juin 2009. La société a souligné à cette occasion que le restaurant serait ouvert sept jours sur sept et qu’il fermerait à minuit du dimanche au jeudi et à une 01h00 du matin le vendredi et le samedi. Les quatre tables prévues au restaurant pourraient accueillir dix clients au maximum, deux à trois services étant prévus après 17h00. Si l’autorisation était accordée, la livraison de pizzas à l’emporter s’effectuerait au-delà de 19h00 jusqu’à la fermeture de l’établissement.

11. Le 15 juin 2009, la société a produit un plan financier indiquant l’état des activités de l’établissement d’Onex avant et après changement d’affectation.

Avant le changement d’affectation, 95,5 % des pizzas étaient livrés, 4,5 % résultant des achats opérés par la clientèle sur place. A l’échéance de trois ans, il était prévu que 30 % des commandes seraient livrées, 45 % de la clientèle onésienne et de la région genevoise venant consommer sur place alors que 25 % se déplaceraient pour emporter leurs commandes.

Le chiffre d’affaires ascendait à CHF 1’055’956.- en 2008. Si le changement d’affectation était accordé, il était censé atteindre CHF 1’022’000.- en 2009, CHF 1’075’000.- en 2010, CHF 1’115’000.- en 2011 et CHF 1’350’000.- en 2012.

12. Le 1er juillet 2009, le département a relevé que le plan financier produit par la société correspondait seulement à une prévision des résultats futurs, sans garantie que l’activité déployée s’avérerait lucrative. Le département persistait dès lors dans les termes de sa décision du 19 novembre 2008.

13. Dans ses observations du 2 juillet 2009, la société a repris l’argumentation de son recours. Après 19h00, les scooters de livraison emprunteraient la route de Chancy, notoirement à grand trafic, et y stationneraient. La circulation dans le village serait mineure puisqu’elle serait limitée aux livraisons de pizzas commandées par les habitants du village. L’approvisionnement en matières premières supplémentaires serait regroupé de telle sorte que le nombre de livraisons par camion resterait inchangé. Le changement d’affectation du magasin en restaurant permettrait aux clients de consommer dans un espace fermé, ce qui réduirait les nuisances sonores.

14. La commission a rejeté le recours le 30 juillet 2009. Il n’était pas contesté que l’installation litigieuse était située en zone 4B protégée, destinée principalement aux maisons d’habitation. Dans l’arrêt 2P.90/2005, rejetant un recours de la société concernant le respect des heures d’exploitation prévues par la loi genevoise sur les heures de fermeture des magasins pour l’enseigne que la recourante exploitait notamment à Onex, le Tribunal fédéral avait souligné que la vente de pizzas à l’emporter générait, en sus de l’activité de livraison à domicile, des nuisances et une circulation des scooters supérieures au seul exercice de cette activité. Si la livraison à domicile permettait de grouper les commandes et les livraisons, réduisant par conséquent les nuisances au voisinage dans une mesure correspondante, la vente de pizzas au détail conduisait inévitablement à des attroupements de consommateurs à certaines heures, notamment le soir après les spectacles ou les cinémas.

Au vu des éléments du dossier, le changement d’affectation du magasin en restaurant aurait pour conséquence d’augmenter de manière significative la vente de pizzas à l’emporter et d’engendrer un surcroît de 40 % de consommateurs sur place, quotidiennement jusqu’à minuit du dimanche au jeudi et jusqu’à 01h00 du matin les vendredis et samedis. Ces changements conduiraient de manière indubitable à des inconvénients et à des nuisances graves et durables pour le voisinage.

15. Le 31 août 2009, la société a recouru devant le Tribunal administratif et conclu sous suite de dépens à l’annulation de la décision de la commission.

Reprenant l’argumentation qu’elle avait fait valoir devant le département puis devant la commission, elle a indiqué que le changement d’affectation projeté n’entraînerait pas d’augmentation notable des nuisances. Il lui permettrait au contraire de proposer à ses clients de se restaurer dans un espace fermé, ce qui contribuerait à réduire les nuisances sonores qui lui étaient reprochées.

Dans la mesure où seul l’accès du côté de la route de Chancy était autorisé comme entrée de service pour assurer les livraisons, la circulation des scooters de livraison après 19h00 n’engendrerait aucune nuisance sonore supplémentaire. C’était ainsi à tort que la commission avait retenu une aggravation des inconvénients de circulation et des nuisances sonores. Dès lors qu’il n’était pas de nature à provoquer des inconvénients graves pour le voisinage ou pour le public, le changement d’affectation sollicité pouvait être accordé.

16. La commune d’Onex a répondu le 28 octobre 2009 et conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Se référant aux arguments qu’elle avait présentés devant la commission, elle a indiqué que l’élargissement des horaires et l’augmentation de la fréquentation des lieux induits par le changement d’affectation constitueraient une atteinte inadmissible en zone 4B protégée. Le changement d’affectation n’était en outre destiné qu’à contourner les restrictions légales liées aux horaires d’exploitation d’un magasin.

17. Le 30 octobre 2009, le département a conclu au rejet du recours. La zone 4B protégée était principalement destinée aux maisons d’habitation comportant en principe plusieurs logements. D’autres activités pouvaient y être autorisées lorsqu’elles n’étaient pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public.

En l’espèce, la commission avait correctement fait application des principes légaux en matière d’aménagement du territoire. L’augmentation des horaires d’exploitation du magasin liée à sa transformation en restaurant modifierait notablement les habitudes de la clientèle. Celle-ci serait dorénavant invitée à se déplacer plutôt qu’à être livrée, avec tous les inconvénients que cette situation entraînerait en termes d’augmentation de trafic, de bruit et de difficulté de parcage.

Les aménagements, en cours en vue de la réalisation d’une ligne de tramway sur la route de Chancy et de la suppression d’une voie de circulation, ne permettaient pas non plus d’envisager le changement d’affectation, en raison des risques potentiels que celui-ci impliquerait pour la circulation et la mise en danger des piétons, voire du public.

18. La commission a déposé son dossier le 2 novembre 2009. Le juge délégué a informé les parties le 3 novembre 2009 que l’instruction de la cause était terminée. Un délai au 18 novembre 2009 leur était accordé pour formuler toute requête complémentaire.

19. Le 18 novembre 2009, la recourante a indiqué que ni la commune ni le département n’avaient amené d’élément complémentaire. Les termes et les conclusions du recours étaient en conséquence maintenus. Dans la mesure toutefois où tant la commune que le département fondaient leur argumentation sur les nuisances sonores, elle a sollicité la conduite d’une expertise.

20. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. a. Interjeté le dernier jour du délai utile devant la juridiction compétente et selon les formes prévues par la loi, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3 et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

b. Sans contenir de conclusions formelles sur ce point, l’acte de recours fait référence à la convocation d’une audience de comparution personnelle des parties ainsi qu’à l’ouverture d’enquêtes en vue d’auditionner différents témoins. Dans son écriture du 18 novembre 2009, la recourante a par ailleurs sollicité la conduite d’une expertise. Il ne sera pas donné suite à ces requêtes. Conformément aux principes dégagés par la jurisprudence, le tribunal considère qu’au vu des éléments à sa disposition, ces mesures ne sont pas nécessaires et que le dossier est en état d’être jugé (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_56/2010 du 9 avril 2010 consid. 3.3 et les références citées ; ATA/23/2007 du 23 janvier 2007 consid. 4).

2. Dans l’arrêt qu’il a rendu le 25 janvier 2005 au sujet des horaires d’exploitation des ateliers de fabrication de pizzas que la recourante exploite à Genève, le tribunal de céans a souligné que ces derniers étaient soumis à la loi sur les heures de fermeture des magasins du 15 novembre 1968 (actuellement, loi sur les heures d’ouverture des magasins, LHOM - I 1 05). Dans la mesure où ni des pizzas ni des boissons ne pouvaient être consommées sur place, aucun de ces magasins ne répondait à la définition de café-restaurant, raison pour laquelle la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) n’était pas applicable (ATA/36/2005 du 25 janvier 2005, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2P.90/2005 du 18 avril 2006).

Le cas d’espèce consiste à déterminer si les conditions requises pour transformer le magasin exploité par la recourante en un restaurant et bénéficier ainsi des horaires prévus par la LRDBH sont réalisées.

3. a. Le commerce de fabrication de pizzas qu’exploite la recourante à Onex est un établissement public qui est soumis à la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) ainsi qu’à l’ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41).

b. La LPE vise à protéger les hommes des atteintes nuisibles ou incommodantes. Par atteintes, il faut comprendre notamment, selon l’art. 7 al. 1 LPE, les pollutions atmosphériques et le bruit qui sont dus à l’exploitation d’installations.

L’OPB a pour but de protéger la population contre le bruit nuisible ou incommodant que produit l’exploitation d’installations nouvelles ou existantes. L’ensemble des bruits que provoque l’utilisation, normale et conforme à sa destination, de l’installation en cause doit être pris en considération, que ceux-ci proviennent de l’intérieur ou de l’extérieur du bâtiment, respectivement du lieu d’exploitation (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.168/2003 du 14 janvier 2004 consid. 2.1 et les références citées ; ATF 123 II 325 consid. 4 a) bb) p. 328 ; B. BOVAY, Autorisation de construire et droit de l’environnement, RDAF 1995, p. 108).

Il s’ensuit, par exemple, que le bruit des clients sur la terrasse d’un restaurant, les allées et venues dans la rue, le bruit occasionné par le comportement et la voix de clients à l’entrée ou à la sortie d’un établissement public, de même que le parcage des véhicules équivalent à une nuisance de l’installation elle-même (ATA/172/2004 du 2 mars 2004 consid. 8b et les autres références jurisprudentielles citées ; A.-C. FAVRE, Le bruit des établissements publics, RDAF 2000 I, p. 3 ; F. BELLANGER, La loi sur la protection de l’environnement, jurisprudence de 1995 à 1999, DEP 2001, p. 36).

c. Selon la jurisprudence, l’annexe 6 OPB concernant les valeurs limites d’exposition au bruit de l’industrie et des arts et métiers n’est applicable ni directement ni par analogie au bruit d’établissements publics comme les restaurants, les discothèques ou d’autres établissements analogues. Cela étant, les installations qui ne sont pas visées par les différentes annexes de l’OPB sont néanmoins soumises aux règles de droit fédéral sur la limitation des émissions (ATA/172/2004 du 2 mars 2004 consid. 8c et les autres références citées).

Dès lors que les conditions ne sont pas réunies pour appliquer des valeurs limites d’exposition, le juge doit en faire abstraction et fonder son raisonnement sur son expérience pour apprécier, dans chaque cas concret, si une atteinte est admissible. Il doit, pour ce faire, prendre en considération la nature du bruit, l’endroit et la fréquence de ses manifestations, de même que les charges sonores dans la zone où les immissions sont produites, y compris la nécessité de limiter plus strictement les émissions durant la nuit, en particulier dans les zones habitées. L’affectation de la zone considérée constitue un élément qui doit également être pris en considération (ATA/23/2007 du 23 janvier 2007 consid. 9 et les autres références citées).

4. a. L’installation litigieuse est située en zone 4B protégée applicable aux villages et aux hameaux, conformément à l’art. 19 al. 2 let. b de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30). Cette zone est destinée principalement aux maisons d’habitation comportant en principe plusieurs logements comme la commission l’a souligné. D’autres activités peuvent y être autorisées lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou pour le public, conformément à l’art. 19 al. 2 LaLAT. La règle rejoint celle de l’art. 14 al. 1 let. a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), qui permet au département de refuser une autorisation lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public.

b. L’art. 14 LCI fait partie des normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée (ATA/92/2003 du 25 février 2003 consid. 4b). Bien que cette disposition ne déploie en principe plus d’effets propres dans les domaines régis par le droit fédéral, elle conserve toutefois sa pertinence en matière d’inconvénients afférents à la circulation, notamment en ce qui concerne le stationnement des véhicules ou la mise en danger des piétons ou du public (ATA/80/2009 du 17 février 2009 consid. 8 ; ATF 118 Ia 112 consid. 1b p. 115 et les références citées).

La notion d’inconvénient grave est une norme juridique indéterminée, qui doit s’examiner en fonction de la nature propre à l’activité en cause et qui laisse à l’autorité une liberté d’appréciation. Celle-ci n’est limitée que par l’excès ou l’abus de pouvoir (ATA/889/2004 du 16 novembre 2004 consid. 7a ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 consid. 9b).

5. a. La commission a retenu sur la base des pièces produites par la recourante -en particulier du plan financier déposé le 15 juin 2009 -, des déclarations des parties lors de l’audience de comparution personnelle et de l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 18 avril 2006 (cause 2P.90/2005) que le changement d’affectation du magasin sis à Onex en restaurant augmenterait de manière significative la vente de pizzas à l’emporter. Une augmentation de l’ordre de 40 % de la consommation sur place était prévisible, quotidiennement jusqu’à minuit du dimanche au jeudi et jusqu’à 01h00 du matin le vendredi et le samedi. Elle a déduit de ces éléments que les nuisances occasionnées par le trafic et que le bruit pour le voisinage subiraient une aggravation très notable, la prolongation des heures d’ouverture de l’établissement augmentant à la fois les inconvénients de circulation et les nuisances sonores.

b. La recourante considère qu’aucun élément ne permet de démontrer que le changement d’affectation aggraverait les nuisances, en particulier les nuisances sonores. Cet argument ne saurait être suivi.

Il est en effet établi que la transformation du magasin en restaurant aurait non seulement pour conséquence une augmentation de sa fréquentation avec l’installation de places destinées à la restauration - raison précisément pour laquelle le changement d’affectation litigieux a été sollicité - et donc de l’activité que la recourante y exerce, mais que l’horaire d’exploitation de l’établissement serait considérablement étendu durant la nuit.

Le plan financier produit par la recourante ne laisse planer aucune équivoque à cet égard. Faisant état des prévisions du chiffre d’affaires à l’horizon 2012, l’objectif poursuivi réside dans un accroissement considérable du chiffre d’affaires lié à l’augmentation de la clientèle, celui-ci passant progressivement de CHF 1’022’000.- en 2009 à CHF 1’350’000.- en 2012. La clientèle serait dorénavant, en raison des horaires pratiqués (minuit du dimanche au jeudi, 01h00 du matin chaque vendredi et chaque samedi), invitée à se déplacer pour consommer sur place. De surcroît, l’extension temporelle des livraisons de pizzas irait de pair avec une augmentation des mouvements motorisés.

Ces éléments traduisent une modification structurelle fondamentale de l’activité de la recourante. Ils sont sans conteste de nature à augmenter de manière significative les nuisances subies par le voisinage en raison en particulier du bruit occasionné par l’exercice d’une activité désormais nocturne, par les allées et venues dans la rue, par le comportement des clients accédant ou sortant de l’établissement au sens de la jurisprudence et de la doctrine précitées (supra, consid. 3b). 

c. A cet égard, l’argument de la recourante selon lequel l’installation de tables à l’intérieur du magasin réduirait les nuisances sonores est infondé, en tant que ces dernières sont directement liées, au sens de la jurisprudence, aux déplacements de la clientèle en vue d’accéder à l’établissement, tout particulièrement dans le cas d’une exploitation destinée à s’étendre la nuit. Or, comme l’a relevé le Tribunal fédéral, la vente de pizzas à l’emporter génère, en sus de l’activité de livraison à domicile, un trafic et des nuisances qui s’avèrent supérieurs au seul exercice de cette dernière activité (Arrêt 2P.90/2005 du 18 avril 2006, consid. 4.3.2).

6. Selon la recourante, la circulation des scooters assurant la livraison des pizzas après 19h00 n’engendrerait aucune nuisance supplémentaire. La comparaison qu’elle effectue avec le point de vente qu’elle exploite à Renens est toutefois dépourvue de pertinence.

D’une part, la recourante n’apporte aucune précision au sujet du régime applicable à la zone dans laquelle le commerce en question se trouve, alors que l’établissement sis à la route de Chancy se trouve dans une zone protégée, réservée à l’habitation. Les affirmations qu’elle formule au sujet de l’accroissement de la clientèle sont d’autre part gratuites, en tant qu’elles ne reposent sur aucun moyen de preuve tel qu’un décompte ou un constat de nature officielle.

7. a. Considérés plus largement, les effet de l’extension de l’horaire pratiqué sur l’augmentation du trafic aux abords de l’établissement ne sauraient être minimisés dans l’hypothèse où l’autorisation querellée viendrait à être octroyée. Il n’est en effet pas contestable que l’extension dudit horaire entraînerait des mouvements d’approvisionnement du magasin plus importants, soit dans leur fréquence, soit dans leur durée.

La recourante allègue à cet égard que trois livraisons par semaine, opérées par des camions à moitié vide, lui permettent actuellement d’approvisionner l’établissement de la route de Chancy. Elle prétend que ces livraisons ne seraient pas plus nombreuses, les camions étant simplement remplis, alors qu’ils ne le sont, selon ses dires, que partiellement à l’heure actuelle. Sur ce point également, aucun élément ne permet toutefois d’affirmer que la fréquence des livraisons soit destinée à demeurer identique à l’avenir. De surcroît, il ne saurait être contesté que la décharge d’un camion rempli de marchandise dure manifestement plus longtemps que celle d’un véhicule partiellement rempli.

b. En outre, si la densité des mouvements de livraison venait à augmenter en raison d’un accroissement de consommation, le trafic occasionné par les scooters livrant les commandes de la clientèle à domicile en serait accru d’autant. La recourante ne conteste pas non plus que la possibilité de consommer sur place augmenterait le trafic aux abords de l’établissement, alors même qu’aucune possibilité de parking supplémentaire n’est évoquée par les parties.

Ces éléments présentent une importance marquée au regard de la jurisprudence dans le cas d’établissements accueillant une clientèle dans une zone habitée, où la nécessité d’assurer le respect de la tranquillité du voisinage durant la nuit revêt un poids particulier (ATA/23/2007 du 23 janvier 2007 consid. 11, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_26/2007 du 15 janvier 2008 ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 consid. 9b et les autres références citées).

8. a. Comme le relèvent le département et la commune, l’extension du réseau des transports publics en cours sur la route de Chancy va entraîner un réaménagement majeur de l’infrastructure routière en raison de la réalisation de la nouvelle voie de tram reliant Cornavin à Bernex. En particulier, le trafic des véhicules privés sera réduit à une seule voie, ainsi que l’admet la recourante et comme le démontre le plan produit par la commune intimée à l’appui de ses écritures du 28 octobre 2009.

Ce changement d’infrastructure ne permettra plus à la recourante d’opérer les livraisons de marchandise en stationnant en double file sur la route de Chancy - manœuvre qui n’est au demeurant nullement dépourvue de danger sur un axe routier important, accueillant un trafic considérable -, reportant ainsi l’accès des camions sur un chemin très étroit, situé en plein cœur d’Onex-Village.

b. La problématique de l’accès routier de la clientèle n’est à cet égard pas réglée non plus. La recourante se contente d’évoquer une augmentation mineure des nuisances, sans avancer aucune perspective de solution au sujet de l’accès en voiture à l’établissement. De même, l’hypothèse d’une accentuation des allées et venues de la clientèle à pied ne résout nullement la question des nuisances sonores en lien avec l’exploitation de l’établissement durant la nuit.

c. Au vu de ces éléments, force est de constater que le changement d’affectation sollicité entraînerait des inconvénients graves au sens des art. 19 al. 2 LaLAT et 14 LCI et de la jurisprudence développée au sujet de ces dispositions.

 9. a. Compte tenu de ce qui précède, c’est à bon droit que la commission a considéré que l’autorisation sollicitée avait valablement été refusée. Le recours doit par conséquence être rejeté.

b. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 LPA). Aucune indemnité ne lui sera allouée.

c. Les conclusions de la commune d’Onex tendant à l’octroi d’une indemnité seront également rejetées. La commune intimée est en effet une ville de 17'500 habitants réputée disposer, au vu de sa taille, des compétences nécessaires pour se défendre elle-même dans l’exercice de ses attributions officielles (ATA/671/2005 du 24 novembre 2005 ; ATA/813/2003 du 4 novembre 2003 ; art. 68 al. 3 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2009 par Global Brands S.A. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 30 juillet 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Global Brands S.A. ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre-Alain Killias, avocat de la recourante, au département des constructions et des technologies de l’information, ainsi qu’à la commune d’Onex.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Junod, juges, M. Hottelier, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :