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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2743/2005

ATA/671/2005 du 11.10.2005 ( CM ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.11.2005, rendu le 24.11.2005, RETIRE, 2P.322/05
Descripteurs : MARCHES PUBLICS; FORMALISME EXCESSIF; INDEMNITE DE PROCEDURE
Normes : CST.9; AIM.7 al.1 litt.c; AIM.11 litt.a; RPMPFS.30 al.1; RPMPFS.32 litt.a; RPMPFS.33 al.2
Parties : SAUVIN SCHMIDT ENVIRONNEMENT SA / COMMUNE DE VERNIER
Résumé : Appel d'offres pour la collecte de déchets ménagers sur le territoire d'une commune. Le recourant qui fournit un dossier incomplet, alors qu'il était clairement précisé dans le règlement de l'appel d'offres que de tels dossiers seraient écartés d'office, ne saurait se plaindre, de bonne foi, de formalisme excessif. De jurisprudence constante, aucune indemnité n'est allouée à la commune qui recourt aux services d'un avocat externe à son administration lorsque, au vu de sa taille, elle est réputée disposer des compétences nécessaires pour se défendre elle-même (ATA/813/2003 du 4 novembre 2003). Il ne se justifie pas de s'écarter de cette jurisprudence s'agissant d'un litige ayant trait aux marchés publics, domaine que toute autorité communale est amenée à pratiquer dans le cadre de l'exercice de ses prérogatives.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2743/2005-CM ATA/671/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 11 octobre 2005

dans la cause

 

SAUVIN SCHMIDT ENVIRONNEMENT S.A.
représentée par Me Jean-François Ducrest, avocat

contre

COMMUNE DE VERNIER
représentée par Me David Lachat, avocat


 


1. Le 6 juin 2005, la commune de Vernier (ci-après : la commune) a publié dans la Feuille d’avis officielle (FAO) un avis d’appel d’offres pour l’attribution d’un marché de services en procédure ouverte, soumis à l’accord GATT/OMC et à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), ayant pour objet la collecte des déchets ménagers sur le territoire de la commune.

2. Disponible dès cette date auprès de la commune, le dossier d’appel d’offres comportait notamment les documents suivants :

- un courrier introductif du secrétaire général adjoint technique de la commune, daté du 6 juin 2005 ;

- deux exemplaires des conditions particulières pour la collecte des déchets ménagers ;

- deux exemplaires du cahier des charges pour la collecte des déchets ménagers.

3. Le courrier introductif précisait que le dossier d’appel d’offres devait être retourné à la mairie de Vernier, dûment rempli et signé, d’ici au 22 juin 2005 à 10 heures précises, dernier délai.

4. Les conditions particulières pour la collecte des déchets ménagers définissaient la procédure d’appel d’offres.

A teneur de l’article 1.2, la participation à l’appel d’offres en cause était soumise « au strict respect des critères décrits ci-après et aux documents énumérés au point 1.7 ("documents de l’appel d’offres"), étant précisé que leur absence ou leur invalidité entraîne[rait] l’exclusion de l’offre ».

De même, l’article 1.5 rappelait, en caractère gras, que « tout offre (…) ne comportant pas les documents énumérés sous point 1.7 sera[it] immédiatement refusée ».

Enfin, aux termes de l’article 1.7, chaque soumissionnaire devait retourner, dûment rempli, daté, timbré et signé, un exemplaire de chacun des documents énumérés, soit notamment des conditions particulières et du cahier des charges pour la levée des déchets ménagers.

5. Le cahier des charges, quant à lui, déterminait les conditions que devait respecter le soumissionnaire s’agissant des fréquence de ramassage et destinations, de l’horaire, du matériel, du personnel, du prix, du contrat (notamment sa durée), de l’administration, des assurances ou encore des délais.

6. Dans le délai imparti, la société Sauvin Schmidt Environnement S.A. (ci-après : Sauvin S.A.), domiciliée à Vernier et active dans les prestations de services dans le domaine du traitement des déchets, de la voirie et de l’environnement, a déposé son offre auprès de la commune.

7. Quatre sociétés ayant répondu à l’appel d’offres, l’ouverture publique des offres a eu lieu le 22 juin 2005 à 10 heures 10.

Le secrétaire général adjoint technique et le responsable du service de la gestion des déchets étaient présents pour la commune, ainsi que trois représentants chacun dépêchés par un soumissionnaire. Tel était le cas de la société Sauvin S.A.

8. A l’ouverture des dossiers, il s’est avéré qu’une société avait renvoyé le dossier d’appel d’offres vide, et qu’une autre n’y avait répondu que partiellement.

Le dossier de la société Sauvin S.A. était, quant à lui, incomplet. En effet, selon le procès verbal d’ouverture publique du 22 juin 2005, il manquait les cinq premières pages des conditions particulières, ainsi que le cahier des charges dans son intégralité, lequel n’était ainsi pas signé.

Le représentant de Sauvin S.A. a alors proposé de remédier à cette omission, en signant sur le moment lesdits documents et en les joignant à l’offre.

Les représentants de la commune ont toutefois refusé cette proposition, et décidé qu’il revenait au conseil administratif verniolan de connaître de cette problématique.

9. Saisi du cas, le conseil administratif de la commune a décidé d’exclure l’offre de la société Sauvin S.A., et l’en a informée par pli postal du 18 juillet 2005, reçu le 19 juillet 2005 au domicile de la société.

Un courrier subséquent, lequel devait motiver la décision en cause, ne lui a pas été envoyé.

10. Par acte posté le 29 juillet 2005, la société Sauvin S.A. a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision de la commune de l’exclure de la procédure d’appel d’offres pour la collecte des déchets ménagers sur son territoire, lequel était assorti d’une demande de restitution de l’effet suspensif.

L’exclusion querellée était constitutive de formalisme excessif. L’appel d’offres du 6 juin 2005 ne contenait aucune clause précisant que l’absence de l’un ou l’autre des documents énumérés à l’article 1.7 des conditions particulières au moment précis de l’ouverture des offres entraînerait l’élimination du soumissionnaire concerné. Cet oubli était excusable, d’autant plus que son représentant avait proposé sur le champ, lors de l’ouverture publique, de compléter l’offre en y intégrant les documents manquants, dûment signés.

La société Sauvin S.A. conclut, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à la commune pour nouvelle adjudication.

11. Par décision présidentielle du 2 septembre 2005, la demande de restitution de l’effet suspensif a été rejetée et le sort des frais de justice réservé jusqu’à droit jugé au fond.

Sauvin S.A. a déposé auprès du Tribunal fédéral un recours de droit administratif contre cette décision, lequel est, à ce jour, toujours pendant (cause 2A.569/2005).

12. A une date indéterminée, le marché litigieux a été adjugé par la commune à une entreprise tierce.

13. Le 27 septembre 2005, la commune s’est opposée au recours.

Sa décision était parfaitement justifiée vu le formalisme inhérent au droit des marchés publics, la précision de l’appel d’offres ainsi que l’importance des documents omis.

14. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté dans le délai légal de dix jours devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56B al. 4 lit. c de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 – LAIMPu – L 6 05.0 ; art. 15 al. 1 et 2 AIMP).

2. Le marché litigieux portant sur la collecte des déchets ménagers sur le territoire de la commune de Vernier dépassant CHF 766'000.-, l’accord intercantonal sur les marchés publics (art. 7 al. 1 lit. c AIMP) et le règlement genevois sur la passation des marchés publics en matière de fournitures et de services du 23 août 1999 (RMPFS - L 6 05.03) sont présentement applicables, étant précisé que la commune de Vernier est une autorité adjudicatrice au sens de l’annexe 2 du RMPFS.

3. La recourante reproche à l’autorité intimée d’avoir fait preuve de formalisme excessif en l’excluant de la procédure d’adjudication pour avoir omis de retourner le cahier des charges dûment signé, ainsi que les cinq premières pages des conditions particulières pour la collecte des déchets ménagers.

a. Aux termes de l’article 11 lettre a AIMP, lors de la passation de marchés, la non-discrimination et l’égalité de traitement de chaque soumissionnaire doit être garantie.

A teneur de l’article 30 alinéa 1 RMPFS, les offres doivent être datées et signées par le soumissionnaire. L’offre d’un soumissionnaire est écartée lorsqu’il ne répond pas ou plus aux conditions pour être admis à soumissionner (art. 32 lit. a RMPFS), étant précisé que les erreurs évidentes, telles que les erreurs de calcul et d’écriture, seront corrigées (art. 33 al. 2 RMPFS).

b. Il y a formalisme excessif lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable l’application du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 120 II 425 consid. 2a ; 119 Ia consid. 2). Les autorités ont le devoir de se comporter avec bonne foi à l'égard des administrés. Cette obligation suppose toutefois que l'administré soit lui-même de bonne foi (ATF 121 I 177 p. 180; ATF 119 Ib 64 consid. 3 et les arrêts cités).

c. Dans l’hypothèse où des documents sont manquants à réception de l’offre, il convient d’en considérer l’importance eu égard au dossier dans son ensemble (cf. D. ESSEIVA in DC 2/2002, p.77-8).

A ce sujet, le Tribunal de céans a eu l’occasion de juger que l’omission d’adjoindre au dossier d’appel d’offres un extrait du registre des architectes justifiait l’élimination de l’offre en cause (ATA/90/2000 du 8 février 2000).

En l’espèce, il est constant – et admis par la recourante elle-même – que son dossier d’appel d’offres remis à la commune n’était pas complet. Il manquait l’intégralité du cahier des charges, ainsi que les cinq premières pages des conditions particulières de l’appel d’offres. Il ne saurait en outre être contesté que ces documents revêtaient une importance particulière, dans la mesure où le premier énonçait les différents éléments principaux du marché en cause à respecter, et que le second réglementait pour l’essentiel la procédure d’appel d’offres. Or, il appartient à tout soumissionnaire, a fortiori lorsque le marché en cause dépasse les seuils limites définis par l’AIMP, de s’assurer, lorsqu’il établit son dossier d’appel d’offres, que l’intégralité des documents demandés y figure bel et bien et que ces derniers sont signés. Dans le cas contraire, à moins qu’il ne s’agisse d’une erreur évidente au sens de l’article 33 al. 2 RMPFS, le participant évincé ne saurait se plaindre de formalisme excessif sans procéder, ce faisant, de mauvaise foi. Peu importe, d’ailleurs, que le représentant de la recourante ait proposé lors de l’ouverture publique des soumissions de remédier à ces lacunes, l’offre n’en étant pas moins parvenue incomplète à l’autorité intimée. Permettre à la recourante d’agir ainsi remettrait en cause le principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires, principe cardinal du droit des marchés publics. Il suit de là que c’est à juste titre que les représentants de la commune ont refusé de procéder de la sorte.

Enfin, le Tribunal administratif observe que tant le courrier introductif d’appel d’offres du 6 juin 2005 que les articles 1.2, 1.5 et 1.7 des conditions particulières rappelaient clairement que le dossier dans son intégralité devait être retourné à la commune dûment rempli, signé, timbré, et qu’à défaut l’offre serait écartée.

Dans ces circonstances, la recourante ne saurait prétendre à l’annulation de la décision attaquée pour formalisme excessif.

4. Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l'entreprise recourante, qui succombe (art. 87 LPA).

Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, la commune de Vernier, au vu de sa taille, est réputée disposer des compétences nécessaires pour se défendre elle-même (ATA/813/2003 du 4 novembre 2003). Il ne se justifie pas de s’écarter de cette jurisprudence s’agissant d’un litige ayant trait aux marchés publics, domaine que toute autorité communale est amenée à pratiquer dans le cadre de l’exercice de ses prérogatives. Il s’ensuit qu’il ne lui sera pas alloué d’indemnité.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 juillet 2005 par Sauvin Schmidt Environnement S.A. contre la décision de la commune de Vernier du 15 juillet 2005 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité;

communique le présent arrêt à Me Jean-François Ducrest, avocat de la recourante, à Me David Lachat, avocat de la commune de Vernier, ainsi qu’au Tribunal fédéral, pour information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin et Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :