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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4407/2015

ATA/280/2017 du 14.03.2017 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4407/2015-PRISON ATA/280/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mars 2017

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ DE CURABILIS

 



EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______1985, est détenu à l’établissement Curabilis (ci-après : Curabilis) depuis le 30 septembre 2015.

2. Le 13 novembre 2015, la direction de Curabilis a prononcé une sanction d’un jour d’arrêt, avec un sursis d’un mois, à l’encontre de M. A______ au motif que ce dernier avait refusé de se soumettre à un contrôle d’urine.

Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours.

3. Selon un rapport établi par un agent de surveillance le 20 novembre 2015, M. A______ s’était montré agressif en incitant un autre détenu à, notamment frapper et insulter (« vas-y frappe les, insulte les ») les deux agents qui s’étaient adressés audit détenu pour qu’il efface un graffiti sur le tableau de séjour de l’établissement. Après avoir demandé, sans succès, à M. A______ de ne pas intervenir dans leurs démêlés avec le détenu concerné, les agents l’avaient reconduit dans sa cellule. Au début de l’après-midi, M. A______ s’était engagé à rester calme et avait ainsi bénéficié de la promenade selon le régime ordinaire.

4. Selon les gardiens mis en cause par le recourant, le 21 novembre 2015, vers 15h35, un agent de surveillance de Curabilis (ci-après : l’agent ou le gardien) s’est rendu à la cellule de M. A______, au 3ème étage, pour lui demander de baisser le volume excessif de sa musique. Attiré par ce bruit, un autre agent a rejoint son collègue. À cette occasion, M. A______ leur a reproché de lui avoir fait manquer la navette devant l’amener au « lieu de vie en commun » à 15h30. Les agents lui ont indiqué qu’il pouvait prendre la navette suivante, à 16h00. Environ dix minutes plus tard, ils sont revenus à la cellule de M. A______, avec sa référente de l’après-midi, pour lui expliquer que, compte tenu de son état d’énervement, il devait d’abord s’entretenir avec elle s’il voulait se rendre à la salle de sport. M. A______ leur a expliqué qu’il s’en moquait complètement et a insisté pour aller faire du sport. Les agents ont ainsi décidé de le laisser en cellule jusqu’au repas du soir. M. A______ les a alors empêchés de refermer sa cellule en se mettant devant l’un d’eux pour bloquer la porte de la cellule avec son pied. Les agents ont demandé à deux autres collègues de venir en renfort. Après avoir demandé, en vain, à M. A______ de reculer jusqu’au fond de sa cellule, les agents ont décidé d’y entrer. M. A______ les a alors agressés à coups de poing.

Pendant l’altercation, M. A______ a frappé et griffé deux agents au visage et griffé un troisième à l’avant-bras gauche. Les agents l’ont menotté et entravé pour l’amener dans une cellule forte. Durant ce trajet, M. A______ a insulté les agents en les traitants de « bande de fils de pute »

5. Auditionné le 23 novembre 2015 par le responsable de l’exécution des mesures ainsi que par le gardien chef de Curabilis, M. A______ a expliqué que les agents avaient refusé qu’il puisse effectuer son activité sportive ; il s’était ainsi opposé à ce que ces derniers ferment la porte de sa cellule en la bloquant avec son corps ; un agent lui était « rentré dedans », puis l’avait agressé avec les autres. Il avait alors réagi en donnant un coup de poing à l’un d’eux. Contestant avoir été le premier à donner des coups, il a affirmé que les agents lui avaient mis des « patates » sur la tête, sans parvenir à le maîtriser. Il n’avait fait que se défendre en rendant des coups, les agents l’ayant blessé. Ces derniers l’avaient enfin étranglé et tenu, pour le menotter.

6. Par décision du même jour, prise à 15h43, sous la signature du responsable de l’exécution des mesures, la direction de Curabilis a prononcé une sanction de sept jours d’arrêts, sans sursis, à l’encontre de M. A______.

La décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours.

7. Par acte posté le 16 décembre 2015, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative), sans prendre de conclusions formelles.

La sanction prononcée n’était « pas correcte ». Les agents lui avaient donné des coups, de la tête aux pieds. Son nez était tordu et cassé. Il n’avait fait que répondre aux coups de ces agents qui l’avaient agressé en premier. Une indemnité devrait lui être octroyée pour « les réparations de l’opération ».

8. Par courrier non daté, reçu par la chambre de céans le 4 janvier 2016, M. A______ a précisé les faits survenus le 21 novembre 2015 comme suit :

Les agents lui avaient intimé de les suivre sans lui fournir de motif ; il avait ainsi refusé de se soumettre à l’injonction. Lorsque les agents avaient voulu fermer sa cellule à clef, il s’y était opposé. Après une discussion avec ces agents, il leur avait demandé de pouvoir fumer une cigarette, ce qui lui avait été refusé. Tandis qu’il se dirigeait vers sa tablette pour prendre son briquet, les agents avaient tenté de fermer la porte de sa cellule. Il les en avait empêchés en bloquant cette porte. Au bout de quelques minutes, l’un des agents avait « foncé » sur lui pour le pousser jusqu’à son lit. Les autres agents étaient alors entrés dans sa cellule pour le pousser, en lui tapant sur la tête, sur la mâchoire et sur le nez. Pour se défendre, il avait « répliqué ». Il avait finalement été maîtrisé, menotté et conduit au cachot.

Le recourant a par ailleurs indiqué qu’à ce jour, il avait « encore mal à la main droite », sans faire état de son nez cassé.

9. Le 29 janvier 2016, Curabilis a conclu à l’irrecevabilité de la demande d’indemnisation du recourant pour le prétendu préjudice subi, ainsi qu’au rejet de son recours contre la sanction de sept jours d’arrêts fermes qui lui avait été infligée.

La demande d’indemnisation pour une prétendue fracture du nez ne relevait pas de la compétence de la chambre de céans, s’agissant de conclusions civiles.

Il résultait des rapports établis par les agents de détention concernés que le recourant avait agressé, insulté et blessé légèrement plusieurs agents dans un contexte de tension particulier. La contrainte, notamment par la pose d’entraves lors de son transfert en cellule forte, avait dû être utilisée pour maîtriser le recourant qui s’était débattu et qui avait agressé les agents.

Il était contesté que les agents avaient frappé le recourant, qui n’avait fourni aucun élément de preuve à ce propos.

La sanction de sept jours d’arrêts fermes était justifiée et respectait le principe de proportionnalité.

10. Le 11 février 2016, le greffe de la chambre administrative a adressé à M. A______ une copie des observations de Curabilis.

11. Par courrier non daté, reçu par la chambre de céans le 17 février 2016, le recourant a succinctement déclaré persister dans son recours.

12. Par courrier du 24 février 2017, le juge délégué a demandé à Curabilis de lui fournir les éléments permettant d’établir que le responsable de l’exécution des mesures qui avait ordonné la sanction dont est recours pouvait fonctionner en tant que suppléant du directeur de Curabilis.

Une copie de ce courrier a été communiquée au recourant.

13. Le 7 mars 2017, le directeur de Curabilis a indiqué à la chambre de céans que le responsable de l’exécution des mesures assumait par ailleurs la fonction de directeur adjoint, de sorte qu’il pouvait le suppléer et prononcer des sanctions disciplinaires. Un organigramme de l’établissement était annexé.

Le même jour, le greffe de la chambre administrative a communiqué à M. A______ une copie de la réponse de Curabilis à la chambre de céans, ainsi que de son annexe.

La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 74 al. 1 et 2 du règlement de l’établissement de Curabilis du 19 mars 2014 - RCulabilis - F 1 50.15).

2. a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/759/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 128 II 34 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; Hansjörg SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2007, n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; Karl SPUHLER/Annette DOLGE/Dominik VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2006, n. 5 ad
art. 89 LTF p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1 p. 24 s. et les arrêts cités ; 125 V 373 consid. 1 ; 118 Ib 1 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2011 du 13 septembre 2011 consid. 3.4 ; 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 p. 208 et
136 II 101 consid. 1.1 p. 103 cités in arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 ; 135 I 79 précité ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 précité ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/418/2012 du 3 juillet 2012 consid. 2d ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009).

e. En l’espèce, le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée contre lui. La légalité de la sanction - déjà exécutée - doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, nonobstant l’absence d’intérêt actuel, dans la mesure où cette situation pourrait se reproduire, le recourant étant toujours détenu (ATA/1085/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2).

Le recours est à cet égard recevable.

3. a. Aux termes de l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant.

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant (ATA/951/2016 du 8 novembre 2016 consid. 2b). Le fait que les conclusions ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas, en soi, un motif d’irrecevabilité, pourvu que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (arrêt 2C_42/2014 du 17 octobre 2014, consid. 1.3 et ATF 137 II 313 consid. 1.3 p. 317; 133 II 409 consid. 1.4.1 p. 414 s. cités ; ATA/1370/2015 du 21 décembre 2015 consid. 2a et les arrêts cités). Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision (ATA/670/2010 du 28 septembre 2010 consid. 2 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 807 n. 5.8.1.4).

c. En l'occurrence, même si l'acte de recours ne contient pas de conclusions formelles, on comprend à sa lecture que le recourant souhaite l'annulation de la décision de sanction attaquée.

Il convient dès lors de ne pas se montrer excessivement formaliste et d’entrer en matière sur le recours.

4. Le recourant réclame par ailleurs le paiement de ses frais médicaux pour une éventuelle opération de son nez cassé, selon lui, par des coups que des gardiens lui auraient assénés.

a. La chambre administrative examine d’office sa compétence (art. 1 al. 2, art. 6 al. 1 let. c et art. 11 al. 2 LPA), définie à l’art. 132 LOJ.

Selon cette disposition, la chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative, sous réserve des compétences de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (132 al. 1 LOJ). Le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 LPA. Sont réservées les exceptions prévues par la loi (132 al. 2 LOJ). La chambre administrative connaît en instance cantonale unique des actions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l’objet d’une décision au sens de
l’art. 132 al. 2 LOJ et qui découlent d’un contrat de droit public. Les dispositions de la LPA en matière de recours s’appliquent par analogie à ces actions (132 al. 3 LOJ).

b. En l’espèce, le recourant sollicite le paiement d’une indemnité en remboursement des éventuels frais d’une opération future de son nez prétendument cassé.

Outre le fait qu’il ne fait plus état de blessures au nez dans son deuxième courrier à la chambre de céans, en déclarant uniquement avoir encore mal à sa main droite, sa demande en paiement relève de conclusions civiles, irrecevables (art. 2 et 7 al. 1 de la loi sur la responsabilité de l’état et des communes - LREC - A 2 40).

5. Le recourant conteste ensuite la sanction qui lui a été infligée pour son comportement.

a. Le 10 avril 2006, les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel, Genève, Jura et Tessin ont conclu le concordat sur l’exécution des peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons latins (concordat latin sur la détention pénale des adultes du 10 avril 2006 - CLDPA - E 4 55). La Conférence latine des autorités cantonales compétentes en matière d'exécution des peines et des mesures (ci-après : la conférence) est l’un des organes de la CLDPA (art. 2 let. a CLDPA). Elle a notamment pour attribution d’arrêter dans un règlement la liste des établissements destinés à l'exécution des peines et des mesures relevant du CLDPA et les règles minima (art. 4 al. 2 let. k CLDPA).

b. Curabilis relève du concordat conformément au règlement du 29 octobre 2010 listant les établissements pour l'exécution des privations de liberté à caractère pénal établi par la conférence.

c. Les personnes détenues placées dans un établissement concordataire sont soumises aux prescriptions légales et réglementaires du canton où l’établissement a son siège, notamment en matière disciplinaire (art. 19 CLDPA).

d. Le 19 mars 2014, le Conseil d’État a édicté le règlement de l’établissement de Curabilis, en vigueur depuis le 26 mars 2014 (RCurabilis - F 1 50.15).

e. Aux termes de l’art. 68 RCurabilis, la personne détenue doit observer une attitude correcte à l’égard des différents personnels, des autres personnes détenues et des tiers.

Selon l’art. 69 al. 1 RCurabilis, sont notamment interdits l’insubordination et les incivilités à l’encontre des personnels de Curabilis (let. b), de même que les menaces dirigées contre les différents personnels de Curabilis, les intervenants extérieurs ou des personnes codétenues et les atteintes portées à leur intégrité corporelle ou à leur honneur (let. c).

Si une personne détenue enfreint le RCurabilis ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée. Il est tenu compte de l’état de santé de la personne détenue au moment de l’infraction disciplinaire. Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (art. 70 al. 1 à 3 RCurabilis).

Selon l’art. 70 al. 4 RCurabilis, les sanctions sont :

a) l'avertissement écrit ;

b) la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximale de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières ;

c) l'amende jusqu'à CHF 1'000.- ;

d) les arrêts pour une durée maximale de dix jours.

Les sanctions prévues à l'al. 4 peuvent être cumulées. L'exécution de la sanction peut être prononcée avec un sursis ou un sursis partiel de six mois au maximum. Le sursis à l'exécution peut être révoqué lorsque la personne détenue fait l'objet d'une nouvelle sanction durant le délai d'épreuve (art. 70 al. 5 à
7 RCurabilis).

6. Au 30 juin 2015, l’art. 71 RCurabilis prévoyait que le directeur de Curabilis était compétent pour prononcer les sanctions (al. 1). Lorsqu'il existait un cas de récusation au sens de l'art. 15 LPA, le directeur général de l’office cantonal de la détention (ci-après : OCD) était compétent (al. 2).

a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, sont l'objet d'une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs - la faute étant une condition de la répression - qui lèse les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 consid. 5b ; ATA/309/2016 du 12 avril 2016 consid. 5b ; ATA/972/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2).

c. La sanction doit être conforme au principe de la proportionnalité (ATA/309/2016 précité consid. 6). Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/634/2016 du 26 juillet 2016 consid. 5d ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

7. a. Dans un arrêt rendu le 2 décembre 2014 (ATA/953/2014), la chambre administrative a relevé qu’aucune disposition concordataire, légale ou réglementaire ne permettait au directeur de Curabilis de déléguer sa compétence d’infliger une sanction. Elle a ainsi déclaré nulle une décision de sanction prise par le responsable de l’exécution des mesures de Curabilis, considérant qu’admettre la possibilité que le directeur de Curabilis puisse déléguer ses compétences disciplinaires viderait l’art 71 RCurabilis de son sens. Dans l’hypothèse où le directeur de Curabilis était absent, le responsable de l’exécution des mesures devait attendre son retour ou solliciter le directeur général de l’OCD (ATA/953/2014 susmentionné, consid. 6 ainsi que la jurisprudence citée).

b. Le nouvel art. 71 al. 1 RCurabilis, adopté par le Conseil d’État le 26 juin 2015, en vigueur depuis le 1er juillet 2015, prévoit désormais que « le directeur de Curabilis et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer les sanctions ».

8. a. En l’espèce, la décision attaquée a été prise par le responsable de l’exécution des mesures. Selon l’organigramme de l’établissement et les indications de son directeur à la chambre de céans, le responsable de l’exécution des mesures assumait par ailleurs la fonction de directeur adjoint au sein de l’établissement au moment des faits. Il y a dès lors lieu d’admettre qu’en cette qualité, il était apte à suppléer son directeur, et partant, était compétent pour prendre une décision de sanction à l’encontre du recourant.

La décision querellée est par conséquent valide de ce point de vue.

b. Le droit d’être entendu du recourant a été respecté dans la mesure où il avait été auditionné, avec tenue d’un procès-verbal, avant le prononcé de la sanction. Le recourant ne formule au demeurant aucune critique, notamment à l’égard des rapports des agents sur l’incident du 21 novembre 2015. Il n’a en outre pas prétendu n’avoir pas eu accès à ces pièces.

c. S’agissant de la nature de la faute, le recourant admet avoir refusé de suivre les instructions des agents et les avoir empêchés de fermer la porte de sa cellule en la bloquant avec son corps, de telle sorte qu’il avait fallu plusieurs agents pour le pousser jusqu’à son lit. Il explique avoir « répliqué » en donnant des coups aux agents, arguant que ces derniers l’auraient frappé en premier. Or, aucun élément du dossier ne permet d’établir ces allégations, contestées par les intéressés.

Dans son courrier, reçu le 4 janvier 2016 par la chambre de céans, le recourant a au demeurant indiqué avoir « encore mal à la main droite ». Il n’a pas fait état ni établi avoir subi de blessures résultant des prétendus coups reçus.

En revanche, il ressort des deux rapports du 21 novembre 2015, établis par les agents impliqués, que deux d’entre eux ont été blessés par des griffures, l’un au visage et l’autre, au bras.

De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/73/2017 précité consid. 7 et les arrêts cités), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

Rien ne permet en l’occurrence de remettre en cause les constatations faites par les agents concernés dans leur rapport respectif, établi le jour même de l’altercation.

Enfin, le recourant ne conteste pas avoir insulté les agents en les traitant de « ... fils de pute ».

Il ressort également d’un rapport du 20 novembre 2015 que ce jour-là, soit la veille de l’incident, le recourant s’était montré agité en incitant un autre détenu à ne pas obéir aux ordres des agents, à les frapper et à les insulter.

Or, quelques jours auparavant, la direction de Curabilis avait déjà dû sanctionner le recourant d’un jour d’arrêt, avec un sursis d’un mois, pour son comportement récalcitrant.

d. Au vu de de ce qui précède, la sanction prononcée, à savoir sept jours d’arrêts en cellule forte, sans sursis, apparaît proportionnée à la faute commise, étant relevé que l’état de santé du recourant au moment des faits avait été pris en considération par l’autorité intimée.

9. Le recours sera par conséquent rejeté.

Vu la nature du litige et son issue, aucun émolument ne sera perçu et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 LPA ; art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03)

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 décembre 2015 par Monsieur A______ contre la décision du 23 novembre 2015 de l’établissement fermé de Curabilis ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas prélevé d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

 

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'établissement fermé de Curabilis.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, juge, Mme Steiner Schmid, juge suppléante.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :