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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/658/2007

ATA/28/2008 du 22.01.2008 ( DSE ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 07.03.2008, rendu le 03.09.2008, REJETE, 2C_206/08, 2C_212/2008
Recours TF déposé le 06.03.2008, rendu le 13.08.2008, REJETE, 2C_206/08, 2C_212/2008
Descripteurs : ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ADMINISTRATION DES PREUVES ; APPRÉCIATION DES PREUVES ; DOSSIER ; TRAVAIL DU DIMANCHE ; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL) ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; INTÉRÊT PUBLIC ; PROPORTIONNALITÉ ; TRAVAIL DE NUIT ; MOTIF DE POLICE ; MESURE DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE ; CONCURRENCE ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; CONCURRENT ; MAGASIN ; STATION-SERVICE ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; POUVOIR D'EXAMEN
Normes : Cst.8 ; Cst.9 ; Cst.27 ; Cst.29.al2 ; Cst.36 ; Cst.94 ; LTr.18 ; LTr.27 ; OLT2.25 ; OLT2.26 ; LHFM.6 ; RHFM.2
Parties : VALORA AG - STATION RTE DE MEYRIN 210, REDEKA SARL, A. ANDREY GMBH, S.A.M.E. SOCIETE ANONYME DE MANAGEMENT ET D'ENTREPRISES, MOLINARI ET LARUE SARL, GARAGE PATRICE MASSON SA, NAF Patrick, FANIRO SA ET AUTRES, STATION SERVICE ESSO - M. MOUTTAKI MOHAMED, SCHWAPP SYLVIE & YVES SARL, ATMANI Ahmed, CBR DISTRIBUTION SARL, GARAGE JEAN KRUCKER SA, MIGROL SERVICE COINTRIN, DIA SERVICES SARL, PENTEM SA - STATION CH. DU PETIT-SACONNEX 5, ARVECO SA, MIGROL SERVICE BALEXERT MIGROL SERVICE BALEXERT, DIA SERVICES SARL - STATION RTE DES ACACIAS 41, DIA SERVICES SARL - STATION RTE DES ACACIAS 23, PENTEM SA - STATION RUE DE MONTBRILLANT 67, PENTEM SA - STATION AV. DE L'AIN 5, STAEHLIN & ZINGG SARL, DURAFOUR Pierre, DURAFOUR Olivier, ANITA ET ANTONIO TARSI SARL, P. GIORDANO SARL - STATION CH. DE LA GRADELLE 40, P. GIORDANO SARL - STATION RUE MICHEL-SERVET 17, P. GIORDANO SARL - STATION RTE D'AMBILLY 3, P. GIORDANO SARL - STATION RUE DES PIERRES-DU-NITON 6, VALORA AG - STATION RTE DE FERNEY 192, ZANDI SARL - RTE DE VERNIER 137, ZANDI SARL - STATION RTE DE FERNEY 187, GARAGE CASONATO SA - STATION-SERVICE DANCET, RENE PICCAND ET FILS SA, GIGA SARL, COSENTINO-MARGIOTTA SARL, JEAN JACQUES WAGNER SARL - STATION RTE DE FERNEY 204, JEAN JACQUES WAGNER SARL - STATION RTE DE FERNEY 187, JEAN JACQUES WAGNER SARL - STATION RTE DE VERNIER 137, GARAGE ET CARROSSERIE HOFFER SARL, S. MARGUERAT PETIT-SACONNEX, PAM PRODUITS ALIMENTAIRE SA - STATION RTE DU BOIS-DES-FRERES 38, PAM PRODUITS ALIMENTAIRE SA - STATION RTE DES JEUNES 10, SW SALWYSS SA, TINGUELY Raphaël, PATYCAR SARL - STATION RTE DE SAINT-JULIEN 266, VALORA AG - STATION CH. FRANCOIS-FURET 53, GASERVICES SARL, PETROSERVICES SARL / OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL
Résumé : Recours de 49 stations-service du canton exploitant un magasin accessoire (ou "shop") contre une interdiction d'employer du personnel le dimanche et les jours fériés assimilés fondée sur l'article 18 LTr. Portée de la dérogation à cette interdiction, figurant à l'article 26 alinéa 4 OLT 2. Détermination des intérêts publics en cause (divergents). Interprétation conforme à la constitution des notions indéterminées contenues dans la disposition précitée, au regard, notamment, de la liberté économique, de l'égalité de traitement entre concurrents directs, du devoir de neutralité de l'Etat, des exigences de l'intérêt public et de la proportionnalité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/658/2007-DSE ATA/28/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 22 janvier 2008

 

dans la cause

 

A. ANDREY SàRL

ANITA ET ANTONIO TARSI SàRL

ARVECO S.A.

ATMANI Ahmed

C.B.R. DISTRIBUTION SàRL

COSENTINO-MARGIOTTA SàRL

DIA SERVICES SàRL

DIA SERVICES SàRL - STATION-SERVICE RTE DES ACACIAS 23

DIA SERVICES SàRL - STATION-SERVICE RTE DES ACACIAS 41

DURAFOUR Pierre et Olivier

FANIRO S.A.

GARAGE CASONATO S.A. - STATION-SERVICE DANCET

GARAGE ET CARROSSERIE HOFFER SàRL

GARAGE JEAN KRUCKER S.A.

GARAGE PATRICE MASSON S.A.

GASERVICES SàRL

GIGA SàRL

JEAN JACQUES WAGNER SàRL - STATION-SERVICE RTE DE FERNEY 187

JEAN JACQUES WAGNER SàRL - STATION-SERVICE RTE DE FERNEY 204

JEAN JACQUES WAGNER SàRL - STATION-SERVICE RTE DE VERNIER 137

MIGROL SERVICE BALEXERT

MIGROL SERVICE COINTRIN

MOLINARI ET LARUE SàRL

NäF Patrick

P. GIORDANO SàRL - STATION-SERVICE CH. DE LA GRADELLE 40

P. GIORDANO SàRL - STATION-SERVICE RTE D'AMBILLY 3

P. GIORDANO SàRL - STATION-SERVICE RUE DES PIERRES-DU-NITON 6

P. GIORDANO SàRL - STATION-SERVICE RUE MICHEL-SERVET 17

PAM PRODUITS ALIMENTAIRE S.A. - STATION-SERVICE RTE DES JEUNES 10

PAM PRODUITS ALIMENTAIRE S.A. -
STATION-SERVICE RTE DU BOIS-DES-FR
èRES 38

PATYCAR SàRL - STATION-SERVICE RTE DE SAINT-JULIEN 266

PENTEM S.A. - STATION-SERVICE AV. DE L'AIN 5

PENTEM S.A. - STATION-SERVICE CH. DU PETIT-SACONNEX 5

PENTEM S.A. - STATION-SERVICE RUE DE MONTBRILLANT 67

PETROSERVICES SàRL

REDEKA SàRL

RENé PICCAND ET FILS S.A.

S. MARGUERAT PETIT-SACONNEX

S.A.M.E. SOCIéTé ANONYME DE MANAGEMENT ET D'ENTREPRISES

SCHWAPP SYLVIE & YVES SàRL

STAEHLIN & ZINGG SàRL

STATION SERVICE-ESSO - M. MOUTTAKI MOHAMED

SW SALWYSS S.A.

TINGUELY Raphaël

VALORA S.A. - STATION-SERVICE RTE DE MEYRIN 210

VALORA S.A. - STATION-SERVICE CH. FRANCOIS-FURET 53

VALORA S.A. - STATION-SERVICE RTE DE FERNEY 192

ZANDI SàRL - RTE DE VERNIER 137

ZANDI SàRL - STATION-SERVICE RTE DE FERNEY 187
représentés par Me Dominique de Weck, avocat

contre

SERVICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL


 


EN FAIT

1. Jusqu'en janvier 2006, les exploitants des stations-service du canton de Genève (ci-après : les stations-service ou les stations) qui disposaient d'un magasin accessoire (ou "shop") ont pu ouvrir et employer du personnel le dimanche sans être inquiétés par les autorités.

2. Les 23 et 24 janvier 2006, plusieurs d'entre eux se sont vus notifier par le service cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) une décision leur interdisant d'employer des travailleurs le dimanche et les jours fériés assimilés, "sauf pour la distribution et la vente de carburant ainsi que de petits accessoires pour l'entretien courant et l'équipement des automobiles ainsi que d'accessoires saisonniers pour automobiles à l'exclusion de tout autre article".

a. Devant le développement des magasins accessoires aux stations-service dont certains devenaient de véritables supermarchés, le Secrétariat d’Etat à l'économie (ci-après : SECO) avait donné de nouvelles directives afin que ces magasins restent conformes à la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11), qui interdisait aux entreprises d'occuper des travailleurs le dimanche. Selon cette loi, pouvaient bénéficier d'une dérogation à cette interdiction les entreprises de services aux voyageurs (art. 26 al. 2 de l'ordonnance fédérale relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 - OLT 2 - RS 822.112). Conformément à l'alinéa 4 de cette disposition, étaient réputées entreprises de services aux voyageurs, "les points de vente et entreprises de prestations de services situés dans le périmètre de gares, aéroports, stations de transports publics et dans les localités frontalières, ainsi que les magasins des stations-service situés sur les aires des autoroutes ou le long d'axes de circulation importants à forte fréquentation touristique, dont les marchandises ou les prestations répondaient principalement aux besoins particuliers des voyageurs".

Il convenait, désormais, d'être rigoureux dans l'interprétation de ces conditions.

b. En particulier, une station-service ne pouvait plus être considérée comme située dans une "localité frontalière" au sens de l'article 26 alinéa 2 OLT 2 que si elle se trouvait à moins de 500 mètres d'un poste de douane. Cette limite s'inspirait du cas de la ville de Castasegna dans le Val de Bregalia au Tessin qui faisait 500 mètres de large ; admis par le SECO comme localité frontalière dans la totalité, ce village illustrait, par sa situation, la notion de "localité frontalière" prévue par la loi.

c. Les stations situées sur un "axe de circulation important" étaient celles implantées sur des voies principales reliant des localités importantes (cantons ou Etats) et servant à la plupart des voyageurs effectuant de longues distances.

Dans le canton de Genève, ces axes étaient composés de la route Suisse, de la route de Ferney, de la route de Meyrin, de la route de Saint-Julien, de la route d'Annecy, de la route du Pas-de-l'Echelle, de la rue de Genève, de la route de Thonon et de la route d'Hermance.

d. Cela étant, il ne suffisait pas, pour être mis au bénéfice de la dérogation accordée par l'article 26 OLT 2, de se trouver sur l'un de ces axes. Encore fallait-il que l'axe en question soit "à forte fréquentation touristique". Cette condition n'était remplie que lorsque le trafic à longue distance l'emportait sur le trafic local, ce qui n'était jamais le cas des stations situées à l'intérieur des localités, fréquentées davantage par la population locale que par des voyageurs. Ainsi, seules les stations situées en dehors des localités pouvaient être mises au bénéfice de cette disposition.

Plusieurs entreprises s'étaient vues refuser le bénéfice de la dérogation parce que leurs stations ne se trouvaient pas sur un axe important. D'autres satisfaisaient cette condition, mais leur clientèle n'était pas constituée principalement de voyageurs. D'autres enfin, bien que situées dans des communes frontalières mais à plus de 500 mètres d'un poste de douane, n'étaient pas implantées dans des localités frontalières au sens de l'article 26 OLT 2. Aux stations dans lesquelles travaillaient le chef de l'entreprise et sa famille, L'OCIRT réservait l'exonération prévue à l'article 4 LTr.

3. Ces motifs figurent, pour chaque station, dans des décisions séparées. Pour des raisons de lisibilité du présent arrêt, et dérogeant en cela aux principes habituels régissant la rédaction des arrêts des juridictions administratives, les faits relatifs à la situation de chacune d'elle, ainsi que la motivation des décisions s'y rapportant, seront exposés dans la partie en droit ci-après.

4. Parallèlement à cette vague de décisions, le service du commerce (ci-après : SC, anciennement dénommé office cantonal de l’inspection du commerce) a saisi les autorités pénales et accusé plusieurs exploitants de magasins accessoires d'avoir vendu des marchandises ne correspondant pas aux besoins des voyageurs en dehors des heures d'ouverture des magasins en violation de la loi sur les heures de fermeture des magasins du 15 novembre 1968 (LHFM - I 1 05) sans que l'on sache s'il s'agissait d'un dimanche.

Sur recours, la chambre pénale de la Cour de Justice a acquitté la plupart des mis en cause au motif que les objets vendus pouvaient être considérés comme satisfaisant les besoins des voyageurs. Le contenu de cet arrêt sera repris, en tant qu'il concerne la présente procédure, dans la partie en droit ci-après.

5. Par acte unique du 22 février 2007, quarante-neuf stations visées par cette mesure ont recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision les concernant et concluent à leur annulation.

Elles avaient toujours ouvert le dimanche. La décision soudaine de l'autorité intimée de ne plus tolérer cette pratique modifiait des droits acquis et était ainsi contraire au principe de la bonne foi.

Il était douteux que la protection des travailleurs soit à l'origine de ces décisions. Il était plus vraisemblable que celles-ci visent, de manière déguisée, à protéger les petits commerçants ouverts le dimanche (entreprises familiales, boulangeries-pâtisseries, tea-rooms, etc.).

L'interprétation restrictive que faisait l'OCIRT de l'article 26 alinéas 2 et 4 OLT 2 ne s'harmonisait pas avec les décisions pénales récentes de différents cantons, dont Genève, acquittant les exploitants de stations-service poursuivis pour avoir vendu en dehors des heures d'ouverture habituelles des magasins des marchandises ne répondant pas aux besoins des voyageurs, tels que définis par la LHFM et son règlement d'exécution.

Le canton de Genève faisait d'ailleurs cavalier seul dans cette interprétation de la loi fédérale. Les autres cantons n'étant pas intervenus auprès de leurs stations-service, le principe de l'égalité de traitement était violé.

Les décisions querellées détournaient en outre, le dimanche, la clientèle suisse vers la France, ce qui était contraire aux intérêts économiques du canton.

Enfin, le SECO lui-même, dans un formulaire de contrôle qu'il avait fourni à l'autorité intimée, n'exigeait qu'une condition, relativement à la situation géographique de la station : il suffisait que celle-ci se trouve sur une route nationale, principale ou cantonale pour qu'elle soit sur "un axe de circulation important à forte fréquentation touristique". L'interprétation de l'OCIRT, qui avait ajouté des critères à cette exigence, était dès lors incompréhensible.

L'exposé relatif à la situation de chaque station sera repris ci-dessous, en tant que de besoin.

Parmi les pièces versées à la procédure par lesdites stations, figurait la copie d'un mémoire daté du 9 juin 2006 et signé par Me Bruno de Weck, répondant à un recours déposé par le Ministère public de l'Etat de Fribourg dans une procédure pénale ouverte à l'encontre d'un gérant d'une station-service de ce canton, inculpé pour avoir employé illégalement des travailleurs le dimanche.

6. L'OCIRT a répondu auxdits recours par acte du 13 avril 2007, conclu à leur rejet, à ce que le mémoire précité soit écarté de la procédure et à ce qu'une équitable indemnité soit versée à l'OCIRT pour le surcroît de travail occasionné par le recours.

La pièce litigieuse constituait un mémoire complet ne respectant pas les exigences de l'article 65 alinéa 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Bien qu'un seul acte de recours pour les quarante-neuf décisions avait été déposé, il ne fallait pas perdre de vue qu'une décision individuelle avait été prise pour chaque station, en fonction de sa situation particulière.

L'article 26 OLT 2, dans sa version française, ajoutait une condition qui ne figurait pas dans le texte allemand. Il s'agissait du caractère touristique de la fréquentation de l'axe routier. Conformément à la ratio legis de la loi, il n'était pas nécessaire que la forte fréquentation d'une voie cantonale revête un caractère touristique. Il suffisait qu'il existe un fort trafic de voyageurs, que ces derniers soient touristes ou non. En revanche, il fallait interpréter l'OLT 2 restrictivement et exclure tous les pendulaires (véhicules immatriculés 74, 01 ou Vaud) et tous les conducteurs genevois, qui pouvaient s'organiser pour faire leurs achats aux heures habituelles d'ouverture des commerces. Ainsi, la fréquentation d'un axe ne donnait pas d'indication sur sa vocation à rendre service aux voyageurs. Cet objectif n'était atteint que par les stations situées dans des zones peu ou pas urbanisées.

Pour déterminer si une station se situait dans une telle zone, l'OCIRT avait tracé un cercle imaginaire de 250 mètres autour de chacune d'elles ; si, dans ce rayon, se trouvaient des structures indiquant la présence d'une forte urbanisation (édifices publics - écoles, musées, postes -, stations de taxis, nombre important d'arrêts TPG, bâtiments d'habitation, etc), il fallait conclure que la station desservait principalement le tissu local. En revanche, si l'urbanisation était faible (arrêts TPG espacés, présence de pistes cyclables, pas d'édifices publics, etc), la station était considérée comme servant principalement les voyageurs.

Trois stations remplissaient, à titre d'exemple, les conditions de l'article 26 OLT 2. Il s'agissait des stations-service d'Eaumorte (404, route de Chancy) et de celles sises aux 336 et 345 route de Thonon qui n'avaient, dans un rayon de 250 mètres, qu'un arrêt TPG.

Suivait un exposé détaillé des raisons pour lesquelles il avait été considéré que les stations recourantes se trouvaient en zone urbanisée, la situation de chacune d'elles étant examinée individuellement.

Les décisions attaquées ne violaient pas la garantie constitutionnelle de l'égalité de traitement, les stations ayant fait l'objet d'une décision favorable n'étant pas dans la même situation.

Cette vague de décisions ne constituait pas un changement de pratique, mais une pratique nouvelle, qui visait, sans discrimination, toutes les stations se trouvant dans la même situation.

La jurisprudence pénale rendue récemment dans les affaires ayant acquitté des exploitants de stations service pour avoir employé du personnel le dimanche n'était pas utilisable dans la procédure administrative, car ces procédure étaient régies par les principes du droit pénal et non par ceux du droit administratif.

7. L'OCIRT a versé à la procédure des calculs effectués par l’office cantonal de la mobilité (ci-après : OCM) à la demande des recourants, indiquant la fréquentation des routes sur lesquelles les stations se trouvent.

8. Par décision du 8 mars 2007, le Président du Tribunal administratif a accordé l'effet suspensif au recours, considérant que les décisions attaquées imposaient une obligation nouvelle aux recourants et que les conclusions qu'ils avaient prises servaient au maintien de l'état de fait ayant prévalu jusque-là.

9. Les stations recourantes ont répliqué le 29 juin 2007 et persisté dans leurs conclusions.

Les critères liés à la proximité d'un milieu urbain développés par l'autorité intimée afin de déterminer si une station satisfaisait ou non aux besoins des voyageurs avaient pour seule fonction de protéger le commerce local et étaient étrangers à la loi. On se trouvait donc en présence d'une mesure restreignant la concurrence, qui n'avait pas pour but de protéger les travailleurs.

Le fait d'exclure les véhicules vaudois ou frontaliers de la masse des voyageurs était absurde, car les ressortissants des régions voisines venaient aussi à Genève le dimanche à des fins touristiques.

La situation de chacune des stations était analysée. Toutes se trouvaient sur un axe de circulation important, dans une zone touristique, et remplissaient en conséquence les conditions de l'article 26 OLT 2. Plusieurs d'entre elles pouvaient démontrer qu'elles faisaient, le dimanche, un chiffre d'affaires important lié à l'exploitation du magasin (vente de nourriture - sandwichs, plats à l'emporter, fruits, laitages - , vente de tabac, de confiserie, de produits d'entretien, d'hygiène et de nettoyage, de boissons, de fleurs, etc.) et qu'elles étaient fréquentées par des personnes stationnées à Genève (fonctionnaires internationaux, touristes demeurant dans les hôtels, habitants du quartier qui les utilisaient comme commerces de proximité, etc.) ainsi que par des voyageurs de passage. Ces personnes venaient souvent faire leur plein le dimanche et manifestaient le besoin de trouver un magasin ouvert à proximité.

L'exécution des décisions attaquées conduirait par ailleurs à des licenciements et priverait beaucoup d'étudiants, représentant une grande partie de la main d'œuvre employée le dimanche, des moyens leur permettant de financer leurs études.

Dans la plupart des cas, les décisions attaquées étaient en outre inexécutables, car il était impossible, de fait, de refuser à un client, parce que c'était un dimanche, l'achat d'un paquet de cigarettes, et de l'accepter les autres jours. Les articles automobiles n'étaient pas séparés des autres ; ils se trouvaient dans le même espace et l'on ne pouvait extraire ces derniers de la surface de vente un jour par semaine. La distinction que faisait l'OCIRT entre les différents articles pouvant être vendus le dimanche était impraticable et absurde.

L'article 26 OLT 2 exemptait les kiosques de l'interdiction d'employer du personnel le dimanche. Or, plusieurs stations-service pouvaient être qualifiées de kiosques. La loi n'interdisait pas cette qualification aux stations-service qui vendaient les mêmes produits.

L'interprétation restrictive de l'article 26 OLT 2 faite par l'OCIRT n'était pas conforme à la volonté du législateur qui avait prévu, dans un nouvel article 26a, une libéralisation du travail dominical dans les gares et les aéroports.

Enfin, la demande d'indemnité à laquelle l'autorité intimée avait conclu était inadmissible ; celle-ci n'avait pas pris d'avocat indépendant et voulait faire payer aux recourants l'exercice d'un droit garanti à tout un chacun par la loi.

10. L'OCIRT a répliqué le 3 août 2007 et a campé sur ses positions.

Les stations-service ne pouvaient être assimilées aux kiosques, que le SECO définissait comme des installations fixes dont le volume restreint permettait un contrôle aisé. Or, les magasins étaient souvent vastes ; les produits n'étaient pas à portée de main directe du vendeur. La nourriture proposée représentait davantage que des en-cas et l'assortiment offert était plus complet et varié.

11. Sur demande du tribunal de céans, l'OCIRT a versé à la procédure la liste des stations-services mises au bénéfice de l'article 26 OLT 2. Les stations Avia (404, route de Chancy), Shell (500, route de Chancy), Esso (372, route de Meyrin), BP (388, route de Meyrin), Tamoil (336, route de Thonon), Migrol (345, route de Thonon), Agip (351, route de Thonon), BP (9-10, route Blanche) se trouvaient sur un axe important et hors urbanisation. Les six dernières stations étaient également situées en zone frontalière. Il en allait de même pour les stations Mondello (71, route de Bellegarde), Tamoil (253, route d'Annecy), Tamoil (286, route de Saint-Julien), BP (289, route de Saint-Julien), Shell (295, route de Saint-Julien), Tamoil (58, route d'Ambilly), Tamoil (12, route du Pont-de-la-Fin) et BP (99, route du Pas-de-l'Echelle).

N'avaient en outre pas recouru contre la décision leur déniant un droit à la dérogation, le garage Sammy (119, route de Lausanne), le TCS (29b, route de Malagnou), Arif Demir (304, route de Meyrin) et Halog S.A. (42, chemin Philippe-de-Sauvage).

12. Par courrier du 23 octobre 2007, les recourants ont prié le juge délégué, à titre subsidiaire, au cas où le transport du tribunal de céans à l'emplacement de toutes les stations serait refusé, de se rendre auprès de deux stations-service situées route de Lausanne, à Chambésy, dont la situation était exemplative.

13. Par lettre du 3 décembre 2007, l'OCIRT s'est opposé à ladite requête.

Cette mesure d'instruction n'était pas nécessaire, dès lors que figuraient dans son chargé de pièces un plan de situation et une photo de chaque station. Les comptages de l'OCM fournissaient, quant à eux, tous les éléments nécessaires relatifs à la fréquentation des axes routiers sur lesquels elles se trouvaient.

14. Par lettre du 13 décembre 2007, les recourants ont réitéré leur requête de transport sur place.

15. La cause a ensuite été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable à cet égard (art. 56A et suivants de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a LPA).

2. A teneur de l’article 60 lettres a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée sont titulaires de la qualité pour recourir.

a. Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’article 103 lettre a de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 et qui était, jusqu'à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’article 98a de la même loi (ATA/567/2006 du 31 octobre 2006 consid. 3a et les références citées ; ATA/434/2005 du 21 juin 2005 consid. 2). Elle correspond aux critères exposés à l’article 89 alinéa 1 lettre c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C 69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 et 2C 74/2007 du 28 mars 2007 consid. 2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4126), que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’article 111 alinéa 1 LTF (FF 2001 4146).

b. En l'espèce, les recourants, exploitants, sont incontestablement touchés plus que quiconque par la décision qui dénie à leurs propres stations-service le caractère d'entreprises de service aux voyageurs (art. 27 al. 2 let. c LTr et 26 al. 2 et 4 OLT 2) et leur interdit d'employer du personnel le dimanche et les jours fériés assimilés. En revanche, ils ne sont pas touchés directement par les décisions qui concernent les autres stations-service recourantes.

c. Leurs recours sont donc recevables en tant qu'ils concernent la ou les décisions dont ils font chacun personnellement l'objet (certaines personnes morales recourantes exploitant plusieurs stations-service).

3. Les recourants ont requis le transport du juge délégué dans chacune des stations, puis ont proposé que cette mesure d'instruction se limite à deux d'entre elles, dont la situation était emblématique.

Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 et les arrêts cités).

Selon le principe de la libre appréciation des preuves, qui s’applique en procédure administrative, le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des pièces. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, qu’elle qu’en soit la provenance, puis décider si le document à disposition permet de porter un jugement valable sur le droit litigieux (ATA/150/2007 du 27 mars 2007 consid. 3b).

Dans le cas d’espèce, le tribunal de céans renoncera au transport sur place suggéré par les recourants, les pièces versées à la procédure suffisant à établir les éléments factuels pertinents pour répondre aux questions juridiques posées par le présent litige.

4. L'autorité intimée conclut à ce que le mémoire de Me Bruno De Weck, versé au dossier par les recourants, soit écarté de la présente procédure.

Bien que ce document ne puisse être considéré comme "acte de recours" au sens de l'article 65 alinéa 2 LPA - ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par les recourants - il n'est pas dénué de pertinence. Aucune raison n’impose de ne pas admettre ce mémoire comme pièce appuyant les conclusions des recourants.

La demande de l'OCIRT sera donc rejetée.

5. Selon l'article 18 alinéa 1er LTr, il est interdit d’occuper des travailleurs le "dimanche" (soit du samedi à 23 heures au dimanche à 23 heures). Dans le canton de Genève, sont assimilés aux dimanches, outre le 1er août, le 1er janvier, le Vendredi Saint, le Lundi de Pâques, l'Ascension, le Lundi de Pentecôte, le Jeûne Genevois, Noël et le 31 décembre (art. 20a al. 1er LTr).

6. Cette interdiction ne concerne pas les entreprises de la branche automobile et les travailleurs qu’elles affectent à l’approvisionnement de véhicules en carburant, au service de dépannage et de remorquage et aux travaux de réparation subséquents (art. 46 LTr).

Conformément à l'interprétation de cette disposition faite par l'OCIRT, les exploitants de stations-service peuvent, sans autorisation officielle, occuper des travailleurs le dimanche pour assurer la distribution de carburant et la vente d'accessoires automobiles pour l'équipement et l'entretien courant des véhicules (art. 46 LTr). Ce ne sont donc pas les stations-service, directement, qui sont incriminées par les décisions attaquées, mais l'exploitation de leur magasin, qui constitue une activité accessoire.

7. Les parties sont par ailleurs d'accord sur le fait que l'interdiction querellée ne concerne que l'emploi, par les stations-service, de travailleurs autres que le conjoint, le partenaire enregistré du chef de l’entreprise, ses parents en ligne ascendante et descendante, leurs conjoints ou leurs partenaires enregistrés, ainsi que les enfants du conjoint ou du partenaire enregistré du chef de l’entreprise (art. 4 al. 1er LTr). Elles admettent que ces personnes peuvent travailler et ouvrir leur magasin le dimanche, en application des articles 4 LTr et 4 LHFM. Aucune des stations recourantes ne soulève avoir été injustement traitée de ce point de vue par l'autorité intimée.

8. Aux termes de l'article 27 alinéas 1er et 2 lettre c LTr, les entreprises satisfaisant aux besoins du tourisme, notamment, peuvent être soumises par voie d’ordonnance à des dispositions spéciales remplaçant tout ou partie l'interdiction d'employer du personnel le dimanche figurant à l'article 18 LTr.

9. Sur la base de cette délégation, le Conseil d'Etat a adopté l'article 26 OLT 2 qui permet aux "entreprises de services aux voyageurs", d'employer du personnel le dimanche et les jours fériés assimilés, sans autorisation.

Selon l'alinéa 4 de cette disposition, "sont réputés entreprises de services aux voyageurs les points de vente et entreprises de prestations de services situés dans le périmètre de gares, aéroports, stations de transports publics et dans les localités frontalières, ainsi que les magasins des stations-service situés sur les aires des autoroutes ou le long d’axes de circulation importants à forte fréquentation touristique, dont les marchandises ou les prestations répondent principalement aux besoins particuliers des voyageurs".

Les parties divergent sur le sens et la portée de cette règle, qui comprend des conditions liées à la situation géographique de l'entreprise (être dans une localité frontalière, sur une aire d'autoroute, le long d'un axe de circulation important à forte fréquentation touristique) et des conditions liées au type de marchandises ou de prestations offertes, qui doivent répondre "principalement" aux besoins "particuliers" des "voyageurs", sans être toutefois du carburant ou des accessoires automobiles, la vente de ces articles faisant l'objet de la dérogation examinée ci-dessus (partie en droit, ch. 6).

Cette disposition contient des notions indéterminées qui doivent être interprétées. Si l'autorité administrative dispose d'une certaine latitude dans l'interprétation de ces notions, l'article 26 alinéa 4 OLT ne lui laisse aucun pouvoir d'appréciation. En effet, l'interprétation de ces conditions ne relève pas de l'opportunité, soit d'un choix entre une ou plusieurs solutions, toutes légales, que la loi lui donnerait. Dans l'application de cette disposition, l'autorité est liée ; elle doit accorder la dérogation litigieuse si les conditions légales sont remplies.

Le pouvoir d'examen du tribunal de céans est, en conséquence libre, contrairement à ce que soutient l'autorité intimée (art. 61 al. 2 a contrario LPA).

10. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 129 V 258 consid. 5.1 p. 263/264 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d’interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 consid. 4a p. 208/209). Si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Cst. (ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248 et les arrêts cités).

11. A son article 27 alinéa 1er, la Cst. garantit la liberté économique, qui comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 128 I 19 consid. 4c.aa p. 29 ; Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss p. 176 ; A. AUER/G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2ème éd., Berne 2006, n° 876, p. 416). Elle peut être invoquée aussi bien par les personnes physiques que par les personnes morales (FF 1997 I 1ss p. 179 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2P.162/2002 du 11 novembre 2002, consid. 3.1 ; 2P.38/2001 du 30 août 2002, consid. 3.2).

L'interdiction d'employer du personnel le dimanche constitue une restriction à cette liberté tant pour les exploitants des stations-service que pour les travailleurs qu'ils engagent.

12. Outre qu'elle doit être fondée sur une base légale (art. 36 al. 1 Cst.), ce qui est le cas en l'espèce (art. 27 LTr et 26 OLT 2, en relation avec l'art. 190 Cst.), une telle restriction doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst.). Elle doit enfin être proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.).

13. a.a. L'intérêt public visé par l'interdiction du travail dominical a été explicité à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral. Selon la Haute Cour, bien que le travail du dimanche n'a pas d'effet direct sur la santé, son incidence sur le plan social et culturel est des plus importantes. Non seulement ce jour est sacré selon la tradition chrétienne et garde encore cette signification pour une partie de la population, mais surtout l'institution d'un même jour libre pour tous permet aux personnes sous pression dans leur travail de bénéficier de repos et de loisirs en dehors de la vie de tous les jours. Il permet le calme intérieur, qui n'est pas pensable sans calme extérieur. Un temps libre commun rend possibles, dans une grande mesure, la communication et les contacts à l'intérieur et à l'extérieur de la famille, ce qui n'est pas réalisable par du temps libre individuel durant la semaine (ATF 120 Ib 332 p. 333, 334 ; ATF 116 Ib 284 consid. 4a p. 288).

a.b. Le fait que le législateur fédéral ait restreint le travail dominical plus rigoureusement encore que le travail nocturne, en considération de la sanctification du dimanche et par égard pour la vie familiale, est également significatif (ATF 120 Ib 332 p. 333, 334). Il ressort en effet du message du Conseil fédéral du 30 septembre 1960 concernant le projet de la loi sur le travail (FF 1960 II 885 p. 956) que le législateur voulait limiter plus encore le travail dominical que le travail de nuit, raison pour laquelle il a prévu, en ce qui concerne le travail dominical temporaire, des suppléments de salaire plus importants qu'en cas de travail nocturne (art. 17 al. 1, 19 al. 1 LTr). Selon le Tribunal fédéral, même si cette réglementation des salaires ne vaut pas pour le travail nocturne et dominical durable, l'estimation formulée par le législateur est significative et doit conduire à autoriser le travail dominical de manière encore plus restrictive que le travail de nuit (Arrêt du Tribunal fédéral du 11 juillet 1986, consid. 4, in JAR 1987 p. 316).

a.c. Dans plusieurs arrêts ultérieurs, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence et indiqué qu'elle n'avait pas perdu sa raison d'être vu, notamment, le rapport de la commission de l'économie et des redevances adressé aux Chambres fédérales le 17 novembre 1997 (FF 1998 II p. 1128 ss, spéc. p. 1131 et 1137). Ce rapport relève en effet que l'assouplissement du travail dominical dans la vente, pour six dimanches ou jours fériés par année seulement, a été l'une des causes principales du rejet de la loi, lors de la votation populaire du 1er décembre 1996.

a.d. En prévoyant de donner aux cantons la possibilité de fixer quatre dimanches par an pendant lesquels les travailleurs pourraient être occupés, le projet de modification de l'article 19 LTr de la commission de l'économie et des redevances du Conseil National, actuellement pendant, confirme encore l'actualité de cette position.

a.e. Enfin, selon le Tribunal fédéral, les exceptions à l'interdiction du travail nocturne et dominical, en tant que dérogations à l'un des principes majeurs du droit de la protection des travailleurs, ne doivent être accordées, selon le principe de la proportionnalité, que là où leur caractère indispensable est établi (ATF 116 Ib 284 p. 288 consid. 4), quand bien même les habitudes des consommateurs ont subi une certaine évolution (Arrêts du Tribunal fédéral 2A.26/2005 du 14 juin 2005 consid. 3.2.2 ; 2A.166/2003 du 7 août 2003 consid. 2). La concurrence des Etats voisins ne constitue pas non plus, en règle générale, une justification suffisante (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.542/2001 du 1er octobre 2002 consid. 4.2).

a.f. Il résulte de cette analyse que la protection du repos dominical constitue un intérêt public très important en droit suisse.

b. Cet intérêt public est mis en balance, dans l'article 26 OLT 2, avec celui des voyageurs à pouvoir trouver sur certains axes routiers des magasins ouverts le dimanche pour satisfaire des besoins particuliers.

Le législateur, qui a édicté des normes pour protéger les travailleurs, est ainsi parti de l'idée que les voyageurs ont certains besoins qu'il convient de satisfaire même au prix d'une dérogation au principe de l'interdiction du travail dominical (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.612/1999 du 30 juin 2000 consid. 5b). Conformément aux principes énoncés ci-dessus, cette dérogation doit s'interpréter restrictivement sous peine de vider le principe général de son contenu (ATF 126 II 106 consid. 5a p. 109/110 ; 120 Ib 332, p. 338).

14. La loi doit également s'interpréter conformément au principe de la proportionnalité, lequel se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré (ici les stations-service) et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (représentés en l'espèce, par la protection du repos dominical, seul intérêt public qui entre en conflit avec l'intérêt privé des recourants, la satisfaction des besoins des voyageurs allant dans le sens de l'intérêt des recourants et non à son encontre (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001, consid. 2c).

15. La Cst. comporte encore d'autres exigences en rapport avec cette réglementation, qui doivent être prises en compte dans l'interprétation des notions indéterminées contenues à l'article 26 OLT 2.

a. Il s'agit notamment de l'article 94 alinéas 1er et 4 Cst., qui interdit à la Confédération et aux cantons d'intervenir sans base constitutionnelle expresse dans la concurrence, en la dirigeant selon un certain plan et en protégeant des acteurs économiques au détriment d'autres (ATF 130 I 26 consid. 6.3.3.1 p. 53 ; 125 I 322 consid. 3a p. 326 ; D. HOFMANN, La liberté économique face au droit européen, Berne 2005, p. 79-80).

b. Dans la LTr, le législateur n'a pas voulu favoriser certaines branches économiques au détriment d'autres pour orienter l'économie selon un certain plan. Un telle intention aurait d'ailleurs été inconstitutionnelle, car elle n'est pas prévue par la Cst. (art. 94 al. 4 Cst.). Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, les seuls intérêts publics poursuivis par la LTr sont la protection du repos dominical des travailleurs, d'une part, et la satisfaction des besoins de voyageurs, d'autre part. Ces intérêts publics constituent des mesures de police au sens de la jurisprudence et peuvent, en tant que tels - par opposition aux mesures de politique économique - justifier une limitation à la concurrence. Il résulte de ces principes que l'autorité intimée doit, dans sa décision, rester fidèle à la protection de ces intérêts publics et ne peut, sous le couvert de l'article 26 OLT 2, poursuivre d'autres objectifs, de nature économique.

c. Elle ne peut, en particulier, interdire aux exploitants des stations-service d'employer du personnel le dimanche pour protéger, comme l'induisent les recourants, les petits commerçants des localités traversées par les axes routiers importants, que la LHFM autorise à ouvrir le dimanche (entreprises familiales, boulangeries, tea-rooms, etc).

16. Si l'Etat ne peut intervenir dans la concurrence pour favoriser certaines branches économiques (art. 94 Cst), il ne peut non plus traiter différemment des entreprises qui proposent les mêmes services (V. MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, p. 539-540, nos 1203 ss). En effet, le devoir de neutralité économique a pour corollaire une autre garantie constitutionnelle, qui doit également être prise en compte dans l'interprétation de la dérogation prévue à l'article 26 OLT 2. Il s'agit de l'égalité de traitement entre concurrents économiques directs, fondée sur les articles 27 et 94 Cst., qui va plus loin que la protection accordée par l'article 8 Cst. (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.704/2005 du 4 avril 2006 consid. 5). On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins.

Certes, selon la jurisprudence, l'égalité entre concurrents directs n'est pas absolue et autorise des différences de traitement, mais il faut que celles-ci répondent à des critères objectifs et sérieux et résultent du système lui-même. Le Tribunal fédéral considère que ces inégalités doivent être réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (cf. ATF 130 I 26 consid. 6.3.3.1 p. 53 ; 125 I 431 consid. 4b/aa p. 435-436 et la jurisprudence citée).

La question de l'ouverture des stations-service le dimanche pose deux problèmes particuliers en rapport avec cette exigence.

a. Il s'agit tout d'abord de l'égalité de traitement entre les stations elles-mêmes.

Les stations qui se trouvent sur un même axe ou dans une même localité frontalière sont des concurrents directs si elles offrent le même type de marchandises. En application du principe de l’égalité de traitement, les stations entre elles ne peuvent être traitées différemment lorsqu'elles sont dans une situation semblable au sens de la loi. Ainsi, celles qui se trouvent sur un même axe doivent faire l'objet d'un traitement équivalent, si la distinction ne répond pas à des critères objectifs et sérieux et n'est pas absolument nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (cf. ATF 125 I 431 consid. 4b/aa p. 435-436 et la jurisprudence citée). Une justification fondée sur le fait qu’autoriser deux stations suffirait pour satisfaire les besoins des voyageurs alors qu’il s’en trouve cinq alignées sur la même route, violerait non seulement l’interdiction des mesures de politique économique, mais également le principe de l’égalité de traitement.

b. La deuxième question qui se pose en rapport avec cette garantie concerne la relation qui existe entre les magasins des stations-service et les commerces qui offrent à la vente des marchandises identiques (épiceries, supérettes, etc).

Le développement des magasins des stations-service, dont certains sont devenus de véritables épiceries ou des minis-supermarchés fréquentés par des voyageurs, mais également par la population locale - ce qui n'est pas contesté par les parties - pose la question de savoir si, dans le cadre de cette activité accessoire, les stations-service, ou certaines d'entre elles, sont devenues des concurrentes directes d'autres commerces localisés aux mêmes endroits et offrant des marchandises semblables qui ne sont pas autorisés à ouvrir le dimanche en vertu de la LTr.

Selon la jurisprudence, le principe d'égalité de traitement des concurrents d'une même branche économique ne s'applique pas dans l'hypothèse où deux professions différentes ou deux catégories d'entreprises se trouvent dans une situation de concurrence pour une partie seulement de leurs activités (ATF 120 Ia 236 consid. 2b p. 239 ; 119 Ia 433 consid. 2b p. 436 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.26/2005 du 14 juin 2005 consid. 4.3 : centre de fitness avec installations sportives et piscine comparé à un centre de bien-être dispensant des massages, bains, etc.). De même, ne sont pas des concurrents directs un magasin de station-service se trouvant sur un axe important et un magasin de biens de consommation situé en zone urbanisée, car le premier répond principalement aux besoins particuliers des voyageurs par les marchandises vendues, qui doivent correspondre à l'attente de ce type de clientèle (Arrêts du Tribunal fédéral 2A.704/2005 du 4 avril 2006 consid. 5 ; 2A.26/2005 du 14 juin 2005 consid. 3.2.2). La question de savoir si, aujourd’hui, dans la situation telle qu'elle est devenue, un magasin de biens de consommation situé sur un axe important est le concurrent direct d’un magasin de station-service n’a pas encore été tranchée par le Tribunal fédéral. Elle peut souffrir de rester ouverte en l’espèce, car aucun cas concret de ce type n’est soulevé dans la procédure. Il n’en demeure pas moins que l’autorité doit veiller à une application uniforme de la loi et qu’elle ne peut sous peine de violer ce principe à l’égard des autres commerçants offrant les mêmes produits laisser les stations-service devenir de véritables supermarchés destinés en premier lieu à la population locale, et éluder ainsi les objectifs de protection de la LTr sous le couvert de l'article 26 OLT 2. C’est ce qu’a souligné le Tribunal fédéral dans l’arrêt 2A.704/2005 déjà cité (consid. 5) lorsqu’il a indiqué que les exceptions à l'interdiction du travail dominical devaient se conformer au principe de l'égalité de traitement issu de la liberté économique et ne devaient pas avoir un effet de distorsion de la concurrence (ATF 120 Ib 332 consid. 5a p. 335 ; 116 Ib 284 consid. 4c p. 289).

Il ne faut donc pas perdre de vue, dans l'interprétation de l'article 26 OLT 2, que c'est l'intérêt des voyageurs et non celui de la population locale, d'après la volonté clairement énoncée du législateur fédéral, qui est au centre de la dérogation prévue, même si la loi n'interdit pas à la clientèle locale de profiter des structures offertes aux voyageurs.

17. Il convient donc d'interpréter l'article 26 OLT 2 conformément aux principes énoncés ci-dessus.

a.a. Dans le cadre de leur activité accessoire de vendeurs de biens de consommation, les magasins des stations-service ne sont pas des prestataires de service mais des "points de vente". Ce sont donc, conformément au texte légal, leurs "marchandises" qui doivent répondre principalement aux besoins des voyageurs (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.704/2005 déjà cité consid. 5).

Cette exigence constitue l'essence même de la dérogation. Il convient donc de l'interpréter en premier lieu.

a.b. Ni la loi ni l'ordonnance fédérales ne donnent de précisions sur la nature particulière des besoins occasionés par le voyage. C'est dans la réglementation cantonale d'application de la LTr, la LHFM et son règlement d'exécution, que l'on trouve des dispositions délimitant ces besoins.

a.c. Selon les articles 2 RHFM et 6 LHFM, la vente, à titre accessoire, par les stations-service, en dehors des heures d'ouverture ordinaires, d'articles qui ne sont pas en rapport direct avec la distribution de carburant, le service d'entretien, de réparation ou de dépannage de véhicule, doit remplir les conditions fixées aux alinéas 2 à 4 de l'article 2 RHFM. Conformément à l'article 2 alinéa 4 RHFM, ces articles doivent présenter les caractéristiques d'un petit commerce non spécialisé et se limiter aux objets suivants :

a) assortiment traditionnel des kiosques, tels que tabacs et journaux ;

b) boissons et produits alimentaires de base, sous forme préemballée ;

c) articles pour pique-nique ;

d) produits d'entretien ou de soins de première nécessité.

a.d. Le SC a élaboré une directive n° 2003/1 précisant ces notions. Ce document indique à son point 1.2.1. ce qu’il faut entendre par "assortiment traditionnel des kiosques, tel que tabac-journaux" (sic) : tabacs, cigarettes, cigares ainsi que les articles pour fumeurs, journaux et revues diverses, petite confiserie.

Son point 1.2.2. précise ce que sont les boissons et produits alimentaires de base, sous forme préemballée : il doit s'agir en principe d'un assortiment limité d'articles destinés à la consommation immédiate, en vue de satisfaire les besoins des automobilistes, les articles devant être facilement transportables par une personne seule.

Les articles pour pique-nique, selon le point 1.2.3. sont des assiettes, des verres, des couverts en plastique ou en carton, des serviettes en papier, des grills à usage unique, du charbon de bois et des produits d'allumage. Quant aux produits d'entretien et de soins de première nécessité, il s'agit de produits ménagers de nettoyage en nombre limité, des pansements divers, des trousses de premier secours et des produits de toilette de base, tels que brosses à dents, dentifrices, savons et déodorants (point 1.2.4.).

Enfin, le point 2 précise quelles sont les marchandises non autorisées : fleurs coupées et en pot, arrangements floraux et/ou arbustes ; fruits et légumes frais en vrac (non préemballés) ; produits frais à la pièce ou à la coupe, notamment viande, charcuterie, pâté, terrine, fromage etc. ; produits frais traiteur ou plats cuisinés (poulets rôtis, salades, plats à l'emporter, etc.) ; produits de luxe ou de marque (montres de marque, pendules, etc.) ainsi que les produits de beauté de marque (parfums, eaux de toilette) ; cassettes vidéo, vidéo CD et audio, DVD, jeux et appareils électroniques (radio, lecteur vidéo, lecteur CD, DVD, "games boy", etc) ; articles cadeaux et jouets ; articles souvenirs.

La liste des articles non autorisés n'est pas exhaustive, à en croire le point 3 de la directive.

a.e. Saisie d'un recours contre un jugement du Tribunal de police condamnant plusieurs exploitants de stations-service pour avoir vendu, en dehors des heures d'ouverture ordinaire, des marchandises non autorisées par l'article 2 RHFM, la Cour de Justice a examiné la légalité et la portée de cette réglementation (Arrêt de la Chambre pénale de la Cour de Justice du 27 mars 2006, ACPJ/98/2006).

a.f. Elle a considéré que l'exigence de la forme préemballée des produits alimentaires de bases (fruits, notamment) était contraire à la loi, les voyageurs souhaitant se ravitailler sur la route ayant intérêt à pouvoir acheter une pomme ou une poire plutôt que six pommes et six poires à la fois. Elle était en plus contraire à la notion de pique-nique figurant à la lettre c de l'article 2 alinéa 4 RHFM. Il fallait néanmoins, pour qu'elle reste conforme à la loi, que cette vente ne soit pas trop étendue et concerne des marchandises usuelles. Il en allait de même pour les sandwichs et les plats à l'emporter, dont le choix devait être limité.

La notion d'articles pour pique-nique ne pouvait être limitée aux couverts, aux charbons de bois, aux produits d'allumage et aux grills à usage unique - cette notion étant des plus absconses selon la Cour. En effet, encore fallait-il pouvoir se procurer les articles destinés à être grillés. La vente de saucisses devait ainsi être autorisée, comme celle des poulets rôtis et des saucissons, qui étaient des produits d'alimentation usuels pouvant être facilement consommés lors d'un pique-nique.

L'interdiction de vendre des fleurs et des articles souvenirs était également contraire à l'article 2 alinéa 4 lettre a, car ces articles faisaient partie de l'assortiment traditionnel des kiosques. Toutefois, conformément à ce qui était appliqué aux kiosques, ces marchandises devaient être facilement transportables. Il n'était ainsi pas conforme à la loi que les stations-service proposent une gamme complète de jouets et deviennent de véritables boutiques de cadeaux. Seul un assortiment limité d'articles facilement transportables devait être considéré comme satisfaisant les besoins des voyageurs.

Quant aux DVD, ils n'étaient pas de nature à satisfaire les besoins des voyageurs. Leur vente pouvait donc être prohibée.

a.g. Bien que le Tribunal administratif ne soit pas lié par les jugements pénaux, dont les garanties et les objectifs sont différents du droit administratif, l'interprétation donnée par la Cour dans cet arrêt se concilie avec les buts poursuivis par la LTr et doit être confirmée. Il est également plus satisfaisant, du point de vue de la sécurité du droit, que les sanctions pénales prévues par la LHFM pour les infractions à la loi et à son règlement s'harmonisent avec l'interprétation donnée par le Tribunal administratif de l'article 26 OLT 2.

Cette interprétation doit donc être confirmée.

a.h. Le RHFM fixe une autre limite à la vente de marchandises par les stations-service en dehors des heures ordinaires qui circonscrit dans l'espace la satisfaction de ces besoins. Il s'agit de la limitation de surface (80 m2) figurant à l'article 2 alinéa 3 RHFM.

b.a. La loi précise encore que les marchandises doivent répondre "principalement" aux besoins particuliers des voyageurs.

Cette condition supplémentaire corrobore ce qui a été dit ci-dessus. En effet, les magasins ouverts le dimanche ne desservent pas que les voyageurs, mais toute une clientèle locale qui vient s'y approvisionner pour différentes raisons. Par l'introduction de cette condition, le législateur a simplement voulu rappeler que la dérogation est orientée vers la satisfaction des besoins des voyageurs et non de ceux de la clientèle locale, qui peut faire ses achats pendant la semaine. Les marchandises offertes ne doivent ainsi pas simplement satisfaire les voyageurs, mais elles doivent les satisfaire à titre principal. Cela signifie que le choix de ces marchandises doit être déterminé en premier lieu par ces besoins, et non secondairement, par rapport aux besoins ou aux souhaits de la clientèle locale, qui vient s'approvisionner pour des raisons de commodité personnelle. Cette condition supplémentaire interdit ainsi que, sous le couvert de l'article 26 OLT 2, des supermarchés destinés prioritairement à la clientèle locale mais dont les voyageurs pourraient également bénéficier, ne se créent, contrairement aux objectifs de protection des travailleurs ancrés dans la LTr.

b.b. Les recourants objectent qu'il ne leur est pas possible de vendre des marchandises différentes le dimanche des autres jours de la semaine.

Cette question touche aux modalités d'organisation des stations, qui peuvent soit limiter la vente accessoire aux articles autorisés par la LHFM - de sorte qu'elles offrent la semaine les mêmes produits que le dimanche - soit étendre leur distribution et organiser leur magasin de sorte que la partie contenant les produits ne répondant pas aux besoins particuliers des voyageurs mais destinés à la population locale, puisse être fermée les dimanches. Il suffit d'organiser l'espace de vente en deux parties. Cet argument des recourants est au surplus peu compréhensible, dès lors que les magasins des stations-service disposent d'horaires étendus par rapport aux autre magasins les jours de la semaine selon la LHFM. Elles peuvent ouvrir jusqu'à 22 heures et dès 6 heures du matin, si les produits qu'elles offrent répondent aux besoins particuliers des voyageurs circonscrits à l'article 2 RHFM. Ainsi, les stations qui usent de cette possibilité sont déjà confrontées à ce problème. Le fait que cette limitation s'applique désormais également aux dimanches n'implique donc pas de changements particuliers par rapport à ce que la LHFM et son règlement d'exécution imposaient déjà. Elle n'engage pas non plus d'investissements disproportionnés.

b.c. Il résulte de ce qui précède que seuls les produits visés par l'article 2 RHFM peuvent être vendus le dimanche par les stations-service qui remplissent les autres conditions légales de l'article 26 alinéa 4 OLT 2.

18. Dans leurs écritures, les recourants ne se réfèrent à aucun moment à la LHFM. Ils éludent complètement la question du type de marchandises vendues, centrale dans l'article 26 alinéa 4 OLT 2. L'autorité intimée explique qu'elle a surtout cherché à savoir quand une station "desservait principalement les voyageurs et non le tissu local". Cette démarche ne correspond pas au texte légal. Elle introduit un critère complètement étranger à la loi qui viole autant le principe de la légalité que celui de la proportionnalité, qui exige que l'interprétation choisie soit apte à atteindre le but visé (ici la satisfaction des besoins des voyageurs). Or, ces besoins ne disparaissent pas dans les zones urbanisées, pour réapparaître hors de ces zones. Si, sur un même axe, un magasin est fréquenté davantage par des clients locaux en zone urbanisée et moins en zone non urbaine, le nombre de voyageurs, lui, ne change pas. Ainsi, la démarche subséquente de l'OCIRT, consistant à tracer un cercle imaginaire de 250 mètres autour de chaque station pour déterminer si elle se trouve en zone urbanisée et satisfait au premier titre la clientèle locale ou les voyageurs ne trouve ainsi aucun fondement dans la loi.

En conclusion, l'autorité intimée ne peut ajouter ce critère aux conditions posées par la loi, qui se borne à imposer des conditions géographiques et des exigences relatives aux marchandises vendues.

19. Les parties se querellent sur la qualité de "voyageur". Pour les recourants, une personne qui se rend d'un lieu à un autre par un axe routier est un voyageur au sens de la loi. Pour l'autorité intimée, seules les personnes couvrant de longues distances peuvent être considérées comme telles. Cette question n'est pas déterminante.

En effet, dès lors que la loi ne cherche pas à limiter aux seuls voyageurs l'accès aux marchandises offertes, mais à permettre à ceux-ci d'avoir accès à certains produits, la détermination de ces produits l'emporte sur cette définition. Ainsi, dans la configuration de l'article 26 alinéa 4 OLT 2, le voyageur est simplement celui que le voyage peut mettre dans le besoin de consommer les marchandises visées à l'article 2 RHFM.

20. a. Selon l'article 26 alinéa 4 OLT 2, les magasins des stations-service qui ne se situent pas dans une localité frontalière, sur une aire d'autoroute, dans le périmètre d'une gare, d'un aéroport ou d'une station de transports publics, ne peuvent être réputés entreprises de service aux voyageurs que s'ils se trouvent "le long d'un axe de circulation important à forte fréquentation touristique".

b. Plusieurs stations recourantes prétendent se trouver le long d’un tel axe.

L'OCIRT, s'appuyant sur les commentaires du SECO, a considéré que constituaient des axes importants "les axes reliant les localités importantes et servant aux trajets de longues distances". A Genève, il s'agissait de la route Suisse, de la route de Ferney, de la route de Meyrin, de la route de Saint-Julien, de la route d'Annecy, de la route du Pas-de-l'Echelle, de la rue de Genève, de la route de Thonon, de la route d'Hermance et de la route Blanche (bien qu'elle ne mentionne pas expressément ce dernier axe dans les décisions attaquées, l'autorité intimée l'a néanmoins considérée comme un axe important en mettant notamment la station BP, sise 9 et 10 route Blanche, au bénéfice de l'article 26 OLT 2, selon courrier adressé au Tribunal administratif le 26 septembre 2007).

c. Ces axes constituent indubitablement les routes les plus importantes pour entrer dans le canton et en sortir. L'autorité intimée n'a ainsi pas violé la loi les considérant comme étant, à Genève, "les axes de circulation importants" au sens de l'article 26 OLT 2.

d. L'axe reliant la route de Saint-Julien à l'aéroport international de Genève (axe Avenue des Communes-Réunies / Pont Butin / Avenue de l'Ain / Route de Pailly ; ci-après : moyenne ceinture), bien que doublé d'un tronçon autoroutier, doit cependant être ajouté à cette liste. En effet, il représente l'itinéraire alternatif le plus direct pour les voyageurs qui souhaitent soit se rendre à l'aéroport, soit simplement traverser Genève en provenance ou à destination de la France, sans utiliser l'autoroute de contournement, qui impliquerait l’achat obligatoire de la vignette autoroutière correspondante. L'autorité intimée n'indique pas les raisons pour lesquelles elle n'a pas intégré ce tronçon dans les axes importants, malgré cette situation notoire.

Il convient donc de l'ajouter à la liste des axes précédemment retenus.

21. Dans sa version française, cette disposition précise encore que ces axes doivent être "à forte fréquentation touristique" pour pouvoir être pris en considération. Pour l'OCIRT, qui s'appuie sur les commentaires du SECO, il ne serait pas nécessaire, contrairement à ce que le texte français laisserait supposer, que la forte fréquentation d'une voie cantonale revête un caractère touristique. Il suffirait qu'il existe un fort trafic de voyageurs, que ces derniers soient touristes ou non. En revanche, seuls les voyageurs circulant sur de longues distances devraient être intégrés dans le calcul de cette fréquentation. Il faudrait donc exclure tous les pendulaires (véhicules immatriculés 74, 01 ou Vaud) et tous les conducteurs genevois, qui pourraient s'organiser pour faire leurs achats aux heures habituelles d'ouverture des commerces.

La version allemande ne fait pas allusion à la fréquentation "touristique". L'axe doit être "mit starkem Reiseverkehr", soit fortement fréquenté par des voyageurs. Cette version est plus conforme que la version française à la volonté du législateur, qui n'a pas visé les besoins des touristes dans cette disposition, mais ceux des voyageurs automobiles. En effet, la satisfaction des besoins des touristes fait l'objet d'une autre dérogation à l'interdiction du travail dominical, prévue à l'article 25 OLT 2. Saisi de litiges portant sur cette disposition, le Tribunal fédéral a élaboré une jurisprudence sur les "besoins spécifiques des touristes", visés à l'article 25 OLT 2, qui se distinguent clairement des "besoins particuliers des voyageurs", mentionnés à l'article 26 de l'ordonnance (cf. not. Arrêt du Tribunal fédéral 2A.578/2000 du 24 août 2001 consid. 5).

La fréquentation des axes importants visés par l'article 26 alinéa 4 OLT 2 doit avoir lieu le dimanche, les autres jours de la semaine n'étant pas concernés par le repos dominical. Les axes considérés, en l’espèce, comme importants (cf. ci-dessus ch. 20 b, c et d) constituent les axes principaux du canton. Ils sont donc à l'évidence - et sinon aucun ne le serait - "mit starkem Reiseverkehr" au sens de la loi, que l'on décide ou non d'intégrer les pendulaires qui travaillent le dimanche (ce qui ne fait pas beaucoup de monde) et indépendamment des calculs faits par l'OCM, qui sont inutilisables dès lors qu'ils ne font pas la différence entre le trafic du dimanche et celui des jours de la semaine.

Les axes susmentionnés constituent ainsi bien des axes "importants à forte fréquentation touristique", au sens de l’article 26 alinéa 4 OLT 2.

22. Cette disposition met également au bénéfice de la dérogation litigieuse les points de vente situés "dans les localités frontalières".

S'appuyant sur les directives du SECO, l'OCIRT a estimé que les stations-service situées dans des localités frontalières mais à plus de 500 mètres d'un poste de douane, ne se trouvaient pas "dans une localité frontalière" au sens de l'article 26 OLT 2, même si elles étaient situées sur un axe important. Il fonde cette limite de distance sur le cas d'une ville tessinoise considérée entièrement comme frontalière, dont la largeur est de 500 mètres.

En application du principe de la légalité, une station située sur un axe important n'a pas besoin, en sus, d'être dans une localité frontalière, ces conditions étant alternatives et suffisantes dans l'article 26 alinéa 4 OLT 2. Ainsi, de deux choses l'une : soit une station se situe sur un axe important et peut bénéficier de la dérogation si elle remplit les conditions liées au type de marchandises vendues, soit elle n'est pas sur l'un de ces axes, mais peut néanmoins bénéficier de cette dérogation si elle se trouve dans une localité frontalière. Ce n'est que dans ce deuxième cas que la directive trouve application.

Les ordonnances interprétatives n'étant pas des règles de droit, le juge devra s'en écarter dès que l'interprétation qu'elles donnent n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (P. MOOR, Droit administratif, tome I, Berne 1994, p. 271 et les citations).

En l'espèce, la fixation d'une distance de 500 mètres, sans aucun égard à la configuration des lieux, est arbitraire. En application du principe de l'égalité de traitement entre concurrents économiques directs et du devoir de neutralité économique, l'autorité doit tenir compte de la situation géographique et de l'implantation des stations susceptibles de satisfaire les mêmes voyageurs. Celles-ci doivent faire l'objet d'un traitement équivalent, si la distinction ne répond pas à des critères objectifs et sérieux et n'est pas absolument nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (cf. ATF 125 I 431 consid. 4b/aa p. 435-436 et la jurisprudence citée). Ainsi, deux stations situées sur un même axe (non important), dont l'une est à 400 mètres de la douane et l'autre à 600 mètres, ne peuvent être traitées différemment si elles satisfont les mêmes besoins. Si la seule raison objective pour justifier une inégalité de traitement réside dans la limitation du nombre de stations autorisées à employer du personnel le dimanche, la justification est inadmissible. Elle constitue une clause du besoin, prohibée par la Cst.

En conclusion, la limite de 500 mètres n'est applicable, dans les grandes localités, que si elle corrobore les critères posés par la loi, c'est à dire constitue un compromis adéquat entre les deux intérêts publics en conflit poursuivis par la LTr (la satisfaction des besoins des voyageurs d'une part, et la protection des travailleurs, d'autre part). Elle doit toutefois correspondre à une réalité géographique, là où elle est appliquée, pour ne pas violer les principes constitutionnels ci-dessus énoncés.

23. L'objection selon laquelle les stations-service ne pourraient survivre avec le manque à gagner occasionné par leur fermeture le dimanche ne justifie pas une dérogation (ATF 116 IB 284 p. 288 consid. 4). Selon la jurisprudence, les dispositions visant à protéger les travailleurs doivent précisément intervenir lorsque les lois du marché parlent en faveur de l'introduction du travail nocturne et dominical. Le droit de protection des travailleurs doit par conséquent fixer pour les travailleurs des limites à la recherche de la rationalité économique (ATF précité, p. 289).

24. Arguant du principe de la protection de la bonne foi, les recourants soutiennent qu'il faut leur reconnaître un droit acquis à l'autorisation d'employer du personnel le dimanche dès lors que leur ouverture dominicale est tolérée par les autorités cantonales et fédérales depuis de nombreuses années.

Ancré aux articles 5 alinéa 3 et 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part. A certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger de l'autorité qu'elle se conforme aux promesses ou assurances qu'elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu'il a légitimement placée dans celles-ci. De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut être invoqué en présence, simplement, d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime. Entre autres conditions toutefois, l'administration doit être intervenue à l'égard de l'administré dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, les dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636/637 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.704/2005 du 4 avril 2006 consid. 4).

Les recourants ne prétendent pas remplir ces conditions, posées par la jurisprudence constante du Tribunal administratif.

Leur grief sera donc écarté.

25. Les stations recourantes se plaignent du fait que seul le canton de Genève appliquerait la LTr restrictivement.

Cette allégation ne saurait fonder une inégalité de traitement, dans la mesure où les directives du SECO sont destinées à toutes les autorités cantonales d’exécution de la LTr et que celles-ci n’ont pas déclaré vouloir renoncer à les appliquer. De surcroît, comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le dire, un tel grief ne peut être soulevé que si des cas semblables sont traités de manière différente par une même autorité, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (cf. ATF 125 I 173 consid. 6d p. 179 ; ATF 121 I 49 consid. 3c p. 51 et 4c p. 53 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2A.421/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3 ; 2A.339/2004 précité).

26. Ces principes étant posés, il convient de les appliquer aux stations recourantes, qui ne se trouvent pas toutes dans la même situation.

I. Recours des stations :

 

Recourant

Adresse station-service

Ahmed Atmani

73, avenue Louis-Casaï , 1216 Cointrin

C.B.R. Distribution Sàrl

15, rue Jacques Grosselin, 1227 Carouge

Migrol Service Cointrin

74-76, avenue Louis-Casaï, 1216 Cointrin

Migrol Service Balexert

27, avenue Louis-Casaï, 1211 Genève 28

Dia Services Sàrl

41, route des Acacias, 1227 Carouge

Dia Services Sàrl

142, route de Chancy, 1213 Onex

Pentem S.A.

5, chemin du Petit-Saconnex, 1209 Genève

Pentem S.A.

67, rue de Montbrillant, 1202 Genève

Pentem S.A.

5, avenue de l’Ain, 1219 Châtelaine

P. Giordano Sàrl

40, chemin de la Gradelle 40

1224 Chêne-Bougeries

P. Giordano Sàrl

17, rue Michel-Servet, 1206 Genève

P. Giordano Sàrl

3, route d’Ambilly, 1226 Thônex

P. Giordano Sàrl

6, rue des Pierres-du-Niton, 1207 Genève

Zandi Sàrl

137, route de Vernier, 1219 Châtelaine

Garage Casonato S.A.

10, rue Dancet, 1211 Genève 4

Cosentino et Margiotta Sàrl

4, route de Jussy, 1226 Thônex

Jean-Jacques Wagner Sàrl

137, route de Vernier, 1219 Châtelaine

A. Andrey Sàrl

11, avenue Cardinal-Mermillod, 1227 Carouge

Garage et Carosserie Hoffer Sàrl

73, boulevard de la Cluse, 1205 Genève

S. Marguerat, Petit-Saconnex

100, rue de Lyon, 1203 Genève

PAM Produits Alimentaires S.A.

38, route du Bois-des-Frères, 1219 Le Lignon

PAM Produits Alimentaires S.A.

10, route des Jeunes, 1227 Carouge

SW Salwyss S.A.

36, route du Nant-d’Avril, 1214 Vernier

Patrick Näf

19bis, rue de Livron, 1217 Meyrin

Valora S.A.

53, chemin François-Furet, 1203 Genève

Gaservices Sàrl

2, chemin du Petit-Saconnex, 1209 Genève

Petroservices Sàrl

71, route du Nant-d’Avril, 1214 Vernier

 

Les décisions relatives aux stations susvisées comportent la même motivation.

Selon l'autorité intimée, ces entreprises ne peuvent être mises au bénéfice de la dérogation à l'interdiction du travail dominical car elles ne se trouveraient pas sur un axe de circulation important au sens de l’article 26 OLT 2.

En effet, la plupart de ces stations ne sont pas implantées le long de l’un des axes dont la liste a été précédemment établie. Elles ne prétendent pas, par ailleurs, être dans une localité frontalière ou remplir une autre condition alternative nécessaire fixée par la disposition précitée.

Le recours de ces stations sera donc rejeté, à l'exception de quatre d'entre elles, qui méritent d'être traitées différemment.

Il s'agit tout d'abord des stations Ahmed Atmani (73, avenue Louis-Casaï), Migrol Service Cointrin (74-76, avenue Louis-Casaï) et Pentem S.A. (5, avenue de l’Ain), qui sont sur la moyenne ceinture (cf. ci-dessus ch. 20d).

L'axe sur lequel ces stations se trouvent devant être considéré comme un axe de circulation important pour les motifs précédemment exposés, ces stations devront être mises au bénéfice de la dérogation litigieuse si elles vendent des marchandises autorisées par la loi, ce que l'autorité intimée n'a pas examiné.

Les décisions les concernant seront donc annulées et la cause renvoyée à l’OCIRT qui devra les mettre au bénéfice de l’article 26 alinéa 4 OLT 2, pour autant qu’elles respectent les exigence posées par l’article 2 RHFM, exposées ci-dessus (cf. partie en droit, ch. 17 a.c.).

La quatrième exception concerne la société P. Giordano Sàrl.

La station exploitée par cette entreprise au 3, route d’Ambilly à Thônex, se trouve à quelques centaines de mètres de la douane. Un peu plus proche de la frontière, au n° 58 de la même route, est implantée une autre station avec un magasin accessoire, non recourante, que l’autorité intimée a mise au bénéfice de la dérogation de l’article 26 OLT 2 (cf. partie en fait, point 11).

L’application au cas d’espèce de la limite des 500 mètres proposée par le SECO pour déterminer le périmètre de la "localité frontalière" de l’article 26 alinéa 4 OLT 2, conduit en l'espèce à un résultat choquant, contraire au principe d’égalité de traitement entre concurrents économiques, dont il convient de rappeler qu’il va plus loin que le principe d’égalité de traitement garanti par l’article 8 Cst.

En effet, ces deux stations, situées sur le même axe, à quelques centaines de mètres l’une de l’autre, sont exposées au même trafic. L'une est la première station avec magasin en venant de la douane, l'autre en est la première en venant de Genève. La seule raison objective pour justifier cette inégalité réside dans la limitation du nombre de stations autorisées à employer du personnel le dimanche. Ce motif heurte en l'espèce le principe de l'égalité de traitement entre concurrents directs et le devoir de neutralité économique imposé à l'autorité intimée par la Cst. Cette décision n'est ainsi pas nécessaire à la réalisation des buts poursuivis par la LTr, au sens de la jurisprudence exposée ci-dessus.

La décision concernant cette station sera donc annulée et la cause renvoyée à l’autorité intimée qui devra la mettre au bénéfice de l’article 26 OLT 2, si les marchandises qu'elle offre à la vente sont conformes à la loi (cf. partie en droit ci-dessus, point 17 a.c.).

 

II. Recours des stations :

 

 

Recourant

Adresse station-service

Faniro S.A.

274, route de Saint-Julien, 1258 Perly

Patycar Sàrl

266, route de Saint-Julien, 1258 Perly

 

Ces deux stations se sont vues refuser la dérogation offerte par l’article 26 alinéa 4 OLT 2, au motif qu’elles se trouvaient sur un axe de circulation important mais à l’intérieur d’une localité "de telle manière que la prépondérance du trafic à longue distance ne l’emportait pas sur le trafic de desserte locale". Par ailleurs, bien qu’une frontière se trouve à proximité, ces entreprises ne pouvaient être considérées comme situées dans une "localité frontalière" au sens de la disposition précitée.

Ces deux stations sont implantées à quelques centaines de mètres de la douane de Perly. Sur le même axe, en direction de la douane, trois stations, extrêmement proches, ont été mises au bénéfice de la dérogation litigieuse au motif qu'elles se trouvaient dans une localité frontalière (cf. partie en fait, point 11).

Pour les mêmes raisons que celles exposées au sujet de la station Giordano sise, 3, route d’Ambilly à Thônex, la discrimination opérée par l’autorité intimée n’est pas admissible. De plus, ces deux stations se trouvent sur un axe de circulation important, de sorte qu’elles devront être mises au bénéfice de l’article 26 alinéa 4 OLT 2 si les marchandises qu’elles offrent à la vente sont conformes à cette disposition, à la LHFM et au RHFM.

Les décisions les concernant seront donc annulées et la cause renvoyée à l’autorité pour examen de ces conditions et nouvelle décision.

III. Recours des stations :

 

Recourant

Adresse station-service

Station-Service Esso

113, route de Chancy, 1213 Onex

Sylvie et Yves Schwapp Sàrl

248, route de Meyrin, 1217 Meyrin

Garage Jean Krucker S.A.

158A, route de Thonon, 1245 Collonge-Bellerive

Dia Services Sàrl

23, route des Acacias, 1227 Acacias

Staehlin & Zingg Sàrl

321, route de Lausanne, 1293 Bellevue

Pierre Olivier Durafour

102, route de Saint-Julien, 1228 Plan-les-Ouates

Arveco S.A.

250, route de Lausanne, 1292 Chambésy

Anita et Antonio Tarsi Sàrl

70, route de Saint-Julien, 1212 Grand-Lancy

Molinari et Larue Sàrl

102, route de Chancy, 1213 Onex

Zandi Sàrl

187, route de Ferney, 1218 Grand-Saconnex

S.A.M.E. Société Anonyme de Management et d’Entreprises

115-117, route de Thonon, 1222 Vésenaz

Garage Piccand S.A.

73, route de Drize, 1234 Vessy

Giga Sàrl

34, chemin de la Pierrière, 1292 Chambésy

Jean Jacques Wagner Sàrl

204, route de Ferney, 1218 Grand-Saconnex

Jean Jacques Wagner Sàrl

187, route de Ferney, 1218 Grand-Saconnex

Garage Patrice Masson S.A.

5, rue de Genève, 1225 Chêne-Bourg

Valora S.A.

210, route de Meyrin, 1217 Meyrin

Valora S.A.

192, route de Ferney, 1218 Grand-Saconnex

Redeka Sàrl

310, route de Lausanne, 1293 Bellevue

Raphaël Tinguely

163, route de Ferney, 1218 Grand-Saconnex

 

Selon les décisions entreprises, ces stations se trouveraient sur un axe de circulation important mais à l’intérieur d’une localité, de sorte que l’article 26 alinéa 4 OLT 2 ne serait pas applicable.

Il est admis que ces stations sont situées sur un axe de circulation important au sens de cette disposition. Pour les raisons examinées ci-dessus, le fait qu’une station soit située sur l’un de ces axes mais à l’intérieur d’une localité ne l’empêche pas de satisfaire aux besoins particuliers des voyageurs si les marchandises qu’elle offre à la vente sont conformes à la loi.

En se trouvant sur un axe de circulation important, ces stations remplissent l'une des conditions géographique nécessaire (et suffisante) pour bénéficier de la dérogation litigieuse. Elles doivent néanmoins, en sus, respecter les exigences relatives aux marchandises vendues. Cette question n'ayant pas été examinée par l’autorité intimée, les décisions relatives à ces stations seront annulées et la cause renvoyée à l'OCIRT pour nouvelle décision.

27. Un émolument de CHF 5'000.- sera mis conjointement et solidairement à la charge des recourants (art. 87 LPA), qui se verront par ailleurs allouer une indemnité de CHF 2'000.-, à la charge de l'intimé, lequel sera également condamné au paiement d'un émolument de CHF 2'500.-. Conformément à la jurisprudence constante, aucune indemnité ne sera allouée à l'OCIRT, qui dépend d'un département doté d'un service juridique et qui n'a pas exposé, pour sa défense, de frais particuliers autres que ceux résultant du travail fourni (art. 87 LPA ; ATA/329/2007 du 26 juin 2007 consid. 10).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 février 2007 par A. Andrey Sàrl, Anita et Antonio Tarsi Sàrl, Arveco S.A., Atmani Ahmed, C.B.R. Distribution Sàrl, Cosentino-Margiotta Sàrl, Dia Services Sàrl, Dia Services Sàrl - station-service rte des Acacias 23, Dia Services Sàrl - station-service rte des Acacias 41, Durafour Pierre et Olivier, Faniro S.A., Garage Casonato S.A. - station-service Dancet, Garage et Carrosserie Hoffer Sàrl, Garage Jean Krucker S.A., Garage Patrice Masson S.A., Gaservices Sàrl, Giga Sàrl, Jean Jacques Wagner Sàrl - station-service rte de Ferney 187, Jean Jacques Wagner Sàrl - station-service rte de Ferney 204, Jean Jacques Wagner Sàrl - station-service rte de Vernier 137, Migrol Service Balexert, Migrol Service Cointrin, Molinari et Larue Sàrl, Näf Patrick, P. Giordano Sàrl - station-service ch. de la Gradelle 40, P. Giordano Sàrl - station-service rte d'Ambilly 3, P. Giordano Sàrl - station-service rue des Pierres-du-Niton 6, P. Giordano Sàrl - station-service rue Michel-Servet 17, Pam Produits Alimentaire S.A. - station-service rte des Jeunes 10, Pam Produits Alimentaire S.A. - station-service rte du Bois-des-Frères 38, Patycar Sàrl - station-service rte de Saint-Julien 266, Pentem S.A. - station-service av. de l'Ain 5, Pentem S.A. - station-service ch. du Petit-Saconnex 5, Pentem S.A. - station-service rue de Montbrillant 67, Petroservices Sàrl, Redeka Sàrl, René Piccand et Fils S.A., S. Marguerat Petit-Saconnex, S.A.M.E. Société anonyme de management et d'entreprises, Schwapp Sylvie & Yves Sàrl, Staehlin & Zingg Sàrl, station-service Esso - M. Mouttaki Mohamed, SW Salwyss S.A., Tinguely Raphaël, Valora S.A. - station-service rte de Meyrin 210, Valora S.A. - station-service ch. Francois-Furet 53, Valora S.A. - station-service rte de Ferney 192, Zandi Sàrl - rte de Vernier 137, Zandi Sàrl - station-service rte de Ferney 187 contre les décisions des 23 et 24 janvier 2007 de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail ;

au fond :

rejette les recours de

Recourant

Adresse station-service

C.B.R. Distribution Sàrl

15, rue Jacques Grosselin, 1227 Carouge

Migrol Service Balexert

27, avenue Louis-Casaï, 1211 Genève 28

Dia Services Sàrl

41, route des Acacias, 1227 Carouge

Dia Services Sàrl

142, route de Chancy, 1213 Onex

Pentem S.A.

5, chemin du Petit-Saconnex, 1209 Genève

Pentem S.A.

67, rue de Montbrillant, 1202 Genève

P. Giordano Sàrl

40, chemin de la Gradelle 40

1224 Chêne-Bougeries

P. Giordano Sàrl

17, rue Michel-Servet, 1206 Genève

P. Giordano Sàrl

6, rue des Pierres-du-Niton, 1207 Genève

Zandi Sàrl

137, route de Vernier, 1219 Châtelaine

Garage Casonato S.A.

10, rue Dancet, 1211 Genève 4

Cosentino et Margiotta Sàrl

4, route de Jussy, 1226 Thônex

Jean-Jacques Wagner Sàrl

137, route de Vernier, 1219 Châtelaine

A. Andrey Sàrl

11, avenue Cardinal-Mermillod, 1227 Carouge

Garage et Carosserie Hoffer Sàrl

73, boulevard de la Cluse, 1205 Genève

S. Marguerat, Petit-Saconnex

100, rue de Lyon, 1203 Genève

PAM Produits Alimentaires S.A.

38, route du Bois-des-Frères, 1219 Le Lignon

PAM Produits Alimentaires S.A.

10, route des Jeunes, 1227 Carouge

SW Salwyss S.A.

36, route du Nant-d’Avril, 1214 Vernier

Patrick Näf

19bis, rue de Livron, 1217 Meyrin

Valora S.A.

53, chemin François-Furet, 1203 Genève

Gaservices Sàrl

2, chemin du Petit-Saconnex, 1209 Genève

Petroservices Sàrl

71, route du Nant-d’Avril, 1214 Vernier

 

admet partiellement les recours de :

Recourant

Adresse station-service

Ahmed Atmani

73, avenue Louis-Casaï , 1216 Cointrin

Migrol Service Cointrin

74-76, avenue Louis-Casaï, 1216 Cointrin

Pentem S.A.

5, avenue de l’Ain, 1219 Châtelaine

P. Giordano Sàrl

3, route d’Ambilly à Thônex

Faniro S.A.

274, route de Saint-Julien, 1258 Perly

Patycar Sàrl

266, route de Saint-Julien, 1258 Perly

Station-Service Esso

113, route de Chancy, 1213 Onex

Sylvie et Yves Schwapp Sàrl

248, route de Meyrin, 1217 Meyrin

Garage Jean Krucker S.A.

158A, route de Thonon, 1245 Collonge-Bellerive

Dia Services Sàrl

23, route des Acacias, 1227 Acacias

Staehlin & Zingg Sàrl

321, route de Lausanne, 1293 Bellevue

Pierre Olivier Durafour

102, route de Saint-Julien, 1228 Plan-les-Ouates

Arveco S.A.

250, route de Lausanne, 1292 Chambésy

Anita et Antonio Tarsi Sàrl

70, route de Saint-Julien, 1212 Grand-Lancy

Molinari et Larue Sàrl

102, route de Chancy, 1213 Onex

Zandi Sàrl

187, route de Ferney, 1218 Grand-Saconnex

S.A.M.E. Société Anonyme de Management et d’Entreprises

115-117, route de Thonon, 1222 Vésenaz

Garage Piccand S.A.

73, route de Drize, 1234 Vessy

Giga Sàrl

34, chemin de la Pierrière, 1292 Chambésy

Jean Jacques Wagner Sàrl

204, route de Ferney, 1218 Grand-Saconnex

Jean Jacques Wagner Sàrl

187, route de Ferney, 1218 Grand-Saconnex

Garage Patrice Masson S.A.

5, rue de Genève, 1225 Chêne-Bourg

Valora S.A.

210, route de Meyrin, 1217 Meyrin

Valora S.A.

192, route de Ferney, 1218 Grand-Saconnex

Raphaël Tinguely

163, rte de Ferney, 1218 Grand-Saconnex

Redeka Sàrl

310, route de Lausanne, 1293 Bellevue

et les renvoie à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 5'000.- ;

met à la charge de l'OCIRT un émolument de CHF 2'500.- ;

alloue aux recourants une indemnité de procédure conjointe et solidaire de CHF 2'000.-, à la charge de l'Etat de Genève ;

dit qu'il n'est pas versé d'indemnité de procédure à l'OCIRT ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique de Weck, avocat des recourants, à l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail, au Secrétariat d'Etat à l'économie, ainsi qu'au service cantonal de l'inspection du commerce.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, juges, M. Hottelier, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :