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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3340/2005

ATA/567/2006 du 31.10.2006 ( GC ) , IRRECEVABLE

Parties : ASSOCIATION DES INTERETS DU PLATEAU DE BEL-AIR / GRAND CONSEIL
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3340/2005-GC ATA/567/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 31 octobre 2006

dans la cause

 

 

 

 

ASSOCIATION DES INTÉRÊTS DU PLATEAU DE BEL-AIR

 

 

 

contre

 

 

 

 

 

GRAND CONSEIL


 


1. a. Les parcelles nos 4810, 4538, 5632, 5633, 5125, feuilles 35 à 39 de la commune de Thônex, appartiennent au site appelé communément les "communaux d’Ambilly".

Selon le plan directeur cantonal, adopté le 21 septembre 2001 par le Grand Conseil et approuvé le 14 mars 2003 par le Conseil fédéral, ce site constitue la plus grande réserve en zone à bâtir appartenant entièrement à des collectivités publiques. Il est l’un des trois espaces du périmètre d’aménagement coordonné (ci-après  : PAC) "Mon-Idée - Communaux d’Ambilly" (MICA).

b. La densification de ce secteur était déjà prévue dans le plan directeur cantonal adopté le 16 septembre 1989 par le Grand Conseil et le 22 mai 1991 par le Conseil fédéral.

2. a. Un avant-projet de plan de réservation de site routier au sens de l'article 8 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) a été élaboré en vue de la réalisation future de voies publiques d’accès aux communaux d’Ambilly sur les territoires des communes de Thônex, Chêne-Bourg et Puplinge (plan no 29371).

La zone réservée s'étendait du giratoire de l'avenue Mirany, de l'avenue de Bel-Air et du chemin du Petit-Bel-Air jusqu'à celui de la route de Jussy et des chemins du Foron et de la Mousse. Elle incluait le chemin du Petit-Bel-Air jusqu'à la zone villas existante qu'elle contournait en suivant le domaine de Belle-Idée. A la hauteur du chemin du Petit-Bel-Air et de la zone villas, elle formait un triangle qui passait au dessus d'un cordon boisé sis sur la parcelle n° 4810.

b. Dans le cadre de la procédure, différents préavis ont été rendus, en particulier :

- le 20 avril 2004, l’office des transports et de la circulation (ci-après  : OTC) n'a fait aucun commentaire sur les réservations projetées en tant que telles, nécessaires à tout développement des communaux d'Ambilly. Toutefois, les réservations anticipaient des études dont les résultats étaient attendus pour fin 2005. En l’absence de toute connaissance des démarches effectuées ou en cours, il réservait dès lors son préavis, compte tenu de l’importance revêtue par la problématique des communaux d’Ambilly sur le plan de la mobilité ;

- à la même date, le service des monuments et des sites a déclaré ne pas s’opposer au principe d’urbanisation du secteur. Toutefois, il ne pouvait pas entrer en matière sur un plan de réservation des routes alors que les études de circulation, qui permettraient de définir l’assiette des voies et leur fonctionnement, n’étaient prévues que pour la fin 2005. En l’état, vu la grande qualité du site bâti et paysager de Belle-Idée ainsi que l’affectation hospitalière et thérapeutique du parc et de ses jardins, il était défavorable au projet présenté dont les emprises portaient atteinte au dispositif d’entrée du site et à l’ordonnance des jardins au nord de celui-ci ;

- le 23 avril 2004, le service des forêts, de la protection de la nature et des paysages a indiqué ne pas pouvoir se prononcer tant qu’une étude stratégique dans le domaine des enjeux environnementaux et nature n’aurait pas défini les valeurs à préserver et les potentiels à développer. La réservation d’espaces pour la réalisation d’un plan directeur de verdure paraissait tout aussi urgent.

3. L'avant-projet de plan no 29371 a été mis à l’enquête publique du 10 juin au 12 juillet 2004.

4. Le 9 juillet 2004, l'association des intérêts du Plateau de Bel-Air (ci-après  : l'association) s'est opposée au plan de réservation de site routier. Composée de plus de 200 membres, elle requérait une étude générale d'impact de circulation et une concertation avec les riverains.

5. Les communes de Thônex, de Puplinge et de Chêne-Bourg ont, respectivement les 28 septembre, 28 octobre et 11 novembre 2004, préavisé défavorablement le plan de réservation de site routier. Leur réseau routier était déjà saturé et elles demandaient la réalisation d'une étude générale de circulation sur le réseau des Trois-Chênes, voire pour l'ensemble du secteur Arve-Lac.

6. Le 17 février 2005, le Conseil d’Etat a déposé un projet de loi adoptant le plan de réservation de site routier n° 29371 (loi n° 9477) auprès du secrétariat du Grand Conseil.

La réalisation des routes d’accès ne s’imposait pas dans l’immédiat mais elle devrait être effectuée au fur et à mesure des étapes de l’urbanisation envisagée. A cet égard, les études d’aménagement déjà menées confirmaient la nécessité de réaliser trois accès au futur quartier des communaux d’Ambilly, à savoir  :

- un rattachement du site débouchant sur la route de Jussy au niveau du giratoire entre la route de Jussy, les chemins du Foron et de la Mousse  ;

- un raccordement sur la route de Mon-Idée ;

- un accès direct depuis l’avenue de Bel-Air permettant de rattacher la nouvelle urbanisation sur les routes de Chêne et de Frontenex, voire d’assurer le prolongement de la ligne no 9 des transports publics.

Différentes demandes d'autorisation de construire avaient été déposées qui portaient sur des parcelles proches du futur tracé routier ou de son emprise plausible. De même, d'autres demandes d'autorisations de construire susceptibles de contrecarrer cette densification pourraient à l'avenir être déposées. Il était ainsi apparu nécessaire de préserver le territoire concerné par un plan de réservation de site routier afin de garantir le tracé des futurs accès au quartier des communaux d'Ambilly.

Les trois accès étaient soumis à des contraintes existantes, notamment  :

- l’accès depuis la route de Jussy était justifié par la présence de la zone dense de villas et l’utilisation des terrains achetés par l’Etat pour l’ancien projet routier entre le giratoire de la route de Jussy et les chemins du Foron, de la Mousse et l’avenue Mirany  ;

- l’accès depuis l’avenue Mirany, afin de rattacher les communaux d’Ambilly aux routes de Chêne et de Frontenex, n'était pas possible, vu l’existence du cycle d’orientation de la Seymaz à gauche de l’entrée du site hospitalier de Belle-Idée. De plus, les contraintes naturelles et paysagères du site de Belle-Idée avaient montré, à ce stade des études, qu’une accessibilité depuis le mail central de Belle-idée n’était pas envisageable pour la circulation automobile. En effet, le silence et le calme exigé pour le site hospitalier, la largeur de la chaussée et l'usage réservé de cette voirie ne permettaient pas le rattachement de l'urbanisation des communaux d'Ambilly sans des transformations importantes qui toucheraient plusieurs éléments significatifs du site tels que l'arborisation, le cordon boisé, l'ensemble des trois bâtiments historiques et le parc situé à droite de l'entrée depuis l'avenue de Bel-Air.

7. La procédure d'opposition a été ouverte du 18 mars au 18 avril 2005.

8. Le 18 avril 2005, l'association a maintenu son opposition au projet de plan de réservation de site routier.

9. Le projet de loi a été adopté par le Grand Conseil le 9 juin 2005. Les oppositions, dont celle de l'association, ont été rejetées dans la mesure où elles étaient recevables.

10. La loi a été publiée dans la Feuille d’Avis Officielle (ci-après  : FAO) du 29 août 2005.

11. Le 23 septembre 2005, l'association a interjeté recours contre cette loi auprès du Tribunal administratif.

Même si le projet définitif et le choix du gabarit de la nouvelle desserte routière n'étaient pas figés, le site réservé montrait clairement l'intention de l'Etat d'imposer une nouvelle liaison routière sur la commune de Chêne-Bourg avec, vraisemblablement un débouché sur le chemin du Petit-Bel-Air dont le statut de zone 30km/h. avait été établi selon un arrêté daté du 3 décembre 2004.

Le but du raccordement projeté n’était pas uniquement de relier les futures constructions des communaux d'Ambilly mais également de favoriser le transit frontalier de la route de Jussy, ce qui était inadmissible.

L'association rappelait que la commune de Chêne-Bourg était déjà traversée par deux axes routiers importants, à savoir la rue de Genève et la route Blanche. Seul le côté nord de la commune était épargné par les nuisances dues aux automobiles. Or, la préservation de ce dernier poumon était déjà hypothéquée par l'imposition de la construction du nouveau cycle de la Seymaz. Elle ne pouvait dès lors pas accepter l'idée d'un tel projet de raccordement qui finaliserait l'hégémonie de la voiture et qui ne s'appuyait pas sur une étude d'impact et de circulation.

12. Le Grand Conseil a répondu le 17 novembre 2005. Il s’en est rapporté à justice concernant la question de la qualité pour agir de l'association et conclut à son rejet sur le fond.

Un plan de réservation de site routier au sens de l’article 8 LRoutes était un plan d’affection spécial. Il s'agissait d'une mesure conservatoire qui s'apparentait aux plans d'alignement du droit vaudois et pour lesquels le Tribunal fédéral avait dégagé le principe d'un examen prima facie de la justification du besoin.

La desserte envisagée permettrait de faciliter l'équipement et l'accessibilité routière du secteur dit des communaux d'Ambilly dont la densification était envisagée. L'examen de la configuration et de la dimension des lieux suffisait déjà à se rendre compte du besoin et de la pertinence d’une triple liaison du quartier des communaux d’Ambilly, démontrée par l’étude du bureau Dériaz, effectuée en août 1986 et consacrée par le plan directeur cantonal.

Le plan litigieux ne fixait ni le tracé définitif des voies de communication, ni les mesures de circulation à prendre. Il se contentait de préserver l’état existant pour permettre, le cas échéant, la réalisation de ces futures solutions routières. Si l’on devait attendre l’adoption du plan directeur de quartier, des constructions seraient peut-être réalisées dans l’intervalle sur le tracé routier probable et entraveraient gravement le développement urbain envisagé.

13. a. Le 21 novembre puis le 19 décembre 2005, le juge délégué à l'instruction du dossier a donné la possibilité à l'association de répliquer.

b. Le 18 janvier 2006, elle a considéré que, faute de production d'une deuxième écriture, l'association avait renoncé à ce droit.

14. Sur requête du tribunal, l'association a remis ses statuts et la liste de ses membres le 22 septembre 2006.

15. Le 13 octobre 2006, le Grand Conseil s'est déterminé sur la question de la qualité pour recourir de l'association.

Selon les statuts, celle-ci était chargée de représenter les intérêts de ses membres. Son but n'était donc pas purement idéal. Par ailleurs, il résultait de la liste de ses membres que seule une très faible minorité d'entre eux possédait ou résidait sur des terrains compris à l'intérieur du périmètre du plan de réservation de site routier litigieux. L'association n'avait donc la qualité pour agir, ni comme association à but purement idéal, ni comme association de propriétaires.

16. La cause a alors été gardée à juger.

1. Il convient d'examiner, en premier lieu, la recevabilité du présent recours déposé par l'association et dont l'objet est le plan de réservation de site routier adopté par le Grand Conseil le 9 juin 2005.

2. Sauf exception prévue par la loi, les décisions du Grand Conseil ne peuvent faire l'objet d'un recours auprès d'une instance cantonale (art. 58 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Selon l'article 35 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), une voie de recours au Tribunal administratif est ouverte contre les décisions par lesquelles le Grand Conseil, respectivement le Conseil d'Etat adopte les plans d'affectation du sol visés aux articles 12 et 13, alinéa 1, lettres a à f et i LaLAT.

Les plans de réservations de site routier visés par la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10 ) figurent parmi les plans d'affectation de l'article 13 LaLAT mais sont énumérés à l'alinéa 1 lettre j. La voie de recours au Tribunal administratif n'est donc pas prévue contre ces plans.

Toutefois, aux termes de l'article 33 alinéa 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), le droit cantonal doit comporter au moins une voie de recours contre les décisions et les plans d’affectation fondés sur la LAT et sur les dispositions cantonales et fédérales d’exécution. La garantie d'une voie de recours vaut pour tous les plans d'affectation, qu'ils soient généraux ou spéciaux (ATF 111 IB 6 ; JT 1987 I p. 587ss, consid. 3).

Le recours au Tribunal administratif doit dès lors également être ouvert contre les plans mentionnés à l'article 13 alinéa 1 lettre j LaLAT.

3. Reste à examiner la qualité pour recourir de l'association.

a. Ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b LPA). L’intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA/2/2002 du 8 janvier 2002 et les réf. citées). Bien que la rédaction de l’article 60 lettre b LPA diffère légèrement de celle de l’article 103 lettre a OJ, dont l’application s’impose également à la juridiction cantonale en vertu de l’article 98a al. 3 OJ, il est admis qu’il confère la qualité pour recourir aux mêmes conditions (ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 ; ATA/35/2002 du 15 janvier 2002, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002, consid. 3 et les réf. citées).

Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération. Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale. Le recours d’un particulier formé dans l’intérêt de la loi ou d’un tiers est en revanche irrecevable (ATA/21/2006 du 17 janvier 2006 et les réf. citées).

b. En matière de plan d'affectation du sol, l’article 35 alinéa 3 LaLAT confère la qualité pour recourir aux associations d'importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites.

c. Aux termes de ses statuts l'association, fondée en 1909, a pour but l'étude de toutes questions d'intérêt général se rattachant aux conditions hygiéniques et esthétiques ainsi qu'au développement du Plateau de Bel-Air (art. 2 al. 1 st.). Elle est également chargée de faire valoir, avec pleins pouvoirs, les droits de ses membres dans les questions d'utilité générale, tant vis-à-vis des autorités publiques que des particuliers (art. 2 al. 2 st.). Peut être membre, toute personne domiciliée sur le Plateau de Bel-Air ou qui y a des intérêts immobiliers (art. 4 al. 1 st.). Actuellement, l'association compte plus de 181 membres.

Ainsi, l'association défend, si ce n'est à titre principal, à tout le moins de manière accessoire, les intérêts de ses membres, à savoir les propriétaires ou les personnes qui ont des intérêts immobiliers sur le Plateau de Bel-Air. Elle ne se consacre ainsi pas par pur idéal à la défense des principes de l'aménagement du territoire ou à la protection de l'environnement au sens de l'article 35 alinéa 3 LaLAT.

4. Se pose encore la question de savoir si l'association peut recourir dans l'intérêt de ses membres. Il faut pour cela que l'association ait pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ceux-ci, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, que chacun de ceux-ci ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel (ATF 124 II 293, 121 II 39 ; ATA/621/2003 du 26 août 2003 ).

Le plan de site routier vise à préserver un espace suffisant et à assurer la libre disposition des terrains nécessaires à la construction future d'une route. Faute de domicile dans le périmètre du plan litigieux, la majorité des membres de l'association n'est pas touchée par cette mesure conservatoire et l'association ne peut donc pas recourir dans l'intérêt de ses membres.

5. En conséquence, l'association n’a pas qualité pour recourir et son recours sera déclaré irrecevable. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de l'association (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 23 septembre 2005 par l'Association des intérêts du Plateau de Bel-Air contre la loi n° 9477 adoptant le plan de réservation de site routier en vue de la réalisation des voies publiques d'accès aux communaux d'Ambilly, publiée dans la feuille d'avis officielle du 29 août 2005 ;

met à la charge de l'Association des intérêts du Plateau de Bel-Air un émolument de CHF 500.- ;

communique le présent arrêt à l'Association des intérêts du Plateau de Bel-Air ainsi qu'au Grand Conseil.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

 

 

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :