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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3364/2006

ATA/150/2007 du 27.03.2007 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : ; TAXE MILITAIRE ; HERNIE DISCALE ; CAUSALITÉ
Normes : LTEO.4.al1.letb ; LTEO.2.al2
Résumé : Taxe d'exemption de l'obligation de servir. Accident survenu lors d'un exercice physique accompli dans le cadre de l'école de recrue. Hernie discale préexistante. Aggravation temporaire suite à l'accident et non permanente. Pas de lien de causalité entre l'incapacité de servir et l'accident survenu à l'école de recrue. Le recourant est donc soumis au paiement de la taxe.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3364/2006-FIN ATA/150/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 27 mars 2007

dans la cause

 

Monsieur G______

contre

SERVICE DE LA TAXE D’EXEMPTION DE L’OBLIGATION DE SERVIR


 


1. Monsieur G______, né le ______ 1978, est domicilié à Genève. Il est entré à l’école de recrues le 14 juillet 1997.

Lors d’un exercice physique, il a soudain ressenti une vive douleur dans le dos. Après avoir subi des examens, il a été congédié le 22 juillet 1997.

2. De retour à la vie civile, l’intéressé a consulté les Drs Geinoz et Ramazzina. Le diagnostic de hernie discale a été posé après une série de tests médicaux.

3. Le 17 septembre 1997, une commission de visite sanitaire (ci-après : la commission) a déclaré M. G______ inapte au service militaire. Partant, il a été assujetti à la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après: la taxe) dès 1997 et il s’en est acquitté régulièrement, jusque et y compris l’année 2003.

4. Le 2 juin 2006, le service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : le service), a transmis à M. G______ une décision de taxation définitive pour l’année d’assujettissement 2004.

5. Le 14 juin 2006, M. G______ a élevé réclamation contre cette décision. Il conclut à l’exonération de la taxe en question, celle-ci ne reposant pas sur l’atteinte à la santé dont il souffrait, mais sur l’aggravation qui s’était produite lors de l’accomplissement d’un exercice physique imposé par la hiérarchie militaire.

6. Il résulte du certificat médical établi par le Dr Geinoz le 3 juillet 2006, que ce praticien suivait M. G______ depuis janvier 1999. Ce dernier avait souffert, lors de son école de recrues, de lombalgies invalidantes qui avaient imposé de mettre un terme à ses activités militaires. Le diagnostic de hernie discale avait été posé en 1996. Depuis lors, M. G______ avait adapté sa vie professionnelle et ses activités physiques à son handicap.

7. Le 11 août 2006, le service a rejeté la réclamation de M. G______ en se fondant sur la détermination du 20 juillet 2006 de l’office fédéral de l’assurance militaire. La dispense avait été accordée pour une affection antérieure à l’événement survenu lors de l’école de recrue, qui l’avait temporairement péjorée. Cette aggravation avait pris fin en janvier 1998.

8. Le 15 septembre 2006, M. G______ a recouru auprès du Tribunal administratif en reprenant l’argumentation qu’il avait développée dans sa réclamation.

9. Le 24 octobre 2006, le service a persisté dans les termes de sa décision.

10. Les parties ont été entendues en comparution personnelle le 20 septembre 2006.

a. M G______ a exposé les circonstances de l’accident survenu à l’école de recrues. Lors d’un match de football, il avait ralenti sa course et avait soudain ressenti une douleur intense dans le dos qui l’avait empêché de bouger. Une hernie discale L4/L5 avait été diagnostiquée par la suite, traitée pendant quelques mois par de la physiothérapie et la prise d’antalgiques. En 1998, son médecin traitant lui avait recommandé de perdre du poids et de muscler son dos. Depuis lors, il faisait régulièrement des exercices et n’avait plus eu de traitements lourds pour le dos.

Il a encore ajouté qu’il n’avait pas eu de médecin traitant avant 1999, que la hernie discale était préexistante à l’accident et que les troubles dont il souffrait n’étaient pas très graves, car il ne subissait pas d’atteinte durable à son état de santé. Il a encore insisté sur le fait que l’assurance militaire avait prononcé une inaptitude pour une durée indéterminée et avait admis que son état de santé s’était aggravé depuis l’école de recrues. Elle avait pris en charge les frais médicaux uniquement en 1997.

b. Le représentant du service a persisté dans les termes de la décision sur réclamation du 11 août 2006.

11. Sur quoi, le dossier a été gardé à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’article 4 alinéa 1 lettre b de la loi fédérale sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 12 juin 1959 (LTEO - RS 661), est exonéré de la taxe quiconque, au cours de l’année d’assujettissement a été déclaré inapte au service parce que le service militaire ou le service civil a porté atteinte à sa santé.

En vertu de l’article 2 alinéa 1 de l’ordonnance sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 30 août 1995 (OTEO - RS 661.1), une atteinte est portée à la santé par le service militaire ou le service civil lorsque la personne astreinte à l’obligation de servir n’est plus apte au service par suite d’une affection ou d’un danger de rechute, causé ou aggravé entièrement ou en partie par le service militaire ou le service civil.

Celui qui est dispensé en raison d’une atteinte portée à la santé par le service militaire ou le service civil n’est exonéré de la taxe que pour la durée de sa dispense (art. 2 al. 2 OTEO).

3. a. La loi exige un lien de causalité adéquate entre l’affection qui entraîne l’inaptitude et le service accompli dans l’une des hypothèses de l’article 2 alinéa 1 OTEO précitées (ATA/530/1999 du 7 septembre 1999).

La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré est propre à entraîner un effet du genre de celui qui se produit, la survenance de ce résultat doit paraître globalement favorisée par une telle circonstance (ATAS/1128/2006 du 7 décembre 2006).

Le rapport peut exister même lorsque le service militaire n’est qu’une des causes de l’aggravation de l’état de santé. Il n’est pas nécessairement direct; il suffit qu’il soit indirect, mais dans ce cas il doit se situer dans le cours normal des choses. En outre, si l’aggravation n’est que temporaire, l’exonération l’est aussi et prend fin dès que l’aggravation n’est plus imputable au service militaire, soit au moment où l’état antérieur au service est rétabli. Enfin, il ne ressort pas des dispositions applicables, que l’exonération ne doit être accordée qu’en cas d’accident au sens où l’entend la jurisprudence en matière d’accident (ATA/530/1999 précité).

Si l’on peut admettre qu’un accident n’a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés et l’accident doit être nié lorsque l’état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l’accident  - statu quo ante - ou s’il est parvenu au stade d’évolution qu’il aurait atteint sans l’accident - statu quo sine - (ATA/1088/2006 du 29 novembre 2006).

b. Selon le principe de la libre appréciation des preuves, qui s’applique en procédure administrative, le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des pièces. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, qu’elle qu’en soit la provenance, puis décider si le document à disposition permet de porter un jugement valable sur le droit litigieux (ATAS/1128/2006 précité).

C’est à l’administration qu’il appartient d’établir la rupture du lien de causalité entre le service militaire et l’état de santé du malade. Le juge n’exigera pas une certitude absolue et se contentera d’une vraisemblance suffisante. S’il paraît probable que les effets du service militaire n’influent plus sur l’état de santé du malade, la taxe est due (ATA/530/1999 précité).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATAS/61/2007 du 24 janvier 2007 et ATAS/1128/2006 précité).

4. Il ressort de la littérature médicale relative aux syndromes lombaires post-traumatiques chez les patients porteurs de discopathies dégénératives, que des critères très stricts doivent être remplis pour admettre une relation de cause à effet entre un accident et une atteinte discale (traumatisme important sur le rachis en mesure de déchirer un disque sain, relation temporelle étroite avec apparition immédiate de douleurs après l’accident, anamnèse pré-traumatique vierge de tous symptômes, premières radiographies après l’accident sans aucune image d’altération dégénérative au niveau du segment concerné). Sauf exception, ces critères ne sont pratiquement jamais remplis. Dès lors, il faut toujours se baser sur l’idée d’une aggravation transitoire et non définitive, même si la douleur apparue après un traumatisme accidentel suggère au patient un lien étroit entre celui-ci et les symptômes (ATAS/1088/2006 du 29 novembre 2006 ; W. MEIER, Hernie discale lombaire et accident, in : Informations médicales de la CNA n° 68, décembre 1995. p. 14 ss, not. 15).

Si l’on admet, après un événement « adéquat », une causalité partielle, il est recommandé de considérer que les troubles engendrés sont la conséquence d’un traumatisme pour une période s’échelonnant entre six mois et une année (op. cit. p. 17). En tout état de cause, un traumatisme survenu lors d’une chute de sa propre hauteur n’est pas considéré comme un événement «adéquat» (op. cit. p. 16 in fine et 17 ab initio).

De surcroît, il est actuellement admis qu’une lombalgie chronique se développant après un traumatisme sans lésion structurelle au niveau du squelette ne doit pas être attribuée à une cicatrisation tissulaire insuffisante, mais plutôt à des causes exogènes (ATFA non publié U/179/2003 du 7 juillet 2004 ; ATAS/1088/2006 précité ; BAER et KIENER, Traumatismes vertébraux in : Informations médicales de la CNA n°. 67, décembre 1994, p. 45 et ss, sp. 46).

5. En l’espèce, le certificat médical établi par le Dr. Geinoz le 3 juillet 2006 fait état de lombalgies apparues lors de l’école de recrues et d’une hernie discale diagnostiquée en 1996. Le recourant ne conteste pas que la hernie discale était préexistante à l’école de recrue ni qu’il n’a pas été suivi régulièrement par un médecin avant janvier 1999.

Dès lors, la préexistence de la hernie discale à la chute, la description de l’accident, le temps qui s’est écoulé entre l’événement et la réclamation, à savoir six ans, et le certificat médical produit permettent d’affirmer, à la lumière des principes rappelés ci-dessus, que les troubles dont le recourant fait état ne sont plus en relation de causalité adéquate avec l’événement survenu au cours de l’école de recrues en 1997.

Au surplus, le recourant a insisté sur le fait que la commission avait établi une déclaration d’inaptitude au service militaire le 17 septembre 1997. Ce fait n’est pas pertinent pour l’issue du présente litige, car la déclaration en question ne porte pas sur la qualification subséquente de l’atteinte à la santé.

Au vu de ce qui précède, l’accident survenu lors de l’école de recrues du recourant n’a causé qu’une aggravation temporaire de son état de santé. Partant, le recours sera rejeté et la décision sur réclamation du service confirmée.

Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 septembre 2006 par Monsieur G______ contre la décision du service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 11 août 2006 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 400.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté, dans les trente jours qui suivent sa notification, par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur G______ ainsi qu’au service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir et à l’administration fédérale des contributions.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, M. Thélin, Mme Junod, juges, M. Torello, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :