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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4401/2022

ATA/261/2023 du 14.03.2023 ( PROC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4401/2022-PROC ATA/261/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mars 2023

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ réclamant
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OCEAU - CAPITAINERIE CANTONALE

et


B______

représentée par Me Jean-Marc Siegrist cités

 

et

 

COUR DE JUSTICE – CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 


EN FAIT

A. a. Par arrêt ATA/1133/2022 du 8 novembre 2022, notifié le 25 novembre 2022, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a déclaré irrecevable le recours interjeté le 28 juillet 2022 par Monsieur A______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 14 juillet 2022. Cette décision concernait une demande de mesures provisionnelles en lien avec la présence de corps-morts et barges immergées en regard de la propriété de M. A______ sise au bord du lac Léman.

 

L’arrêt comporte treize pages, y compris le dispositif et les voies de droit fédérales.

b. La chambre administrative a mis un émolument de CHF 1'500.- à la charge de M. A______ et a alloué une indemnité de procédure du même montant à la société intimée, B______ (ci-après : la société), à la charge de M. A______.

c. La partie en fait de l’arrêt abordait les trois causes en cours auprès du TAPI à la suite de recours déposés par M. A______. L’état de fait tient sur plus de neuf pages et le droit, sur plus de trois pages.

B. a. Par acte posté le 23 décembre 2022, M. A______ a formé une réclamation contre l'émolument et l’indemnité de procédure allouée à la société, concluant à ce qu'ils soient ramenés respectivement à CHF 500.- et CHF 750.-.

L’émolument de CHF 1'500.- n’était pas motivé. Il était étonnant qu’il soit supérieur aux CHF 1'000.- demandés à titre d’avance de frais, qui en principe devaient couvrir les frais présumables. Les écritures des parties étaient toutes brèves. La partie de l’arrêt sur la recevabilité l’était encore plus « (même pas une page pour l’intimée sur le préjudice irréparable) ». La motivation de l’arrêt se résumait à quelques brèves lignes.

S’agissant de l’indemnité, c’était usuellement un montant de CHF 1'000.- qui était alloué (ATA/1193/2022 du 29 novembre 2022). Il n’y avait pas eu d’audience et un seul échange d’écritures relativement bref. Rien ne justifiait donc de majorer ce montant à CHF 1'500.-. La chambre administrative ne l’expliquait au demeurant nullement.

b. Dans ses déterminations du 12 janvier 2023, la société s’en est rapportée à justice sur la question de l’émolument.

S’agissant de l’indemnité de procédure, en introduisant les mots « alloué une indemnité de procédure de CHF 1'500.- » dans le moteur de recherche de la jurisprudence de la chambre administrative, 135 résultats ressortaient. L’allocation d’une telle indemnité n’avait donc rien d’inusuel.

Ce montant était par ailleurs inférieur aux honoraires d’avocat effectivement déboursés, contenant notamment la rédaction de ses observations de neuf pages ainsi que diverses communications en lien avec les écritures déposées par M. A______, dans une affaire comprenant plusieurs procédures parallèles, avec un enjeu particulièrement important pour la société, à savoir la poursuite de son activité lacustre. Il n’y avait donc pas lieu de réduire cette indemnité.

c. Le département s’en est rapporté à justice.

d. Dans sa réplique du 13 février 2023, M. A______ a relevé que le fait que la chambre administrative aurait déjà alloué des indemnités de procédure de CHF 1'500.- ne répondait nullement à l’exigence de motivation du prononcé sur les frais et indemnités. La société ne citait aucun cas où un tel montant aurait été alloué en cas de recours contre une décision incidente, où la chambre administrative avait pour pratiques d’allouer un montant de CHF 1'000.-.

e. Les parties ont été informées, le 14 février 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjetée en temps utile devant la juridiction compétente, la réclamation est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a, 63 al. 1 let. b et 87 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le réclamant se plaint du montant de l’émolument mis à sa charge.

2.1    La chambre de céans statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/779/2022 du 9 août 2022 consid. 2a ; ATA/510/2016 du 14 juin 2016 consid. 2).

2.2    Selon l’art. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les frais de procédure qui peuvent être mis à la charge de la partie comprennent l’émolument d’arrêté au sens de l’art. 2 et les débours au sens de l’art. 3. En règle générale, l’émolument d’arrêté n’excède pas CHF 10'000.- (art. 2 al. 1 RFPA) ; toutefois, dans les contestations de nature pécuniaire, l’émolument peut dépasser cette somme, sans excéder CHF 15'000.- (art. 2 al. 1 RFPA).

2.3    Un principe général de procédure administrative veut que les frais soient supportés par la partie qui succombe et dans la mesure où elle succombe (René RHINOW et al., Öffentliches Prozessrecht, 3ème éd., 2021, n. 971 ; Regina KIENER/Bernhard RÜTSCHE/Mathias KUHN, Öffentliches Prozessrecht, 3ème éd., 2021, n. 1673 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 642).

Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe doit supporter une partie des frais découlant du travail qu’elle a généré par sa saisine (ATA/182/2018 du 27 février 2018 consid. 2). Les frais de justice sont des contributions causales qui trouvent leur fondement dans la sollicitation d'une prestation étatique et, partant, dépendent des coûts occasionnés par le service rendu. Il est cependant notoire que, en matière judiciaire, les émoluments encaissés par les tribunaux n'arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs dépenses effectives (ATF 143 I 227 consid. 4.3.1 ; 141 I 105 consid. 3.3.2 ; 133 V 402 consid. 3.1).

2.4    La chambre administrative dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l'émolument qu’elle met à charge de la partie qui succombe. Cela résulte notamment de l'art. 2 al. 1 RFPA dès lors que ce dernier se contente de plafonner – en principe – l'émolument d'arrêté à CHF 10'000.- (ATA/230/2022 du 1er mars 2022 consid. 2b ; ATA/1185/2018 du 6 novembre 2018 consid. 2b).

2.5    Selon l’art. 86 al. 1 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables.

2.6 En l'espèce, l'arrêt ATA/1133/2022 dont est réclamation fait 13 pages, y compris les voies de droit et signatures. La chambre de céans a dû examiner quelques écritures certes, en lien avec le recours dont elle était saisie, mais a dû, ce qui ressort de l’état de fait, comprendre et tenter d’expliquer les tenants et aboutissants des trois procédures initiées par le recourant et en cours sur le fond devant le TAPI. Si la problématique centrale est celle de l’amarrage de divers éléments de chantier au large de sa propriété, le recourant a multiplié ses démarches à l’encontre du département concerné puis devant le TAPI, menant à une complexification de la problématique. Ce travail de « consolidation » des décisions attaquées et procédures en cours en amont de la rédaction de l’arrêt attaqué n’est pas même couvert par l’émolument de CHF 1'500.- mis à la charge du recourant, ni a fortiori l’avance de frais de CHF 1'000.-. Ainsi, quand bien même la problématique à trancher était la seule question de mesures provisionnelles, et que la notion d’existence ou non d’un préjudice irréparable n’a pas généré de longs développements dans la partie en droit de l’arrêt en question, comme déjà dit, le travail au niveau de l’établissement des faits en amont était important. En conséquence, l’émolument de CHF 1'500.- est conforme au principe d'équivalence au vu du travail effectué.

Ce grief sera rejeté.

3. Le recourant conteste également le montant de l’indemnité de procédure allouée, de CHF 1'500.-, qu’il veut voir fixée à CHF 750.-.

3.1 La chambre administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA). L'art. 6 RFPA, intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-

3.2 La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/1191/2022 du 29 novembre 2022 consid. 2b ; ATA/46/2022 du 18 janvier 2022 consid. 1; ATA/1042/2021 du 5 octobre 2021 ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA, dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-.

3.3 En l’espèce et comme déjà relevé et développé, l’objet du litige n’était pas simple, compte tenu des diverses procédures en cours du fait du recourant. Si le montant alloué est inférieur aux honoraires d’avocat que la société intimée dit avoir dû débourser, il sera rappelé que l’indemnité de procédure ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat. Il se justifie néanmoins, ce qui est au demeurant une pratique courante de la chambre de céans, d’allouer une indemnité à l’échelle de l’émolument mis à la charge de la partie qui succombe, soit en l’espèce de CHF 1'500.-.

Ce grief sera partant également rejeté.

4. Conformément à la pratique courante de la chambre de céans, aucun émolument ne sera prélevé dans le cadre de la présente procédure de réclamation (art. 87 al.  1 LPA) ni aucune indemnité de procédure allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare recevable la réclamation formée le 23 décembre 2022 par Monsieur A______ contre l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 8 novembre 2022  ;

 

au fond :

la rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure pour la présente réclamation ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du réclamant, à Me Jean-Marc Siegrist, avocat de B______, au département du territoire, ainsi que pour information au Tribunal fédéral.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :