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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/372/2015

ATA/253/2015 du 06.03.2015 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/372/2015-FPUBL ATA/253/2015

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 6 mars 2015

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pascal Junod, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE




Attendu en fait que :

1) Par décision du 23 décembre 2014, déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseiller d’État en charge du département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE) a résilié avec effet au 31 mars 2015 les rapports de service avec Monsieur A______, né le ______ 1965, brigadier remplaçant chef de poste au sein de la gendarmerie genevoise, pour motifs fondés qui lui avaient été communiqués notamment lors d’un entretien de service du 19 août 2014 avec sa hiérarchie. Il avait publié sur son compte « Facebook » des images et commentaires incompatibles avec la fonction de policier et constituant de graves manquements aux devoirs du personnel. Les démarches en vue de son reclassement n’avaient pas abouti.

2) Par acte du 2 février 2015, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, concluant principalement à ce qu’elle soit déclarée nulle, subsidiairement à ce qu’elle soit annulée. Préalablement, il a sollicité la restitution de l’effet suspensif au recours.

La décision querellée était constitutive d’un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité qui l’avait rendue dès lors qu’on lui reprochait de graves manquements aux devoirs du personnel sans qu’une faute de sa part ait été établie, à défaut d’enquête disciplinaire. Le choix de procéder par un licenciement et non une révocation au lieu d’ouvrir une procédure de révocation avait des conséquences plus graves puisqu’en cas de succès du recours, l’autorité compétente ne serait pas tenue de le réintégrer.

Les faits à l’origine de son licenciement avaient été constatés de manière incomplète et il n’existait aucun motif empêchant la continuation des rapports de service, son activité au sein de la police ayant toujours donné satisfaction, comme le démontraient ses rapports d’évaluation depuis bientôt trente ans.

Enfin, la décision querellée violait les principes de la proportionnalité et de l’égalité de traitement. Les faits qui lui étaient reprochés méritaient tout au plus un simple blâme. Par ailleurs, seuls des comportements particulièrement graves avaient donné lieu à des révocations d’une part et, d’autre part, d’autres policiers avaient eu des comportements comparables à ce qui lui était reproché, sans que cela débouche sur la moindre suite administrative.

3) Dans ses observations sur effet suspensif du 16 février 2015, le DSE a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif, dans la mesure où elle était recevable.

La législation permettait à la chambre administrative de proposer à l’autorité compétente la réintégration lorsqu’elle retenait que la résiliation des rapports de service, leur non-renouvellement ou la révocation étaient contraires au droit. En cas de décision négative de ladite autorité, la juridiction fixait alors une indemnité. Si l’effet suspensif était restitué, cela reviendrait à rendre une décision allant au-delà des compétences de la chambre administrative. Cela s’opposerait en outre à l’intérêt public à la préservation des finances publiques, vu l’incertitude sur la capacité de M. A______ à rembourser le salaire versé en cas de confirmation de la décision attaquée.

À cet égard, le recours avait par ailleurs peu de chance de succès. L’administration disposait d’un large pouvoir d’appréciation dans la définition des modalités concernant les rapports de service avec ses agents. Pour les policiers, elles résultaient notamment d’un ordre de service rappelant que ceux-ci se devaient « d’avoir en tout temps et lieu un comportement exemplaire, impartial, digne, respectueux de la personne humaine et des biens ». Ils étaient en outre soumis au devoir de réserve. Toute inobservation de ces dispositions était susceptible d’entraîner des suites administratives. Dans le cas particulier, le DSE avait décidé de licencier l’intéressé en raison de propos tenus et d’illustrations publiées sur les réseaux sociaux, propos qui violaient dites dispositions et portaient gravement préjudice à l’État de Genève. De tels manquements constituaient un motif fondé de mettre fin aux rapports de service.

4) Il ressort du dossier que le 12 août 2014, la Cheffe de la police a dénoncé au Ministère public les faits reprochés à M. A______ en tant qu’ils pourraient être constitutifs d’une infraction à l’art. 261bis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

Le même jour, elle a transmis au DSE la procédure ouverte contre M. A______ le 30 juillet 2014, considérant que le comportement de l’intéressé constituait un manquement susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire.

Considérant en droit que :

1) La compétence pour ordonner la restitution de l’effet suspensif au recours appartient au président de la chambre administrative (art. 7 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010, entré en vigueur le 1er janvier 2011).

2) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

L’autorité décisionnaire peut toutefois ordonner l’exécution immédiate de sa propre décision, nonobstant recours, tandis que l’autorité judiciaire saisie d’un recours peut, d’office ou sur requête, restituer l’effet suspensif à ce dernier (art. 66 al. 2 LPA).

3) Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungs-verfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

4) Le demandeur est soumis à la loi sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05).

a. Selon l’art. 35A LPol, le Conseil d’État peut résilier les rapports de service d’un fonctionnaire de police pour motif fondé, notamment en raison de l’inaptitude à remplir les exigences du poste, lorsque leur continuation n’est pas compatible avec le bon fonctionnement de la police. Cette compétence peut être déléguée au chef du DSE agissant d’entente avec l’office du personnel de l’État. Préalablement à la résiliation, l’autorité compétente est tenue de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonal correspond aux capacités de l’intéressé (art. 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC – B 5 05 ; art. 35 A al. 4 LPol).

Par ailleurs, un fonctionnaire de police peut être révoqué par le Conseil d’État. Il s’agit alors d’une peine disciplinaire, qui ne peut être prononcée qu’à l’issue d’une enquête administrative, sauf en cas de crime ou de délit (art. 36 et 37 LPol).

b. La chambre administrative qui retient que la résiliation des rapports de service, le non-renouvellement ou la révocation est contraire au droit peut proposer à l’autorité compétente la réintégration et, en cas de décision négative de celle-ci, fixer une indemnité (art. 40 A a1. 1 et 2 LPol). Toutefois, en cas de révocation, l’autorité compétence ne peut refuser la réintégration lorsque la chambre administrative a constaté l’absence de violation des devoirs de servie (art. 40 A al. 3 LPol).

5) Dans sa détermination, le demandeur soutient qu’il n’existe pas de motif fondé de mettre fin aux rapports de service et que la voie utilisée pour ce faire est en réalité une révocation ne respectant pas la procédure.

Si, après instruction de la cause, la chambre de céans retenait que le licenciement était contraire au droit, elle ne pourrait que proposer la réintégration de l’intéressé et, en cas de refus de l’autorité intimée, fixer une indemnité ne dépassant pas vingt-quatre mois du dernier traitement brut.

Par ailleurs, la jurisprudence du Tribunal fédéral retient qu’un employeur public est libre de décider de renoncer à la voie disciplinaire et de recourir au prononcé d’un simple licenciement s’il estime que les faits constatés ne sont pas d’une gravité de nature à justifier un renvoi par le biais de la révocation mais rendant néanmoins inacceptable une continuation des rapports de service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 et 8C_631/2011 du 19 septembre 2012), étant en outre rappelé qu’en cas de révocation jugée contraire au droit, la chambre administrative ne pourrait en principe imposer la réintégration de l’intéressé à l’autorité compétente.

Ainsi, dans les hypothèses susvisées, s’il était fait droit à la demande de restitution de l’effet suspensif, la chambre de céans rendrait une décision allant au-delà des compétences qui sont les siennes sur le fond, ce qui n’est pas admissible (ATA/29/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/739/2014 du 17 septembre 2014).

6) On ne peut cependant exclure à ce stade que la portée de la liberté de choix reconnue à l’employeur pour la voie utilisée pour mettre fin aux rapports de service puisse, dans le cas d’espèce, devoir s’apprécier au regard de l’art. 40A al. 3 LPol, qui instaure en faveur des fonctionnaires de police une obligation de réintégration en cas d’absence de violation des devoirs de service.

Une procédure disciplinaire a en effet été ouverte contre l’intéressé le 30 juillet 2014 par la cheffe de la police et transmise au DSE le 12 août 2014, en même temps que les faits étaient dénoncés au Ministère public.

Dans cette mesure limitée, la chambre administrative dispose ainsi de la compétence d’ordonner la réintégration de l’intéressé en cas d’issue favorable du recours. Il y a lieu dès lors de procéder à la pesée des intérêts en présence quant à la restitution de l’effet suspensif.

7) a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

8) En l’espèce, le DSE fait valoir l’intérêt public à la préservation des finances de l’État, au vu de l’incertitude quant à la capacité du demandeur à rembourser les mois de traitement qui lui seraient versé en cas de confirmation - qu’il estime fort probable - de la décision querellée.

M. A______ fait valoir son intérêt à continuer à exercer son activité professionnelle afin de ne pas subir les effets notamment psychologiques, de son licenciement jusqu’à droit connu, relevant qu’il avait toujours effectué son travail à la satisfaction de sa hiérarchie.

Si l’intérêt privé du demandeur à pouvoir exercer une activité professionnelle n’est pas négligeable, il doit néanmoins céder le pas à l’intérêt public à la préservation des finances de l’État, conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans (ATA/991/2014 du 15 décembre 2014 ; ATA/525/2014 du 4 juillet 2014 et les références citées). Il y a en effet une incertitude quant à la capacité de M. A______ à rembourser les traitements perçus en cas de confirmation de la décision querellée, alors que l’État de Genève serait à même de verser les montants dus en cas d’issue favorable du recours, et cela même si la cause ne pouvait être tranchée rapidement en raison des mesures d’instruction ordonnées d’office ou à la demande des parties ou encore d’une mesure de suspension dans l’attente des suites données par le Ministère public à la dénonciation de la Cheffe de la police.

9) Au vu de ce qui précède, la demande de restitution de l’effet suspensif sera refusée, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu’à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse la restitution de l’effet suspensif au recours de Monsieur A______ contre la décision du conseiller d’État en charge du département de la sécurité et de l’économie ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Pascal Junod, avocat du recourant ainsi qu'au département de la sécurité et de l'économie.

 

 

 

Le vice-président :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :