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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/566/2016

ATA/1520/2017 du 21.11.2017 sur JTAPI/1248/2016 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : SUSPENSION DE LA PROCÉDURE ; OBJET DU LITIGE ; DEMANDE ADRESSÉE À L'AUTORITÉ ; RÉVISION(DÉCISION) ; CHOSE JUGÉE ; DROIT FISCAL ; IMPÔT ; CRÉANCE ; INTÉRÊT MORATOIRE ; INTÉRÊT FINANCIER ; DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION ; RETARD INJUSTIFIÉ
Normes : LPA.14; ALCP.361; LPGIP.4; LPGIP.5; LPGIP.9; LPGIP.12; LPGIP.14; LPGIP.18; LPGIP.20; Cst.29.al1; LPA.4.al4; LPA.62.al6
Résumé : Il appartenait aux recourants d'estimer correctement le montant de leurs impôts et d'adapter les acomptes provisionnels en conséquence, les intérêts moratoires et financiers/compensatoires négatifs découlant de l'insuffisance, voir de l'inexistence, des montants versés à ce titre durant les périodes fiscales litigieuses. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/566/2016-ICC ATA/1520/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 novembre 2017

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2016 (JTAPI/1248/2016)

 


EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______) sont domiciliés à B______, dans le canton de Genève, où ils sont contribuables.

2) M. A______ est détenteur du droit de propriété sur les parcelles n° 1______, sise au chemin C______ 5-7, et n° 2______, sise au chemin C______ 6-9. Il dispose entièrement de la jouissance de celles-ci, même si, à teneur du registre foncier (ci-après : RF), la première est également propriété de ses deux sœurs domiciliées à l’étranger et que la deuxième est encore inscrite au nom de son père, décédé. Sur la première de ces parcelles sont érigés deux bâtiments à usage d’habitation, l’un occupé par les époux A______ et l’autre mis en location. S’y trouvent également les bâtiments abritant le garage que les intéressés exploitent dans le cadre d’une société en nom collectif à l’enseigne « Garage D______ » (ci-après : le garage). Sur la deuxième parcelle est érigé un bâtiment à usage d’habitation, également mis en location.

3) Les 22 juillet 2009, 10 juillet 2010, 30 juin 2011 et 23 mars 2012, les époux A______ ont transmis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leurs déclarations fiscales pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011.

4) Par bordereaux des 23 janvier et 13 mars 2013, l’AFC-GE a procédé à la taxation des époux A______ au titre de l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et a arrêté la taxation respectivement à CHF 14'425.- pour 2008, à CHF 12'523.80 pour 2009, à CHF 9'692.75 pour 2010 et à CHF 10'088.65 pour 2011.

5) Les époux A______ ont formé réclamation contre ces bordereaux.

6) Par bordereaux rectificatifs des 16 et 19 juillet 2013, l’AFC-GE a établi la taxation des époux A______ au titre de l’ICC à CHF 8'670.60 pour 2008, à CHF 11'765.75 pour 2009, à CHF 9'436.05 pour 2010 et à CHF 9'767.35 pour 2011.

7) Les 16 et 23 août 2013, les époux A______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces bordereaux, contestant leur taxation.

8) Par jugement du 15 décembre 2014, après avoir joint les causes, le TAPI a rejeté les recours des époux A______ concernant l’ICC.

9) Par acte du 16 janvier 2015, les époux A______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant en substance à son annulation ainsi qu’à celle des bordereaux rectificatifs de l’AFC-GE.

10) a. Par arrêt du 28 juillet 2015 (ATA/778/2015), la chambre administrative a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours des époux A______ et les a condamnés, conjointement et solidairement, à une amende de procédure de CHF 1'000.-.

S’il était admis que l’exploitation du garage avait généré une perte en 2008, seul le montant non absorbé par le revenu brut était reporté sur l’exercice suivant. Les époux A______ ayant déclaré les parcelles comme faisant partie de leur fortune, l’AFC-GE était en droit de calculer leur imposition en fonction de leur détention à 100 %. La question de l’estimation fiscale de ces parcelles avait été tranchée à de nombreuses reprises, de sorte que leur grief à ce titre était téméraire. Il en allait de même du principe de la prise en considération de la valeur locative sur leurs immeubles.

b. N’ayant pas été contesté, cet arrêt est entré en force de chose jugée.

11) Le 7 décembre 2015, l’AFC-GE a établi des relevés de compte, pour lesquels elle a facturé aux époux A______ des intérêts financiers de CHF 421.10 pour 2008, des intérêts compensatoires négatifs de CHF 704.95 pour 2009, de CHF 426.20 pour 2010 et de CHF 152.30 pour 2011, ainsi que des intérêts moratoires de CHF 540.30 pour 2008, de CHF 814.80 pour 2009, de CHF 651.10 pour 2010 et de CHF 363.45 pour 2011.

Selon ces décomptes, les époux A______ avaient payé des acomptes de CHF 2'000.- pour l’ICC 2008 et de CHF 4'500.- pour l’ICC 2011, mais n’avaient procédé à aucun paiement pour l’ICC 2009 et 2010.

12) Le 4 janvier 2016, les époux A______ ont formé réclamation contre ces relevés de compte, requérant leur reconsidération et l’annulation des frais et intérêts en découlant.

Les montants retenus par l’AFC-GE dans ses taxations étaient inexacts. Le garage avait été déficitaire durant les périodes fiscales litigieuses et la valeur fiscale de la parcelle n° 1______ retenue n’était pas correcte, seul un tiers des revenus provenant de la location de la parcelle indivise leur revenant. L’AFC-GE devait au surplus s’adresser à l’exécuteur testamentaire s’agissant de la parcelle n° 2______ pour l’établissement de la déclaration fiscale.

Pour les années fiscales litigieuses, l’ensemble des bordereaux rectificatifs leur était parvenu en juillet 2013, de sorte qu’ils ne pouvaient être tenus pour responsables des intérêts de retard.

13) Par courrier du 15 janvier 2016, l’AFC-GE, soit pour lui le service des indépendants, a accusé réception de leur lettre, qu’elle transmettait au service du recouvrement en tant qu’il concernait leurs relevés de compte. Pour le surplus, elle leur rappelait qu’il leur avait été loisible de recourir au Tribunal fédéral contre l’arrêt de la chambre administrative du 28 juillet 2015.

14) Par décision du 15 janvier 2016 également, l’AFC-GE, soit pour lui le service du recouvrement, a rejeté la réclamation des époux A______ et maintenu le calcul des montants inscrits sur les relevés des comptes d’impôts 2008 à 2011.

Dès lors qu’elle disposait d’un délai de dix ans pour notifier la taxation au contribuable, aucun retard ne pouvait lui être imputé. Les intérêts facturés l’avaient été en application des dispositions légales et réglementaires pertinentes. Dans la mesure où ils avaient modifié le montant de leurs acomptes et que leur estimation était trop basse, la différence entre celle-ci et les montants retenus était importante et avait eu pour conséquence un calcul plus élevé des intérêts compensatoires négatifs. Les procédures de réclamation et de recours n’ayant pas d’influence sur le cours des intérêts, il leur appartenait de régler les montants y relatifs, sous peine de devoir payer, comme c’était le cas, des intérêts moratoires.

15) Le 18 janvier 2016, l’AFC-GE a sommé les époux A______ de s’acquitter du solde de l’ICC 2008 à 2011 ainsi que des frais et des intérêts.

16) Le 15 février 2016, les époux A______ ont écrit à l’AFC-GE, indiquant former réclamation contre ces sommations. Les relevés de compte 2008 à 2011 devaient être reconsidérés et les frais et intérêts y relatifs annulés. En cas de réponse négative, l’AFC-GE était invitée à rendre une décision sujette à réclamation.

17) Par acte du 17 février 2016, les époux A______ ont recouru auprès du TAPI contre la décision de l’AFC-GE, soit pour lui du service du recouvrement, du 15 janvier 2016, concluant préalablement à la suspension de la procédure jusqu’à ce que l’AFC-GE ait statué sur leur « réclamation » du 15 février 2016 et, principalement, à l’annulation de la décision entreprise, au renvoi du dossier à l’AFC-GE afin qu’elle invite l’exécuteur testamentaire à établir la déclaration fiscale concernant la parcelle n° 2______ et à la reconsidération de leurs taxations 2008 à 2011.

L’AFC-GE était tenue de notifier les bordereaux de taxation dans le délai d’un an dès la réception de la déclaration fiscale des contribuables, ce qu’elle n’avait pas fait dans leur cas. Ceux-ci ne leur étaient ainsi parvenus qu’en juillet 2013, ce qui était constitutif d’un déni de justice. L’AFC-GE s’était également livrée à un amalgame avec l’estimation des acomptes, dont le montant était subjectif pour les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante comme eux.

Ils avaient été imposés à tort et les montants retenus par l’AFC-GE étaient inexacts. La parcelle n° 2______ était en communauté héréditaire indivise et, depuis que la parcelle n° 1______ avait été affectée en zone de développement industriel et artisanal, leurs habitations subissaient un dommage matériel sans précédent. Quant à la valeur locative, elle ne trouvait pas sa place, au vu des importantes déprédations en découlant. Il y avait également lieu de tenir compte des pertes engendrées par le garage, reportables sur une période de sept ans.

18) Dans sa réponse du 13 mai 2016, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.

Seule la décision du 15 janvier 2016 était concernée par le recours, qui ne portait ainsi que sur les intérêts débiteurs pour l’ICC 2008 à 2011, les taxations pour les années correspondantes étant entrées en force suite à l’arrêt de la chambre administrative du 28 juillet 2015 qui n’avait fait l’objet d’aucun recours.

19) Par jugement du 28 novembre 2016, le TAPI a déclaré le recours des époux A______ irrecevable en tant qu’il constituait une demande de révision des taxations 2008 à 2011, transmettant le dossier à la chambre administrative pour raison de compétence, et a rejeté le recours pour le surplus.

Rien ne justifiait la suspension de la procédure, la décision entreprise constituant déjà une décision sur réclamation, qui ne pouvait pas à nouveau être attaquée par la même voie.

Les intérêts qu’ils contestaient découlaient du fait que le montant des acomptes provisionnels versés pour leur taxation 2008 à 2011 s’était révélé insuffisant par rapport aux impôts fixés par les bordereaux rectificatifs relatifs à ces mêmes années fiscales. S’ils avaient procédé à des avances suffisantes, aucun intérêt ne leur aurait ainsi été facturé, indépendamment de la date de notification de ces bordereaux. Ils étaient tout aussi malvenus de reprocher un quelconque retard à l’AFC-GE, puisque la durée de la procédure leur était imputable en raison des recours qu’ils avaient vainement initiés. D’ailleurs, s’ils estimaient que les autorités avaient tardé à statuer, il leur appartenait de les mettre en demeure et, en cas d’inaction, de recourir pour déni de justice.

Les taxations 2008 à 2011 dont ils requéraient la reconsidération étaient entrées en force, de sorte que seule pouvait entrer en considération une demande de révision, de la compétence de la chambre administrative, laquelle avait statué définitivement le 28 juillet 2015.

20) a. Par arrêt du 13 décembre 2016 (ATA/1049/2016), la chambre administrative a déclaré irrecevable la demande de révision de son arrêt du 28 juillet 2015 formée par les époux A______ concernant les décisions de taxation relatives à l’ICC 2008 à 2011.

La requête ne remplissait pas les conditions devant être réunies pour entrer en matière sur une telle démarche. En particulier, les moyens développés par les époux A______ découlaient d’une compilation nouvelle des données fiscales en leur possession, qui résultait du dossier déjà soumis à la chambre de céans ou dont les éléments auraient pu et dû être soumis avant qu’elle ne statue. De même, les motifs et explications qu’ils développaient correspondaient à ceux déjà donnés au cours de l’instruction de la cause dont la révision était demandée, ou qui auraient déjà pu l’être. Ces constats empêchaient d’entrer en matière sur toute révision de l’arrêt de la chambre de céans du 28 juillet 2015 et, ainsi, de remettre en question les décisions de taxation ICC 2008 à 2011.

b. N’ayant fait l’objet d’aucun recours, cet arrêt est entré en force de chose jugée.

21) Par acte expédié le 30 décembre 2016, les époux A______ ont recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 28 novembre 2016, concluant, « avec suite de frais et dépens », préalablement à la suspension de la procédure « jusqu’à droit connu définitif notamment sur les faits nouveaux (…) déterminants pour obtenir une compensation pour les aggravations des dommages matériels » qu’ils subissaient en lien avec leurs biens immobiliers et, principalement, à l’annulation du jugement du TAPI, de la décision de l’AFC-GE du 15 janvier 2016 et des décisions sur réclamation de l’AFC-GE pour les années fiscales 2008 à 2011, à ce qu’il soit ordonné à l’AFC-GE de renvoyer le dossier à l’exécuteur testamentaire s’agissant de la parcelle n° 2______ et à ce que la cause soit renvoyée à l’AFC-GE pour reconsidérer leur taxation pour l’ICC 2008 à 2011.

Ils reprenaient en substance les termes de leurs précédentes écritures. L’AFC-GE les avait ainsi taxés à tort s’agissant de leur revenu et fortune, notamment au regard de l’activité déficitaire du garage, du fait que la parcelle n° 2______ était en communauté héréditaire et de la valeur locative de la parcelle n° 1______, qui se trouvait en zone de développement industriel et artisanal. Il existait bien des faits nouveaux, à savoir leur opposition aux autorisations de construire sur des parcelles voisines publiées dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) des 18 et 22 novembre 2016.

Par ailleurs, ils ne pouvaient être tenus pour responsables des frais et intérêts de retard, dès lors que les bordereaux rectificatifs pour l’ICC 2008 à 2009 ne leur avaient été notifiés qu’en juillet 2013.

22) Le 19 janvier 2017, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

23) Le 1er mars 2017, l’AFC-GE a répondu au recours, concluant à son rejet dans la mesure de sa recevabilité.

Bien que sollicitant l’annulation de leurs taxations 2008 à 2011, ils ne formulaient aucun grief à l’encontre du jugement entrepris et se limitaient à revenir sur les arguments qu’ils avaient fait valoir dans le cadre des précédentes procédures, auxquelles l’arrêt de la chambre administrative du 28 juillet 2015 avait mis un terme définitif. Même si le grief en lien avec leur opposition aux autorisations de construire qu’ils mentionnaient n’avait pas été examiné par le TAPI, il n’en élargissait pas moins de manière non admissible l’objet du litige.

24) Le 10 mars 2017, le juge délégué a imparti aux parties un délai au 21 avril 2017 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

25) Le 21 avril 2017, les époux A______ ont répliqué, persistant dans les termes de leurs précédentes écritures. Les taxations 2008 et 2011 étaient bien erronées, tant s’agissant de leur revenu que de leur fortune, de sorte qu’ils maintenaient leur demande de reconsidération. Par ailleurs, le recours par-devant le TAPI ne constituait pas une demande de révision et il ne leur appartenait pas de mettre en demeure l’AFC-GE, voire de recourir pour déni de justice, en cas d’inaction de cette autorité. C’était également à tort que la chambre administrative avait rendu son arrêt du 13 décembre 2016.

26) L’AFC-GE ne s’est pas déterminée à l’issue du délai imparti.

27) Le 12 mai 2017, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) a. Les recourants sollicitent préalablement la suspension de la procédure « jusqu’à droit connu définitif notamment sur les faits nouveaux (…) déterminants pour obtenir une compensation pour les aggravations des dommages matériels » qu’ils subiraient en lien avec leurs biens immobiliers. L’on comprend par là que la présente cause serait liée à celle concernant les autorisations de construire sur les parcelles voisines des leurs et à l’encontre desquelles ils auraient fait opposition. Cette question étant liée à l’objet du litige, ces deux points seront traités simultanément.

b. Lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA).

L’art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1103/2017 du 18 juillet 2017 ; ATA/206/2015 du 24 février 2015). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie n’ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/1103/2017 précité ; ATA/26/2017 du 17 janvier 2017).

c. L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1155/2017 du 2 août 2017 ; ATA/907/2016 du 25 octobre 2016 ; ATA/459/2016 du 31 mai 2016). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1155/2017 précité ; ATA/907/2016 précité ; ATA/376/2016 du 3 mai 2016).

d. En l’espèce, il ressort de la procédure qu’en tant que les recourants demandaient la révision des taxations entrées en force de chose jugées suite à l’arrêt de la chambre administrative du 28 juillet 2015, le TAPI a transmis à cette dernière le dossier pour raison de compétence. Statuant sur cette requête par arrêt du 13 décembre 2016, la chambre de céans l’a déclarée irrecevable, en l’absence de faits importants ou de preuves concluantes. N’ayant pas été contesté, cet arrêt est entré en force.

Ainsi, étant donné que la chambre de céans s’est prononcée sur la demande en révision des taxations 2008 à 2011, elle a purgé sa saisine, de sorte que les recourants ne sauraient inlassablement persister dans leur requête et dans les termes de leur recours au TAPI, étant précisé qu’ils n’ont pas contesté le jugement de cette dernière autorité en tant qu’il transmettait la cause à la chambre de céans s’agissant de la révision des taxations contestées. Un tel grief n’est ainsi pas recevable au regard de l’objet du litige, qui porte uniquement sur la perception d’intérêts financiers, compensatoires négatifs et moratoires sur l’impôt cantonal dû.

Dès lors, au regard de l’objet du litige, rien ne justifie d’ordonner la suspension de la procédure, puisque les oppositions des recourants aux autorisations de construire sont sans incidence sur la présente cause. D’ailleurs, les éléments invoqués à ce titre étaient connus des recourants lorsque la chambre de céans s’est prononcée sur leur demande en révision, au regard de la publication des autorisations de construire dans la FAO des 18 et 22 novembre 2016.

3) a. Jusqu’au 31 décembre 2008, l’ancienne teneur de loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (aLCP - D 3 05) instaurait deux types d’intérêts à la charge du contribuable, soit les intérêts moratoires et les intérêts financiers, ces derniers étant mis à la charge du contribuable indépendamment de tout retard dans un paiement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2011 du 8 mai 2012 consid. 3.4).

Ainsi, le montant des impôts, taxes, majorations, frais et amendes portaient intérêt au taux légal après l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 361 al. 1 aLCP). Le montant résultant de la différence entre le total des acomptes provisionnels versés et l’impôt échu, supérieur au total des acomptes provisionnels, portait intérêt au taux légal dès le premier jour qui suivait la période fiscale (art. 361 al. 4 aLCP). Pour les personnes physiques, cet intérêt financier courait dès le 1er avril suivant la période fiscale (art. 5 al. 1 de l’ancien règlement transitoire relatif à la perception des acomptes provisionnels du 28 novembre 2001 - aRTAP - D 3 05.05).

b. La loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18), entrée en vigueur le 1er janvier 2009 et qui a remplacé ces dispositions, distingue toujours les intérêts moratoires (art. 9 et 20 LPGIP) des intérêts financiers, désormais nommés « intérêts compensatoires négatifs » (art. 14 LPGIP).

Durant la période fiscale, notamment les impôts cantonaux et communaux annuels sur le revenu et la fortune des personnes physiques sont perçus à titre provisoire, sous forme d’acomptes (art. 4 al. 1 et 5 al. 1 LPGIP). Un intérêt moratoire est perçu sur les acomptes payés tardivement ou impayés en totalité ou en partie (art. 9 al. 1 LPGIP), lequel court dès l’expiration du délai de paiement de l’acompte concerné jusqu’au paiement respectivement et au plus tard jusqu’au terme général d’échéance (art. 9 al. 3 LPGIP).

Aux termes de l’art. 12 LPGIP, les impôts périodiques des personnes physiques sont échus le 31 mars de l’année civile qui suit l’année fiscale (al. 1), le terme général d’échéance étant maintenu si le contribuable n’a reçu, à cette date, aucune décision de taxation (al. 3). Selon l’art. 14 LPGIP, si, au terme général d’échéance, les montants perçus à titre provisoire pour l’année ou la période fiscale sont insuffisants par rapport à l’impôt fixé dans le bordereau de taxation, la différence est soumise à un impôt compensatoire (al. 1). Les intérêts compensatoires négatifs courent à partir du terme général d’échéance jusqu’à la date de notification du bordereau de taxation et du décompte final (al. 2). En cas de versements volontaires ou de transferts de crédits postérieurs au terme général d’échéance, la différence est rectifiée et les intérêts courent, durant la période visée à l’al. 2, pro rata temporis (al. 3).

Le solde indiqué dans le décompte final est échu à la date de notification du décompte et doit être payé ou remboursé dans un délai de trente jours dès l’échéance (art. 18 al. 1 et 2 LPGIP). Le solde du décompte final, en faveur de l’État, porte intérêt moratoire, s’il n’est pas payé à l’expiration du délai prévu à l’art. 18 al. 2 LPGIP jusqu’à la date du paiement (art. 20 LPGIP).

c. Tandis que les intérêts moratoires sont dus sur les acomptes impayés ou payés tardivement, les intérêts compensatoires négatifs ou financiers sont calculés sur les montants encore dus à partir du terme général d’échéance de l’impôt. Ces derniers n’ont pas le caractère d’une sanction, mais visent à rétablir un déséquilibre financier découlant de l’introduction du système postnumerando, dans lequel les contribuables sont taxés au plus tôt au cours de l’année suivante, avec pour conséquence que les collectivités publiques perdent les intérêts pour la part supérieure aux acomptes et doivent de plus rembourser le trop perçu d’impôts au taux des intérêts moratoires. Les intérêts compensatoires négatifs ou financiers sont ainsi destinés à réduire les pertes induites par le système (arrêt du Tribunal fédéral 2C_939/2011 du 7 août 2012 consid. 6).

Par ailleurs, dans le système d’imposition postnumerando, l’impôt dû ne peut être connu avant la fin de la période fiscale puisque celle-ci coïncide avec la période de calcul, de sorte que seuls les acomptes provisionnels sont acquittés durant celle-ci. L’échéance décalée par rapport à la fin de la période fiscale s’explique par l’impossibilité matérielle pour les contribuables, dans un tel système, d’anticiper le montant d’impôts dû à la fin de l’année fiscale. Un délai de trois mois, correspondant au délai pour remplir la déclaration d’impôts, doit dès lors leur permettre d’estimer au plus près leur charge fiscale de l’année précédente et d’effectuer, le cas échéant, un versement complémentaire avant que ne démarre le calcul des intérêts financiers ou compensatoires négatifs. Ce système d’intérêts a, notamment, pour but d’assurer une égalité de traitement entre les contribuables qui, après la période fiscale, se voient notifier rapidement leur décision de taxation et ceux pour lesquels cette décision n’arrive que plus tard. Il appartient aux contribuables d’estimer le montant de leurs impôts afin, le cas échéant, de payer un éventuel solde si celui-ci devait s’avérer supérieur aux acomptes provisionnels et d’éviter des intérêts financiers ou compensatoires négatifs. Une fois la déclaration d’impôt remplie, cet exercice est simple puisque le site de l’AFC-GE propose une « calculette » pour ce faire, laquelle nécessite uniquement d’entrer certaines données, comme la situation familiale ou les revenus, contenues dans la déclaration d’impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2011 précité consid. 3.4 et les références citées).

4) Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. ; ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 I 6 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_409/2013 du 27 mai 2013 consid. 5.1 ; 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 3.3 ; ATA/1329/2017 du 26 septembre 2017 ; ATA/595/2017 du 23 mai 2017). Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA ; ATA/1199/2017 du 22 août 2017 et les références citées).

5) a. En l’espèce, le relevé de compte établi par l’autorité intimée le 7 décembre 2015 mentionne des intérêts financiers et moratoires pour 2008 et des intérêts compensatoires négatifs et moratoires pour 2009, 2010 et 2011 dus par les recourants.

b. Ceux-ci ne contestent ni le principe de la perception de ces intérêts, ni leur mode de calcul, ces éléments découlant de la loi, conformément aux dispositions légales et réglementaires susmentionnées.

c. Les recourants allèguent toutefois que cette situation serait due au retard pris par l’autorité intimée pour établir leur taxation, qui ne leur était parvenue qu’entre les mois de janvier et mars 2013, puis en juillet 2013 s’agissant des bordereaux rectificatifs leur ayant été notifiés.

Les recourants perdent toutefois de vue que les intérêts financiers pour 2008 et compensatoires négatifs pour 2009, 2010 et 2011 qui leur ont été facturés découlent de l’insuffisance, voire de l’inexistence, des acomptes provisionnels versés pour les années fiscales litigieuses. En effet, il ressort du relevé de compte du 7 décembre 2015, dont ils ne contestent pas la réalité, qu’ils n’ont payé aucun acompte pour l’ICC 2009 et 2010 et n’ont payé que CHF 2'000.- pour l’ICC 2008 et CHF 4'500.- pour l’ICC 2011, alors que leur taxation a été établie, pour l’ICC, à CHF 8'670.60 pour 2008, CHF 11'765.75 pour 2009, CHF 9'436.05 pour 2010 et CHF 9'767.35 pour 2011. Il leur appartenait dès lors d’estimer correctement le montant de leurs impôts, le cas échéant en se renseignant auprès de l’AFC-GE, leur statut d’indépendant, comme ils l’allèguent, ne modifiant en rien cette situation.

Ainsi, si les recourants avaient procédé à des avances suffisantes, aucun intérêt ne leur aurait été facturé, indépendamment de la date de notification des bordereaux de taxation. De plus, s’ils jugeaient que l’AFC-GE tardait à établir leur taxation, il leur appartenait d’interpeller cette autorité pour s’inquiéter de l’avancement de celle-ci, de sorte qu’ils ne peuvent soulever ce grief une fois leur taxation établie.

6) Il s’ensuit que le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 décembre 2016 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur A______, à l’administration fiscale cantonale, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :