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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/144/2013

ATA/21/2014 du 14.01.2014 ( MARPU ) , ADMIS

Descripteurs : ; MARCHÉS PUBLICS ; ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS) ; PROCÉDURE D'ADJUDICATION ; APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS) ; SIGNATURE COLLECTIVE ; POUVOIR DE REPRÉSENTATION ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL) ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : Cst.8 ; RMP.16
Parties : PROP SERVICE DE VOIRIE SA / VILLE DE GENEVE - CENTRALE MUNICIPALE D'ACHAT ET D'IMPRESSION, TOP-NET SERVICES SA, SERCONET SA
Résumé : Le principe de la bonne foi n'est pas respecté lorsque l'autorité adjudicatrice soutient qu'une offre déposée par un soumissionnaire n'est pas valable dès lors qu'elle a été signée par une personne ne disposant que de la signature collective à deux alors même que cette personne a, à plusieurs reprises dans le passé, signé seule des offres engageant la société auprès de la même autorité adjudicatrice. Celle-ci viole également le principe de la transparence lorsqu'elle requiert des soumissionnaires, selon le cahier des charges, qu'ils fournissent une certaine prestation et qu'elle accepte des offres ne comportant pas cette même prestation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/144/2013-MARPU ATA/21/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 janvier 2014

 

dans la cause

 

PROP SERVICE DE VOIRIE S.A.
représentée par Me Pierre Gabus, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE - CENTRALE MUNICIPALE D'ACHAT ET D'IMPRESSION

et

TOP-NET SERVICES S.A., appelée en cause
représentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat

et

SERCONET S.A., appelée en cause



EN FAIT

1) Le 18 septembre 2012, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) ainsi que sur le site www.simap.ch, un appel d’offres pour un marché de services en procédure ouverte intitulé « netdop_12 » et désigné « CPV : 90910000 - services de nettoyage », portant sur des prestations de nettoiement de 28 espaces publics de la ville d’une surface d’environ 1,34 km2.

La ville était l’autorité adjudicatrice, l’organe d’exécution dudit marché étant la centrale municipale d’achat et d’impression (ci-après : CMAI).

2) L’appel d’offres indiquait qu’il était soumis à l'accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0.632.231.422), à la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02), à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), ainsi qu’au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

3) a. Le total du marché s’élevait à CHF 667'000.-, hors TVA, sur vingt-quatre mois et était subdivisé en sept lots, en fonction de la nature des prestations de nettoiement et de leur répartition géographique, les lots étant composés d’un ou plusieurs chantiers.

Le lot n° 1 était estimé à CHF 220'000.-, le lot n° 2 à CHF 131'200.-, le lot n° 3 à CHF 90'500.-, le lot n° 4 à CHF 74'500.-, le lot n° 5 à CHF 49'400.-, le lot n° 6 à CHF 66'700.- et le lot n° 7 à CHF 35'200.-. Les montants indiqués dans les documents d’appel d’offres étaient des valeurs estimatives et ne représentaient pas un engagement ferme de nombre ou de quantité de la part de l’autorité adjudicatrice.

b. Le dossier d’appel d’offres comportait un cahier de soumission, définissant les conditions générales auxquelles la ville lançait l’appel d’offres, un cahier des charges, décrivant le cadre et les exigences techniques de l’appel d’offres et définissant les besoins liés au marché, un formulaire d’offre, précisant les exigences de rendu des offres par les soumissionnaires et le détail des prestations attendues par lot et par chantier, ainsi que les annexes.

c. Le marché était conclu pour une durée initiale de 24 mois, reconductible d’année en année, pour une durée totale maximale de 48 mois. Le nettoiement des espaces publics incluait une prise en charge complète, comprenant celui, complet, des lieux, la collecte et la vidange des corbeilles à déchets, le tri, la valorisation et le recyclage des déchets. Les prestations incluaient notamment la fourniture de tous les matériels nécessaires, y compris les réceptacles à déchets, l’exploitation, l’entretien, le remplacement et le renouvellement de cet ensemble de matériel, la mise à disposition du personnel nécessaire, la fourniture de tous produits consommables nécessaires et le transport des résidus du nettoiement au centre de traitement adéquat.

Toutes les prestations et les fournitures y compris celles d’éventuels sous-traitants, non spécifiées dans le cahier des charges mais implicitement nécessaires à la bonne exécution du contrat, étaient comprises dans les prix indiqués. Si le soumissionnaire estimait que des services, des travaux ou des fournitures non indiqués dans la soumission étaient nécessaires pour l’exécution, il était tenu de le mentionner dans son offre.

d. Les candidats n’avaient pas l’obligation de soumissionner pour tous les lots, mais pouvaient choisir ceux pour lesquels ils souhaitaient déposer une offre. Un soumissionnaire pouvait obtenir plusieurs lots, voire la totalité de ceux-ci. Ces derniers étaient adjugés au soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse en fonction des critères énoncés dans un ordre d’importance décroissant, à savoir :

- performance environnementale et équité sociale (poids = 40 %) ;

- prix (poids = 30 %) ;

- organisation, qualification, expérience (poids = 30 %).

Chaque critère d’adjudication pouvait être divisé en autant d’éléments d’appréciation qu’il était nécessaire pour départager les candidats. Les critères étaient notés de 0 à 5, la note maximale étant 5 et des notes intermédiaires pouvant être attribuées. Les notes étaient attribuées de la manière suivante :

Note

Appréciation

Description

5

Très intéressant

Candidat qui a fourni l’information ou les documents demandés par rapport au critère fixé, dont le contenu répond aux attentes avec beaucoup d’avantages particuliers par rapport aux autres candidats

4

Bon et avantageux

Candidat qui a fourni l’information ou les documents demandés par rapport à un critère fixé, dont le contenu répond aux attentes et qui présente un minimum d’avantages particuliers par rapport aux autres candidats

3

Suffisant

Candidat qui a fourni l’information ou les documents demandés par rapport à un critère fixé, dont le contenu répond aux attentes minimales, mais ne présente peu ou pas d’avantage particulier par rapport aux autres candidats

2

Partiellement suffisant

Candidat qui a fourni l’information ou les documents demandés par rapport à un critère fixé, mais dont le contenu ne répond que partiellement aux attentes

1

Insuffisant

Candidat qui a fourni l’information ou les documents demandés par rapport à un critère fixé, mais dont le contenu ne répond pas aux attentes

0

 

Candidat qui n’a pas fourni l’information non éliminatoire demandée par rapport à un critère fixé

 

Le critère du prix était évalué en fonction du montant global TTC par lot tel qu’il était calculé dans le formulaire d’offre. L’offre la meilleure du marché obtenait la note 5. La différence relative entre l’offre considérée et l’offre la meilleure du marché était calculée en soustrayant le montant de l’offre la moins chère du montant de l’offre considérée, dont le total était divisé par le montant de l’offre la moins onéreuse.

L’adjudication se faisait sur la base de la note globale pondérée obtenue en additionnant les notes de chaque critère, elles-mêmes obtenues en multipliant la note obtenue par son poids.

e. Une erreur de calcul manifeste ou un prix manifestement trop bas devait être vérifié par l’autorité adjudicatrice auprès du soumissionnaire concerné, notamment si les prix proposés par ce dernier n’avaient aucun rapport avec ceux pratiqués habituellement ou offerts par les autres candidats. Le soumissionnaire concerné devait apporter tout justificatif utile à la compréhension de ses prix.

f. Les documents d’offre devaient être en possession de la CMAI au plus tard le 1er novembre 2012 à 16 heures. La phase d’analyse des offres s’étendait du 5 novembre au 5 décembre 2012, période au cours de laquelle l’autorité adjudicatrice pouvait demander des précisions aux soumissionnaires, faisant partie intégrante de l’appel d’offres. L’exécution des contrats était prévue pour le 1er avril 2013.

Une offre déposée ne pouvait pas être modifiée ou complétée après la date de dépôt fixée par l’adjudicateur. Après la décision d’adjudication, l’adjudicateur n’accepterait aucune sous-évaluation de prestations, aucun oubli de prestations ou mauvaise compréhension des prestations à exécuter. Il appartenait au soumissionnaire de poser toutes les questions durant la période prévue à cet effet. Dès réception de la décision d’adjudication, tout soumissionnaire non adjudicataire du marché pouvait solliciter des explications en vue d’obtenir des éclaircissements sur la manière dont les notes lui avaient été attribuées et sur les appréciations émises sur son offre.

g. Le répondant de l’appel d’offres devait avoir le pouvoir de représenter et d’engager l’entreprise.

4) Le 2 novembre 2012, la CMAI a procédé à l’ouverture des offres du marché netdop_12. Les différents soumissionnaires y avaient indiqué les prix totaux TTC suivants en CHF, pour 12 mois :

Soumissionnaires

Lot n° 1

Lot n° 2

Lot n° 3

Lot n° 4

Lot n° 5

Lot n° 6

Lot n° 7

IB Services S.à.r.l.

92'656,14

59'972,72

54'636,01

52'404,63

20'956,51

36'599,47

14'938,56

ProP, service de voirie S.A.

173'612,46

100'043,10

128'603,67

85'108,19

41'228,63

51'240,05

32'974,91

Serconet S.A.

81'722,18

41'797,20

102'638,53

78'726,25

38'976,41

52'046,49

33'600,68

Net Inter S.A.

85'424,98

58'403,18

55'396,81

51'476,61

20'866,54

31'716,92

14'702,69

Top-Net Services S.A.

18'219,06

40'138,60

70'663,78

58'202,62

32'289,05

20'373,97

13'531,19

Réalise

-

-

-

-

-

-

24'283,02

 

5) a. La société ProP, service de voirie S.A. (ci-après : ProP S.A.) a pour but l’exploitation d’une entreprise de services dans le domaine de la voirie, notamment les prestations de balayage industriel, de maintenance des espaces publics et industriels, ainsi que toute activité analogue.

Dans le calcul du prix de son offre, elle a notamment pris en compte les frais de transport jusqu'à la centrale d'élimination des déchets ainsi que le coût de recyclage de ces derniers. En particulier, les frais de traitement des déchets se montaient à CHF 243.- / tonne.

b. Serconet S.A. a pour but l’exploitation d’une entreprise de nettoyage, notamment le ponçage et le traitement de sols, le nettoyage de tapis, l’organisation de l’entretien des locaux, la dératisation avant démolition, la désinsectisation et le commerce d’appareils et de produits de nettoyage.

Dans le calcul du prix de son offre, elle a notamment pris en compte les frais de transport jusqu'à la centrale d'élimination des déchets mais n'a pas retenu le coût de recyclage de ces derniers.

c. Top-Net Services S.A. a pour but l’exploitation d’une entreprise de nettoyage, ainsi que les activités dans le domaine de la sécurité et de la surveillance. Il ressort du registre du commerce (ci-après : RC) que Monsieur Cyrille Pinget, directeur de Top-Net Services S.A., dispose de la signature collective à deux. Le formulaire d’offre pour le marché netdop_12 a été signé le 26 octobre 2012 uniquement par M. Pinget.

Dans le calcul du prix de son offre, elle n'a pris en compte ni les frais de transport jusqu'à la centrale d'élimination des déchets ni le coût de recyclage de ces derniers.

6) Par décisions du 7 janvier 2013, la ville a exclu Serconet S.A., s’agissant du lot n° 2, ainsi que Top-Net Services S.A. s’agissant des lots nos 1, 2 et 6, ces deux sociétés n’ayant pas justifié les prix anormalement bas des offres y relatives.

7) Par décision du 7 janvier 2013, publiée dans la FAO du 8 janvier 2013, la ville a attribué le lot n° 1 à Serconet S.A., les lots nos 2 et 6 à ProP S.A, les lots nos 3, 4, 5 et 7 à Top-Net Services S.A.

Elle avait attribué les lots aux entreprises ayant présenté une offre respectant le cahier des charges et étant économiquement la plus avantageuse au regard des critères d’adjudication.

Les tableaux d’évaluation suivants étaient joints à la décision :

Lot n° 1

Critères

Poids

IB Services S.à.r.l.

ProP S.A.

Serconet S.A.

Net Inter S.A.

Performance environnementale et équité sociale

40%

2,46

3,61

2,46

0,81

Prix

30%

4,06

0,11

5,00

4,76

Organisation, qualification, expérience

30%

0,52

4,18

3,32

2,97

 

Note finale pondérée

2,36

2,73

3,48

2,64

 

Rang

4

2

1

3

 

Lot n° 2

Critères

Poids

IB Services S.à.r.l.

ProP S.A.

Net Inter S.A.

Performance environnementale et équité sociale

40%

2,46

3,61

0,81

Prix

30%

4,87

0,42

5,00

Organisation, qualification, expérience

30%

0,52

4,18

2,97

 

Note finale pondérée

2,60

2,82

2,71

 

Rang

3

1

2

 

Lot n° 3

Critères

Poids

IB Services S.à.r.l.

ProP S.A.

Serconet S.A.

Net Inter S.A.

Top-Net Services S.A.

Performance environnementale et équité sociale

40%

2,46

3,61

2,46

0,81

4,14

Prix

30%

5,00

0,07

0,24

4,93

2,44

Organisation, qualification, expérience

30%

0,52

4,18

3,32

2,97

3,46

 

Note finale pondérée

2,64

2,72

2,05

2,69

3,42

 

Rang

4

2

5

3

1

 

Lot n° 4

Critères

Poids

IB Services S.à.r.l.

ProP S.A.

Serconet S.A.

Net Inter S.A.

Top-Net Services S.A.

Performance environnementale et équité sociale

40%

2,46

3,61

2,46

0,81

4,14

Prix

30%

4,91

0,53

0,89

5,00

4,09

Organisation, qualification, expérience

30%

0,52

4,18

3,32

2,97

3,46

 

Note finale pondérée

2,61

2,86

2,24

2,71

3,92

 

Rang

4

2

5

3

1

 

Lot n° 5

Critères

Poids

IB Services S.à.r.l.

ProP S.A.

Serconet S.A.

Net Inter S.A.

Top-Net Services S.A.

Performance environnementale et équité sociale

40%

2,46

3,61

2,46

0,81

4,14

Prix

30%

4,98

0,17

0,24

5,00

0,82

Organisation, qualification, expérience

30%

0,52

4,18

3,32

2,97

3,46

 

Note finale pondérée

2,63

2,75

2,05

2,71

2,94

 

Rang

4

2

5

3

1

 

Lot n° 6

Critères

Poids

IB Services S.à.r.l.

ProP S.A.

Serconet S.A.

Net Inter S.A.

Performance environnementale et équité sociale

40%

2,46

3,61

2,46

0,81

Prix

30%

2,88

0,62

0,56

5,00

Organisation, qualification, expérience

30%

0,52

4,18

3,32

2,97

 

Note finale pondérée

2,01

2,88

2,15

2,71

 

Rang

4

1

3

2

 

Lot n° 7

Critères

Poids

IB Services S.à.r.l.

ProP S.A.

Serconet S.A.

Net Inter S.A.

Top-Net Services S.A.

Réalise

Performance environnementale et équité sociale

40%

2,46

3,61

2,46

0,81

4,14

4,10

Prix

30%

4,33

0,06

0,05

4,47

5,00

0,31

Organisation, qualification, expérience

30%

0,52

4,18

3,32

2,97

3,46

4,10

 

Note finale pondérée

2,44

2,71

1,99

2,55

4,19

2,96

 

Rang

5

3

6

4

1

2

La décision pouvait faire l’objet d’un recours dans les dix jours à compter de la publication dans la FAO auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

8) Par acte posté le 18 janvier 2013, ProP S.A. a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision précitée. Préalablement, elle sollicitait la restitution de l’effet suspensif et, sur le fond, elle concluait à l’annulation de ladite décision s’agissant de l’attribution des lots nos 1, 3, 4, 5 et 7 aux sociétés Serconet S.A. et Top-Net Services S.A., ainsi qu’à la constatation du caractère illicite de la décision d’adjudication de la ville. Elle se réservait le droit de faire valoir le dommage subi dans l’hypothèse où les marchés seraient attribués aux sociétés précitées.

Pour tous les lots, elle avait obtenu les notes les plus élevées pour les critères « performance environnementale et équité sociale » et « organisation, qualification, expérience », mais avait obtenu des notes proches de zéro pour le critère « prix », ses prix étant largement supérieurs à ceux de ses concurrents. La ville avait attribué les lots nos 1, 3, 4, 5 et 7 à des prix largement inférieurs aux prix estimés, le prix total du lot tel qu’attribué correspondait approximativement au prix d’une seule des cinq prestations prévues par le cahier des charges, à savoir le transport des résidus de nettoiement à un centre de traitement adéquat. La prestation avait vraisemblablement été omise, voire sous-estimée par les adjudicataires des lots nos 1, 3, 4, 5 et 7.

La décision litigieuse violait les principes de non-discrimination, d’égalité de traitement et de concurrence efficace. Les critères d’attribution ne permettaient pas d’adjuger le marché à l’offre économiquement la plus avantageuse.

Dans son offre, elle-même avait tenu compte des quantités de déchets à évacuer sur chaque site et du coût de la taxe des déchets ménagers ordinaires pour l’incinération dans des centres agréés, ainsi que du coût du transport des déchets. Le coût de ces deux prestations expliquait la raison pour laquelle elle avait offert des services à des prix nettement supérieurs à ceux de ses concurrents, qui n’avaient pas tenu compte desdites prestations.

9) Le 21 janvier 2013, le juge délégué a ordonné l’appel en cause de Serconet S.A. et Top-Net Services S.A., en impartissant à ces dernières un délai au 1er février 2013 pour se déterminer sur la demande d’octroi de l’effet suspensif formulée par ProP S.A., ainsi qu’un délai au 22 février 2013 pour présenter leurs observations sur le fond du litige.

Le juge délégué a accordé les mêmes délais à la ville pour se déterminer, lui défendant de conclure le contrat d’exécution de l’offre jusqu’à droit jugé sur la requête en restitution de l’effet suspensif.

10) Le 1er février 2013, la ville a conclu au rejet de la demande d’octroi de l’effet suspensif, le recours étant manifestement dénué de chances de succès.

ProP S.A. avait indiqué à la CMAI, par téléphone du 16 janvier 2013, qu’elle s’était trompée dans l’établissement et la valorisation de ses offres s’agissant des lots querellés, ce qui avait été confirmé dans un courriel adressé le 18 janvier 2013 par le responsable de l’unité achat de la CMAI au service des espaces verts et de l’environnement de la ville (ci-après : SEVE).

Le principe de transparence avait été respecté : les prestations du projet netdop_12 avaient été décrites de manière très précise dans les documents d’appel d’offres pour l’ensemble des lots. La ville avait répondu aux questions des candidats, en communiquant ses réponses à tous les soumissionnaires, qui avaient établi leurs offres en connaissance de cause s’agissant des prestations attendues. En déposant leurs offres, les intéressés s’étaient engagés à prendre connaissance de l’ensemble des conditions du marché. Les offres se situaient dans les valeurs annoncées, les montants mentionnés dans les documents d’appel d’offres étant des valeurs estimatives et non un engagement ferme de la part de la ville. Disposant d’une description précise des prestations attendues, les soumissionnaires connaissaient l’ampleur du marché.

En attribuant les lots aux soumissionnaires ayant déposé les offres économiquement les plus avantageuses, au regard des critères d’évaluation prédéfinis dans le cahier de soumission, la ville avait respecté la législation en vigueur ainsi que les principes d’égalité de traitement et de concurrence efficace. Les montants des offres des différents soumissionnaires étaient proches, à l’exception de ceux de ProP S.A., plus élevés. Cette dernière ne pouvait donc pas prétendre à une sous-estimation des prestations offertes par les adjudicataires des lots nos 1, 3, 4, 5 et 7. ProP S.A. connaissait le cahier des charges de netdop_12, puisqu’elle était l’adjudicataire des lots nos 2 et 6, ce dernier lot se situant dans les valeurs annoncées et ne constituant pas l’offre la plus onéreuse.

La ville avait un intérêt public prépondérant à bénéficier immédiatement des prestations de nettoiement afin de garantir l’ordre et la sécurité publics. Les lots devaient être exécutés le 1er avril 2013. ProP S.A. avait un intérêt à ce que les prestations contractuelles qu’elle effectuait pour le compte de la ville - d’une valeur d’environ CHF 143'000.- en 2012 et CHF 160'000.- actuellement - soient maintenues sans être attribuées à des tiers. L’intérêt public de la ville primait l’intérêt privé purement financier de ProP S.A. de remporter les lots querellés. Serconet S.A. et Top-Net S.A. avaient un intérêt privé prépondérant à ce que le marché leur soit attribué vu que les adjudications étaient conformes à la législation sur les marchés publics.

11) Serconet S.A. et Top-Net Services S.A. n’ont pas donné suite à l’invite du juge délégué leur impartissant un délai pour se déterminer sur la question de l’effet suspensif.

12) Dans sa réponse du 22 février 2013, la ville s'est déterminée sur le fond du litige et a conclu au rejet du recours en reprenant en grande partie les arguments développés dans son écriture du 1er février 2013.

13) Par décision du 13 mars 2013, la présidente de la chambre administrative a admis partiellement la requête en octroi de l’effet suspensif au recours, s’agissant des lots nos 3, 4, 5 et 7 du marché netdop_12.

Seul M. Pinget avait signé le formulaire d’offre du marché netdop_12 pour la société Top-Net Services S.A., alors qu’il ressortait du RC que l’intéressé disposait de la signature collective à deux pour pouvoir représenter et engager valablement l’entreprise.

A priori, vu l’existence de doutes s’agissant de la validité de l’offre déposée par Top-Net Services S.A., adjudicataire des lots nos 3, 4, 5 et 7, le recours n’était pas dénué de chances de succès.

14) Le 27 mars 2013, suite à l'invite de la chambre administrative à la ville, Top-Net Services S.A. et ProP S.A. à se déterminer sur la question de la validité de l’offre de Top-Net Services S.A. munie de la seule signature de M. Pinget, ces dernières se sont déterminées de la manière suivante :

Selon Top-Net Services S.A., le RMP ne contenait aucune disposition particulière sur la forme que devait revêtir une soumission. La ville n'avait pas fixé la moindre règle spéciale concernant les signataires des offres. De plus, le dépôt d'une soumission n'était qu'un acte juridique ordinaire, et était donc uniquement soumis aux règles classiques du droit des obligations, soit aux art. 32 et suivants du Code des obligations du 20 mars 1911 (CO - RS 220). M. Pinget avait toujours signé seul et avec l'accord de la société toutes les offres et devis et était de ce fait autorisé à agir d'une telle manière. Enfin, l'inscription au RC n'avait vocation à protéger que le destinataire d'un acte juridique ou la personne au nom de laquelle il était passé. Elle ne visait pas à protéger les tiers extérieurs, comme, en l'espèce, la recourante.

La ville, en plus de reprendre l'argumentation développée par Top-Net Services S.A., rappelait que M. Pinget avait, à plusieurs reprises déjà, signé des offres de Top-Net Services S.A. dans le cadre de différents appels d'offres lancés par la ville. La ville était en outre en possession d'une confirmation écrite de la validité de la soumission de Top-Net Services S.A. dans le cadre de l'appel d'offres netdop_12, signée par Monsieur José Liste, président du conseil d'administration de l'entreprise, lequel disposait de la signature individuelle. En outre, la ville avait une pratique souple en matière de contrôle des signatures des documents d'appel d'offres. Au surplus, même en présence d'un doute quant à la validité de l'offre signée par M. Pinget, exclure Top-Net Services S.A. aurait violé le principe de la prohibition du formalisme excessif.

ProP S.A. soutenait quant à elle qu'il ressortait du cahier des charges établi par la ville que chaque appel d'offre devait indiquer le nom, prénom et le titre du répondant de l'appel d'offres. Le répondant de l'appel d'offres devait avoir le pouvoir de représenter et d'engager l'entreprise. M. Pinget n'était donc pas à même d'engager la société Top-Net Services S.A.

15) Dans ses observations du 29 avril 2013, ProP S.A. a persisté dans son recours.

Les conditions et modalités de la procédure de passation n'avaient pas été formulées de manière claire, précise et univoque, dans l'appel d'offres ou dans le cahier des charges, afin que tous les soumissionnaires puissent les comprendre de la même manière. En effet, les offres de Top-Net Services S.A. et de Serconet S.A. ne prenaient pas en compte le coût de traitement et d'élimination des déchets, contrairement à celle de ProP S.A., et à ce qui découlait expressément des termes utilisés par la ville dans le cahier des charges. Or, il apparaissait que la ville ne souhaitait pas que cette prestation lui soit fournie, puisque dans le cadre de l'exécution de son contrat découlant de l'attribution des lots 2 et 6, ProP S.A. ne devait ni transporter le déchet jusqu'au centre de tri, ni payer les coûts relatifs à son élimination.

Les coûts calculés par les trois entreprises soumissionnaires l'avaient été sur des bases différentes. Si ProP S.A. avait pris en considération le coût du transport et l'élimination des déchets, tel n'avait pas été le cas de Top-Net Services S.A., qui ne le mentionnait pas dans son offre. Serconet S.A., quant à elle, n'avait pris en compte que le transport du déchet, à l'exclusion de son élimination. Par conséquent, il n'était pas possible de juger les trois offres de manière équitable sur le critère du prix. Le principe de non-discrimination et d'égalité de traitement avait été violé.

16) Le 21 juin 2013, ProP S.A. a transmis ses observations complémentaires dans lesquelles elle a répondu aux prises de position de la ville et de Top-Net Services S.A du 27 mars 2013.

La ville ne pouvait invoquer qu'elle aurait fait preuve de formalisme excessif en écartant d'office l'offre de Top-Net Services S.A. au motif que M. Pinget ne pouvait engager seul la société. Il était conforme au but et à la nature de la procédure des marchés publics que la violation de certaines exigences de forme par un soumissionnaire puisse entraîner son exclusion du marché. L'interdiction du formalisme excessif ne pouvait porter atteinte aux principes d'intangibilité des offres et d'égalité de traitement entre soumissionnaires. Une exception à ce principe n'était possible que lorsque le vice formel constaté était de peu de gravité. Le pouvoir du répondant de représenter et d'engager valablement l'entreprise était une condition d'aptitude essentielle, car elle lui permettait d'être en mesure de certifier valablement que l'offre du soumissionnaire était conforme à toutes les clauses contenues dans l'appel d'offres. On ne pouvait donc qualifier le vice constaté dans l'offre de Top-Net Services S.A. de vice de peu de gravité. En outre, il n'y avait formalisme excessif que lorsque, au lieu de déclarer l'acte irrecevable, l'autorité aurait pu aviser facilement l'intéressé. En l'espèce, la ville aurait dû accorder au soumissionnaire, pendant la procédure d'approbation, un délai supplémentaire pour corriger ce vice formel, ce qu'elle n'avait pas fait.

Les règles du CO n'étaient quant à elles pas pertinentes, l'art. 32 CO ne s'appliquant pas à l'organe d'une personne morale.

La ratification écrite du président du conseil d'administration de Top-Net Services S.A. était tardive. Le droit de ratifier n'était soumis à aucun délai, sous réserve d'une limitation dans le temps résultant de la nature de l'affaire. La ratification avait été reçue après la phase de l'appel d'offres, c'est-à-dire pendant la phase de décision d'adjudication. Le délai pour ratifier ne pouvait s'étendre au-delà du délai imparti aux soumissionnaires pour répondre à l'appel d'offres.

17) Dans ses observations du même jour, Top-Net Services S.A. a conclu au rejet du recours, à la constatation du caractère téméraire du recours et à la sanction de la recourante en conséquence.

Au contraire de ce qu'affirmait la recourante, la ville avait précisé, sur le forum de la plateforme simap.ch, qu'elle mettrait à disposition des entreprises adjudicataires pour l'ensemble des lots du présent marché l'équivalent de 18 bennes type OM (ordures ménagères). Top-Net Services S.A. avait donc valablement exclu de son offre le coût du transport et du traitement des déchets. L'erreur de compréhension du cahier des charges était imputable à la recourante et ne pouvait être rattrapée en invoquant un prétendu manque de transparence de la soumission ou une violation de l'égalité de traitement.

Le recours litigieux avait été engagé de manière téméraire et avait causé un dommage direct et important à l'adjudicataire légitime, puisqu'il avait eu pour effet de la priver de plusieurs mois de chiffre d'affaires.

18) Toujours le 21 juin 2013, la ville a également transmis ses observations finales et conclu au rejet du recours.

Certains candidats s'étaient enquis de la problématique de la prise en charge des déchets, notamment au sujet de la possibilité de les déposer dans les bennes enterrées de la voirie. Il leur avait été répondu qu'il était tout à fait possible de procéder de la sorte. Les questions et les réponses avaient été postées sur le forum de l'appel d'offres, sur le site simap.ch, conformément au cahier de soumission, lequel précisait que ces éléments faisaient partie intégrante de l'appel d'offres. De plus, la nature des renseignements donnés n'était en aucune manière susceptible d'avantager indûment certains soumissionnaires au détriment des autres, chacun d'entre eux ayant été en mesure de mettre à profit ces informations dans leurs offres. La ville avait donc pleinement respecté le principe de la transparence.

Chaque soumission avait été évaluée selon les mêmes critères, lesquels étaient expressément indiqués dans le cahier de soumission. Ces derniers incluaient, au contraire de ce qu'alléguait la recourante, l'expérience des entreprises soumissionnaires en matière de nettoiement des espaces publics. Dès lors, la ville n'avait pas violé le principe de l'égalité de traitement.

19) Le 27 juin 2013, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante soutient que l'offre déposée par Top-Net Services S.A. n’est pas valable dès lors qu’elle a été signée par une personne ne disposant que de la signature collective à deux.

3) L'exigence de la signature à deux est une garantie qui s'applique autant en droit privé qu'en procédure administrative (ATA/653/2002 du 5 novembre 2002). La question de la validité de la signature de M. Pinget peut toutefois rester ouverte ici.

En effet, le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aujourd’hui aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 ; 9C_115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2 ; ATA/141/2012du 13 mars 2012 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 193 n. 568). Par ailleurs, la jurisprudence a tiré du principe de la bonne foi et de l’interdiction du formalisme excessif le devoir qui s’impose à l’administration, dans certaines circonstances, d’informer d’office le justiciable qui commet ou s’apprête à commettre un vice de procédure, à condition que celui-ci soit aisément reconnaissable et qu’il puisse être réparé à temps, le cas échéant dans un bref délai (ATF 125 I 166 consid. 3a p. 170 ; 124 II 265 consid. 4a p. 269/270 et les arrêts cités ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_39/2013 du 11 mars 2013 consid. 2.1 et 2.3; 2C_165/2012 du 29 mai 2012 consid. 5.1).

4) En l'espèce, M. Pinget a, à plusieurs reprises dans le passé, signé seul des offres engageant la société Top-Net Services S.A. auprès de la ville, sans que cette dernière ne soulève un problème de signature. De plus, la ville a une pratique souple en matière de contrôle des signatures des documents d'appel d'offres. Au surplus, même en présence d'un doute quant à la validité de l'offre signée par M. Pinget, exclure Top-Net Services S.A. violerait le principe de la prohibition du formalisme excessif. En effet, le vice était aisément reconnaissable et aurait pu être réparé dans un bref délai. Ce grief doit donc être rejeté.

5) La recourante reproche ensuite à l'intimée d'avoir violé les principes d'égalité de traitement et de transparence.

6) Selon l’art. 1 al. 3 let. b AIMP, un des objectifs de l’accord est de garantir l’égalité de traitement envers tous les soumissionnaires et d’assurer l’impartialité de l’adjudication.

Toute discrimination des candidats ou des soumissionnaires est interdite, en particulier par la fixation de délais ou de spécifications techniques non conformes à l’art. 28 RMP, par l’imposition abusive de produits à utiliser ou le choix de critères étrangers à la soumission (art. 16 al. 1 RMP).

Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6 p. 357 ss ; V. MARTENET, Géométrie de l’égalité, 2003, p. 260 ss).

Le principe de l’égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires et dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 2 RMP ; ATA/165/2011 du 15 mars 2011).

En particulier, le respect de l’égalité de traitement entre soumissionnaires oblige l’autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires pendant tout le déroulement formel de la procédure (ATA/884/2004 du 26 octobre 2004 ; J.-B. ZUFFEREY / C. MAILLARD / N. MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 109 ; B. BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics in RDAF 2004, p. 241). La chambre administrative a rappelé le caractère formaliste du droit des marchés publics qu’impose le respect de ce principe (ATA/150/2009 du 14 mars 2009 ; ATA/10/2009 du 13 janvier 2009). L’égalité de traitement impose que les conditions d’accès au marché soient similaires pour tous (Guide romand pour les marchés publics, version du 2 juin 2005, actualisée et complétée les 9 juin 2006, 18 décembre 2006 et 12 septembre 2008, annexe D, ch. 2).

La non-discrimination est un acquis fondamental, invoqué tel quel s’il y a trace d’inégalité ou de discrimination dans une procédure de marchés publics, avec pour résultat l’annulation ou le constat d’illicéité de la décision incriminée (RDAF 2004 I 237). C’est un principe essentiel de l’ouverture des marchés. Il vise à garantir que certains soumissionnaires, ou catégories de soumissionnaires, ne soient pas écartés ou exclus des procédures de manière arbitraire ou en raison de caractéristiques qui ne doivent plus avoir cours dans la passation des marchés publics, tels que l’origine, le lieu de siège et la provenance (Guide romand pour le marchés publics version du 2 juin 2005 précité).

7) En l'espèce, tous les soumissionnaires ont été traités de manière égale et aucun n'a été écarté de manière arbitraire. Tous ont bénéficié des mêmes informations et ont vu leur dossier examiné sans distinction. Ce grief doit être rejeté.

8) Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d’appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (RDAF 2001 I 403). La concurrence permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l’offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation (ATF 125 II 86 consid. 7c p. 101 in RDAF 2002 I 543).

Ce principe exige du pouvoir adjudicateur qu’il énumère par avance et dans l’ordre d’importance tous les critères d’adjudication qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions ; à tout le moins doit-il spécifier clairement l’importance relative qu’il entend accorder à chacun d’eux. En outre, lorsqu’en sus de ces critères, le pouvoir adjudicateur établit des sous-critères qu’il entend privilégier, il doit les communiquer par avance aux soumissionnaires, en indiquant leur pondération respective. En tous les cas, le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères (ATF 125 II 86 précité consid. 7c p. 101 et les références citées). Il n’exige toutefois pas, en principe, la communication préalable de sous-critères ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l’adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d’un critère publié. De la même manière, une simple grille d’évaluation ou d’autres aides destinées à noter les différents critères et sous-critères utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 p. 248 ; 125 II 86 précité consid. 7c p. 101 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D_22/2008 du 23 mai 2008 consid. 2.1 et les références citées).

9) En l'espèce, le cahier des charges de la ville mentionne expressément à sa page 3 « le recyclage des déchets déchargeant entièrement la ville de Genève de cette tâche » ainsi que « le transport des résidus du nettoiement au centre de traitement adéquat ». Sur le site simap.ch, une des réponses mentionne certes que la ville mettrait à disposition des entreprises adjudicataires pour l'ensemble des lots du présent marché l'équivalent de 18 bennes type OM (ordures ménagères), mais cette réponse est précédée par la phrase « le candidat doit effectivement prévoir les dispositions pour le transport et l'élimination des déchets et ce d'une manière générale ».

La position de la ville est pour le moins peu claire. Si son intention était effectivement de ne pas demander aux adjudicataires les prestations de transport et d'élimination des déchets, comme il apparaît être le cas aux dires de la recourante, son comportement au cours de la procédure d'appel d'offres laisse penser le contraire. La recourante n'est d'ailleurs pas la seule à avoir été induite en erreur, puisque Serconet S.A. a elle aussi inclus le transport des déchets jusqu'au centre de traitement dans son offre.

Si la ville entendait accepter des offres ne comprenant pas les prestations mentionnées ci-dessus, elle aurait dû en informer tous les soumissionnaires et non se baser sur un cahier des charges visiblement erroné et des réponses vagues sur la plateforme simap.ch. Le principe de transparence a donc été violé.

10) Compte tenu de ce qui précède, le recours de ProP S.A. sera admis, la décision d'adjudication attaquée annulée. La cause sera renvoyée à la ville qui devra rendre les offres comparables et procéder à leur réévaluation. Si une telle opération se révèle impossible, elle devra procéder à un nouvel appel d'offres.

11) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à la recourante ayant eu gain de cause, à la charge de la ville (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 janvier 2013 par Prop Service de Voirie S.A. contre la décision de la Ville de Genève - centrale municipale d'achat et d'impression du 7 janvier 2013 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du 7 janvier 2013, publiée dans la FAO du 8 janvier 2013, de la Ville de Genève attribuant le lot n° 1 à Serconet S.A. et les lots nos 3, 4, 5 et 7 à Top-Net Services S.A. ;

renvoie la cause à la Ville de Genève pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à ProP, Service de voirie S.A. une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

-          par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

-          sinon, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Gabus, avocat de la recourante, à la Ville de Genève - centrale municipale d'achat et d'impression, à Me Lucien Lazzarotto, avocat de Topnet S.A., appelée en cause, à Serconet S.A., autre appelée en cause, ainsi qu'à la commission de la concurrence.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, MM. Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :