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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/458/2016

ATA/175/2016 du 23.02.2016 ( MARPU ) , REJETE

Parties : H.GOESSLER AG / CENTRALE COMMUNE D'ACHATS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/458/2016-MARPU ATA/175/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 février 2016

 

dans la cause

 

H. GOESSLER AG

contre


CENTRALE COMMUNE D'ACHATS



EN FAIT

1. Le 13 octobre 2015, la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) a publié un appel d’offres public pour la réalisation et l’impression du matériel de vote. Il s’agissait d’un marché de services en procédure ouverte soumis à l’Accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0632.231.422) et aux accords internationaux sur les marchés publics. Le pouvoir adjudicateur était l’État de Genève, représenté par la centrale commune d’achats (ci-après : CCA).

Le marché était divisé en cinq lots :

- lot no 1  : enveloppes imprimées (quatre sortes d’enveloppes)

- lot no 2  : brochures (brochures pour les votations et brochures pour les élections)

- lot no 3 : imprimés et produits connexes (cartes de vote)

- lot no 4 : imprimés et produits connexes (bulletins de vote)

- lot no 5 : imprimés et produits connexes (fascicule de listes de candidats).

Les offres partielles étaient possibles et les variantes n’étaient pas admises. Le dossier d’appel d’offres pouvait être obtenu auprès de la CCA.

La date de clôture pour le dépôt des offres était le 7 décembre 2015 à 12h00. Il était possible de poser des questions par écrit, dont la récapitulation ainsi que les réponses seraient déposées sur la plateforme simap.ch le 6 novembre 2015. L’ouverture des offres, en séance non publique, était prévue le 8 décembre 2015.

Les voie et délai de recours étaient mentionnés.

2. La société H. Goessler AG à Zurich a adressé une offre à la CCA pour le lot no 1.

3. Par décision du 1er février 2016, la CCA a écarté l’offre de H. Goessler AG de la procédure sans l’évaluer, vu sa non-conformité au cahier des charges. Les échantillons produits pour l’enveloppe de renvoi de matériel de vote ne satisfaisaient pas aux exigences impératives et éliminatoires concernant les dimensions requises pour l’enveloppe elle-même et pour sa fenêtre.

4. Le 10 février 2016, sous la signature de son directeur marketing et vente, H. Goessler AG a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, concluant en substance à son annulation.

Le 11 novembre 2015, la société avait fait vérifier les dimensions requises dans le cahier des charges pour les enveloppes de vote par la Poste et la réponse de cette entreprise était que ces dimensions ne correspondaient pas aux directives de la Poste et entraîneraient des frais de port supplémentaire de CHF 0.15 par envoi. C’est pourquoi H. Goessler AG avait adapté la position et la taille de la fenêtre des échantillons aux directives de la Poste. Elle avait en effet reçu de la Poste le certificat pour la fabrication d’enveloppes de vote et s’était engagée auprès de cette entreprise à ne fabriquer que des enveloppes de vote correspondant auxdites directives. À ce jour, H. Goessler AG n’avait pas produit d’enveloppes de vote au format B5 et ne possédait pas les outils pour ce faire. C’est pourquoi elle n’avait pas été en mesure de soumettre un échantillon de production à ce format. Les coûts pour les outils nécessaires s’élevaient à plusieurs millions de francs. En cas de commande, elle assumerait la totalité de ces coûts. Enfin, elle fournissait cinq échantillons d’enveloppe au format B5 faits main, correspondant aux spécifications du cahier des charges, mais non conformes aux directives de la Poste. Elle était bien entendu disposée à fabriquer l’enveloppe de vote correspondant aux spécifications requises.

5. Le 11 février 2016, le juge délégué a transmis le recours de H. Goessler AG à la CCA pour information.

EN DROIT

1. Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est recevable sous ces angles (art. 15 al. 1bis let. d et al. 2 AIMP ; art. 3 al. 1 de la loi du 12 juin 1997 autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2. L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l’accord GATT/OMC ainsi que de l’Accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse
(art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

3. a. Selon les art. 25 ss RMP, l’appel d’offres, publié dans la FAO contient les indications pertinentes relatives au type de marché, à l’autorité adjudicatrice, aux conditions de participation, aux critères d’adjudication et aux documents mis à disposition des candidats donnant les renseignements nécessaires à l’établissement de l’offre, dont la liste des pièces et documents à joindre (art. 27 let. e RMP).

b. En vertu de l’art. 42 RMP, l’offre est écartée d’office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges (al. 1 let. a) ; les offres écartées ne sont pas évaluées. L’autorité adjudicatrice rend une décision d’exclusions motivée, notifiée par courrier à l’intéressé, avec mention des voies de recours (al. 3).

4. Le droit des marchés publics est formaliste, comme la chambre de céans l’a déjà rappelé à plusieurs reprises (ATA/535/2011 du 30 août 2011 consid. 5 ; ATA/10/2009 du 13 janvier 2009 et les références citées) et c’est dans le respect de ce formalisme que l’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation (ATA/535/2011 précité consid. 5).

Ledit formalisme permet de protéger notamment le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP (ATA/129/2014 du 4 mars 2014 consid. 4 a contrario).

L’interdiction du formalisme excessif, tirée de la garantie à un traitement équitable des administrés énoncée à l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité. C’est dans ce sens que des erreurs évidentes de calcul et d’écriture peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et que des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires relatives à leurs aptitudes et à leurs offres (art. 40 et 41 RMP). Le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive, et seulement lorsque l’offre est, au demeurant, conforme aux conditions de l’appel d’offres (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/ Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 110 ; Olivier RODONDI, La gestion de la procédure de soumission, in Droit des marchés publics, 2008, p. 186 n. 63).

Les principes précités valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions (Olivier RODONDI, op. cit., p. 186 n. 65). Lors de celle-ci, l’autorité adjudicatrice doit examiner si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation proprement dite et il est exclu d’autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents. En outre, en matière d’attestation, l’autorité adjudicatrice peut attendre d’un soumissionnaire qu’il présente les documents requis, rédigés d’une manière qui permette de déterminer, sans recherche complémentaire, interprétation ou extrapolation, si celui-ci remplit les conditions d’aptitude ou d’offre conformes à ce qui est exigé dans le cahier des charges (ATA/535/2011 précité consid. 6 ; ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 et 2C_198/2010 du 30 avril 2010).

La chambre de céans s'est toujours montrée stricte dans ce domaine (ATA/535/2011 précité consid. 6 ; ATA/150/2006 du 14 mars 2006, notamment), ce que le Tribunal fédéral a constaté mais confirmé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_418/2014 du 20 août 2014 ; 2C_197 et 198/2010 précité), la doctrine étant plus critique à cet égard (Olivier RODONDI, op. cit., p. 186 n. 64, et p. 187 n. 66).

5. En l’espèce, dans ses écritures de recours, la recourante admet n’avoir pas fourni d’échantillons d’enveloppes conformes aux exigences posées par l’autorité adjudicatrice, d’une part car elle ne dispose pas des outils nécessaires pour les produire et, d’autre part, parce que les exigences genevoises ne correspondent pas aux directives de La Poste Suisse SA, société anonyme de droit public inscrite au registre du commerce du canton de Berne, ayant pour but de fournir des services postaux et financiers (art. 3 de la loi sur l’organisation de La Poste Suisse du 17 décembre 2010 - LOP - RS 783.1), qui n’a pas de compétence en matière de définition des exigences cantonales pour les enveloppes électorales.

Ainsi, la recourante a répondu à l’appel d’offres en fournissant consciemment des échantillons d’enveloppes non conformes aux exigences posées par l’autorité adjudicatrice – exigences qu’elle n’a pas contestées en recourant en temps utile contre l’appel d’offre – et en sachant qu’elle ne disposait pas des outils nécessaires à la production d’enveloppes ayant les caractéristiques techniques requises. Son affirmation non étayée selon laquelle elle acquerrait à sa seule charge les outils en question si le marché lui était adjugé, ne lui est à ce stade de la procédure, d’aucun recours.

Conformément aux règles et principes énoncés plus haut, l’autorité adjudicatrice ne pouvait qu’écarter l’offre de la recourante.

6. Manifestement mal fondé, le recours sera rejeté sans instruction (art. 72 LPA).

Vu les circonstances du cas d’espèce, il ne sera pas perçu d’émolument et vu son issue, aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 février 2016 par H. Goessler AG contre la décision du 1er février 2016 de la centrale commune d’achats ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- sinon, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à H. Goessler AG, à la centrale commune d'achats, ainsi qu’à la commission de la concurrence, COMCO.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :