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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2994/2016

ATA/490/2017 du 02.05.2017 ( MARPU ) , REJETE

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS; APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS); PROCÉDURE D'ADJUDICATION; SOUMISSIONNAIRE; EXCLUSION(EN GÉNÉRAL); ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS); QUALITÉ POUR RECOURIR; RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LPA.60 ; RMP.48 ; RMP.42 ; LPA.67
Parties : JEAN MUSINA SA / OFFICE DES BATIMENTS
Résumé : Recours contre une décision prononçant l'annulation d'une décision d'adjudication pendant la procédure de recours à son encontre, l'exclusion de la recourante ainsi que l'adjudication du marché au seul autre soumissionnaire. Il existait un motif de d'exclusion de la recourante, soit la non-conformité de son offre à une exigence essentielle du cahier des charges. Décision d'exclusion conforme au droit. Par ailleurs, l'intérêt public au respect de cette exigence et de la procédure en matière de marchés publics l'emporte sur l'intérêt privé de la recourante. Décision d'annulation de la première décision d'adjudication conforme au droit. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2994/2016-MARPU ATA/490/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mai 2017

 

dans la cause

 

JEAN MUSINA SA
représentée par Me Guillaume Ruff, avocat

contre

OFFICE DES BÂTIMENTS



EN FAIT

1) Par avis publié le 17 novembre 2015 dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur le site www.simap.ch, l’office des bâtiments (ci-après : OBA), rattaché au département des finances, a lancé un appel d’offres intitulé «  Projet : 132988 – Centre Médical Universitaire CMU 1-6, CONCEPT DE SURETE CFC 272 – Système de verrouillage – Mise en passe ».

Selon le point 3.6 du dossier d’appel d’offres K2 (ci-après : le dossier d’appel d’offres), concernant les motifs d’exclusion, l’offre devait notamment être accompagnée des attestations, preuves et documents demandés par l’adjudicateur et être remplie complètement selon les indications de l’adjudicateur. À teneur du point 3.16 du dossier d’appel d’offres, une variante d’offre était admise. Parmi les conditions de prise en considération d’une variante figuraient le dépôt d’une offre de base recevable (let. a et b), l’indication du montant de la variante dans l’annexe R1/R2 (let. d), le respect des exigences essentielles du cahier des charges (let. e) et le complètement, pour la variante, des annexes liées aux éléments d’appréciation de l’offre (let. f). Conformément au point 4.1 du cahier des charges fonctionnel et technique, les cylindres devaient être résistants antieffraction, soit anti-arrachage et anti-perçage.

2) a. Dans le délai de clôture pour le dépôt des offres, fixé au 4 janvier 2016, deux sociétés, Jean Musina SA et Scholl-Metal SA ont soumis des offres.

b. Jean Musina SA a formulé trois variantes, sans préciser laquelle correspondait à son offre de base, et annoncé un montant total de son offre de CHF 471'987.-, sans indiquer laquelle des variantes était chiffrée. Les trois variantes avaient les caractéristiques suivantes :

- variante n1 : protections anti-arrachage et anti-perçage, utilisation de cylindres Keso 4000S 41.228 ;

- variante no 2 : protection anti-perçage, absence de protection anti-arrachage, utilisation de cylindres Keso 4000S 41.415 ;

- variante no 3 : absence de protection anti-perçage – mais goupilles en acier trempé –, absence de protection anti-arrachage – mais barre de liaison en Crome-Nickel incassable –, utilisation de cylindres Keso 4000S 41.415.

Elle n’a joint à son offre aucune fiche technique concernant les cylindres proposés.

c. Scholl-Metal SA a formulé une offre de base, pour un montant de CHF 513'740.35, et une variante, pour un total de CHF 478'169.40. Son offre comportait les caractéristiques suivantes :

- offre de base : protections anti-arrachage et anti-perçage, utilisation de cylindres Keso 4000S 41.228, 41.239 et 41.240, les fiches techniques annexées indiquant expressément que ces trois cylindres comportaient des protections anti-arrachage et anti-perçage ;

- variante : protection anti-perçage – en plus des goupilles en acier trempé –, absence de protection anti-arrachage – mais barre de liaison en Crome-Nickel incassable –, utilisation de cylindres Keso 4000S 41.215 ABS, 41.219 ABS et 41.214 ABS, les fiches techniques annexées – celle relative aux cylindres 41.215 concernant également les cylindres 41.415 – ne précisant rien quant à l’existence d’une protection anti-arrachage et indiquant sous « ABS » qu’il n’y avait pas de protection anti-perçage.

3) Le 14 mars 2016, Jean Musina SA a été reçue à l’OBA pour une séance de clarification.

Conformément aux réponses manuscrites figurant sur le questionnaire de clarification, la variante no 3 était la variante chiffrée et ne comportait pas de protections anti-perçage, ni anti-arrachage.

4) a. Dans un courrier du 15 mars 2016, Jean Musina SA a mentionné sa « variante 3 chiffrée » et indiqué que les cylindres Keso 4000S garantissaient une protection efficace contre l’effraction, notamment l’arrachage. Les goupilles en acier trempé apportaient de plus une protection supplémentaire contre le perçage.

b. La fiche technique annexée, relative aux cylindres 4000S 41.215 et 41.415, n’indiquait rien quant à l’existence d’une protection anti-arrachage et précisait sous « ABS » qu’il n’y avait pas de protection anti-perçage.

5) Le 30 mars 2016, l’OBA a demandé à Jean Musina SA de fournir les attestations du modèle de cylindre proposé et chiffré dans son offre garantissant sa caractéristique antieffraction et anti-arrachage.

6) a. Le 13 avril 2016, Jean Musina SA a indiqué à l’OBA que le cylindre Keso 4000S 41.415 proposé dans son offre répondait à la norme EN 1303 de sécurité et avait une résistance à l’attaque de grade 1. Ce produit garantissait une protection efficace contre l’effraction, notamment l’arrachage.

b. Elle a joint à son courrier deux documents. Selon une notice explicative de la norme EN 1303 – 2005, le grade 0 de résistance à l’attaque n’avait pas de résistance au perçage, ni aux attaques mécaniques, le grade 1 correspondait à « 3/5 minutes de résistance au perçage, résistance aux attaques mécaniques (niveau 1) » et le grade 2 à « 5/10 minutes de résistance au perçage, résistances aux attaques mécaniques (niveau 2) ». À teneur d’une attestation, la série 41.459, avec notamment le système Keso 4000 41.415, avait une résistance à l’attaque de grade 1.

7) Selon le rapport d’adjudication du 27 juin 2016, la variante no 1 de Jean Musina SA correspondait en réalité à son offre de base et ses deux variantes, non chiffrées et techniquement non conformes, n’étaient pas recevables. La variante de Scholl-Metal SA n’était pas non plus recevable. Jean Musina SA obtenait la note finale de 367,50 et Scholl-Metal SA celle de 344,16.

8) Par décision du 13 juillet 2016, l’OBA a adjugé le marché à Jean Musina SA.

9) Par acte du 20 juillet 2016, référencé sous cause A/2454/2016, Scholl-Metal SA a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision.

10) Le 3 août 2016, l’OBA a confirmé à Jean Musina SA la commande des travaux conformément à son offre du 4 janvier 2016.

11) Par décision du 31 août 2016, l’OBA a annulé sa décision du 13 juillet 2016, a exclu l’offre de Jean Musina SA et l’a informée que le marché avait été adjugé à Scholl-Metal SA.

Suite au recours déposé par Scholl-Metal SA, il avait procédé à des vérifications, dont il ressortait que l’offre de Jean Musina SA n’était pas conforme au cahier des charges, la variante no 1 n’étant pas chiffrée et la variante no 3, chiffrée, proposant des cylindres sans protections anti-arrachage, ni anti-perçage.

12) Par décision du 2 septembre 2016 (ATA/744/2016), notifiée également à Jean Musina SA en sa qualité d’appelée en cause, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a déclaré la cause A/2454/2016 sans objet et l’a rayée du rôle.

13) Par acte du 12 septembre 2016, référencé sous cause A/2994/2016, Jean Musina SA a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision du 31 août 2016, concluant à son annulation, à la confirmation de l’adjudication en sa faveur selon la « décision du 3 août 2016 » et à la condamnation de l’OBA à tous les frais et « dépens ».

L’OBA avait erré en retenant que son offre n’était pas conforme au cahier des charges, l’offre chiffrée portant précisément sur des matériels aux caractéristiques anti-perçage et anti-arrachement.

14) Le 21 septembre 2016, l’OBA a confirmé à Scholl-Metal SA la commande des travaux conformément à son offre du 4 janvier 2016.

15) Par réponse du 12 octobre 2016, l’OBA a conclu au rejet du recours.

Jean Musina SA avait présenté trois variantes, mais pas d’offre de base, de sorte que son offre aurait pu être écartée. L’OBA avait cependant considéré que la variante no 1, avec protections anti-arrachage et anti-perçage et correspondant donc au descriptif, pouvait être acceptée. Il avait retenu à tort qu’il s’agissait de la variante chiffrée, l’offre n’étant pas claire et ne comportant aucune indication sur le numéro de la variante chiffrée. Par ailleurs, Jean Musina SA n’avait fourni aucune fiche technique avec son offre initiale, motif pour lequel son offre aurait également pu être écartée. Finalement, en ne chiffrant que la variante no 3, non conforme au cahier des charges, Jean-Musina SA n’avait pas déposé d’offre de base recevable, ses variantes étant irrecevables et son offre devant être exclue.

Jean Musina SA avait elle-même indiqué dans le cahier des réponses fonctionnelles et techniques que sa variante était sans protections anti-arrachage, ni anti-perçage. Elle ne pouvait prétendre, sur la base des documents fournis après le délai de remise des offres, que son produit était conforme. Le produit offert, Keso 41.215 sans l’option ABS, était encore moins performant que celui proposé en variante par Scholl-Metal SA, Keso 41.215 avec ABS, cette dernière variante ayant été exclue car elle ne respectait pas un élément essentiel du cahier des charges.

16) Le 26 octobre 2016, Jean Musina SA a réexpliqué qu’il existait trois degrés de sécurité. Dans la construction, les grades 0 et 1 étaient généralement utilisés. Le grade 2, très peu utilisé, l’était notamment pour des locaux de banques. L’appel d’offres ne précisant pas le grade, Jean Musina SA avait proposé des produits de grade 1 et avait répondu qu’il n’y avait pas de protections anti-arrachage, ni anti-perçage car il ne s’agissait pas de grade 2, ce que l’OBA avait compris. Le grade 1 répondait au cahier des charges. Son offre devait être comparée à la variante de Scholl-Metal SA, proposant des produits de grade 1. L’offre de base de cette dernière correspondait à des produits de grade 2, degré de sécurité inutilement élevé.

17) Le 28 octobre 2016, l’OBA et Scholl-Metal SA ont conclu le contrat d’entreprise relatif au marché adjugé.

18) Le 31 octobre 2016 a eu lieu une audience de comparution personnelle.

a. Jean Musina SA a confirmé son recours et repris des points développés auparavant. S’il avait été indiqué que la variante no 3 n’avait pas de protections anti-arrachage, ni anti-perçage, c’était en relation avec la variante no 1, qui offrait la sécurité maximum.

b. L’OBA a maintenu sa position et repris des éléments exposés précédemment. Le rapport d’adjudication du 27 juin 2016, désormais annulé, comportait une inégalité de traitement, puisque la variante de Scholl-Metal SA, écartée, correspondait, à quelques nuances près, à celle de Jean Musina SA, retenue à l’époque.

19) Par réplique du 7 novembre 2016, Jean Musina SA a persisté dans son recours, reprenant et complétant l’argumentation formulée auparavant.

La variante no 1 visait des produits de grade 2, la variante no 2 des produits de grade 1 avec ABS et la variante no 3 des produits de grade 1 sans ABS. La variante de Scholl-Metal SA était conforme au cahier des charges et n’était pas irrecevable. Lors de la séance de la séance du 14 mars 2016, la secrétaire de l’OBA s’était trompée en indiquant qu’il n’y avait pas de protection anti-arrachage et anti-perçage.

20) Par requête du même jour, Jean Musina SA a sollicité l’octroi de l’effet suspensif à son recours, reprenant des éléments déjà exposés et précisant que Scholl-Metal SA n’avait pas été à même d’effectuer de commande pour exécuter le marché.

21) Dans sa détermination du 18 novembre 2016, l’OBA a conclu au rejet de la requête d’octroi de l’effet suspensif et à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le contrat avait été conclu par l’envoi de la confirmation de commande le 21 septembre 2016. En ce qu’il concluait à l’annulation de la décision du 31 août 2016, le recours était irrecevable.

Jean Musina SA était tout au plus parvenue à démontrer que son produit pouvait constituer une variante moins chère, satisfaisant aux besoins de l’OBA, mais pas que son offre était conforme aux spécifications techniques demandées.

22) Le 9 décembre 2016, Jean Musina SA a maintenu sa requête d’octroi de l’effet suspensif et son recours, reprenant ses explications précédentes.

Même si la fiche du produit n’était pas précise à ce sujet, le cylindre qu’elle proposait était également anti-perçage et anti-arrachage.

23) Le 13 décembre 2016, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Le marché offert est notamment soumis à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), à la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’AIMP du 9 août 1997 (L-AIMP - L 6 05.0) et au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01)

2) Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 15 al. 1, 1bis et 2 AIMP ; art. 3 al. 1 L-AIMP ; art. 55 et 56 al. 1 RMP ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

3) L’autorité intimée affirme que le recours serait irrecevable, car le contrat avec l’adjudicataire a déjà été conclu.

a. La qualité pour recourir en matière de marchés publics se définit en fonction des critères de l’art. 60 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), applicable sur renvoi de l’art. 3 al. 4 L-AIMP. Elle appartient aux parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée, chacune de celles-ci devant néanmoins être touchée directement par la décision et avoir un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu’il s’agisse d’intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/528/2016 du 21 juin 2016 consid. 3a et les références citées).

b. En matière de marchés publics, l'intérêt actuel du soumissionnaire évincé est évident tant que le contrat n'est pas encore conclu entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire, car le recours lui permet d'obtenir la correction de la violation commise et la reprise du processus de passation. Mais il y a lieu d'admettre qu'un soumissionnaire évincé a aussi un intérêt actuel au recours lorsque le contrat est déjà conclu avec l'adjudicataire, voire exécuté, car il doit pouvoir obtenir une constatation d'illicéité de la décision pour pouvoir agir en dommages-intérêts (ATF 137 II 313 consid. 1.2.2 ; ATA/1056/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3c et les références citées). Le recourant qui conteste une décision d’adjudication et déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l’illicéité de l’adjudication, que des dommages-intérêts soient réclamés ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006 consid. 2 ; ATA/283/2016 du 5 avril 2016 consid. 3b).

c. En l’espèce, le contrat entre l’autorité intimée et l’adjudicataire a été conclu le 28 octobre 2016. La recourante, qui a conclu à l’annulation de la décision litigieuse, a cependant maintenu son recours après avoir eu connaissance de la conclusion du contrat, de sorte qu’elle a implicitement conclu à la constatation de l’illicéité de l’adjudication. Elle garde ainsi un intérêt actuel à contester la décision attaquée.

La recourante a par conséquent la qualité pour recourir et son recours sera déclaré recevable.

4) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’autorité intimée prononçant l’annulation de la décision d’adjudication du 13 juillet 2016, l’exclusion de l’offre de la recourante et l’adjudication du marché à Scholl-Metal SA.

5) Il convient préalablement d’examiner si l’autorité intimée pouvait annuler sa décision d’adjudication en faveur de la recourante.

a. L'adjudication peut être révoquée, sans indemnisation, pour l'un des motifs énoncés à l'art. 42 RMP(art. 48 RMP). Il peut notamment s’agir de motifs propres à l’adjudicataire, telles les exigences générales de participation à un marché public, relatives au respect des conditions sociales de travail, de paiement des impôts et des cotisations sociales (ATA/232/2016 du 15 mars 2016 consid. 5 ; Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2014, p. 230 n. 364 ; Martin BEYELER, Der Geltungsanspruch des Vergaberechts, 2012, p. 1501 n. 2738). Il doit s’agir de motifs qui rendent la conclusion d’un contrat avec l’adjudicataire impossible, inexigible ou contraire au droit des marchés publics (ATA/232/2016 précité consid. 5 ; Martin BEYELER, ibid.).

L’art. 48 RMP utilisant une formule potestative concernant l’exercice du droit de révocation, une liberté d’appréciation est reconnue au pouvoir adjudicateur dans la prise d’une telle décision, que celui-ci l’exerce à la suite d’une pesée des intérêts pour respecter le principe de la proportionnalité (ATA/232/2016 précité consid. 5 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 2.4.3.1 p. 383).

b. Dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en est l’objet passe à l’autorité de recours (art. 67 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Toutefois, l’autorité de première instance peut, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision. En pareil cas, elle notifie, sans délai, sa nouvelle décision aux parties et en donne connaissance à l’autorité de recours (art. 67 al. 2 LPA). L’autorité de recours continue à traiter le recours dans la mesure où la nouvelle décision ne l’a pas rendu sans objet (art. 67 al. 3 LPA).

c. En l’espèce, lors de son annulation par l’autorité intimée, la décision du 13 juillet 2016 n’était pas en force. La décision d’adjudication en faveur de la recourante a en effet été annulée pendant la procédure du recours à son encontre, de sorte que l’autorité intimée était alors en principe libre de la reconsidérer ou la retirer, en application de l’art. 67 al. 2 LPA.

En tout état de cause, les conditions d’une révocation de la décision du 13 juillet 2016 étaient également remplies.

6) a.  L'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L'autorité adjudicatrice rend une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours (art. 42 al. 3 RMP).

b. Comme la chambre administrative l’a rappelé à plusieurs reprises, le droit des marchés publics est formaliste et c’est dans le respect de ce formalisme que l’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation (ATA/732/2016 du 30 août 2016 consid. 4 ; ATA/641/2016 du 26 juillet 2016 consid. 6). Ce formalisme permet de protéger notamment le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP (ATA/732/2016 précité consid. 4 ; ATA/175/2016 du 23 février 2016 consid. 4).

L’interdiction du formalisme excessif, tirée de la garantie à un traitement équitable des administrés énoncée à l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité. C’est dans ce sens que des erreurs évidentes de calcul et d’écriture peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et que des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires relatives à leurs aptitudes et à leurs offres (art. 40 et 41 RMP). Le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive, et seulement lorsque l’offre est, au demeurant, conforme aux conditions de l’appel d’offres (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/ Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 110 ; Olivier RODONDI, La gestion de la procédure de soumission, in Droit des marchés publics, 2008, p. 186 n. 63).

À cet égard, même les auteurs qui préconisent une certaine souplesse dans le traitement des informalités admettent que l’autorité adjudicatrice dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres, pour autant qu’elle applique la même rigueur, respectivement la même flexibilité, à l’égard des différents soumissionnaires (ATA/732/2016 précité consid. 4 ; ATA/175/2016 précité consid. 4 ; ATA/586/2015 du 9 juin 2015 consid. 11c ; Olivier RODONDI, Les délais en droit des marchés publics in RDAF 2007 I 187 et 289).

Les principes précités valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions (Olivier RODONDI, op. cit. p. 186 n. 65). Lors de celle-ci, l’autorité adjudicatrice doit examiner si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation proprement dite et il est exclu d’autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents. En outre, en matière d’attestation, l’autorité adjudicatrice peut attendre d’un soumissionnaire qu’il présente les documents requis, rédigés d’une manière qui permette de déterminer, sans recherche complémentaire, interprétation ou extrapolation, si celui-ci remplit les conditions d’aptitude ou d’offre conformes à ce qui est exigé dans le cahier des charges (ATA/175/2016 précité consid. 4 ; ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 et 2C_198/2010 du 30 avril 2010).

L'épuration des offres consiste en un examen approfondi des indications techniques et des chiffres figurant dans les offres, afin de rendre les offres objectivement comparables entre elles. Elle constitue un préalable à la phase d'évaluation des offres sur la base des critères d'adjudication. Si l'offre proposée n'est pas conforme aux conditions de l'appel d'offres, elle sera exclue comme non conforme à l'objet du marché (ATA/1216/2015 du 10 novembre 2015 consid. 5c et les références citées).

Le Tribunal fédéral a jugé que la garantie constitutionnelle de l’interdiction du formalisme excessif n'oblige pas le pouvoir adjudicateur à interpeller un soumissionnaire en présence d'une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.5).

La chambre administrative s'est toujours montrée stricte dans ce domaine (ATA/732/2016 précité consid. 4  et les références citées), ce que le Tribunal fédéral a constaté mais confirmé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_418/2014 du 20 août 2014), la doctrine étant plus critique à cet égard (Olivier RODONDI, op. cit. p. 186 n. 64 et p. 187 n. 66).

c. En l’espèce, la recourante a déposé une offre composée de trois variantes, sans en désigner une comme l’offre de base et n’en chiffrant qu’une seule, sans préciser laquelle. Elle n’a par ailleurs joint à son offre aucune fiche technique établissant les caractéristiques des cylindres proposés et permettant de déterminer le respect des exigences du cahier des charges. La recevabilité de l’offre de la recourante était ainsi, au regard de ces éléments, déjà douteuse.

En tout état de cause, lors de la séance de clarification, la recourante a indiqué que l’offre de base chiffrée correspondait à la variante no 3. Or, il ressort du dossier que les cylindres offerts dans cette variante ne comportent pas de protection antieffraction, alors que le cahier des charges fonctionnel et technique exigeait spécifiquement une telle protection.

En effet, si la recourante affirme désormais que les cylindres proposés offriraient une certaine protection anti-arrachage et anti-perçage, du fait de leur grade 1 selon la norme EN 1303, et répondraient aux conditions du cahier de charges, cette argumentation ne convainc pas. La recourante a elle-même indiqué le contraire à plusieurs reprises. Ainsi, dans le cahier des réponses fonctionnelles et techniques figurant dans son offre, elle a précisé que sa variante no 3 ne comportait pas de protections anti-arrachage, ni anti-perçage, tout en essayant de pallier cette absence de protection en démontrant qu’une certaine sécurité contre l’arrachage et le perçage était quand même fournie du fait des goupilles en acier et de la barre de liaison. Elle a ensuite confirmé, lors de la séance de clarification, l’absence de protections anti-arrachage et anti-perçage dans son offre de base, conformément aux notes manuscrites figurant sur le formulaire de clarification. À cela s’ajoute le fait que, selon les déclarations de la recourante elle-même, sa variante no 3 s’apparente à la variante de l’adjudicataire, comme le confirme d’ailleurs le fait que les deux variantes proposent des cylindres Keso 4000S 41.215 ou 41.415, faisant l’objet de la même fiche technique et comportant des caractéristiques similaires. Or, l’adjudicataire a également indiqué, dans le cahier des charges fonctionnel et technique relatif à sa variante, que celle-ci ne comportait pas de protection anti-arrachage, ce qui confirme que l’offre de base de la recourante n’inclut pas la protection antieffraction demandée. À ce qui précède s’ajoute encore le fait que la fiche technique fournie par la recourante le 15 mars 2016 concernant les cylindres Keso 4000S 41.215 et 41.415, de même que la fiche technique concernant les mêmes cylindres figurant dans le dossier d’offre de l’adjudicataire, mentionnent toutes deux expressément, sous « ABS », que ces cylindres ne fournissent pas de protection anti-perçage, et ne comportent pas d’indications concernant la protection anti-arrachage, ce qui confirme que les cylindres en cause n’en ont pas. La comparaison de ces fiches techniques avec celles relatives aux cylindres proposés par l’adjudicataire dans son offre de base confirme cette conclusion, ces dernières fiches mentionnant expressément que les cylindres concernés comportent les deux types de protection.

Il ressort par conséquent de l’ensemble du dossier que la variante no 3 de la recourante, qu’elle indique être son offre de base, ne fournit pas la protection antieffraction exigée par le cahier des charges fonctionnel et technique, de sorte qu’elle n’est pas conforme audit cahier des charges. L’autorité intimée était dès lors fondée à exclure l’offre de la recourante.

Vu l’existence d’un motif d’exclusion de l’offre de la recourante au sens de l’art. 42 al. 1 let. a RMP, il existait également un motif de révocation de la décision d’adjudication du 13 juillet 2016. Par ailleurs, l’intérêt public au respect d’un élément essentiel du cahier des charges et de la procédure en matière de marchés publics l’emporte sur l’intérêt privé de la recourante à obtenir l’adjudication du marché, ceci d’autant plus au regard de la recevabilité initialement déjà douteuse de son offre. L’autorité intimée étaitainsi également fondée à annuler la décision d’adjudication en faveur de la recourante.

7) Dans ces circonstances, la décision d’annulation de la décision du 13 juillet 2016, d’exclusion de l’offre de la recourante et, par conséquent, d’adjudication du marché à l’adjudicataire est conforme au droit et le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

Le présent arrêt au fond rend sans objet la requête d’octroi de l’effet suspensif, en tout état de cause formulée après la conclusion du contrat entre l’autorité intimée et l’adjudicataire.

Par ailleurs, vu les circonstances et la situation juridique du cas d’espèce, la situation de Scholl-Metal SA n’était pas susceptible d’être affectée par l’issue de la présente procédure, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de l’appeler en cause (art. 71 al. 1 LPA). Le présent arrêt lui sera néanmoins notifié, pour information.

8) Vu l’issue du litige et compte tenu de l’absence de décision sur effet suspensif, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 septembre 2016 par Jean Musina SA contre la décision de l’office des bâtiments du 31 août 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Jean Musina SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

 si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale sur les marchés publics du 16 décembre 1994 ou de l’accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics du 21 juin 1999 ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guillaume Ruff, avocat de la recourante, à l'office des bâtiments, à la commission de la concurrence (COMCO), ainsi que, pour information à Scholl-Metal SA.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :