Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3281/2018

ATA/1369/2018 du 18.12.2018 sur DITAI/416/2018 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3281/2018-PE ATA/1369/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 décembre 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ agissant en son nom et au nom de ses enfants mineurs B______ et C______
représentée par Me Imed Abdelli, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2018 (DITAI/416/2018)


EN FAIT

1. Madame A______, née le ______ 1982, est ressortissante du Népal.

2. Par décision du 20 août 2015, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour, ainsi qu'à ses enfants mineurs B______ et C______.

Les recours formés par Mme A______ contre cette décision ont été successivement rejetés, en dernier lieu le 7 mai 2018 par le Tribunal fédéral.

3. Par courrier du 18 juillet 2018, Mme A______ a saisi l'OCPM d'une demande d'autorisation de séjour en sa faveur et celle de ses enfants, fondée sur un cas d'extrême gravité au sens de l'art. 30 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

4. Après avoir donné à Mme A______ l'occasion de s'exprimer, l'OCPM a, par décision du 18 août 2018, refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération.

5. Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) par acte du 19 septembre 2018, concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour. Préalablement, elle a requis l’effet suspensif.

6. Statuant par jugement du 20 septembre 2018, le TAPI a rejeté la requête d’effet suspensif et de mesures provisionnelles. La nouvelle demande d’autorisation de séjour constituait une demande de reconsidération. Or, cette dernière n’entraînait pas d’interruption de délai ni d’effet suspensif. Par ailleurs, le TAPI ne pouvait, à titre de mesures provisionnelles, autoriser la recourante et ses enfants à demeurer en Suisse pendant la durée de la procédure, sauf à encourager le fait de ne pas se soumettre à une décision exécutoire et définitive. En outre, l’intérêt de la recourante et de ses enfants à rester en Suisse n’avait pas évolué de manière particulière par rapport à la situation dont il avait été tenu compte dans la précédente procédure.

7. Par acte du 4 octobre 2018, Mme A______, agissant en son nom et en celui de ses enfants, a recouru contre ce jugement, dont elle a sollicité l’annulation. Elle a conclu à l’octroi de l’effet suspensif au recours pendant devant le TAPI.

Elle a renvoyé à ses explications devant le TAPI. La procédure de reconsidération ne s’opposait nullement au prononcé de l’effet suspensif. La recourante avait subi un « acharnement trop douteux » de la part de la personne en charge de son dossier auprès du Secrétariat aux migrations (ci-après : SEM). Elle avait d’ailleurs déposé une demande de récusation et d’enquête administrative contre celle-ci et s’était réservé la possibilité de dénoncer les faits pénalement. Elle devait ainsi pouvoir rester en Suisse pour suivre cette requête et y participer. Sa demande du 18 juillet 2018 constituait « sous l’angle de l’art. 30 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), une nouvelle demande » et « sous l’angle de la décision du 15 août 2015, une demande de reconsidération ». Le TAPI n’avait pas effectué la balance des intérêts en présence. L’intérêt de la recourante à pouvoir rester en Suisse jusqu’à ce que la procédure soit terminée l’emportait sur l’intérêt public à son éloignement. Elle pouvait ainsi suivre la procédure ouverte contre l’employé du SEM et l’aîné de ses enfants, âgé de huit ans et né en Suisse, ne verrait pas sa scolarité interrompue et, avec son frère, ne serait pas brutalement séparé de son père.

8. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les recourants faisaient l’objet d’une décision de refus d’autorisation de séjour et de renvoi prononcée le 20 août 2015, qui était définitive et exécutoire. L’admission de mesures provisionnelles reviendrait à leur octroyer leurs conclusions, contrairement à la volonté du législateur.

9. Les recourants n’ayant pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La question de savoir si le TAPI a violé le droit d’être entendu des recourants du fait qu’il leur a notifié la détermination de l’OCPM sur effet suspensif après avoir rendu la décision querellée peut demeurer indécise dès lors que, quand bien même tel serait le cas, une telle violation serait réparée dans la procédure de recours.

En effet, les recourants ont pu prendre connaissance de la détermination précitée et se déterminer à ce sujet dans la procédure devant la chambre de céans, qui dispose du même pouvoir d’examen que le TAPI (sur la réparation de la violation du droit d’être entendu voir ATA/749/2018 du 18 juillet 2018 consid. 7a ; ATA/1569/2017 du 5 décembre 2017 consid. 3c).

3. a. L'effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d’une prestation ou d'une autorisation. La fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l’objet du contentieux judiciaire n’existait pas, l’effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344). Dans cette dernière hypothèse, seul l’octroi de mesures provisionnelles est envisageable (ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b ; ATA/603/2011 du 23 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/280/2009 du 11 juin 2009 et ATA/278/2009 du 4 juin 2009).

b. L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4).

L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3). Elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ibidem). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsogliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

c. Lorsqu’elle statue sur mesures provisionnelles, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation, qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

d. En l’espèce, les recourants font l’objet d’une décision de refus d’autorisation de séjour et de renvoi du 20 août 2015, confirmée en dernier lieu par le Tribunal fédéral le 7 mai 2018. Partant, ils ne disposent plus d’aucun titre de séjour. La décision de l’OCPM refusant d’entrer en matière sur la demande de reconsidération formée le 18 juillet 2018 ne met pas un terme à un droit existant. Par conséquent, l’éventuel octroi de l’effet suspensif que réclament les recourants serait dénué de portée, dès lors qu’il emporterait le maintien de la situation existante avant le prononcé de la décision querellée, à savoir l’absence d’autorisation de séjour. Seul entre ainsi en considération le prononcé de mesures provisionnelles.

Or, un tel prononcé ne se justifie pas en l’espèce. Si, certes, le retour de la recourante au Népal avec ses enfants, tous deux nés en Suisse, constitue un déracinement important pour ceux-ci, il convient de relever que la présente procédure fait suite à une procédure ayant déjà examiné les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour. La situation n’est donc pas comparable à celle où le refus de renouveler ou d’octroyer une autorisation de séjour est soumis pour la première fois à l’examen des autorités judiciaires. Par ailleurs, la première procédure a déjà porté sur la question de savoir si la recourante pouvait se prévaloir d’un cas d’extrême gravité au sens des art. 30 LEtr et 31 OASA. Ainsi, le fait de ne pas se conformer à une décision exécutoire et définitive et de déposer une demande de reconsidération ou une nouvelle demande ne suffit pas pour fonder un intérêt prépondérant à demeurer en Suisse pendant la durée de cette nouvelle procédure.

En outre, la recourante étant assistée d’un avocat, celui-ci pourra suivre la procédure ouverte contre l’employé du SEM. Elle n’expose pas en quoi sa présence en Suisse serait indispensable pour faire valoir ses droits dans cette procédure. Par ailleurs et contrairement à ce qu’elle soutient, le refus de mesures provisionnelles ne rend pas sans objet son recours ; il implique uniquement qu’elle attende l’issue de la procédure à l’étranger. Enfin, les irrégularités qu’elle reproche à un employé du SEM, qui lui aurait fait subir « une injustice grave en subissant un acharnement trop douteux », ne sont, à ce stade, pas rendues vraisemblables. Ainsi, le recours devant le TAPI n’apparaît, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas manifestement fondé.

Au vu de ces éléments, le recours devra être rejeté et le jugement querellé confirmé.

4. Compte tenu de l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants, et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 octobre 2018 par Madame A______ agissant en son nom et au nom de ses enfants mineurs B______ et C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ agissant en son nom et au nom de ses enfants mineurs B______ et C______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Imed Abdelli, avocat des recourants, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Junod et Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.